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Les papillons en Enfer : la Petite Tortue et le...

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Les papillons décrits par Aldrovandi en 1602....

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Traduction et origines des inscriptions figurant dans Animalia rationalia et insecta (Ignis) de Joris Hoefnagel, 1575-1582.

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   Traduction et origines des INSCRIPTIONS

figurant dans Animalia rationalia et insecta (Ignis) de Joris Hoefnagel, 1575-1582.

( Première partie,  Planches 1 à 47) 

 

 

Préambule.

Joris Hoefnagel, 1575-1582, Elementa depicta Pars III :Ignis.

  A la cour de Rodolphe II, l'empereur germanique à qui cette œuvre a été offerte, et aussi dans toute l'Europe savante de la fin du XVIe siècle, l'engouement pour les livres d'emblèmes était  très vif, tout comme le goût pour les Adages, les Maximes, les Enigmes, les  Aphorismes et autres Citations d'auteurs antiques. Mais la consultation des Emblemata ...Insectis  de Camerarius L'Ancien, parus en 1596, permet de réaliser combien ces considérations peuvent nous paraître dénuées d'intérêt. Au contraire, les quatre volumes des Elementa de Joris Hoefnagel exercent encore un attrait qui est du sans doute à la qualité exceptionnelle des peintures, selon un art hérité des enlumineurs flamands, mais aussi au charme des citations latines des Psaumes, d'Ovide ou  du poète Ausone, qui scandent planche après planche une méditation déjà baroque sur la beauté fugace des êtres, sur la vanité captivante de cette beauté, ou sur les abimes de persplexité où nous plongent la contemplation de la Nature. Les inscriptions successives, loin d'être d'aimables ornements littéraires, forment un corpus parfaitement construit et profondément cohérent qui énonce un programme humaniste d'un nouveau regard porté sur la nature comme objet d'étude : c'est la naissance de l'Entomologie.  

 

 

 

Page de titre du chapitre Ignis :

 

a) IGNIS (peu lisible dans le cartouche supérieur)  Animalia Rationalia et Insecta.

—Traduction :«  Le Feu. Animaux rationnels et Insectes ».

—Commentaire :

-IGNIS :

Le cartouche où s'inscrit ce mot est surmonté d'une lampe d'où s'élève une flamme claire.

Les trois autres volumes de ce recueil portent les titres suivants : TERRA Animalia quadrupedia et reptilia  ;  AQUA  Animalia aquatilia et conchiliata ; AIER  Animalia volatilia et amphibia. L'univers était, depuis Aristote, divisé en deux parties, le Cosmos parfait constitué d'Ether et où gravitent les astres immuables, et le monde sublunaire changeant et corruptible, constitué d'un mélange de Feu, d'Air, d'Eau et de Terre, éléments initialement séparés en sphères concentriques de la Terre vers le Feu.  Aux trois éléments  de la Terre, de l'Eau et de l'Air correspondent respectivement et  en toute logique les animaux terrestres (quadrupèdes et reptiles), aquatiques (avec aussi les crustacés et coquillages) et volatiles. Le volume consacré au Feu est le premier, dans un ordre qui ne doit rien au hasard : Feu/ Terre / Eau/ Air. Les quatre éléments déterminent la philosophie depuis Empédocle, les quatre qualités depuis Aristote ( " le feu est chaud et sec ; l'air est chaud et humide, puisque l'air est une sorte de vapeur ; l'eau est froide et liquide ; enfin, la terre est froide et sèche"), le classement scalaire des animaux depuis le Moyen-Âge ( en haut le phénix,  oiseau fabuleux lié au feu, puis les oiseaux dans les airs, suivis des poissons nageant dans l’eau, et  en bas de l'échelle  les quadrupèdes qui vivent sur l'élément terre), et la médecine depuis Hippocrate et la théorie des quatre humeurs..  

Mais on peut s'étonner de trouver, associé au noble élément Feu, les "Animaux rationnels", c'est-à-dire l'Homme, ainsi que les insectes, que l'on aurait volontiers tendance à mépriser ou à négliger. A cette époque, le Feu était liè à la Salamandre (un animal mythique censé vivre dans le feu et ne mourir que si celui-ci s'éteignait ; pour Paracelse, la Salamandre était l'esprit du Feu, sous les traits d'une belle femme. Hoefnagel créé donc un écart, un effet de surprise. "En associant ses insectes au feu, Hoefnagel les reliait  à l'élément le plus exceptionnel, l'élément associé à la génération et à la dématérialisation, le plus protéiforme, le plus dynamique, le plus insondable, et, dans l' Europe pré-moderne, le plus merveilleux. Et surtout, contrairement à la logique des autres volumes, le feu ne est pas le milieu dans lequel les insectes vivent. Au lieu de cela, il représente les propriétés qu'ils incarnent." (Hugh Raffles   Insectopedia page 131). Hoefnagel a été  l'un des premiers (voir infra Dürer) à élever des insectes comme sujet pictural indépendant. Auparavant, les insectes avaient été largement étudiés par Aristote et Pline, mais ce n' est qu'avec la publication d' Aldrovandi en 1602 qu'ils furent étudiés comme sujet de science. Selon l'idée platonicienne —répandue par l'académie néoplatonicienne de Florence autour de Laurent de Médicis à la fin du XVe siècle—d'un microcosme représentant un macrocosme, l'étude des mystères et des prodiges  contenus et exprimés dans les petits insectes permettait de mettre en évidence par effet de miroir  les mystères de la Création et du Créateur.

Si Hoefnagel donne aux insectes la première place, c'est aussi, tout simplement, parce qu'il s'agit de son sujet de prédilection : les illustrations qu'il en donne sont de lui, alors qu'il empruntera celle des mammmifères, des oiseaux et des poissons à des peintres qui l'ont  précédé.

Nous allons voir que le volume Ignis est principalement consacré aux insectes, et que seules les deux premières Planches traitent de l'Homme, d'une façon d'ailleurs inattendue.

 

- Animalia rationalia et insecta 

La définition de l'Homme comme "animalia rationalia" sera simplement pointée,  en lien avec Abelard (homo est animalum informum rationale et mortalitate), et annonçant Hobbes et son ""homo est corpus animatum rationale".

 

b) Signature Georgi Hoefnagel par monogramme G/HF.

Georgi[us] est la latinisation de Joris, prénom de l'artiste. Georgi. Hoefnagel est la signature que l'on rencontre sur les cartes et vues de ville qu'il réalisa pendant ses voyages en Francen Espagne ou Italie.

HF renvoie à Hoefnagel, nom de famille de l'artiste.  Il s'agit d'un nom d'origine flamande, dérivé de Houvenaghel,  littéralement "clou-sabot" en lien vraisemblable avec le  surnom donné à un maréchal-ferrant. Le mot nagel signifie clou, et hoef signifie sans doute sabot (cf l'allemand huf).  (Source : Geneanet.org).

 

c) inscription : Qui fecit Angelos spiritus suos: / Et ministros suos Ignem Vrentem

—Source : Psaume 103 [104] verset 4  : qui facis angelos tuos spiritus et ministros tuos ignem urentem

—Traduction : « tu fais des vents tes messagers, les éclairs* sont tes serviteurs » Bible du Semeur.

*"des flammes de feu" selon la trad. Louis Ségond. 

—Commentaire :

On remarque la présence dans le second verset du mot Ignem, "de Feu", et cette reprise du mot Ignis inciterait à interpréter ce verset hors de son contexte, comme si les insectes étaient des messagers flambants, angéliques et aériens (les papillons) ou des flammes fulgurantes. Mais il faut au contraire lire le Psaume 104 en entier, ce qui n'est pas un exercice laborieux puisqu'il s'y élève une magnifique hymne poètique à la Création et au Créateur. Car on y remarque immédiatement la présence des quatre éléments, ce qui incite alors à regarder les pages de titre des trois autres volumes Cette recherche est immédiatement récompensée par la découverte des versets suivants :

– Terra   Qui fúndasti terra súper stabilitatem túam:/ Non comouebitúr In secúlúm scúlo : C'est le verset 5 de la Vulgate qui fundasti terram super stabilitatem suam non inclinabitur in saeculum saeculi "Il a établi la terre sur ses fondements, Elle ne sera jamais ébranlée".  

– Aqua  Abissus sicut vestimentum amictus terrae super montes stabunt Aquae : C'est le verset 6  Abissus sicut vestimentum amictus terrae super montes stabunt Aquae "Tu l'avais couverte de l'abîme comme d'un vêtement, Les eaux s'arrêtaient sur les montagnes".

– Aier : Qui ponis Núbem, ascensum tuum: / Qui ambúlas Ventorum super-Pennas. C'est le verset 3 de la Vulgate :  qui ponis nubem ascensum tuum qui ambulas super pinnas ventorum  ; "Il prend les nuées pour son char, Il s'avance sur les ailes du vent."

Ainsi, Dieu  fait de la lumière son vêtement, du ciel sa tente, des nuées son char, des vents qui les emportent ses serviteurs, des flammes de feu qui en jaillissent ses messagers. 

D'autres versets de ce Psaume seront cités  dans d'autres planches :

  On retrouve le verset 33 sur la planche du Mira calligraphiae, folio 131  illustrant la lettre C, car ce verset Cantabo Domino commence par un C.

Ce Psaume 103 est donc emblématique non seulement du recueil tout entier, mais de l'artiste lui-même. Joris Hoefnagel est profondément religieux, dans un esprit proche des réformés protestants, et rien n'interdit de penser qu'il adresse par son œuvre une louange sincère à Dieu et qu'il reprend à son compte l'incipit du Psaume "Mon âme, bénis l’Éternel ! Éternel, mon Dieu, tu es infiniment grand ! Tu es revêtu d’éclat et de magnificence ! ". Mais ces citations pourraient aussi témoigner d'un esprit plus épicurien à la façon de Lucrèce dans son De Natura rerum, et s'intégrer dans un hymne cosmique ou panique plutôt que chrétien. 

 

 

Les pages 2 et 3.

 

 

a) Page de gauche, Inscription supérieure :

Pronaq [ue] cum spectent Animalia cetera terram: / os homini sublime dedit, Coelumq [ue] Tueri / Iubit, et erectos annonce Sydera tollere vultus

— Traduction : « l'homme, distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. »

— source :Cette citation est extraite du début des Métamorphoses d'Ovide, Livre I.

— Commentaire :

A la lumière des inscriptions précédentes, la lecture du texte d'Ovide s'éclaire singulièrement :

   "Inspiré par mon génie, je vais chanter les êtres et les corps qui ont été revêtus de formes nouvelles, et qui ont subi des changements divers. Dieux, auteurs de ces métamorphoses, favorisez mes chants lorsqu'ils retraceront sans interruption la suite de tant de merveilles depuis les premiers âges du monde jusqu'à nos jours.

Origine du monde (I, 5-20)

  Avant la formation de la mer, de la terre, et du ciel qui les environne, la nature dans l'univers n'offrait qu'un seul aspect; on l'appela chaos […] . L'air, la terre, et les eaux étaient confondus : la terre sans solidité, l'onde non fluide, l'air privé de lumière. Les éléments étaient ennemis; aucun d'eux n'avait sa forme actuelle. Dans le même corps le froid combattait le chaud, le sec attaquait l'humide; les corps durs et ceux qui étaient sans résistance, les corps les plus pesants et les corps les plus légers se heurtaient, sans cesse opposés et contraires.

Séparation des éléments (I, 21-75)

Un dieu, ou la nature plus puissante, termina tous ces combats, sépara le ciel de la terre, la terre des eaux, l'air le plus pur de l'air le plus grossier. [...] Le feu, qui n'a point de pesanteur, brilla dans le ciel, et occupa la région la plus élevée. Au-dessous, mais près de lui, vint se placer l'air par sa légèreté. La terre, entraînant les éléments épais et solides, fut fixée plus bas par son propre poids. La dernière place appartint à l'onde, qui, s'étendant mollement autour de la terre, l'embrassa de toutes parts. […] À peine tous ces corps étaient-ils séparés, assujettis à des lois immuables, les astres, longtemps obscurcis dans la masse informe du chaos, commencèrent à briller dans les cieux. Les étoiles et les dieux y fixèrent leur séjour, afin qu'aucune région ne fût sans habitants. Les poissons peuplèrent l'onde; les quadrupèdes, la terre; les oiseaux, les plaines de l'air.

Création de l'homme (I, 76-88)

Un être plus noble et plus intelligent, fait pour dominer sur tous les autres, manquait encore à ce grand ouvrage. L'homme naquit : et soit que l'architecte suprême l'eût animé d'un souffle divin, soit que la terre conservât encore, dans son sein, quelques-unes des plus pures parties de l'éther dont elle venait d'être séparée, et que le fils de Japet, détrempant cette semence féconde, en eût formé l'homme à l'image des dieux, arbitres de l'univers; l'homme, distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l'homme, jusqu'alors inconnue à l'univers."

Parmi les animaux de la Création, l'Homme est celui qui contemple les astres et lève la tête vers les Cieux : dans la logique de louange et d'action de grâce sous laquelle Hoefnagel a placé son œuvre, il est celui pour qui  l'observation (dans laquelle le rôle de la vision est central) ne se dissocie pas de l'admiration. 

 

b) inscription centrale :

PETRVS GONSALVS Alumnus REGIS GALLORVM. Ex Insulis Canariae ortus : Me Teneriffa tulit: villos sed Corpore toto Sparsit opùs mirúm naturae: Gallia, mater Altera, me púerùm nútruit adusque virilem Aetatem: docúitque feros deponere mores Ingenúasque artes, lingúam que sonare latinam. Contigit et forma praestanti múnere Diúúm Coniúnx, et Thalami charissima pignora nostri. Cernere naturae licet hinc tibi múnera: nati Qúod referúnt alij matrem formaque colore, ast alij patrem vestiti crine sequuntur.

Conparuit Monachij boiorum A°: 1582:

 

— Tentative de traduction « Petrus Gonsalvus fils adoptif du roi de France. Je suis né aux Îles Canaries et originaire de Tenerife ; mais des poils recouvrent tout mon corps, œuvre prodigieuse de la nature ; la France, mon autre Mère, m'a élevé jusqu'à l'âge adulte, et m'a enseigné les bases de la morale, des arts libéraux, et la langue et les sonorités latines. Puis j'ai épousé ma très chère et incomparable épouse, cadeau des dieux. Ici, vous pouvez voir les cadeaux de la nature: certains de mes enfants ressemblèrent à leur mère, et d'autres héritèrent de la pilosité de leur père. Il est venu à Munich en Bavière durant l'année 1582. »

 — Commentaire :

Comme spécimen de la race humaine, Hoefnagel présente, par un choix qui demande à être analysé, l'un de ses "monstres", terme qui, en latin, voisine avec monstrare "montrer" et qui exprime qu'à l'époque, ce qui est atypique relève du merveilleux, du prodige ou du miracle et témoigne de la grandeur insondable de Dieu. 

  Ce texte est une déclaration qui est censée être rédigée par l'homme dont le portrait se trouve à la page voisine. Elle adopte le même style que les lettres que des personnages semblables (comme sa fille Antonieta) tiennent sur leur portrait pour se présenter. Cette homme est Pedro Gonzales, latinisé en Petrus Gonsalvus. 

 Pedro Gonzales est né vers 1537 à Tenerife, dans les îles Canaries dans une famille de la noblesse locale ; il était atteint d'une maladie héréditaire —sous le mode autosomique dominant— rarissime dont il est le premier cas connu,  l'hypertrichose (ou hypertrichosis lanuginosa), bien différente de l'hirsutisme : son visage et tout son corps était couvert de longs poils lui conférant une allure bestiale. Mais on oublie souvent de mentionner que cela s'accompagne d'un facies acromégaloïde, avec épaissisement des traits qui accentue cette apparence animale.

   Comme pour le nanisme (les nains de cour étaient nombreux, comme le nain Triboulet de François Ier ou ceux de la cour d'Espagne), les personnes frappés par ces difformités corporelles étaient considérées soit  comme des suppôts redoutés du Diable ou comme des  envoyés miraculeux de Dieu. Ce type de prodige étaient recherchés dans les cours princières au titre des Curiositas ou des Mirabilia dont la possession renforçaient le prestige,  et en raison de ses caractéristiques particulières, Pedro Gonzales a été offert à l'âge de 10 ans au Roi Henri II de France, qui s'enticha du jeune garçon et lui donna la meilleure éducation (assurée par les précepteurs royaux Pierre Danès, Jacques Amyot et Robert Estienne et où il apprit le latin). Surnommé alors le « sauvage du Roi », il devint, au cours des décennies suivantes, l'un des lettrés les plus fréquentés de Paris, et occupa des postes à la cour, successivement Gentilhomme de la Chambre puis Aide-Panetier royal. Le roi mit à sa disposition une partie du parc de Fontainebleau afin de lui offrir environnement naturel et protection, et où on le considéra d'abord comme un singe familier avant de s'intéresser à lui de plus en plus. Cet  « homme-singe » ou "homme sauvage" fascinant participait régulièrement aux manifestations sociales, habillé de vêtements de cour. 

  Deux cent ans plus tard, la façon dont le jeune prodige Mozart fut reçu dans les capitales européennes témoignait encore de cette curiosité ambiguë mêlée de mépris que suscitent les exceptions.

 

c) inscription inférieure :

Sed puor hec Hominis cura est, cognoscere terram / ​​Et nunc quae miranda tulit Natura, notare.

— Traduction : « Mais le premier souci de ceux qui en sont les maîtres est de connaître la terre, et de noter les merveilles que la nature a étalées maintenant : c'est là pour nous une grande tâche, qui nous rapproche des astres célestes »

Source : Il s'agit des vers 251-252 du poème l'Etna

L'Etna est un poème descriptif et scientifique de 644 hexamètres datant de 44 à 50 av. J.C., longtemps attribué à Virgile (juvenilia), bien qu'en 1549 il soit dit "Incerti authoris" dans les Epigrammata, in P. Virgilis Maronis Opera. Une fois de plus, la lecture élargie du texte lui-même est gratifiante. Elle montre que Hoefnagel veille scrupuleusement à la cohérence de son thème du Feu, tout en poursuivant sa méditation sur la place de l'homme au sein de la création. En effet, dans ces vers, le poète, après avoir  entrepris de chanter l'Etna et la cause de ses éruptions, écarte les explications fabuleuses et  donne au phénomène une explication scientifique, due à l'existence au sein de la terre de canaux aériens, où passent des vents.  Dans les vers 537-566, il célèbre la puissance invincible du feu de l'Etna  et loue la fertilité du sol que ce feu autorise.

 

 "...ne pas souffrir que toutes les merveilles qui s'étendent devant nous dans le monde immense demeurent éparpillées et enfouies dans le monceau des phénomènes, mais au contraire démêler les caractéristiques de chacune et les disposer à leur place déterminée, voilà une divine volupté de l'esprit et fort agréable. Mais le premier souci de ceux qui en sont les maîtres est de connaître la terre, et de noter les merveilles que la nature a étalées maintenant : c'est là pour nous une grande tâche, qui nous rapproche des astres célestes. Car quelle espérance ou quelle démence plus grande pour un mortel que de vouloir perquisitionner à l'aventure dans le royaume de Jupiter, en laissant passer devant nos pieds et se perdre un tel chef-d'œuvre ! Nous nous tourmentons, malheureux que nous sommes, pour peu de chose, et nous sommes accablés de travail ; nous scrutons les fissures du sol et nous en retournons toutes les profondeurs : c'est un filon d'argent qu'on cherche, ou parfois une veine d'or ; les terres sont tourmentées par la flamme et domptées par le fer, jusqu'à ce qu'elles se rachètent par une rançon et avouent la vérité, puis se taisent finalement réduites au dénuement et à l'abandon. Nuit et jour les cultivateurs pressent leurs guérets ; le travail des champs rend leurs mains calleuses ; nous payons cher le profit que nous tirons de la glèbe. Mais ici le sol est fertile et particulièrement fructueux en moissons; là, en vignes ; voici une terre qui convient merveilleusement aux platanes, une autre aux herbages ; en voici une qui est meilleure pour un riche troupeau, et qui sied aux forêts ; les oliviers préfèrent les terrains un peu secs, le terrain un peu gras plaît aux ormes." (Trad. M. Rat Garnier 1935 in Philippe Remacle)  

Après avoir cité selon Ovide   l'homme,  contemplant les astres et fixant ses regards vers le ciel, l'habile auteur enchaîne avec la tâche, qui nous rapproche des astres célestes, de connaître les merveilles de la nature générées par le Feu, de les "caractériser et de les disposer à leur place déterminée". Cette préoccupation est une "divine volupté". 

 

Page 3.

  La page 3 correspond à la Planche I. Toutes les planches ont la même disposition, le motif étant placé à l'intérieur d'un ovale doré à la feuille, pour souligner son caractère précieux, mais aussi son statut de spécimen et d'objet d'étude. Il est probable que Hoefnagel a observé les insectes avec une loupe, mais il est sûr que le cerclage de ses motifs peints évoque la focalisation du regard à travers une lentille.

 

a) Inscription centre supérieur :

Omni moraculo quod fit per Hominem maius miraculum est HOMO/ Visibilium omnium maximus est Mundus, Invisibilium DEUS/ Sed mundum esse conspicimus, Deum esse credimus

— Source : Saint Augustin De Civitate Dei, Livre 10 chap. 12 et Livre IX chap.4

— Traduction : « De tous les miracles réalisés par l'homme, le plus grand miracle est l'homme. De toutes les chose visibles, la plus grande est le monde. de toutes les invisibles, la plus grande est Dieu. Si nous voyons que le monde existe, nous croyons que Dieu existe".

— Commentaire :

Ce texte placé en chapeau au dessus du portrait de Pedro Gonzales explicite la thèse qu'il illustre. Cet homme est, pour l'esprit, une incongruité. Un miracle (latin miraculum, "chose extraordinaire, étonnante", du verbe miror "s'étonner, être surpris" qui a donné admiror "admirer") est une chose étonnante et admirable, qui incite à croire en Dieu.

 

b) Portrait de Pedro Gonzales et de son épouse.

 

             

  

 Hoefnagel, Joris "Animalia Rationalia et Insecta (Ignis): Planche I des « Quatre éléments », 1575. aquarelle et gouache sur velin, 14.3 x 18.4cm. Washington DC, National Gallery of Art. 1987.20.5.2

 

 Peu avant 1572, Pedro Gonzales se maria à Catherine Raffelin, femme dépourvue de toute pilosité anormale, avec qui il aura sept enfants, dont trois ou quatre seront atteints d'hypertrichose, comme Antonietta (née en 1572 à Namur). Surnommée Tognina, elle fut la première à être  examinée pour cette tare (notamment par le savant italien Ulisse Aldrovandi). Antonietta se mariera et aura un fils, également atteint de la maladie. 

Avant ou après ce mariage, Pedro a été envoyé  comme ambassadeur à la cour de Marguerite de Parme, régente des Pays-Bas. En 1582, il suivit celle-ci alors qu'elle rejoignait son duché de Parme en Italie, et ce voyage l'amena à traverser l'Allemagne. C'est à cette occasion qu'il aurait séjourné à Munich. En 1591, ils seront admis à la cour des Farnèse à Parme. La derniere mention connue de ce personnage date de 1617, quand il est cité parmi ceux qui avaient assisté au baptême de son petit-fils. Pedro Gonzales s'éteint vers 1618, à Capodimonte, près du lac de Bolsena.

  A la cour de Guillaume V de Bavière, un artiste anonyme fit les portraits grandeur nature de Pedro, de sa femme, et leurs deux enfants velus, une fille d’environ sept ans, Magdalena et un garçon d’environ trois ans, Enrico. Guillaume aurait fait cadeau de ces tableaux gigantesques à son oncle, l’archiduc Ferdinand II de Tyrol, qui les exposa dans une galerie de portraits de son palais d’été, le château d’Ambras, près d’Innsbruck dans les Alpes. Hoefnagel a-t-il  connu cette famille, ou a-t-il  réalisé ce portrait en s'inspirant de ces portraits alors qu’il était peintre à la cour de Guillaume à Munich de 1579 à 1590 ?  Ses Quatre éléments sont réalisés entre 1575 et 1585, mais l'inscription page 2 "Conparuit Monachij boiorum A°: 1582" resserre la fourcette de datation de ses portraits.

Celui-ci  était conservé dans les collections du château de Ferdinand II du Tyrol à Ambras (actuellement au  Kunsthistorische Museum de Vienne) :

   

La famille Gonzales séjourna également à Bâle, où le médecin et anatomiste Felix Platter examina deux des enfants, en 1583, en fit faire des portraits et les mentionna plus tard dans un livre d’observations médicales :

  "Il y avait à Paris, à la cour du roi Henri II, un tel homme, exceptionnellement poilu sur tout le corps, auquel le roi tenait beaucoup. Son corps était entièrement recouvert de longs poils, son visage aussi, à l’exception d’une petite partie sous les yeux, et les poils de ses sourcils et du front étaient tellement longs qu’il devait les relever pour voir. 

Après avoir épousé une femme non-velue, qui était comme toute autre femme, il eut avec elle des enfants, velus eux-aussi, qui furent envoyés au duc de Parme en Flandres. Je vis la mère et les enfants, un garçon de neuf ans et une fille de sept ans, lorsque, en chemin vers l’Italie, ils s’arrêtèrent à Bâle en 1583, et je commandai leur portait. Ils avaient le visage velu, surtout le garçon, la fille un peu moins, mais celle-ci était extrêmement velue dans la région dorsale le long de la colonne vertébrale." Felix Platter, Observationum Felicis Plateri…libri tres, (Basilea, 1680), Lib. III, p. 572.  cité ici.

Beaucoup plus tard, Ulisse Aldrovandi (1522-1605), médecin italien et naturaliste, qui décrit  l'"Homme des bois" (Homo sylvestres) dans sa Monstrorum Historia posthume (1642), n'a rencontré que sa fille Antonietta.  Il accompagne néanmoins son texte d'une gravure sur bois de Pedro Gonzales et de l'un de ses fils, avec la légende Pater annorum quadraginta et filius annorum vigintio corpore pilosi, "le père âgé de quarante ans et son fils âgé de vingt ans , le corps entièrement couvert de poils" . Image Gallica. 

 

  Mais Hoefnagel, loin de copier servilement les portraits existants, en donne une version lumineuse et magnifique, dans laquelle la beauté de l'épouse et sa main posée amoureusement sur l'épaule de son mari  fait ressortir la laideur de celui-ci. D'autre-part, il choisit de lui faire porter un très bel habit bleu à manches noires rapportées, mais dont la texture est traitée de telle sorte qu'elle évoque le pelage d'un animal, et qu'elle se poursuit avec de courtes hachures dans le paysage sauvage pelé et rocheux surmonté d'un arbre sec mais dressé.  L'Homme des bois n'est ici nullement stigmatisé, il est représenté avec beaucoup de respect voire d'empathie par l'artiste, et son regard nous fixe avec une profondeur interrogative comme la propre image spéculaire de notre nature sauvage. 

Pour Hugh Raffles, le couple apparaît désolé et isolé, à l'image de son environnement aride, et  coupé de la communauté humaine comme il est encerclé par l'ovale doré.

 

b) inscription en bas au centre :

HOMO natus de MULIERE, BREVII VIRENS Tempore/ Repletur multis miserÿs. Job. 14.

— Source Job 14:1

— Traduction : "L'être humain né de la femme! Sa vie est courte mais pleine d’agitation". (L. Segond 1880 dite Segond 21).

 

— Commentaire :

Là encore, il faut avoir la curiosité de lire le deuxième verset : "14:2 Il pousse comme une fleur, puis il se flétrit; il s’enfuit comme une ombre, sans résister." Car le thème de l'ombre va figurer dans la planche V (Scarabea umbra) et celui de la fleur fanée reviendra comme un leitmotiv ultérieurement (Adage d'Erasme ; poème d'Ausone).

 

 

Planche 4  :  deux enfants de Pedro Gonzales.

 

 

 

a) Inscription  supérieure : Laudate pueri Dominum

— Source : Psaume 112 (113). 

— Traduction : "Louez, enfants, le Seigneur."

b) Inscription inférieure : Laudate nomen Domini.

— Source : Psaume 112 (113).

— Traduction : "Louez le nom du Seigneur."

— Commentaire : Le Psaume 112 (113) est traduit par Louis Segond ou par la Bible du Semeur en suivant le texte hébreu Laudate servi Jehovah, Laudate nomen Jehovah d'où leur traduction où "serviteurs" remplace "enfants", et "L'Eternel" remplace "Seigneur". Mais le texte de la Septante, suivi par la Vulgate qui est cité ici,  proclame :  Laudate pueri Dominum, laudate nomen Domini : qui habitare facit sterilem in domo matrem filiorum laetantem. "Enfants, louez le  Seigneur, louez le nom du Seigneur." Le Psaume s'achève ainsi : "lui qui en sa maison fait habiter la stérile, devenue joyeuse mère d’enfants.".

Ainsi, les versets qui accompagnent le portrait des deux filles de Pedro Gonzales au visage déformé par la maladie sont des louanges adressées à Dieu pour rendre grâces de la naissance d'enfants.

c) L'illustration :

La couleur rose m'a fait croire qu'il s'agissait de deux filles de Pedro Gonzales, mais il s'agit plutôt des portraits de la fille aînée  Magdalena, âgée environ de sept ans, et de son frère Enrico, âgé de trois ans environ. Ces dates sont compatibles avec une exécution des portraits en 1582. 

Le portrait de la grande sœur ressemble à celui-ci, qui vient du château d'Ambras et qui est daté de v.1580 : Anonyme : Maddalena Gonzale

Le frère ressemble très exactement  à ce portrait :

  

 

Dans son Monstrorum hstoria, Aldrovandi  donne, à la suite du portrait de Pedro Gonzales celui de sa fille âgée de 12 ans : Puella pilosa annorum duodecim. Il raconte comment il l'a rencontré une après-midi de l’an 1594, chez le comte Mario Casalio, alors qu'elle accompagnait Isabella Pallavicina, marquise de Soragna. Aldrovandi examina la petite fille, prénommée Antonietta,  et en fit la description suivante :

« Le visage de la petite fille, à l’exception des narines et des lèvres autour de la bouche, était complètement recouvert de poils. Les poils sur le front étaient plus longs et drus que ceux qui recouvraient ses joues mais plus doux au toucher que sur le reste du corps, elle était poilue sur le haut du dos, et hérissée de poils jaunes jusqu’à la naissance des reins ».

 

 

Enfin, il donne celui d'une fillette de 8 ans :

Un autre portrait, aux qualités artistiques supérieures, est exposé au château de Blois : il a été peint par  Lavinia Fontana, artiste de Bologne amie d’Aldrovandi  et connue pour ses tableaux de nobles et d’enfants. La fillette tient un cartel, comme si elle présentait une lettre d'introduction à un membre de la noblesse ; les termes de la lettre (déchiffrée par J.C Bourdais), mentionnant la marquise de Soragna, indiquent que  la date de cette entrevue est proche (ou identique) avec celle de la rencontre avec Aldrovandi. Le tableau est daté de 1595.

" Des îles Canaries fut apporté Au seigneur Henri II de France Don Pietro, l'homme sauvage.
De là, il s'installa à la cour Du duc de Parme, ainsi que moi, Antonietta, et maintenant je suis Dans la maison de la signora donna Isabella Pallavicina, marquise de Soragna." « Don Pietro, homme sauvage découvert aux îles Canaries, fut offert en cadeau à Son Altesse Sérénissime Henri roi de France, puis de là fut offert à Son Excellence le duc de Parme. Moi, Antonietta, je viens de là et je vis aujourd’hui tout près, à la cour de madame Isabella Pallavicina, honorable marquise de Soragna. ». 

 

 


 

Ferdinand du Tyrol  commanda des copies des tableaux — ainsi que de centaines d’autres portraits de sa collection — en miniatures et les conserva dans des malles. Ces copies se trouvent encore au château et le palais a donné son nom à la maladie génétique que l’on connaît désormais aussi sous le nom de « syndrome d’Ambras ». 

Le Musée J. Paul Getty conserve   ce portrait attribué à Aldrovandi 1595 et annoté Mulier viginti annorum hirsuto capite simiam imitante reliquo corpore glabro  . "Femme de vingt ans à la tête hirsute ressemblant à un singe et laissant le reste du corps glabre."

 

 

 

Quoiqu'il en soit, les quatre portraits de la famille Gonzales sont ceux par lesquels il illustre les êtres humains, ou "animalia rationale", dans la mesure où cette maladie rend particulièrement visible la double nature à la fois animale et rationnelle qui est la notre. Replacés dans le cursus des citations, ils ne dénotent aucune curiosité malsaine, mais, au contraire, incitent à considérer Pedro Gonzales et ses enfants comme nos doubles, dans la douloureux et exaltant destin de l'humain.

Il est temps de reprendre la lecture des textes ; une planche toute aussi capitale nous attend, celle du "scarabée". 

Auparavant, puisque nous quittons l'Humanité pour les insectes, précisons le plan des pages qui suivent :

  • V : Scarabée.
  • VI à XXXXIV : Lépidoptères (avec des libellules et d'autres insectes).
  • XXIV et XXIX : vides (mises en réserve)
  • XXXV à XXXXI : araignées
  • XXXXII à XXXXIII : coléoptères.
  • XXXXV à XXXXVI : orthoptères
  • XXXXVII à XXXXIX : orthoptères, lépidoptères, diptères.
  • L à LII : orthoptères.
  • LIII à LV : odonates
  • LVI : roses
  • LVII à LXIV  : diptères
  • LXV à LXVII : diptères et coléoptères.
  • LXVIII à LXXIX : diptères, coléoptères et pou
  • LXXX : une Pensée (Viola)

 

 

Planche V.

 

Inscription :Scarabei umbra.

— Traduction :"L'ombre du scarabée".

— Source : L'ombre du scarabée (Erasme, Adages III,II 23 ) désigne les peurs irraisonnées.

— Commentaire : L'adage d'Erasme dit :  

 "Κανθάρου σκιαί, id est Scarabei umbrae. Dictum est de inani metu, quod hoc insectum   sub noctem repente advolans horribili bombo nonnunquam terrere soleat parum attentum. Recensetur a Diogeniano." : "Κανθάρου σκιαί,c'est à dire "Ombre de scarabée" : se dit des craintes vaines, comme celle que provoque cet insecte entrant brusquement la nuit dans un bourdonnement effrayant, sans conséquences menaçantes dans la plupart des cas. Cité par Diogène.

  Cet adage sera à nouveau cité dans Archetypa studiaque, partie II de Jacob Hoefnagel. Il a sans-doute été choisi dans l'œuvre d'Erasme parce qu'il fait intervenir le Scarabée et son Ombre. En effet, Hoefnagel donne une importance particulière à l'ombre portée du corps de l'insecte et surtout de ses mandibules dressées. En outre, après  l'auteur des Psaumes et Ovide, Érasme (v.1466-1536), qui apparaît ici pour la première fois, est porteur de valeurs nouvelles, celles de l'humanisme de la Renaissance, de la défense du libre-arbitre de l'homme dégagé des peurs, des superstitions comme des soumissions religieuses et se donnant comme tache de s'approprier la connaissance de l'univers. Si on place ces concepts dans la suite des textes cités jusqu'à présent, on constate une continuité parfaite de la logique qui préside à leur sélection. Se dégager des peurs vaines, scarabei umbra, est un programme qui a, pour le nouvel esprit scientifique, tout son sens.    

  Bien que l'adage lui-même et son auteur sont, à eux-mêmes, un programme,  c'est l'illustration elle-même qui est une vraie  déclaration de motivation.

— L'illustration.

Elle représente un Lucane cerf-volant, Lucanus cervus. L., mais elle reprend en la développant de manière originale une œuvre réalisée en 1505 par  Dürer sous forme d'une aquarelle sur papier conservée actuellement par le Getty Museum (Los Angeles).

 

 

Le choix d'un "scarabée" comme point focal d'une œuvre d'art a été un évènement sans précédent et précurseur en 1505, alors que la plupart des contemporains de Dürer voyaient alors les insectes comme les créatures les plus basses. Le niveau de finition montre qu'il la considérait comme une œuvre indépendante et achevée, et non une étude préparatoire. Le vif intérêt de Dürer pour la nature, cependant, était une trait typique de la Renaissance. Ce coléoptère, rendu avec tant de soin et de respect, semble presque héroïque, pattes tendues alors qu'il dresse la tête vers le ciel dans une attitude de défi et d'affrontement. L'ombre renforce la force de cette posture par l'effet de relief qu'elle crée. Le rendu réaliste, accenté par les reflets colorés des élytres, du corselet et de la tête est un hommage à la part la plus infime des animaux de la nature, qui est souvent négligée ou sommairement détruite et tenue à l'écart du champ de la connaissance,

   « L'art, écrit Albrecht Dürer, est omniprésent dans la nature, et le véritable artiste est celui qui peut le révéler." Le Lucane est l'une des études de la nature les plus influentes et les plus copiées de Dürer. 

Le lucane avait, selon Eva Sprecher-Uebersax  fait son entrée dans l'histoire de l'art dans les enluminures médiévales, comme par exemple dans un tableau de Giovannino de Grassi, à la fin du 14ème siècle, où il le décrivait le lucane parmi un groupe de cerfs : les mandibules du premier s'apparentaient aux bois des seconds, dont le symbolisme de renouveau et donc de résurrection est bien établi. En outre, on attribuait depuis longtemps au lucane la capacité de lutter contre les serpents, d'où son emploi comme image du Christ  vainqueur du Mal et de la Mort. 

  Dürer, en abandonnant la symbolique chrétienne, fonde un nouveau paradigme : le sujet naturaliste pour lui-même, comme objet d'étude et d'admiration. Son Hirschkäfer prend le statut de prototype. 

 

Cette œuvre fut copiée d'abord par l'élève de Dürer Hans Hoffmann en 1574, qui complétait à Nuremberg la collection des Dürer de Willibald Immhoff par des copies. Il est intéressant de noter qu'en 1584, Hoffmann alla travailler à Munich à la cour de Guillaume V de Bavière,cour  à laquelle Hoefnagel appartenait depuis 1578. En 1585, Hoffmann a été nommé par l'empereur Rodolphe II comme  peintre de la cour (comme le deviendra aussi Hoefnagel en 1590), ce qui l'a amené à la cour impériale à Prague.

Or, dans cette œuvre, Hoffmann crée une nouveauté : il remplace la ligne diagonale (un coin de mur ?) de Dürer par une plage blanche ovale cerclée d'une ligne dorée  au sein d'un fond bleu. La focalisation sur l'insecte objet-à-part-entière a franchi une nouvelle étape.

Un autre exemple de la même date 1574 :

 

 

 

   En 1575, Hoefnagel prend la suite de Dürer et de Hoffmann et place en introduction de son volume sur les insectes cette figure du Lucane cerf-volant en même temps qu'il adopte la technique de l'ovale cerlé d'or de Hoffmann. Il modifie, comme l'a analysé Janice Neri (2011), le corps de l'insecte qui était peint en trois parties séparées par une irréaliste ligne blanche, en réunissant ces trois parties. Surtout, il va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs en étendant ce regard de l'insecte comme spécimen au centre d'une surface circonscrite d'observation à une collection entière d'entomologie, et en y incluant l'être humain. Bien qu'il ne soit pas le créateur de l'entomologie puisqu'il ne donne pas de description écrites ni de classification des espèces, son volume Ignis de 1575-1585 précède le De animalibus insectis  d'Aldrovandi (1602) et la description des collections de Conrad Gessner (1516-1565) qui attendra l'Insectorum sive minimorum animalium theatrum de Thomas Mouffet en 1634. Il n'est pas exagéré de dire qu'il fonde ici le Regard entomologique.

 

 

Planche VII 

(La planche VI ne comporte aucune inscription ; elle représente, dans l'ovale cerclé, trois papillons, deux vues de Nymphalis antiopa et une de Polygonium c-album).

a) Inscription supérieure : SUB OMNI LAPIDE DORMIT SCORPIUS.

— ​Traduction : "Sous chaque pierre dort un scorpion".

Source : Érasme, Adages, n° 334.I.IV. 34

b) Inscription inférieure : OCTIPEDEM NE EXCITES.

— Traduction : N'excites pas le scorpion.

— Source : renversement de l'adage Octipedem excitas "Tu excites le scorpion !" d'Érasme Adage 63 I.I dont le commentaire est : Cratinus in Thrattis apud Suidam: Ὀκτώπουν ἀνεγείρεις, id est Octipedem excitas, nimirum scorpium, cui pedes sunt octo ac plerunque sub saxis abditus cubat, quem non nisi tuo periculo suscitespropter venenum quod in cauda gestat.

 — Commentaire : 

Je vois ici une mise en scène où le scorpion et les adages servent seulement de prétexte à une présentation du Lucarne mandibules prêtes à saisir, élytres écartées et ailes déployées, en position de combat ou d'envol. Mais il est aussi possible de penser que le scorpion symbolise le serpent du Malin, et que le Lucarne prenne la posture d'un archange saint Michel. 

Dans ma première hypothèse, nous assistons à une étude de l'insecte "en écorché", où l'artiste-naturaliste s'est livré, sur un insecte mort (aucun dessin d'une telle précision n'est possible en observation in vivo) à un examen anatomique approfondi de la nervation alaire. Comme sur la planche V, l'ombre est rendue soigneusement, la lumière venant de la gauche.

 

Planche XVIII.

a) Inscription supérieure

Cicadia cicadiae chara Formicae formica

— Source :Érasme: Adages 124. I, II, 24

Cicada cicadae chara, formica formicae : Caeterum quod Aristoteles in eo loco, quem modo citavimus, addidit et si qua sunt id genus alia, dubium non est, quin senserit illa quae sunt apud Theocritum Idyllio nono: Σέττιξ μὲν τέττιγι φίλος, μύρμακι δὲ μύρμαξ, Ἴρηκες δ’ ἴραξιν, id est Formicae grata est formica, cicada cicadae, Accipiter placet accipitri.Porro nota est formicarum politia et cicadarum concentus.

Érasme : De la méthode d'enseignement [139,222]

Boni ad bonorum conuiuia et inuocati accedunt; et simile gaudet simili; et aequalis aequalem delectat; et aequalem tibi uxorem quaere; et ut semper similem ducit Deus ad similem; et semper graculus assidet graculo; et similes habent labra lactucas; et pares cum paribus facillime congregantur; et cascus cascam ducit; et balbus balbum rectius intelligit; et cicada cicadae chara, formica formicae; et Cretensis cum Aegineta.

— Traduction : "Les cigales sont chères aux cigales, et les fourmis sont chères aux fourmis".

— Commentaire : Érasme rapproche cet adage des vers de la 9ème Idylle de Théocrite Les Pasteurs où un berger dit à Ménalque : "La cigale est amie des cigales, la fourmi des fourmis, l'épervier des éperviers ; moi, j'aime les Muses et les chansons". Érasme ajoute que les fourmis sont surtout connues pour leur vie en société, et les cigales pour leur chant.

Dans De la méthode d'enseignement, Érasme rapproche les allitérations de cet adage d'autres exemples, du type "Les choucas se perchent avec les choucas", ou "telles lèvres, telles laitues", phrase de Crassus qui ne rit qu'une seule fois devant un âne mangeant un chardon. Ou encore "Le bègue comprend bien le bègue"..

 

b) Inscription inférieure

Citius quam formica, papaver.

— Source : Érasme, Adage 4002. V, I, 2. 

Citius quam formicae papaver. Non caret adagii specie quod est apud Plautum in  Trinummo: Confit citius. Quam si tu obiicias formicis papaverem. Verba sunt Stasini servi narrantis quadraginta minas intra quindecim dies fuisse consumptas, utpote in comessationes, compotationes, balnea, in piscatores, pistores, lanios, coquos, holitores, myropolas etaucupes dissipatas non aliter quam si papaver obiicias agmini formicarum. Mox enim distrahitur acervus, dum unaquaeque suum arripit granulum.

 

— Traduction :  « Aussi rapide que du pavot aux fourmis »

— Commentaire : l'adage se réfère à une réplique de l'esclave Stasime dans "Les Trois Deniers "(Trinumno) de Plaute : "On a mangé, on a bu, on s’est parfumé, on a pris des bains. Pêcheur, boulanger, bouchers, cuisiniers, maraîchers, confiseurs, oiseleurs, chacun a tiré à soi : Cela se consomme aussi vite que si on donnait du pavot à des fourmis." Une forme équivalente serait notre expression "C'est parti comme des petits pains".

 Il est vraisemblable que le choix de ces adages ne se justifie que par la présence du mot formica, alors que l'artiste représente dans sa planche deux fourmis. 

 

Planche XX.

Inscription : Homo Bombilius.

—Traduction : "L'Homme est un Bourdon"

— Source : Érasme, Adage 1571. II, VI, 71. Homo Bombylius 

Βομβύλιος ἄνθρωπος, id est Bombylius homo, dicitur verbosus multique strepitus, ceterum  inutilis. Bombylius Graecis apis aut vespae genus a sonitu, sicuti videtur, appellatum,  ingens, sed admellificium inutile, favos sibi nectit e luto. Est et ingens apis ac musca, quam a strepitu sic dixerunt. Hesychius addit βομβυλίδας, Graecis dici bullas, quas nasci videmus ex aqua, quae mox evanescunt.Item bombylion dici poculi genus, quod paulatim extillante potu sonitum reddit in modum animantis, de quo dictum est, quamquam et huic a bombo vocabulum.

Apud Suidam quidam tibicinem pro bombylio βομβαύλιον dixit, addita littera α, παρὰ τὸ αὐλοῖς βομβεῖν. Quin et M. Tullius Philippica tertia meminit cuiusdam Bambalionis, hominis nihili et impeditaelinguae. Bambalio, inquit, quidam pater, homo nullo numero. Nihil illo contemptius, qui propter haesitantiam linguae stuporemque cordis cognomen ex contumelia traxerit. Hesychius ait Graecis βαμβαλεῖν esse labiis tremere; nam id accidere solet hoc vitio linguae laborantibus, quemadmodum et frigore horrentibus. Quamquam autem haec vox variis modis describitur, tamen eadem est origo,nimirum a sono titubanter loquentium aut vehementer algentium. Adagium refertur apud Zenodotum.

 

— Commentaire : Les Adages se révèlent être un vrai Bestiaire, où Hoefnagel puise avec un plaisir évident. Pour comprendre celui-ci, il faut consulter le dictionnaire latin où Bombylius succède à bombico "résonner", bombico ou Bombio "bourdonner" , bombus "bourdonnement" (des abeilles) ; alors que Bombylis est "le stade précédent la chrysalide" dans Plaute et que Bombyx est le ver à soie. C'est Calepino qui cite le nom Bombylius en 1550 avec la définition : en anglais : "a drone or humming kinde of bee", autrement dit, le Sphinx colibri, ou Bee Hummingbird. Ces éléments soulignent la part d'onomatopée du mot Bombylius évoquant le bourdonnement incessant. C'est ainsi que l'adage Homo Bombilius se dit à propos de longs discours inutiles.  Érasme ajoute : Les Grecs ont nommé Bombylius de nombreuses abeilles et guèpes qui font beaucoup de bruit mais ne font pas de miel.

 

Planche XXI.

Inscription Credula res amor, et In ipsa pericula praeceps:/ Vt gaudet flamma se perimente Cvlex.

—Traduction :"L'amour est chose crédule, et va tête baissée vers les dangers : ainsi le moustique attiré par la flamme s'en fait une idée".

 

—Source : inconnue sauf pour Credula res amor : Ovide, Métamorphoses Livre VII vers 826

— Commentaire.

La présence d'un moustique (Culex) justifie sans doute cette citation. Les quatre planches ont ainsi développé des leçons morales en prenant un insecte comme support d'une leçon, selon le même procédé utilisé par les fabulistes comme Ésope.

 

 

 

 

Planche XXIV.

a) inscription supérieure.

Rosam quae praeterierit, ne quaeras iterum

—Traduction "Ne demandez pas à la rose fanée de fleurir à nouveau"

— Source : Adages d'Erasme 1540. II, VI, 40:

Ῥόδον παρελθὸν μηκέτι ζήτει πάλιν, id est. Ne quaere rursum praeteritam semel rosam. Ne te maceres desiderio rerum, quae revocari restituique non queunt, velut exactae juventae, formae, virium, fortunae. Nam ut nihil est rosa gratius, ita nihil minus diuturnum. In eumdem sensum dixit in Odis Horatius : Mitte sectari, rosa quo locorum Sera moretur. Habent enim rosae suum tempus, sed per breve. At exquisitius delicati etiam alieno tempore rosam quaerunt. Unde quadrabit et in eos, qui jam ἔξωροι voluptates sectantur, velut si nucibus ludat vir aut amet potitetve senex

Érasme cite Horace Ode I :38 Ne vas pas chercher de roses, après la saison écloses (C. Daru)

b) Inscription inférieure.

Ambigeres raperetne Rosis Aurora ruborem./ An daret, et flores tingeret orta dies.

— Traduction :"L’aurore emprunte-t-elle aux roses sa rougeur ? La leur confère-t-elle à la montée du jour ? [Même rosée, même couleur, même matin : Car la même Vénus régit l’astre et la fleur.] "(Lionel-Edouard Martin)

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus vers 280 du poète latin aquitain Ausone (309-394)

 Ambigeres raperetne Rosis Aurora ruborem./ An daret, et flores tingeret orta dies.  [Ros unus, color unus et unum mane duorum. Sideris et floris nam domina una Venus]

— Commentaire : 

Cette planche devait peut-être être complétée par des insectes. La rose est le seul motif, sa tige fixée en trompe-l'œil sur le faux jonc doré.

  Elle marque une rupture de ton des inscriptions qui, après avoir invoqué les psaumes, Ovide et Érasme, introduit ici la poésie latine épicurienne et stoïque de l'éphémère passage du temps, 

Comme des divers ou distiques de ce poème vont ce succéder dans la suite des planches d'Hoefnagel, il me paraît utile d'en donner la traduction intégrale, en indiquant en italique les vers cités :

Printemps : haleine douce du matin, mordante
Fraîcheur, tout exhalait le retour d’un jour d’or.
Une brise un peu froide, en amont de l’aurore,
Laissait bien augurer de la chaleur du jour.

Errant dans les carrés de jardins irrigués,
Désirant me refaire en ce jour à son plein,
Je vis la pruine lourde aux herbes qui ployaient
Pendre, ou bien dominer le faîte des légumes,
Et sur les larges choux jouer à gouttes rondes.
Je vis les rosiers qu’on cultive à Salerne
S’égayer, détrempés, de la venue de l’aube,
– Et çà, là, sur les arbres embrumés, des perles
Blanches brillaient que minerait le point du jour.

L’aurore emprunte-t-elle aux roses sa rougeur ?
La leur confère-t-elle à la montée du jour ?
Même rosée, même couleur, même matin :
Car la même Vénus régit l’astre et la fleur.

Peut-être même odeur : mais l’une dans les airs
Élevés se dissipe, et l’autre nous est proche.
Déesse de l’étoile et de la fleur, Vénus
A voulu leur donner un même habit de pourpre.

Était venu l’instant où, naissants, les bourgeons
Des fleurs allaient s’ouvrir d’un même mouvement.
Telle verdoie, sous un étroit bonnet de feuilles,
Telle dévoile à peine un filet rouge pourpre,

Telle ouvre le sommet de son premier bouton
Et libère à son faîte une tête vermeille,
Telle déplie le voile assemblé sur son front,

Et déjà se prépare à compter ses pétales.
Révélant sans tarder son beau, riant calice,
Elle arbore l’or fauve enclos dans son cœur dense.

Telle dont flamboyait la chevelure en feu,
Ses pétales tombés l’abandonnent livide.

Si rapide est le rapt des heures fugitives !
À peine née la rose est déjà défraîchie.
Je parle, et la fleur courbe au sol sa tête rouge
La terre resplendit sous la jonchée vermeille.
Formes, naissances, multiples métamorphoses
Issues d’un même jour qu’un même jour consume !  

Grâce des fleurs si courte, et navrante, ô Nature
Tu montres tes présents pour sitôt les ravir !
Autant que dure un jour la vie des roses dure,
Et leur adolescence est proche du grand âge.
Celle que l’astre rouge a vu naître au matin,
S’en revenant le soir, il la retrouve vieille.
Mais de devoir mourir en un si court espace,
Qu’importe : ses enfants prolongent sa présence.

Cueille la rose fraîche, ô fraîche jeune fille :
Ton âge, souviens-t ’en, comme elle est éphémère.

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué

 

Planche XXIX

a) inscription supérieure : Hanc viret; angusto foliiorum tecta galero / Hanc tenui folio purpura rubra notat.

— Traduction :Telle verdoie, sous un étroit bonnet de feuilles, Telle dévoile à peine un filet rouge pourpre,

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus Ausone, cf. supra.

 

b) inscription inférieure :Vertice collectos illa exinuabat amictus,/ Iam meditans folijs, se numerare suis.

— Traduction : Telle déplie le voile assemblé sur son front, Et déjà se prépare à compter ses pétales.

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus Ausone, cf. supra.

 

 

Planche XXXI

b) inscription supérieure Tineas pascere miserum :

 

— Traduction : "Pour nourrir les mites [misérables

— Source : Erasme 1796. II, VIII, 96. Tineas pascere dicuntur quae neglecta situ pereunt : Est nemine vtente situ perire. Horatius ad librum suum: Contrectatus Ductum à uestibus , aut libris diu tecondicis a: intactis floratius in : 

 "Pour nourrir les mites. On dit « pour nourrir les mites » pour les choses qui sont laissés intactes et s'abiment par négligence. . Horace dans les épîtres (Livre I 20eme épître) s'adresse à son manuscrit : Contractatus ubi manibus sordescere vulgi / Coeperis, aut tineas pasces taciturnus inertes."

— Commentaire : 

Reprise des citations des Adages d'Érasme en choisissant ceux qui citent un insecte présent sur la planche, ici une teigne.

 

 

Planche XXXV : araignées

Inscription  : Magnus Dominus noster, et magna Virtus eius et sapientiae eius no[n] est numerus. ps: 146.

— Traduction : "Notre Seigneur est grand, son pouvoir est immense, sa science est infinie.[6 L'Eternel soutient les petits, mais il renverse les méchants et les abaisse jusqu'à terre."] (Bible du Semeur)

— Source : Psaume 146 (147

— Commentaire

Reprise de l'hymne à la gloire du Créateur ; le verset 6  suscipiens mansuetos Dominus humilians autem peccatores usque ad terram  souligne le renversement des valeurs, par lequel les petits (on pense aux insectes) sont soutenus, et les méchants sont brisés. 

Illustration : l'ombre n'est pas figurée. L'araignée centrale est fixée sur la feuille d'observation par des liens en trompe-l'œil qui renforcent le parti-pris du spécimen naturaliste. Les trois autres araignées sembelnt suspendues par des fils.

 

 

 

Planche XXXXII.

 a) inscription supérieure IN ME CVDETVR FABA.

— Traduction : "C'est sur moi qu' on battra les fèves".

— Source : - Érasme, Adagia 84. I, I, 84. In me haec cudetur faba 

Terentius in Eunucho: At enim ist haec in me cudetur faba, hoc est, Donato interprete,  in me malum hoc recidet, in me haec vindicabitur culpa. Translatum vel a faba, quae  cum siliquis exuitur ac batuitur aut fustibus intertunditur, ita ut fit in areis more rusticorum, non ipsa perinde laborat, sed id demum in quo cuditur. Alii malunt ad male  coctam fabam referre, quae si quando non maduerit, sed dura permanserit, ab iratis  heris supra coqui caput saxo nonnunquam comminui consuevit, tamquam fabam ulciscentibus non coquum, cum universum interim malum ad coquum perveniat. 

— Commentaire :

 Sur le site de Philippe Remacle, la citation est traduite avec une note de bas de page : "Expression proverbiale qui revient à celle-ci : c'est moi qui paierai les pots cassés. "

Dans L'Eunuque de Terence  Acte II scène 3, la réplique de l'esclave Parménon à son jeune maître Chéréa At enim ishaec in me cudetur faba est interprétée par Aelius Donat dans ses Commentaires sur Térence  ainsi : "le mal est pour moi, la faute va me retomber dessus. Juste après, Parménon ajoute "Si tu es décidé à le faire, fais-le; mais ne va pas rejeter la faute sur moi."

 

b) inscription inférieure :Si quid In hoc opere delictum.

— Traduction : ? "Si il se trouve une faute dans cette œuvre" ??

— Source : non connue

— Commentaire

c) Illustration : fleur de jasmin, baie (Taxus baccata) et insecte aux formes soulignées par le jeu des ombres. 

 

Planche XXXXIII 

Inscription : Abominandus cantharis

 

 

 

Planche XXXXIV :

Inscription : Prius Locusta Bovem

Traduction : litt. :Une sauterelle engendra un bœuf. En fait, selon la tradition. : "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle".

Source : Érasme, Adagia 1089. II, I, 89. Prius locusta bovem pariet 

Prius locusta bovem pariet, περὶ τοῦ ἀδυνάτου. M. Varro De lingua Latina libro tertio  refert ex Ennio versum hunc: Atque prius pariet / locusta Lucam. Nam Lucas antiqui  boves appellabant ob magnitudinem.

  "Varron dans le livre III du De la langue latine , Apud Ennius, se réfère à ce dernier auteur en citant  Atque prius pariet / locusta Lucam  "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle". Les Anciens  les nommaient Lucas boves en raison de leur grande taille."

— Commentaire : Luca bos désigne dans le texte d'Ennius l'éléphant. L'expression s'utilise pour parler de choses impossibles.

— Illustration. En bas, une  Mante religieuse Manta religiosa.  La citation semble s'appliquer  avec humour à l'insecte imaginaire en haut à gauche, qui semble une caricature de monstres médiévaux, et qui voisine un insecte à trois queues également surprenant, . Néanmoins ces créatures étonnantes sont  considérées comme étant des Éphémères Ephemeroptera à trois cerques ("queues") : Augerius Clutius s'est inspiré de ces figures dans son De hemerobio  sive ephemero insecto (Amsterdam, 1634) : les animalcules I et II (ou bien la figure de gauche de Hoefnagel) sont les larves aquatiques qui vivent des années au fond des rivières avant leur émergence au printemps (ce sont les "mouches de mai") sous leur brève forme imago ; ils succomberont sitôt après l'accouplement et la ponte. (Cf.  Jorink 2007). Par leur destin, ces insectes sont souvent les symboles de la vita brevis.

Le texte de Clutius sur les Éphémères, première monographie sur un seul type d'insecte, trouve donc son origine dans cette illustration de Hoefnagel 1575-1585, ce qui montre bien le rôle fondateur de ce manuscrit.  Ces espèces avaient été décrits par Aristote sous le nom d'ephemeron et par Pline sous celui d'hemerobius, mais n'avaient pas été représentés auparavant. En outre, leur présence dans Ignis montre qu'ils figuraient déjà dans les collections des Cabinets naturalistes.

 

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Planche XXXXVII :

inscription : Vel muscas praetervolantes

 

— Traduction : "Il a même peur des mouches qui volent !"

— Source : Érasme, Adagia 466. I, V, 66. Vel muscas metuit praetervolitantes 

Proverbialis esse videtur hyperbole, quam refert Aristoteles septimo De republica libro, Ἀλλὰ δεδιότα μὲν τὰς μυίας, id est Qui muscas, inquiens, etiam praetervolitantes metuat, id est quamvis frivola decausa. Idem similem quandam commemorat in Moralium septimo loquens de iis, qui usqueadeo natura sunt timidi, ut etiam si sorex obstrepat, protinus expavescant.

 

— Commentaire :

Érasme se réfère au Livre sept d'Aristote De la République

— Illustration :

Le site NKD Netherlands indique cette identification par Marcel Wasscher, 2014 :La libellule est le Sympetrum pedemontanum  ou Sympétrum du Piémont .  

On trouve aussi :

  • Tettigoniidae (Sauterelle) : (Ruspolia nitidula ??)
  • Diptera : Musca domestica 
  • Coleoptera

 

15 janvier 8h du mat. sur un port de l'Atlantique...

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15 janvier 8h du mat. sur un port de l'Atlantique...

15 janvier 8h du mat. sur un port de l'Atlantique Nord et son Pont de Recouvrance.
Sur le piliers de ce pont, le peintre Paul Bloas a collé deux silhouettes : dimanche 11 janvier, elles étaient intactes et un père y photographiait sa petite fille se tenant au pantalon de Charlie, à gauche.
Ce matin Charlie est lacéré. Décapité. Mais son crayon est intact.

Zoonymie de la Thécla de l'Orme Satyrium w-album....

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Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel (II).

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Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel (Suite , planche 44 à 80).

Rappel : les images viennent du site RKD Netherlands : https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis&start=56

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis&start=50

 

 

Planche XXXXIV :

Inscription : Prius Locusta Bovem

— Traduction : litt. :Une sauterelle engendra un bœuf. En fait, selon la tradition. : "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle".

— Source : Érasme, Adagia 1089. II, I, 89. Prius locusta bovem pariet 

Prius locusta bovem pariet, περὶ τοῦ ἀδυνάτου. M. Varro De lingua Latina libro tertio  refert ex Ennio versum hunc: Atque prius pariet / locusta Lucam. Nam Lucas antiqui  boves appellabant ob magnitudinem.

  "Varron dans le livre III du De la langue latine , Apud Ennius, se réfère à ce dernier auteur en citant  Atque prius pariet / locusta Lucam  "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle". Les Anciens  nommaient les éléphants Lucas boves en raison de leur grande taille."

— Commentaire : Luca bos désigne dans le texte d'Ennius l'éléphant. L'expression s'utilise pour parler de choses impossibles.

— Illustration. En bas, une  Mante religieuse Manta religiosa.  La citation semblerait s'appliquer  avec humour à l'insecte aux allures fantastiques en haut à gauche, qui semble une caricature de monstres médiévaux, et qui voisine un insecte à trois queues également surprenantNéanmoins ces créatures étonnantes sont  considérées comme étant des Éphémères Ephemeroptera à trois cerques ("queues") : Augerius Clutius s'est inspiré de ces figures dans son De hemerobio  sive ephemero insecto (Amsterdam, 1634) : les animalcules I et II (ou bien la figure de gauche de Hoefnagel) sont les larves aquatiques qui vivent des années au fond des rivières avant leur émergence au printemps (ce sont les "mouches de mai") sous leur brève forme imago ; ils succomberont sitôt après l'accouplement et la ponte. (Cf.  Jorink 2007). Par leur destin, ces insectes sont souvent les symboles de la vita brevis.

Le texte de Clutius sur les Éphémères, première monographie dans l'histoire de l'entomologie sur un seul type d'insecte, trouve donc son origine dans cette illustration de Hoefnagel 1575-1585, ce qui montre bien le rôle fondateur de ce manuscrit.  Ces espèces avaient été décrits par Aristote sous le nom d'ephemeron et par Pline sous celui d'hemerobius, mais n'avaient pas été représentés auparavant. En outre, leur présence dans Ignis montre qu'ils figuraient déjà dans les collections des Cabinets naturalistes.

 

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Planche XXXXV.

2 insectes à identifier

 

Planche XXXXVI :

3 sauterelles (Tettigoniidae, Orthoptera), mâle à gauche, femelles à droite et en bas. 

 

 

Planche XXXXVII :

inscription : Vel muscas praetervolantes

— Traduction : "Il a même peur des mouches qui volent ! "

— Source : Érasme, Adagia 466. I, V, 66. Vel muscas metuit praetervolitantes 

Proverbialis esse videtur hyperbole, quam refert Aristoteles septimo De republica libro, Ἀλλὰ δεδιότα μὲν τὰς μυίας, id est Qui muscas, inquiens, etiam praetervolitantes metuat, id est quamvis frivola decausa. Idem similem quandam commemorat in Moralium septimo loquens de iis, qui usqueadeo natura sunt timidi, ut etiam si sorex obstrepat, protinus expavescant.

— Commentaire :

Érasme se réfère au Livre sept d'Aristote De la République

— Illustration : neuf insectes.

La libellule, identifiée par Marcel Wasscher en 2014 est le Sympetrum pedemontanum  ou Sympétrum du Piémont .  

On trouve aussi :

  • Tettigoniidae (Sauterelle) : (Ruspolia nitidula ??)
  • Diptera : Musca domestica 

Planche XXXXVIII : absente du site RDK

Planche XXXXIX :

Neuf insectes : Chenille ; un papillon  Pseudopanthera macularia "Panthère" (Geometridae, Ennominae) ; une mouche ; un zygoptère (Odonata)  au centre. Puis Gasterupion jaculator ?

 2 insectes ; une sauterelle femelle (Platycleis tessellata ?).

 

 

 

Planche L.

— Inscription : Ipsa Dies aperit, conficit ipsa Dies 

— Traduction : Issues d’un même jour qu’un même jour consume ! (Trad. Lionel-Édouard Martin)

— Source : "De Rosis Nascentibus", du poète gallo-romain, rhéteur et consul Ausone ligne 39. : Tot species, tantosque ortus variosque novatus / una dies aperit, conficit ipsa dies.

— Commentaire : il s'agit de la poursuite du poème cité en entier dans la première partie de cet article. Le vers, isolé, est un condensé de la constatation de la briéveté de l'existence, semblable au vers de Ronsard "et rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.".

—Illustration :

  • Une chenille non identifiée
  • 6 orthoptères Acrididae ("criquets") et Tetrigidae (Tetrix).
  • Fleur et rameau de Mirabilis japala "Belle-de-nuit".

 

 

Planche LI : Rameau de Mirabilis japala ; une chenille, un orthoptère, un autre (ou le même) identifié comme l'Oedipode bleu Oedipoda caerulescens L..

 

 

Planche LII : 4 orthoptères ;

 

Planche LIII : Odonata Aeshnidae Aeshna cyanea, l'Aeschne bleue.

Voir l'image non floutée au zoom sur le site nda : incroyable !

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69718.html

 

 

Planche LIV : 3 Odonates : 

Voir l'image non floutée :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69719.html

Identification : en haut l'Aeschne printanière mâle Brachytron pratense (Aeshnidae), mais l'abdomen rétrécit à la base ne correspondrait pas.

En bas à droite : le Sympetrum rouge-sang Sympetrum sanguineum  femelle. 

En bas à gauche : le Sympetrum rouge-sang Sympetrum sanguineum mâle.

 

 

Planche LV absente des sites.

Planche LVI :

a) Inscription supérieure : Haec aperit primi fastigia Celsa obelisci , mucronem absolvens purpurei capitis

— Traduction : "Elle ouvre le sommet de son premier bouton Et libère à son faîte une tête vermeille,  "

— Source : Ausone, De Rosis nascentibus vers 33-34.

— Commentaire : Poursuite du poème d'Ausone consacré aux roses. La strophe décrit les premiers boutons de rose juste éclos un matin de printemps dans un jardin de Paestum (Campanie), alors que la brume de rosée se dissipe au soleil. Les boutons de rose sont décrits comme des jeunes filles naissant à la vie ou naissant à l'amour, fraîches, gaie et coquettes, mais, dans une accélération , d'autres succombent déjà aux ravages du temps. Trois vers débutent par Haec : Haec viret, Haec aperit, Haec modo, "Celle-ci", "Celle-ci", "Celle-là" . Dans le vers qui est cité ici se remarque l'emploi du terme obelisci, "obélisque", —du grec, diminutif d'obelos, "aiguille"— mais dont le dictionnaire Gaffiot mentionne l'emploi figuré par Ausone dans le sens "boutons de rose".

b) Inscription inférieure : Haec modo qua toto rutilanerat Igne Comarum,  pallida collapsis, descritui folijs   

— Traduction : "Telle dont flamboyait la chevelure en feu, / Ses pétales tombés l’abandonnent livide." (Lionel-Édouard Martin)  

— Source : Ausone, De Rosis nascentibus

— Commentaire : Poursuite du poème d'Ausone, avec encore le thème du temps qui passe et des roses qui se fanent ; mais  on y  remarque le mot latin Igne, qui reprend le thème général du feu, de sa puissance de génération et de destruction.

c) Illustration : rose d'églantier type Rosa canina, en bouton vermeil à gauche, et fanée et courbée à droite : en adéquation avec les inscriptions.

 

 

Planche LVII : 6 insectes dont 1 coccinelle, 1 mouche, 1 moustique.

Voir l'image parfaite ici :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69722.html

Au centre, Tipula maxima femelle

A droite, je propose un autre Tipulidae,  Ctenophora festiva  femelle.

A gauche, autre tipule femelle.

Au dessous à droite, la Coccinelle à sept points Coccinella septempunctata.

Au dessous au centre, pourquoi pas le Tipulidae Nephrotoma flavescens ?

Au dessous à gauche, Musca domestica.

 

 

Planche LVIII :

Inscription supérieure : NE MUSCA QVIDEM 

— Traduction : "Pas même une mouche !"

— Source : Érasme,Adagia, : 1084. II, I, 84. Ne musca quidem

 Huic affinis est et illa proverbialis hyperbole: Ne musca quidem, qua maximam hominum solitudinem significamus. Plautus in Truculento: Quas tu mulieres Mihi narras, ubi musca nulla foemina est in aedibus ?Huc allusit Vibius Crispus, orator delectationi natus, ut ait Fabius, cuius erant mores, qualis facundia, quemadmodum scripsit Iuvenalis, cum rogatus, ecquis esset cum Caesare in conclavi, respondit nemuscam quidem intus esse, ancipiti ioco Domitiani consuetudinem notans, cui mos erat quotidie sibi secretum horarium captare, nec interim aliud fere agebat, nisi quod muscas captas stilo configeret.

 

— Commentaire : "Pas même une mouche" correspond à notre expression "il n'y a pas un chat !". Erasme cite un exemple tiré du Rustre de Plaute : Scène IIQuas tu mulieres mihi narras ? ubi musca nulla femina 'st in aedibus?  "De quelles femelles parles-tu? Il n'y en a pas; il n'y a pas une mouche à la maison." Puis il cite cette anecdote de l'avocat Vibius Crispus à qui on demande si l'empereur Domitien (dont l'emploi du temps est de tuer toutes les mouches qu'il trouve) est visible, et qui réponds : "Il n'y a personne, mas même une mouche : Ne musca quidem

— Illustration :

6 insectes 

2 Tipulidae : un mâle à droite.

 

 

 

Planche LIX : 7 insectes 

A 9 heures, une Écaille ( hétérocère) du genre Eilema : la Lithosie plombée, ou la Lithosie gris-perle. 

2 Tipules.

2 punaises : Palomena prasina ? Pentotoma rufipes ?

En bas à droite Epeolus cruciger ???

 

 

 

Planche LX.

Inscription  : QVOD INVOCATVS CAENITARE AMO MVSCA SV[M]

— Traduction : "Quand j'aime à être invité à dîner, je suis (comme) une mouche".

— Source : Érasme Adagia 3643. IV, VII, 43. Muscae 

         Μυῖαι olim dicebantur qui delectabantur aliena mensa, quos Plautus muribus comparat   semper alienum edentibus cibum. Apud Athenaeum libro sexto parasitus quispiam se muscae confert:

Λειπνεῖν ἄκλητος μυῖα, id est Quod invocatus coenitare amo, musca sumAdvolat enim hoc  insectum ad cibum alienum et aegre potest abigi. Apud eundem Hegesander narrat, cum Alexander dixisset se morderi a muscis – sic vocabat parasitos iamque conaretur illas abigere,Cinesias, unus eius ordinis qui forte aderat: Profecto aliae muscae siticulosae magis urgebunt te semel gustato tuo sanguine. Extat apologus de erinacio, qui voluit vulpi μυιοσόβης esse. Plautus in Mercatore deflexit ad hominem curiosum et ad omnia advolantem: Musca est meus pater, nihil pote illum clam haberi, Nec sacrum nec tam prophanum quicquam est quin adsit ibi ilico.

 

— Commentaire : la présence sur la planche d'une mouche (Musca domestica) incite Hoefnagel à chercher dans la liste des Adages celui qui mentionne cet insecte. Neuf possibilités s'offrent à lui ! 

"Μυῖαι se disait autrefois de ceux qui mangeaient à d'autres tables, et que Plaute comparaeint aux rats qui se nourrisaient du bien d'autrui. Dans le sixième livre d'Athénée, le parasite est comparé à la mouche : Λειπνεῖν ἄκλητος μυῖα, c'est-à-dire "Appelé (ou "invité"?) à dîner je suis une mouche." Cet insecte s'envole vers la nourriture d'autrui et peut difficilement être chassé. Une de fois de plus, c'est Hegesander [historien grec] qui raconte que, comme Alexandre se plaignait d'être mordu par les mouches — comme il surnommait les parasites— ...etc...

Cet Adage se trouve repris par Jacob Hoefnagel dans Archetypa Studiaque I,5 sous la forme :Quod invocatus lubenter coenito! Musca sum. " Lorsque je suis volontiers invité à dîner. Je suis une mouche !"

— Illustration : 10 insectes dont 1 mouche, 1 moustique, 1 tipule, 

 

 

 

Planche LXI

EX MVSCA ELEPHANTEM

— Traduction : "C'est un éléphant posé sur une mouche !"

— Source : Érasme, Adagia 869. I, IX, 69. Elephantum ex musca facis 

Ἐλέφας ἐκ μυίας ποιεῖς, id est , id est res exiguas verbis attolis atque amplificas. Lucianus in Muscae encomio: Πολλὰ δ’ ἔτι ἔχων εἰπεῖν καταπαύσω τὸν λόγον, μὴ καὶ δόξωκατὰ τὴν παροιμίαν ἐλέφαντα ἐκ μυίας ποιεῖν, id est Multa adhuc commemorare possem, sed finem dicendi faciam, ne videar et ipse iuxta tritum proverbium ex musca elephantum facere. Sumptum videri potest ex 

Homero, qui inter praelia deorum et heroum muscae improbitatem describit cum hac invictum  et acrem bellatorem conferens Menelaum Iliados Ρ. Quin et divus Augustinus libro contra  Manichaeos De duabus animabus non dubitat muscam conferre ac praeferre soli velut animal inanimi.

 

— Commentaire : Ἐλέφας ἐκ μυίας ποιεῖς c'est-à-dire, Elephantum ex musca facis: se dit pour des choses minimes et des paroles exagérées auxquels on attribue trop d'importance.  Lucien dans son Éloge de la mouche écrit : "Je pourrais ajouter encore bien des traits à cet éloge ; mais je m'arrête, de peur de paraître vouloir, comme dit le proverbe, faire d'une mouche un éléphant. (ex musca elephantum facere) " . Cela semble être emprunté à Homère, , qui dans l'Iliade ...  le livre de saint Augustin contre les manichéens,....

Là encore, la seule justification du choix de l'adage est la présence d'une mouche, ou du moins de diptères parmi les sept insectes représentés.

— Illustration : sept insectes dont une fourmi, une coccinelle.

  

 

 

Planche LXII :

 : Dix insectes dont une Symphyte au centre, deux Syrphes, une coccinelle Coccinella septempunctata

 

 

Planche LXIII :

Inscription FLOS CINIS 

— Traduction : "La fleur termine en cendre".

— Source : Érasme, Adagia, 3612. IV, VII, 12. Flos cinis 

Divus Augustinus libro adversus Petiliani litteras II, cap. LXVI irridens quod adversarius iactaret quod suorum animabus impletum esset coelum, corporum memoria terrae floruissent, respondit: Sane de corporibus eorum multorum terrarum flores videmus, sed, sicut solet dici, flos cinis. 

Donatistae suos qui sibi manus attulissent quive provocassent alios ut ab eis occiderentur, ni  mallent occidi, innumerum martyrum referebant, eorum monumenta frequentantes, unde flores illos cinerem vocat. Dici solitum videtur in fugacitatem humanae vitae. Hodie floret iuventus, cras erit in sepulchro. Et iuxtaprophetam: Omnis caro foenum.

 

— Commentaire : cette devise met en évidence la vanité de la beauté ; elle a été reprise en épigramme sur la de la de Barcelone

Érasme dans son commentaire cite saint Augustin dans son Contra litteras Petiliani Livre II : "Plane si non dictum esset, Beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam; sed dictum esset, Beati qui se ipsos praecipitant: implerent coelum martyres vestri. Sane de corporibus eorum multos terrarum flores videmus, sed sicut solet dici, flos cinis."

— Illustration : autour d'une Ancolie (symbole de tristesse en poésie au XVe sur un jeu de mot avec mélancolie, et, par sa forme, du Saint-Esprit en enluminure médiévale), 8 insectes dont selon Marcel Waascher la libellule Calopteryx splendens (Odonata).

 

 

Planche LXIV  :

Pas d'inscription.

Onze insectes dont un Cerambycidae (je propose Saperda scalaris), un Cleriodae (je propose Trichodes favarius), un Zygoptere, un Mécoptère (je propose Panorpa communis mâle ou Mouche scorpion dont on distingue très bien l'abdomen relevé, une guèpe maçonne Eumininae (je propose Delta unguiculatum, et un Zygoptère).

  

 

 

 

Planche LXV

a) Inscription supérieure :FORMÍCA CÍCADAÈ./ QVOD AESTATE CANTIS, ÍD HYEME SALTA.

— Traduction : "La Cigale et la Fourmi. Si vous chantiez cet été, de même dansez cet hiver".

— Source : Fable d'Ésope LVI Formica et Cicada

  Hyemis tempore formica frumentum trahens ex caverna siccabat, quod aestate colligens coagulaverat (collocaverat). Cicada autem esuriens rogabat eam, ut daret aliquid illi de cibo, ut viveret. Cui formica : Quid fecisti, inquit, in aestate ? At illa : Non mihi vacavit, per sepes oberravi cantando. Ridens Formica ac frumentum includens dixit : Si aestate cantasti, hyeme salta. Hec fabula pigrum docet, ut tempore certo laboret, ne, dum minus habuerit et petierit, non accipiat.

Si vous avez chanté en été, dans la forêt d'hiver. Cette histoire enseigne le paresseux, comme dans le temps dans un certain travail avec moi, de peur, alors que je avais un de moins en petierirt pas les recevoir.

— Commentaire :

La Fontaine n'avait pas encore écrit La Cigale et la Fourmi, mais depuis le début de notre lecture, nous pensions à cette fable : sa réplique finale est citée par Hoefnagel, qui se réfère à la version d'Ésope (VIème siècle avant J.-C.), ou à ses adaptations par Avianus (fin IVe-début Ve). Je traduis Ésope ainsi, au plus près du texte :

"Par un jour d'hiver, une fourmi faisait sêcher hors de sa tanière le blé qu'elle avait récolté en été.  Une cigale affamée cependant lui demanda de lui donner quelque nourriture afin de lui permettre de survivre. Sur quoi la fourmi : "Que faisiez vous en été ?" Et elle de répondre : " Je n'ai pas chômé : parcourant les haies, je chantais." La fourmi, riant en reserrant son blé lui dit : " Vous chantiez en été, dansez en hiver".  Cette fable enseigne à l'oisif qu'il doit travailler tant qu'il est encore temps, de peur de ne rien recevoir, lorsqu'il sera trop tard."

 

b) Inscription inférieure : Cicadam alas ne corripias

— Traduction : "Ne saisis pas la cigale par l'aile."

— Source : Érasme, Adagia 828. I, IX, 28Cicadam ala corripuisti 

Σέττιγα πτεροῦ συνείληφας, id est Cicadam ala corripuisti. In eos, qui quempiam provocant minime ex usu suo. Lucianus in Pseudologista scribit Archilochum, poetam iambographum et ad maledicendum egregie instructum, ad hunc modum respondisse cuidam, a quo fuerat convicio provocatus: Σὸν τέττιγα πτεροῦ σενείληφας. Est autem huius insecti mira quaedam et prodigiosa loquacitas maxime effervescente sole. Plinius negat iis vocem esse, sed stridorem cum tractu,  eumque sonum emittit non alis quemadmodum muscae, apes, culices. Nam iis stridor simul cum volatudesinit, at cicadae si presseris alas, vehementius etiam perstrepsit. Sed in pectore subesse ait duos specus attrituque membranae mobili accedente spiritu per hos e visceribus sonum aedi. Ergoque madmodum si cicadam natura garrulam ala prehendas, clarius obstrepit, ita si poetico  homini praebeas occasionem simultatis, non modo non tacebit, sed clarius obstrepet et omnem bilem chartis illinet atris. Proinde Platonem aiunt admonuisse, ne quis hominem poetam sibi faceret inimicum. Et Horatius genus irritabile vatum dixit.


 

— Commentaire :

Σέττιγα πτεροῦ συνείληφας,, c'est-à-dire "saisir la cigale par l'aile". Érasme cite Lucien dans le Pseudologiste : voici l'extrait dont il s'agit :

   "Tu as sans doute entendu parler d'Archiloque, un poète ïambique, natif de Sardes, homme libre, franc, véritable emporte-pièce, toujours prêt à mordre ceux qui tombaient sous le fiel de ses ïambes. Un jour qu'un de ses ennemis l'avait insulté : " Tu as pris la cigale par les ailes," dit Archiloque à cet homme, en se comparant lui-même à une cigale, insecte criard, qui chante sans nécessité, et qui, lorsqu'on le tient par les ailes, se met à crier encore plus fort. "Malheureux, voulait dire Archiloque, que prétends-tu, en excitant contre toi un poète bavard, qui est en quête des occasions et des sujets pour ses iambes ? "  

 

Illustration : Grillon et 10 autres insectes. Parmi les grillons (Gryllidae) noirs, je ne vois pas de raison d'écarter l'identification la plus banale, et donc la plus probable, Gryllus campestris, le Grillon champêtre. Certes, ce n'est pas une Cigale (Cicadoidea), mais le mâle stridule des heures durant à l'entrée de son terrier, et l'Adage d'Érasme pourrait lui être appliqué. 

 

 

 

Planche LXVI

Inscription : Acantea cicada

— Traduction : "C'est la Cigale d'Acanthe !" 

— Source : Érasme, Adagia, 414. I, V, 14. Acanthia cicada 

Ἀκάνθιος τέττιξ, id est, Acanthia cicada, in indoctos atque infantes aut musices ignaros torquer   proverbio solitum. Auctor est Stephanus Byzantius iuxta oppidum Aetoliae Acanthum cicadas  alibi vocales mutas esse, atque hinc ortum adagium, cuius auctorem citat Simonidem. Plinius  Naturalis historiae libro undecimo capite vigesimoseptimo scribit in agro Rhegino cicadas omnes silere, ultra flumen in Locris canere. Idem testatur Pausanias libro rerum Eliacarum secundo.  Strabo libro Geographiae sexto refert Rheginum agrum a Locrensi dirimi fluvio, cui nomen Alex, cicadas autem, quae in Locrensi versentur ripa, sonantiusstridere, cum in Rhegina sint mutae. 

 Huius rei hanc esse causam coniectat, quod Rheginorum regio, cum sit umbrosa, atque opaca,  cicadarum pelliculas humore torpefaciat. Easdem in agro Locrensi, quodsit aprica solis arefactas aestu, stridorem aptius emittere. Auget autem miraculum Rheginensium cicadarum etiam fabulose celebrata vocalitas vicinarum. Nam idem Strabo Timaeum citat auctorem,quondam in Pythiorum certamine Eunomum Locrensem et Rheginensem Aristonem in canendi certamen venisse; 

 Aristonem Apollinem invocasse Delphicum, ut sibi canenti foret auxilio, quod a DelphisRheginenses olim essent profecti. Eunomus respondit Rheginensibus ne certandum quidem omnino de musica, apud quos cicada vocalissimum animal voce careret. Utrisque certantibus, cum in Eunomicithara una inter canendum chorda frangeretur, cicada supervolans astitit, ac vocem alioqui defuturam suo cantu supplevit. Atque ita victor declaratus statuam citharoedi posuit cum cicada citharaeinsidente. Huiusmodi ferme tradit Strabo.

 

— Commentaire : 

  "La Cigale d'Acanthe" : Ce proverbe est destiné aux ignorants, aux enfants et aux musiciens (donc à ceux qui restent parfois muets). Selon Etienne de Bizance, qui cite Simonide, les cigales qui, ailleurs, chantaient, restaient muettes à Acanthe, en Etolie. Selon Pline, confirmé par Pausanias et par Strabon, dans une autre version,  bien que les villes de Locres et de Rhèges ne soient séparées que par la largeur d'un fleuve, l'Alex, les cigales ne chantaient que du coté de Locres et se taisaient à Rhèges. Les bois ombragés de Rhèges en sont peut-être la cause, alors que Locres jouit d'une chaleur sêche. Eunomus, célèbre joueur de cithare, de la ville de Locres, affronta devant l'Apollon de Delphes Ariston, lui-même musicien de la ville de Rhèges ; mais une corde de son instrument se cassa. Une cigale vint se poser sur la cithare et suppléa si bien au défaut de la corde par son chant qu' Eunomus emporta le prix.   Les habitants de Locres avaient construit une statue représentant Eunomus avec une cigale.

Érasme cite en référence :

  • Etienne de Byzance
  • Pline, Histoire naturelle Livre 11 chapitre 27 
  • Pausanias, Eliacorum prior (c'est le Livre V). 
  • Strabon Geographie Livre 6.

Voir aussi les Emblemata d'Alciat (Lyon, 1558) :

Eunome mist au Delphic oratoire Une Cigale, enseigne de victoire. Car en jouant du Luc, contre Ariston, Les doitz touchoient: les chordes faisoient ton. Quand l’une estant rompue, & mal fournie Ja commençoit à gaster l’harmonie. Adoncq survint chantant une Cigale,
Qui le de fault [=default] remplit par voix egale. Et qui au son attraicte, vint des bois, Pour secourir Eunome de sa voix. 

 

— Illustration : le "personnage" central est sans doute apparenté à une cigale, mais il s'agit, parmi les Coléoptères, d'un Meloidae, le Méloé printannier Meloe proscarabeus. C'est vraisemblablement lui aussi qui figure, dans ce cadran d'horloge, la sixième heure, alors qu'à cinq heures nous trouvons un Longicorne ou Cerambydae (je propose Oxymirus cursor ♂), l'Oxymire coureur

 

      

 

 

 

Planche LXVII

Inscription supérieure : NOLI IRRITARE CRABRONES.

 

— Traduction : "N'excites pas les frelons"

— Source : Érasme, Adagia, 60. I, I, 60. Irritare crabrones 

Σὰς σφηκιὰς ἐρεθίζειν, id est Irritare crabrones.
 Ad hanc sententiam referendum est et illud,
 quod est apud Plautum in Amphitryone: Irritabis crabrones. Id dictum est a poeta in mulierum ingenium,quibus iratis si repugnes, magis provoces neque sine tuo malo discedas. Est autem crabro insecti genus, affine vespis, pertinacissimum aculeoque pestilentissimo. Siquidem refert Plinius Naturalis Historiae lib. XI, cap. XXI crabronum Ictus haud temere sine febri esse, additque traditum a quibusdam Ter novenis huius animantis punctis interfici hominem.
.

— Commentaire : Ce proverbe est donné par Érasme sous la forme "Exciter les frelons" : il trouve son origine dans l'Amphytrion de Plaute Acte II scène 2 sous forme d'un avertissement fait par Sosie à Amphytrion son maître : "n'irrites pas les frelons". En effet, lors d'un fameux quiproquo théâtral il est en train de s'emporter contre Alcmène son épouse, et les "frelons " en question représentent les fébriles sentiments de colère et d'impatience que ses questions génèrent. Puis Érasme se livre à une revue le littérature sur les frelons : selon Pline dans son Histoire naturelle Livre XI chap.21 "Leur piqûre ne manque guère de causer la fièvre. Des auteurs disent que trois fois neuf piqûres suffisent pour tuer un homme.". Puis il cite Aristote, livre des Animaux III, 9, puis une lettre de saint Jérôme, puis Xénophon : j'abrège.

 

b) Inscription inférieure : SCARABEVS AQVILA[M] QVAERIT.

— Traduction : "Le scarabée à la poursuite de l'aigle".

— Source : Érasme, Adagia  2601. III, VII, 1. Scarabeus aquilam quaerit 

Κάνθαρος ἀετὸν μαίεται, id est Scarabeus aquilam quaerit. Cum imbecillior atque impotentior mali quippiam molitur struitque insidias inimico longe potentiori. Est et altera lectio atque ea meoquidem iudicio verior: Ὁ κάνθαρος ἀετὸν μαιεύται, id est Scarabeus aquilae obstetricatur. Sensus ferme idem est, sive legas μαίεται sive μαιεύται. Competit enim in humilem et imbecillum, quiviribus longe praepollenti maliciosis insidiis et clanculariis dolis perniciem machinatur. etc...

— Commentaire :

Cet adage se réfère à la fable d'Ésope « L’Aigle et le Scarabée », laquelle a inspiré à La Fontaine  "L'aigle et l'escarbot" . En voici le texte en latin, et la traduction :

Lepus aquila insectante in lustrum scarabei profugit, rogans ut ab eo servaretur. Scarabeus autem rogabat aquilam ne occidere suppliciem, obtestans ipsam per maximum Jovem, ne scilicet contemneret parvitatem ejus. Illa vero irata ala percussit scarabeum, et leporem arreptum devoravit. At scarabeus cum aquila volavit, ut nidum ejus disceret : ac jam profectus, ova ejus devoluta disrupit. Illa autem quum grave existimaret, si quis hoc ausus fuisset, et uin altiore loco secundo nidificasset, et illic rursus scarabeus pariter hanc affecit. Sed aquila inops consilii penitus, ascendit ad Jovem (in ejus enim tutela esse dicitur) et in ipsis genibus tertiam foeturam ovorum posuit, deo ipsa commendans et supplicans ut custodiret. Scarabeus autem é stercore pilula facta ascendit, et in sinum Jovis eam demisit. Jupiter vero cum surrexisset ut fimum excuteret, ova quoque projecit oblitus, quae et contrivit dejecta. Cognito autem a scarabeo quod haec fecisset ut aquilam ulcisceretur : nam  non modo scarabeum illa injuria affecit, sed et in Jovem ipsum impia fuit, reversae aquilae ait Jupiter,scarabeum esse qui moestitiae causa fuerit, et certe jure fuisse. Nolens igitur genus aquilarum rarescere, consulit scarabeo ut aquilae conciliaretur. Eo autem non parent, Jupiter in aliud tempus aquilarum transmutavit partum, cum scarabei non appareant.

  "Un lièvre poursuivi par un aigle, se réfugia dans le trou d'un escarbot, le conjurant de le sauver. L'escarbot prie donc l'aigle, au nom du puissant Jupiter, de ne pas tuer l'animal suppliant : tout petit que je suis, lui dit-il, ne dédaigne pas ma prière. L'aigle indigné, le choque de l'aile, l'étourdit, saisit le lièvre qu'il dévore. L'escarbot suivit l'aigle dans son vol, pour savoir où était son nid : il le voit, il s'approche, il fait rouler les œufs et les fracasse. L'aigle étonné de l'audace, mit son nid en lieu plus haut. Nouvelle vengeance de l'escarbot. Ne sachant que faire, l'aigle s'envola vers Jupiter (cet oiseau lui est, dit-on, consacré). L'escarbot après avoir fait une petite boule de fumier, s'éleva jusques dans les cieux, et la laissa tomber sur le giron du père des dieux. Jupiter se lève, secoue sa robe, et jette imprudemment les œufs, qui se cassent de la chute. L'escarbot avoue à Jupiter qu'il en a agi ainsi, pour se venger de l'aigle. Cet oiseau a été aussi impie envers vous, qu'injuste envers moi. Le dieu dit à l'aigle de retour, que c'est l'escarbot qui le persécute, et qu'il le mérite bien. Voulant néanmoins prévenir le dépérissement de la race aiglonne, il conseilla à l'escarbot de se réconcilier avec l'aigle. Celui-ci n'y consentant point, Jupiter transporta le temps de la ponte des aigles en la saison où l'escarbot ne paraît point." (Trad. J.B. Gail, 1796). 

On comprend que cet "escarbot" (terme de vieux français issu de scarabeus ), est ici un bousier, comme Scarabeus sacer, le Scarabée sacré. Dans son commentaire, Érasmeprend parti pour le petit et le faible scarabée contre l'aigle prédateur et dominateur, rappelant que selon le  dialogue de Lucien l'Icaromenippo ( ou Menippe, émule d'Icare, parvient dans la lune ), on trouve au ciel les scarabée et les chameaux . 

Illustration : 7 insectes : un scarabée un papillon, un hymenoptère (bourdon).

 

 

 

Planche LXVIII

Inscription : AD SERIA INEPTVS MVSCAS PELLAT.

— Traduction : "il est vain de chasser les mouches"

— Source : Érasme, Adagia  2660. III, VII, 60. Muscas depellere 

 "Muscas depellere etiam hodie vulgato ioco dicitur, qui otioso atque inutili fungitur officio. Aristophanes in Vespis: Ἀλλὰ φυλάττει διὰ χειρὸς ἔχων καὶ τὰς μυίας ἀπαμύνειν, id est Imo cavet prae manu habens, etiam muscas depellere curans."

— Commentaire :  A quoi sert de chasser les mouches ? Il est préférable d'ignorer ce dont vous ne pouvez pas vous débarrasser.

 

— Illustration : 7 insectes, tous ailés.

 

 

Planche LXIX :

a) Inscription supérieure : Ingentes animos angusto Inpectore versant./ VBI MEL ÍBÍ FEL

— Traduction : "Et dans un faible corps s’allume un grand courage."  / "Où est le miel, là est le fiel".

— Source :

Virgile, Géorgiques livre IV, vers 83  Ingentes...versant

 - Érasme, Adagia 2087. III, I, 87. Nihil est ab omni parte beatum […] Huc pertinent et illa de quibus nobis alias dictum est , Ubi mel, ibi fel, ubi uber, ibi tuber, et huius generis alia. 

— Commentaire : La citation de Virgile s'applique au "roi" (les latins voyaient un roi là où nous voyons une reine) menant son "peuple" dans un combat contre un roi rival. La première moitié du  Chant IV des Géorgiques décrit la vie sociale des abeilles, modèle de la société humaine. Il est donc bien logique que Hoefnagel fasse apparaître sur une planche où sont figurées quelques "abeilles" les vers du poète latin.  Isolé de son contexte, le vers Ingentes animos angusto inpectore versant fait l'éloge des hautes vertus, dignes des romains, des êtres les plus petits. La proverbe "Pas de miel sans fiel" apporte  à ce ton bucolique et viril le contrepoint d'une vérité amère.

 

b) Inscription inférieure : VBI VBER IBI TVBER./ Omnibus una quies operum, labor omnibus unus.

— Traduction : "On les voit s’occuper, se délasser ensemble" / "Où est le sein, là est la tumeur"

— Source : Virgile, Géorgiques Livre IV vers 184. / Érasme, Adage 2087, 

— Commentaire : Virgile trace un tableau idyllique de la communauté des abeilles travaillant ensemble avant de se reposer...ensemble. Là encore, la constatation du proverbe "pas de sein sans tumeur" (ou pas de plénitude nourricière et suave sans que le vers ne soit dans le fruit) tranche par son rappel de la fragilité d'une existence éphémère et soumise aux aléas néfastes.

Érasme dans son Adage 2087 "Rien n'est entièrement bon en toutes ses parties" démontre que tout bien peut avoir son revers de médaille : il écrit :"D'où les proverbes "Là où il y a miel, il y a fiel" ou bien " Où est le plein (le sein), là est l'enflure (la tumeur)", et d'autres du même genre". Cela correspond à notre proverbe "Pas de roses sans épines".

Les proverbes peuvent s'appliquer aux abeilles : pas de miel sans risque de piqures.

— Illustration. Neuf insectes.

Au centre, un bourdon (Bombus pascuorum ?)

 

 

 

Planche LXX

a) Inscription supérieure : Et se Asinus pardum vocet et formica leonem./ ET FORMICAE SVA BILIS INEST.

— Traduction : " l'âne s'appelle léopard, et la fourmi lion". 

— Source : 

- Première citation : Le Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae) Livre VI Virgo vers 418, par Marcello Palingenio Stellato Palingène (Pier Angelo Manzolli, de Ferrare) Bâle, 1543 , texte latin établi, traduit et annoté par Jacques Chomarat, Genève,‎ 1996, 529 p. : "Ah dieux ! Aujourd'hui ce sont seulement les noms magnifiques et les titres brillants que chacun souhaîte pour soi, s'arroge, affecte, poursuit, dérobe : l'âne s'appelle léopard, et la fourmi lion"

 

— Commentaire :

b) Inscription inférieure : SCILICET OBSTEPERANS ARGVTAE VESPA CICADAE

— Traduction : Il est clair que opstrepo = retentir, crépiter

— Source : Érasme, Adagia (1508) 771. I, VIII, 71. Vespa cicadae obstrepens 

Σφῆξ βομβῶν τέττιγος ἐναντίον, id est Scilicet obstrepitans argutae vespa cicadae.

Apud Theocritum est in Hodoeporis. Nam his verbis contemnit quidam pastor pastorem, a quo provocatur. Quadrabit in eum, qui certat longe impar cum superiore. Aut qui negotium facessit  longe sepraestantioribus. Quod genus est illud Catullus leonem allatrans.

 

— Commentaire :

 

Planche LXXII : 11 insectes. Deux Hétéroptères ou Punaises. Je propose, en rouge, Coryzus hyoscami quoique plus rare que Pyrrhocoris apterus (le Gendarme), car l'extrémité des élytres de ce dernier sont noires. 

 

 

Planche LXXIII : 

Dix insectes : 

ailés :4 

longicorne (Cerambycidae) : je propose Plagionotus arcuatus 

 

 

 

Planche LXXIV :

Inscription : Forma brevis FLOS est, primo spectabilis ortu, / Mox languens fugiente die.

— Traduction : "La fleur est une brève démonstration, splendide en son premier éclat. Bientôt elle se fâne avec la journée qui passe."

— Source :Le Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae) Livre IV (Cancer) vers 141-142 , par  Palingène (Pier Angelo Manzolli)  1543 .

— Commentaire : Nouvelle sentence illustrant le caractère éphémère de l'existence. Jacob Hoefnagel reprendra ces vers dans  Archetypa studiaque IV.9 .

— Illustration : le bouton de Narcisse (Narcissus poeticus), la tige attachée en trompe-l'œil à l'ovale doré, s'incline déjà ; mais à gauche, son poids a fait céder la tige, et ses pétales à la blancheur souillée par la rouille du temps, semble nous prendre à témoin de leur décrépitude. Dix insectes les entourent.

 

 

 

 

Planche LXXV.

Inscription : HABET ET MVSCA SPLENEM

— Source : Érasme, Adages, 2407. III, V, 7

Ἔχει καὶ ἡ μυῖα σπλῆνα, id est Habet et musca splenem.

Simillimum illi: Et pueri nasum rhinocerotis habent. Item illi: Ἔνεστι καὶ μύρμηκι χόλος, id est Inest et formicae bilis. Olet fecem.

— Traduction : "Même une mouche se met en colère."

La rate est un organe qui était considéré comme le siège de la colère, d'où la traduction "se met en colère» pour habet splenem.

 

  • Habet et musca splenem, et formica sua bilis inest. "Même une mouche se met en colère, et une fourmi peut se sentir l'indignation au sein." Même la créature insignifiante peut se sentir lésé et devenir enragé. La meilleure partie est qu'il ya des millions d'entre eux, et si ils ont tous se mettent en colère ensemble dans le même temps, ils peuvent faire une beaucoup plus grande course de l'animal. Remarque sur la traduction: Splen est un emprunt du grec pour "rate" (du latin natif mot est un privilège ), . De même, ; de même sua bilis inest  l'amertume de la bile (vésicule) a également été prise pour représenter la colère ou l'indignation, faisant "sentir l'indignation" une traduction plausible pour sua bilis inest .

    inest : insum = être dedans, contenir

  • Habet et musca splenem, et formica sua bilis inest. “Even a fly gets angry, and an ant can feel indignation within.”

    Even the insignificant creature can feel wronged and become enraged. The best part is that there are millions of them, and if they all get angry together at the same time, they can make a much larger animal run.

    Note on translation: Splen is a borrowing from Greek for “spleen” (the native Latin word is lien), an organ that was thought to be the seat of anger, hence the translation “gets angry” for habet splenem. So also, the bitterness of bile (gall) was also taken to represent anger or indignation, making “feel indignation” a plausible translation for sua bilis inest.

 

 

Voir British Museum

Scarabei Umbra, plate 1 in pt. 2 of the book, Archetypa studiaque patris… (Frankfurt: n. p., [15]92), parts 1-4 in 1 vol.

Plate 1: A large scarab in the upper middle, flanked by two plants on the outer left and right; the plant on the outer left has a butterfly on top of it; the plant on the right a caterpillar; a mosquito below the scarab on the left; a small spider direct below the scarab; a twig of rosemary and a pear in the lower left corner; a small fish in the lower middle; an apple and a rose in the lower right corner; after Joris Hoefnagel. 1592
Engraving with surface tone

Lettered within image in upper middle: "SCARABEI VMBRA." and in lower middle "Rosam quae praeterierit ne quaeras iterum" numbered in lower left corner: ".1." and in the lower right corner ".2."

Scarabei Umbra : Erasme : Kavoggrrec id est, Scarabei umbra. Dictum est de inani metu, quod hoc insectu repente advolans, nonnunquam terrere soleat parum attentum, Recensetur a Diogeniano

Peur irraisonnée d'un insecte entré subitement. Cité par Diogène.

 

— Illustration : Iris fétide Iris foetidissima; Sept insectes. Je propose pour la grosse mouche Sarcophaga carnaria ou Mouche à damiers ; à sa droite, peut-être un Phrygane (Trichoptera). A midi, une punaise : Tritomegas bicolor (Cycnidae). A 11 heures un Ichneumon, la belle Pimpla pedalis  aux pattes rouges.

Pour une image de bien meilleure qualité : lien :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69742.html.

 

 

 

 

Planche LXXVI.

7 insectes. A 3 heures, je propose Rhamnusium bicolor, un Cerambycidae ; A 8 heures, Rhynchites auratus le Rhynchite du Prunellier (Curculionoidea).

 

 

 

Planche LXXVII.  

Dix insectes, dont :

  • un Ephemeroptera aux deux cerques en fourche. Voir planche XXXXIV . Jusqu'à présent (2015), les premières illustrations d'Ephemeroptera connues et colligées dans la littérature scientifique étaient celles de Jacob Hoefnagel (qui reprend les peintures de son père) dans Archetypa studiaque II:10  de 1592 et Diversae insectarum volatilium de 1630 ). Ces éphémères d'Ignis  avancent la date de première illustration de plus de 15 ans, mais surtout peut-être, procurent une peinture de première qualité, peinte et donc en couleur au lieu d'une gravure sur cuivre en noir et blanc. Linné* cite Hoefnagel (certainement archetypa) en référence de son Neuroptera Hemerobius lutarius (Sialis lutaria) dans le Systema naturae de 1758 page 550 n°11, mais cela ne correspond pas à cette figure.

    *Linné Systema naturae 1758 page 550 n°11 ; Fauna suecica 1746 et 1761

    Voir Palingenia longicaudahttp://www.ephemeroptera-galactica.com/pubs/pub_r/pubrussevb1987p109.pdf  

 

  • Rhamnusium bicolor, comme dans la planche LXXVI.

 

 

 

Planche LXXVIII

Inscription supérieure : Improba musca.

— Traduction : "Mouches importunes !"

— Sources :

a) Phèdre, Fabulae, Calvus et Musca (L'Homme chauve et la mouche" : "te, animal improbum generis contempti ,quae delectaris bibere sanguinem humanum ! »   "toi, animal pervers d'une espèce méprisée, qui te plais à boire le sang humain! »

b) Lactance, Symposium sive centum epigrammata  : Musca : Improba sum, fateor, quid enim gula turpe veretur ?

cf. Gaffiot Improbus, a : mauvais, méchant, vil, éffronté, impudent, qui ne laisse pas de répit.

— Commentaire : l'expression improba musca semble être devenue proverbiale et se retrouve ensuite dans la poésie latine tardive. 

— Illustration : dix insectes : je propose de reconnaître à la place centrale Lissonota setosa (ichneumonidae), dont l'auteur n'est autre que mon cher Geoffroy in Fourcroy 1785.

 

 

Planche LXXXVIX

12 insectes. 5 Hétéroptères (Punaises) dont Corysus hyoscami à 8 heures

 

 

 

 

 

Planche LXXX

Viola tricolor : une dernière pensée pour la planche finale d'Ignis

 

 

Inscriptions. Planches supplémentaires de Berlin.

 

Planche non numérotée (Berlin)

https://rkd.nl/nl/explore/images/121017

 

Inscription : SANCTUM ET TERRIBILE NOME[N]​ EIUS.

Initium sapientiae timor domini ps. 110

:— Traduction : [Il a envoyé la délivrance à son peuple, Il a établi pour toujours son alliance;] Son nom est saint et redoutable. 10 La crainte de l'Éternel est le commencement de la sagesse; [Tous ceux qui l'observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais.] Trad. Louis Segond.

— Source : Biblia Sacra Vulgata :Psaume 110 (111) verset 9 et 10

— Commentaire :

 

Illustration : Scarabée rhinocéros européen, Oryctes nasicornis,

 

 

http://books.google.fr/books?id=zTJyC85yzGkC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Mira : la cour de Rodolphe II et de son père Maximilien était l'un des principaux centres de botanique du XVIe siècle. Un certain nombre d'éminents botanistes néerlandais, comme Carolus Clusius et Rembert Dodoens, ont été à son service à un moment ou à un autre. Maximilien comme Rodolphe construisirent des jardins dans lesquels ils faisaient cultiver des espèces rares. notamment à Prague. L'empereur Rodolphe constitue de vastes collections dans son palais imperial de Prague ; on y trouvait outre des collections de peinture, dont, entre autre chef-d'œuvre la série de peinture de Corregio représentant les amours des dieux, la Madone au Rosaire de Dürer, le cabinet de curiosité dénommé Kunstkammer etc etc

Marcel Wasscher https://rkd.nl/nl/explore/images/121230

https://rkd.nl/nl/explore/images/121359

 

 

Berlin planche XXXV

inscription supérieure en rouge pourpre :QVOT IN CAMPO FLORES:

— Traduction :

— Source :

— Commentaire

inscription inférieure  :TOT SVNT IN AMORE DOLORES.

— Traduction :

— Source :

— Commentaire

Traduction: Se il ya des douleurs dans l'amour

Note importante

Comme tout amateur abordant naïvement un sujet dont il ignore tout, j'ai écrit sans vergogne ce qui apparaîtra comme de savoureuses balourdises. Merci de passer l'éponge, et de me donner les belles corrections que je mérite.

 

Sources et liens : 

— Site de la National Gallery of Arts (Washington), qui détient le manuscrit : seules 10 planches d'Ignis y sont visibles : 

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/artist-info.2569.html?artobj_artistId=2569&pageNumber=7

— Site de RDK Netherlands : toutes les planches ou presque y sont visibles, et décrites,  floutées partiellement par les lettres NDK ; bibliographie et commentaires.

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis&start=55

— LECLERCQ (J.) 1987 – Qui fut le premier entomologiste belge? Je propose Joris Hoefnagel (1542-1600). Bull. Annls Soc. r. belge Ent., 123: 353-357.   

LECLERCQ (J.) THIRION (C)., 1989 -" Les insectes du célèbre diptyque de Joris Hoefnagel (1591) conservé au musée des Beaux Arts de Lille" . Bull. Ann. Soc.R. belge Ent., 125, 302-308. (non consulté)

— ÉRASMEAdagia (1508) Textes présentés par le Groupe Renaissance Âge Classique (GRAC - UMR 5037) Jean-Christophe SALADIN Lyon 2010  in Corpus Corporum,  Université de Zürich http://www.mlat.uzh.ch/MLS/xanfang.php?tabelle=Desiderius_Erasmus_cps4&corpus=4&lang=0&allow_download=

— HENDRIX (Lee) VIGNAU-WILBERG (Thea) 1992 Mira calligraphiae monumenta: A Sixteenth-Century Calligraphic Manuscript Inscribed by Georg Bocskay and Illuminated by Joris Hoefnagel

JORINK (Eric) 2010 Reading the Book of Nature in the Dutch Golden Age, 1575-1715, Leiden, Koningklijke Brill NV. Numérisé par Google

— JORINK (Eric) 2006  Het ‘Boeck der Natuere’ Nederlandse geleerden en de wonderen van Gods schepping 1575-1715 Primavera Press Leiden: numérisé dbnl 

http://www.dbnl.org/titels/titel.php?id=jori009boec01

— LINNÉ, (Carl) 1758, Systema naturae :http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277#page/3/mode/1up

http://en.wikipedia.org/wiki/Neuroptera_in_the_10th_edition_of_Systema_Naturae

 — NERI (Janice) 2011  The Insect and the Image: Visualizing Nature in Early Modern Europe, 1500-1700, University of Minnesota Press.

— WILLBERG VIGNAU-SCHUURMAN (Theodora Alida Gerarda) 1969  Die emblematischen Elemente im Werke Joris Hoefnagels. Leiden : Universitaire Pers, 1969.Leidsche Kunsthistorische reeks, deel, Nr.2.

 VIGNAU-WILBERG (Thea) 2007, "IN MINIMIS MAXIME CONSPICUA. insecten darstellungen um 1600 und die anfänge der entomologie",in Early Modern Zoology: The Construction of Animals in science, literature and the Visual Arts publié par Karel A. E. Enenkel,Paulus Johannes Smith , Volume 7,Numéro 1 pp. 217-243. numérisé Google

— les escargots dans Archetypae https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/05/03/120-hoefnagel-1592/

— Les escargots dans Allégorie d'Hoefnagel :https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/04/01/89-joris-hoefnagel/

Livres et Sites d'identification entomologique:

CHINERY (Michael) 2012  Insectes de France et d'Europe occidentale, Flammarion

http://domenicus.malleotus.free.fr/a/endopterygotes.htm

http://aramel.free.fr/INSECTES6.shtml

http://www.naturespot.org.uk/content/species-library

Et dans un faible corps s’allume un grand courage.  

un grand courage dans une étroite poitrin

Inscriptions et insectes dans l'Ignis de Hoefnagel (III) : discussion .

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Inscriptions et insectes dans l'Ignis de Hoefnagel (III) : discussion et décomptes.

I. Inscriptions.

Parmi les 80 planches d'Ignis, (83 en incluant les planches de Berlin) 32 comportent des inscriptions, toutes latines, placées au dessus de l'ovale présentant le ou les insectes étudiés, et, lorsque la planche comporte deux citations, au dessous de cet ovale.

Au total, cela forme un corpus de 43 inscriptions, brèves, en lettres capitales ou en minuscules, sans références d'auteur (sauf 2 références bibliques), constituées d'une, deux, ou exceptionnellement (page 2 et 3) trois lignes.

Leur source est identifiable dans la quasi totalité des cas, regroupant 9 auteurs : la Bible dans 5 cas, Esope (1), Ovide (2), Virgile (2), Pseudo Virgile (1), Augustin d'Hippone (1), Palingène (2), Ausone (4), et Érasme (19 ).

On peut y distinguer un premier ensemble introductif à thème religieux et cosmique, lié au titre Ignis, et constitué des quatre premiers folio, et un second ensemble "entomologique", en ce sens qu'il commente les planches d'insectes.

Dans le premier ensemble, l'intention est de préciser la place de l'Homme face aux mystères de la création et de la grandeur du Créateur, mystères dont le Feu (Ignis), puissance destructrice et fécondatrice dépassant infiniment l'Homme, est emblématique. Hoefnagel fait appel aux psaumes 103, 110, 112, 146 et au Livre de Job 14:1, au De Civitate d'Augustin d'Hippone, mais aussi à l'auteur (pseudo-Virgile) du poème cosmologique Etna. La présentation de "l'homme sauvage" Pedro Gonsalvus et de sa famille est l'occasion d'une méditation sur la nature humaine : quelle est le propre de l'humain, quelles sont les limites de l'animalité ?

L'interprétation de cette introduction imposerait de développer le contexte historique sur le plan religieux (Influence de la Réforme et de l'accès direct aux textes bibliques), historique (Guerres de religion ; saccage d'Anvers en 1576 par les troupes espagnoles provoquant la fuite des intellectuels, artisans et artistes) et culturel (à la cour de Guillaume V duc de Bavière — Guillaume le Pieux, catholique ardent— puis à la cour de Rodolphe II.).

Le second ensemble fait principalement appel aux Adages d'Érasme, dans ce qui constitue un véritable Bestiaire où les insectes comme les mœurs de la mouche (Musca), la cigale (Cicada), la fourmi (Formica) ou la guèpe (Vespa) deviennent emblématiques par anthropisation des mœurs humaines, dans une visée moralisatrice enracinée dans la Vertu antique mais aussi dans la pensée de la réforme. Là encore, il faudrait rappeler le contexte, le goût pour les Emblemata depuis l'ouvrage fondateur d'Alciat, l'intérêt pour les formes brèves comme les Devises apposées (c'est le sens étymologique du mot emblème) à des motifs illustrés.

Malgré leur brièveté, la vingtaine d'adages d'Érasme ouvre largement vers la littérature antique, notamment vers les fables d'Ésope et de Phèdre. Dans notre mémoire et notre imagerie, les insectes sont souvent liés dès notre enfance aux fables de La Fontaine, et leur étude entomologique n'efface jamais ces anciennes traces. Hoefnagel en rend compte ici.

L'un des thèmes principaux des adages est d'illustrer la vanité et la prétention prêtées aux insectes ; thème dont les fleurs, et notamment les roses, sont également les plus anciens et les plus fréquents emblèmes. Le poème "Les roses naissantes" d'Ausone apporte, par une dizaine de vers, une illustration charmante de ce thème, et incite à découvrir cet auteur.

De même, Nous découvrons aussi Palingène, pseudonyme de Pier Angello Manzolli , et son Zodiaque de la Vie, dont les signes du Cancer et de la Vierge traversent l'Ignis.

Récapitulatif.

  • La Bible : Psaume 103 ; 110 ; 112 ; 146. Livre de Job 14:1

  • Augustin d'Hippone De Civitate X:12

  • Esope, Fable 61 Formica et Cicada

  • [Phèdre, Fabulae, Calvus et Musca] citation non littérale.

  • Ovide, Métamorphoses I et VII:826

  • Virgile, Géorgiques IV :83 et 184

  • Pseudo-Virgile, Etna 251-252

  • Ausone, Idylle XIV : 6 citations

  • Palingène, Zodiacus vitae IV (Cancer) et VI (Virgo).

  • Érasme, Adages 2145 ; 1123 ;334 ; 63 ; 124 ; 4402 ; 1540 ; 1796 ; 84 ; 1905 ; 1089 ; 466 ; 1084 ; 3643 ; 869 ; 3612 ; 828 ; 414 ; 60 ; 2601 ; 2660 ; 2087 ; 771 ; 2407 ...

  • la Bible dans 5 cas, Esope (1), Ovide (2), Virgile (2), Pseudo Virgile (1), (1), Palingène (2), Ausone (4), et Érasme (19 ).

II. Décompte entomologique et identification.

J'ai compté 468 insectes représentés sur les 83 planches étudiées. Parmi ceux-ci, j'ai identifié 47 des 96 papillons dans un article précédent, et j'ai identifié plus de quarante autres insectes dans les deux articles consacrés aux inscriptions, soit environ 1/5ème du total. Il est évident que ce score peut (doit) être amélioré par des entomologistes patentés. Mais la comparaison entre la définition des images heureusement disponible grâce à RDK Netherlands, et celle des rares (10) images proposées par la National Gallery de Washington montre que la consultation directe des planches, ou d'images numérisées de bonne qualité peut permettre d'aller beaucoup plus loin dans cette recherche.

Or, l'enjeu est loin d'être anecdotique, puisque nous avons affaire à la première collection systématisée d'illustration d'insecte jamais réalisée au monde, et que nous sommes ici devant le berceau de l'entomologie en tant que science individualisée et méthodique.

Il est possible que ces peintures correspondent à une collection réelle, à laquelle Hoefnagel aurait eu accès, a priori à Munich à la cour de Guillaume de Bavière, mais aussi à celle de l'archiduc Ferdinand de Tyrol au château d'Ambras à Innsbruck, ou auprès d'un bourgeois naturaliste : sa profession accessoire de "marchand" (qui est aussi celle de son frère) le mettait en contact avec beaucoup de gens. Il est tout aussi possible qu'il s'agisse d'une collection conservée en France (séjour à Bourges et à Orléans), en Espagne, en Suisse (pensons à Gessner) ou en Italie (pensons à Aldrovandi) puisque Hoefnagel a séjourné dans ces pays, ou encore dans les Provinces-Unies. Enfin, le peintre a pu —comme le fera Ernst pour Engramelle en 1779— se déplacer et enrichir son port-folio lors de chacun de ses déplacements et de ses contacts avec des collectionneurs.

Quoiqu'il en soit, nous constatons que cette collection illustrée est structurée par une systématisation qui prouve que le souci scientifique co-existe avec le souci artistique, et que ces deux desseins se servent mutuellement plutôt qu'ils ne s'excluent. En effet, les insectes sont groupés en planches majoritairement cohérentes, en débutant par les lépidoptères (eux-mêmes assez bien répartis en rhopalocères et en hétérocères), en poursuivant par les araignées, les coléoptères, les orthoptères, les odonates, les diptères et coléoptères. Malgré un certain désordre lié peut-être à des impératifs de mise en place sur le cadre strict de l'ovale, certaines planches sont très homogènes et témoignent d'une pensée et d'une analyse classificatrice qui rompt avec les peintures d'insectes des enluminures de Livres d'Heures et des peintures primitives flamandes où la symbolique chrétienne ou moralisatrice des animaux présidaient à leur choix.

J'ai déjà montré comment le choix du cadre ovale doré aux marges vides et où sont placés les insectes témoignent aussi d'une focalisation sur le spécimen qui est propre à la pensée entomologique. Mais la précision des détails des insectes, la fabuleuse reproduction de la nervation alaire des libellules par exemple, est significative aussi de cette pensée. Il a été suggéré que cette précision supposait l'emploi d'un microscope. Mais s'il s'agissait d'une simple loupe, son utilisation montre tout autant que le souci de reproduction exacte du spécimen était une obsession qui primait sur le souci de l'effet artistique.

14 planches comportent des fleurs, soit seules, soit dans la composition : les voici :

  • Mirabilis japala

  • Antirhinum majus : Muflier à grande fleurs ou Gueule de loup

  • Rose (à préciser sur le plan botanique)

  • Aquilegia vulgaris Ancolie.

  • Dianthus ou œillet (Dianthus barbatus ou œillet du poète ?)

  • Jasmin

  • Baie d'if Taxus baccata

  • Rosa canina Églantier

  • Narcissus poeticus ou Narcisse du poète.

  • Iris foetidissima ou Iris fétide

  • Viola tricolor ou Pensée sauvage.

Inventaire entomologique très provisoire.

Attention, aucune de ces identifications n'a été validée par un entomologiste patenté.

LÉPIDOPTÈRES :

I. Rhopalocères = 23 espèces.

— Hesperidae Hesperinae
— Pieridae Pierinae :
• Anthocharis cardamines
Pieris [mannii]
• Pontia daplidi
ce
Pieris sp.
• Aporia cratae
gi
— Pieridae Coliadinae
Gonepteryx rhamni ♂ et ♀
• Colias croc
ea
— Papilionidae Papilioninae
• Papilio machaon.
— Nymphalidae :
Nymphalis antiopa
• Polygonia c-album
• Vanessa cardui
• Aglais urticae
• Maniola jurtina
• Pyronia tithonus
• Argyn
nis paphia
Vanessa atalanta
Argynnis [aglaja ?]
Hipparchia semele
Lasiommata megera ♂
— Lycaenidae
Thecla betulae
• Satyrium sp. (Satyrium pruni?)
• Polyommatinae [Eumedonia eumedon??]


II. Hétérocères : 24 espèces.


— Geometridae
• Ennominae Abraxas grossulariata

• Ennominae Pseudopanthera macularia L.
Xanthorhoe fluctuata
Idaea aversata
— Sphingidae
• Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum
• Sphingidae Macroglossinae Hyles euphorbiae
• Sphingidae Sphinginae Agrius convolvuli
• Sphingidae Smerinthinae Smerinthus ocellata
— Notodontinae
• Stauropinae Harpyia milhauseri
— Limantriidae
Euproctis chrysorrhoea (L.) ou E. similis.
— Noctuidae Noctuinae
• Noctua pronuba

• Triaena psi
Melanchra persicaria
• Autographa gam
ma
Euclidia glyphica ?
• Noctuinae Acronictinae Acronicta lepinora L.ou Lymandra dispar
— Noctuidae Catocalinae
Catocala fraxini
Catocala nupta
— Arctiidae
• Tyria jacobaeae
• Arctinae Spilosoma [urticae ; lubricipeda ]
• Arctia caja

  • Eilema sp.

— Pyralidae
• Pyralis farinalis
— Pterophoridae
Pterophorus pentadactylus
— Tortricidae Tortricinae
Cacoecimorpha pronubana

ODONATES.

— Zygoptères.

plusieurs à identifier.

Calopteryx splendens.

— Anisoptères.

  • Brachytron pratense "Aeschne printanière".

  • Aeshna cyanea "Aeschne bleue"

  • Orthetrum cancellatum ? "Orthetrum réticulé"

  • Orthetrum brunneum ?

  • Sympetrum sanguineum ♂ et ♀.

  • Sympetrum pedemontanum "Sympetrum du Piémont"

ORTHOPTÈRES

— Criquets.

  • Oedipoda caerulescens "Oedipode bleue"

  • Acridinae : Acrida ungarica mediterranea ??

— Sauterelles.

  • Ruspolia nitidula ?

  • Platycleis tessellata ?

  • Plusieurs à identifier.

— Grillons.

  • Gryllus campestris "Grillon champêtre"

  • Gryllotalpa gryllotalpa "Courtilière"

MANTOPTERA

  • Mantis religiosa "Mante religieuse".

BLATTOPTERA

  • Blatta orientalis "Blatte orientale"

ARACHNIDA (N'appartiennent pas aux Insecta)

  • Aculepeira ceropegia "Épeire à feuille de chêne".

EPHEMEROPTERA

HETEROPTERA (PUNAISES)

  • Tritomegas tricolor.
  • Coryzus hyoscami
  • Pentatoma rufipes
  • Palomena prasina ?

MECOPTERA

Panorba communis "Mouche scorpion".

HYMENOPTÈRES

  • Apis mellifera

— Vespidae

  • Delta unguiculatum

​—

  • Bombus pascorum etc... en cours

—Formicidae.

  • Lasius niger.

ICHNEUMONIDAE

  • Gasterupion jaculator ?
  • Pimpla pedalis
  • Lissonota setosa

DIPTERA

— Tipulidae.

  • Tipula maxima "Grande Tipule"
  • Ctenophora festiva
  • Nephrotoma flavescens

​— Mouches

  • Musca domestica
  • Sarcophaga carnaria "La Mouche à damiers"

​COLEOPTERA

— Lucanidae

Lucanus cervus

— Scarabaeidae

  • Oryctes nasicornis.

— Cerambycidae.

  • Saperda scalaris
  • Oxymirus cursor
  • Plagionotus arcuatus "Clyte arqué"
  • Rhamnusium bicolor

— Meloidae

  • Meloe proscarabens

— Cleridae

  • Trichodes favarius

​— Curculionidae

  • Rhinchites auratus

Coccinellidae

  • Coccinella septempunctata

​III. Hoefnagel et la zoonymie.

Les noms d'insectes ne sont apparus, timidement, qu'au XVIIe siècle et ont attendus le Systema Naturae de Linné en 1758 pour se systématiser. Il nous est très difficile de changer de paradigme et de comprendre la pensée de nos ancêtres, et encore plus des naturalistes, pour imaginer comment ils ont pu observer, étudier, collectionner, peindre les centaines d'insectes différents sans les nommer, mais tout indique qu'il en allait ainsi. Avant de découvrir ces planches, je pensais que l'absence de noms montraient que les êtres humains côtoyaient et voyaient ces insectes sans les étudier, sans les connaître, sans s'y intéresser. Je suis pour ma part parfaitement capable de passer des heures entières, pendant des années, sans m'intéresser aux modèles de voiture qui m'entourent, me croisent et me dépassent, et de ne pas connaître leur noms. Je pensais que l'absence de nom d'insectes témoignait de l'absence de toute pensée et de toute connaissance entomologique. L'œuvre d'Hoefnagel me démontre le contraire. Il y eut d'abord une connaissance artiste des insectes sans description, sans désignation et sans pensée entomologique ( Hans Memling 1467, Bosch, ...) puis une étude entomologique avec une systématique et description visuelle sans description écrite (Hoefnagel 1575), puis des descriptions écrites des spécimens, avec planches illustrées et quelques noms (plutôt des adjectifs que de vrais Noms propres) (Aldrovandi 1602), puis de vrais noms propres accompagnés de descriptions écrites et de planches (Petiver, 1695-1710), puis d'une systématisation générale et d'une onomastique réglée (Linné, 1758.

Autrement dit, nous sommes passés :

1. d'une étude entomologique sans dénomination.

2. à une désignation par références [Diagnose + nom d'auteur et d'ouvrage + n° de planche et de figure] (la triade de Cordier, mais ne la cherchez pas sous ce nom)

3. à un Nom Propre.

Les trois étapes sont séparées par un fossé conceptuel irréversible, que nous ne pouvons pas franchir en arrière pour concevoir le temps des insectes sans désignation, ou celui des insectes sans nom. Il a fallu le coup de génie linnéen pour introduire dans la pensée le principe de baptiser les êtres animaux, aussi vils ou aussi petits soit-il.

Le paradoxe, qui est aussi une clef pour avancer dans cet épais mystère, est que les illustrations d'insectes dépourvus de noms et de désignations figurent, non pas isolés de tout texte, mais, au contraire, dans des objets saturés soit de symboles (Memling), soit d'écritures. Dans les Livres d'Heures, et les exemples les plus éloquents sont celui d'Anne de Bretagne, celui de d'Anne de Clèves, ou celui de Philippe de Clèves, qui fut illustré par Hoefnagel lui-même, les insectes (souvent des papillons) figurent dans les marges, ce statut marginal soulignant qu'ils ne sont que secondaires par rapport aux écritures sacrées du centre. Mais dans Ignis, les devises, proverbes, adages, les vers de psaume et de poème, inversent cette disposition et occupent désormais une place hors cadre, en dehors de l'ovale d'étude entomologique. Néanmoins, les données écrites n'en sont pas moins capitales : elles sont considérées, à l'époque, comme ce qui se fait de mieux dans le domaine du Savoir, car ces citations des Anciens font référence. Si bien que le De animalibus insectis d'Aldrovandi, qui n'a plus aucune prétention artistique mais se veut une étude scientifique des insectes, développe après les descriptions des espèces des chapitres sur les Proverbes et sur les citations des auteurs anciens. Dans le concept de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, adjoindre à une espèce animale la compilation de références littéraires antiques est la façon jugée nécessaire pour désigner, par la sorte d'étiquette que ces références façonnent, cette espèce. Autrement dit, l'important corpus de fables et de psaumes, d'adages et de poèmes n'est pas, pour Hoefnagel, une partie littéraire, mais, à part entière, la caractérisation entomologique des insectes représentés. Cette première œuvre fondatrice de l'entomologie s'est dégagée, par son regard OBJECTIF, des Bestiaires médiévaux, mais c'est néanmoins au bestiaire littéraire qu'elle fait appel dans des citations à fonction dénominatrice, pour la simple raison qu'aucun autre moyen n'est encore disponible. Relier un papillon jaune et noir doté d'une queue au nom d'un médecin de l'Iliade d'Homère, afin que ce nom serve de support bref et consensuel et que le simple nom de Machaon puisse porter ("évoquer") à la fois une image et les données qui le concernent nous paraît parfaitement évident. En réalité, ce fut, pour le cerveau humain, un long travail jusqu'à la maïeutique de Linné.

Inventaire des papillons décrits en 1662 par Jan Goedart.

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Inventaire des papillons et noms de papillons décrits dans le Metamorphosis et Historia naturalis (1662-1667) de Jan Goedart .

Résumé.

Dans son Metamorphosis publié en 1662-1667, Jan Goedart étudie les métamorphoses de diverses chenilles en chrysalides puis en imagos. On y dénombre 38 papillons, dont 9 papillons de jour (rhopalocères) — 6 sont identifiés—  et 29 papillons de nuit (hétérocères) — dont 11 identidiés— . Goedart donne des surnoms à ses chenilles selon leur comportement ("La Gloutonne" pour celle d'Aglais urticae) mais ne nomme qu'un  seul  papillon adulte, Paeuw-ogg (oculus pavonis en latin) pour Inachis io, notre "Paon-du-Jour".,

 

Biographie de Jan Goedart (Middelburg, Pays-Bas 1617-1668).

adaptation selon l'article Wikipedia Italie

Fils de Pieter  et Judith Pottiers, Goedart fut probablement  l'élève de Christoffel van den Berghe et a travaillé à Middelburg dans le même environnement culturel que le poète et fabuliste Jacob Cats et le cartographe Hondius (1563-1612) et l'astronome Philippe van Lansbergen 

(1561-1632). Il a été actif depuis1635 , date de ses premiers croquis représentant une chenille, jusqu'à 1667, année de sa dernière œuvre connue. Il appartenait à la Guilde de Saint-Luc dans sa ville natale.

 Ce fut un important entomologiste qui écrivit Métamorphosis et Historia Naturalis Insectorum , texte en trois volumes publiés entre 1662 et 1669, et contenant quelque 150 illustrations détaillées, qui connut une grande célébrité et fut traduit en trois langues: français, anglais et néerlandais. C'est probablement grâce à son travail comme naturaliste qu'il est venu à la peinture, non sans une formation approfondie sur le sujet. Très pieux et expert dans les Saintes Ecritures, il a bénéficié d'une bonne réputation en raison de son caractère bon et cordial, et de son l'amitié avec le prédicateur et naturaliste Johannes de Mey, qui a joué un rôle d'importation dans la composition et la publication du travail de Goedaert, en particulier en ce qui concerne le premier volume, tandis que Paulus Veerzaerdt, aumônier de Michiel de Ruyter, a collaboré au second. Dans Métamorphosis, l'auteur établit des parallèles entre la religion et la nature,  insére des références à des passages de la Bible dans les différentes étapes de développement des insectes et tire de ses observations des enseignements moraux incitant à l'admiration, mettant en garde contre la curiosité excessive et prêchant pour l'espérance en la résurrection, ainsi que la référence à  Dieu comme créateur infusé dans la nature  .

Ses œuvres artistiques comprennent essentiellement des paysages , des natures mortes et de fleurs avec des insectes et des architectures. Il a excellé dans la création d' aquarelles avec des oiseaux et des insectes  .

Il a également été actif comme alchimiste.

 

 Metamorphosis et historia naturalis insectorum 

   Ce travail, publié entre 1662 et 1667 à titre posthume en partie, représente réellement le travail de toute une vie: Goedaert, en fait, a commencé ses observations dès 1635 et a décrit plusieurs types d'insectes y compris les abeilles, les frelons, les pucerons, les papillons de jour et les papillons nocturnes, et les mouches dans toutes les étapes de développement. Il s'agit de l'observation minutieuse de toutes les phases de croissances des insectes, de la larve à l'adulte en passant par l'étape de la métamorphose. Il y étudie, les changements non seulement dans l'apparence mais aussi la puissance et à donne son propre système de classification . Avec ce texte, il se révèle être un précurseur des études éthologiques-systématiques et anatomiques qui connurent au siècle suivant une grande impulsion, bien que son travail comporte plusieurs erreurs, comme des dessins de chrysalides à l' aspect anthropomorphique. Adepte de la théorie de la génération spontanée , il croit que le processus de métamorphose entraîne la mort d'une créature (comme la chenille) et l'émergence spontanée d'un autre (comme le papillon) à partir des restes de la précédente. Pour la première fois, des insectes sont représentés grâce à la technique de la taille-douce. Il est traduit en français en 1700 sous le titre d’Histoire des insectes.

 Johannes de Mey a ajouté dans la version qu'il a produite un chapitre sur les Éphémères , et de nombreuses longues annotations.

Martin Lister donna en 1682 une traduction anglaise de Metamorphosis  de Jan Goedart et publia en 1685 une version améliorée en latin selon un ordre méthodique et une classification qui lui sont propres.

Nous disposons donc de plusieurs versions, dans lesquelles les noms propres ou surnoms donnés aux chenilles et à leur plante-hôte (l'objet initial de mon inventaire), qui apparaît en italique dans le texte néerlandais, disparaissent ou se modifient, rendant difficile leur inventaire surtout à un étranger et m'amenant à renoncer à en dresser la liste. Les noms néerlandais sont traduits en latin ...dans la première édition latine, ce qui permet une meilleure compréhension. J'ai, finalement, surtout vérifié qu'on ne trouvait pas d'autre nom d'imago que celui de Paeuw-ogg, et j'ai cherché à établir la liste des espèces de lépidoptères connus par Goedart. Le nombre d'espèces est bien inférieur à celui du manuscrit Ignis d'Hoefnagel, un siècle auparavant, mais ce n'est pas ici une collection d'insectes, mais le résultat d'expériences d'élevage de chenilles pour suivre leur développement.

 

Inventaire des planches, des espèces représentées et des noms cités.

  Il ne s'agit pas d'un inventaire en règle, mais du fruit de ma curiosité pour l'histoire de l'entomologie et de mon enquête sur l'histoire des noms de papillons. D'autres, plus méticuleux,  viendront pour parfaire cette ébauche. J'y ai compté 38 papillons, dont 9 papillons de jour (rhopalocères) — 6 sont identifiés—  et 29 papillons de nuit (hétérocères) — dont 11 identidiés— . Je n'ai récolté qu'un seul nom de papillon, Paeuw-ogg (oculus pavonis en latin), mais cette découverte est considérable puisqu'elle est le poinbt de départ d'un nom vernaculaire adopté d'abord en anglais par Petiver, puis en français par Geoffroy en 1762 sous la forme Paon-du-jour.

 

Liste des 6 rhopalocères identifiés :

  • Planche I page 15 : Inachis io "Paon-du-jour" Egel-rups : chenille hérisson paeuw-ooge :.

  • planche XI : Pieris brassicae "Piéride du chou" : "Wittiens"

  • Planche XXI : Aglais urticae "Petite Tortue". la chenille :"Gulfigaert" = "le Glouton" 

  • Planche XXVI : Vanessa atalanta "Le Vulcain" : "Noort-Rupfe"

  • Planche XXVII Pieris rapae "Piéride de la rape" : "Droevaert"

  • LXXVII : Nymphalis polychloros "Grande Tortue".

​Liste des 11 hétérocères identifiés :

  • Planche III : Euproctis similis : Verde sienders

  • Planche VII: Lasiocampa trifolii D. & S. " Le Bombyx du Trèfle" : voorsichtighen

  • Planche X : Lasiocampidae Malacosomatinae Malacosoma neustria L. "Le Bombyx à livrée" : la chenille "Nat-neus".

  • Planche XIII ? Euproctis??? : "Koeckoeck"

  • Planche XVII : Erebidae Arctiinae Arctia caja L. "L'Ecaille Martre, La Hérissonne" : "Ruygen beyr'"

  • Planche XXIV : Sphingidae Smerinthinae Laothoe populi L.  "Le Sphinx du Peuplier" : nom de la chenille "Piilsteert." (nom  aussi du crécerelle) "Queue pointue" 

  • Planche XXXI : Geometridae Ennominae Abraxas  grossulariata la "Zérène du groseillier"

  • Planche XXXII : Noctuidae Plusiinae Autographa gamma L.  "Le Gamma" : Taback-eter

  • Planche XXXVI : Erebidae Lymantriinae Dicallomera fascelina L.  "Le Bombyx porte-brosses" : "sleck-rupfe"

  • Planche LVI Noctuidae Plusiinae Diachrysia chrysitis L. Le Vert-Doré ??

  • LIX :  Erebidae Lymantriinae Orgyia antiqua L. "L'Etoilée", "le Bombyx antique" : " Antijck".

 

Liste de la plupart des planches avec les noms des chenilles.

  • Planche I page 15 : Inachis io texte page 15-16 : Echin-erucam / Egel-rups : chenille hérisson oculus pavonis / paeuw-oog :

Dese Rupse heb ick ghevanghen den 14 Mey, 1635
ende onderhouden met netel-bladeren tot den 11
Junii des selfden jaers; doen heeft sy haer tot de veranderinghe
gheset, maeckende het achterste eynde
van de veranderinghe seer vast, met den kop nederwaerts
hanghende, als te sien is by letter B. Dese
vertooninge duyrde den tijt van negen-thien dagen,
als doen quam daer uyt een schoone vier gevleugelde
Paeuw-oog, gelijck in dese medegaende figuyre aengewesen
wort, by de letter C.”

  • Planche II : Eristalis tenax : Swiin made 

  • Planche III : Euproctis similis : Verde sienders 

  • Planche IV : 2 mouches, un insecte:  vuylen leuyaerdt

  • Planche V :  pas de planche : Passerculos sicatos /Droogen Visch

  • VI : idem:  Sisarum / Suycker-Wortel 

  • Planche VII: Lasiocampa trifolii D. & S. ( = Pachygastria trifolii) Le Bombyx du Trèfle :  voorsichtighen

  • Planche VIII idem ?? (chenille non ressemblante) "Jager"

  • Planche IX : Tyria jacobaeae "Goutte-de-sang" : "Zand-rups"

  • Planche X : Lasiocampidae Malacosomatinae Malacosoma neustria L. "Le Bombyx à livrée" : la chenille "Nat-neus".

  • planche XI : Pieris brassicae "Piéride du chou" : "Wittiens"

  • Planche XII ? "Dronckaerdt"

  • Planche XIII ? Euproctis??? "Koeckoeck"

  • Planche XIV ? "Nacht-uyl"

  • Planche XV :  "Boeren-nestelingen"

  • Planche XVI : "Bedrieger"

  • Planche XVII : Erebidae Arctiinae Arctia caja L.L'Ecaille Martre, La Hérissonne : "Ruygen beyr'"

  • Planche XVIII : "Duycker"

  • Planche XIX

  • Planche XX : "Schoonen-looper"

  • Planche XXI : Aglais urticae la chenille :"Gulfigaert" = "le Glouton" Ick gaf hem den naem van Gulfigaert om dat hy feerveel at, ja naeuweliix en konde versadicht werden

 “Al ist schoon dat de Netelen haer gheweyr hebben

waer mede sy seer vinnich van haer steecken: nochtans
en konnen sy dese Rupsen niet af-keeren; Dese
Rupse stelde sich tot Veranderinge den 23 Junii; Den 9
Julii is daer uyt voortgekomen een schoon gekoleurde
Kapelle, welcke lange in het leven kan blijven; Ick gaf
hem den naem van Gulsigaert om dat hy seer veel at,
ja naeuwelijx en konde versadicht werden.”"

  • Planche XXII : "Mervelie"

  • Planche XXIII : Lospoot

  • Planche XXIV : Sphingidae Smerinthinae Laothoe populi L. ( = Amorpha populi) "Le Sphinx du Peuplier" : nom de la chenille "Piilsteert." (nom  aussi du crécerelle) "Queue pointue" 

  • Planche XXV "Slaepaert"

  • Planche XXVI : Vanessa atalanta "Le Vulcain" : "Noort-Rupfe"

  • Planche XXVII Pieris rapae "Droevaert" Plante-hôte : brassicae

  • Planche XXVIII

  • Planche XXIX : Vroegh-op"

  • Planche XXX

  • Planche XXXI : Geometridae Ennominae Abraxas  grossulariata la "Zérène du groseillier" : Plante-hôte : foliis grossularia /Stekel-besyen , Kruys-besyen

  • Planche XXXII : Noctuidae Plusiinae Autographa gamma L. ( = Plusia gamma) "Le Gamma" : Taback-eter

  • Planche XXXIII

  • Planche XXXIV : geelen-vrapen drager

  • Planche XXXV

  • Planche XXXVI : Erebidae Lymantriinae Dicallomera fascelina L. ( = Dasychira fascelina) "Le Bombyx porte-brosses" : "sleck-rupfe"

  • Planche XXXVII 

  • Planche XXXVIII : Hypocrist

  • Planche XXXIX : "sprinck-haen"

  • Planche XXXX​

  • XXXXI

  • XXXXII

  • XXXXIII

  • XXXXIV

  • XXXXV

  • XXXXVI :Suiker-peer

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  • Planche LIV : exters-made 

  • Planche LV : door-border 

  • Planche LVI :

  • Planche LVI Noctuidae Plusiinae Diachrysia chrysitis L. Le Vert-Doré ??  "schrickachtigen"

  • Planche LVII : wacht-houder

  • Planche LVIII : 

  • Planche LIX :  Erebidae Lymantriinae Orgyia antiqua L. "L'Etoilée", "le Bombyx antique" : " Antijck"

  • Planche LX : steen-rups 

  • Planche LXI : blaeuwe-kop.

  • Planche LXII : pelicaen-rupfe

  • Planche LXIII : geel-kop

  • Planche LXIV : lint-worm

  • Planche LXV

  • Planche LXVI : verslinder

  • Planche LXVII : lecker-beetjen

  • Planche LXVIII

  • Planche LXIX

  • Planche LXX : kamelio

  • Planche LXXI : duyckelaer

  • Planche LXXII : 

  • Planche LXXIII

  • Planche LXXIV : ontvertsaeghden

  • Planche LXXV

  • Planche LXXVI : Courtilière : Gryllo-talpa

  • Planche LXXVII : Nymphalis polychloros "Grande Tortue" 

  • Planche LXXVIII :   Rob-Worm ; morsus gallinae ; hanatons molenaers-worm. Fromenti vermis = Koren-worm

  • Planche LXXLIX : Ysiekeep

 

 

    ICONOGRAPHIE : Planches gravées en taille douce et peintes.

 

 

 

E. similis Poitou charentes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mouches et syrphes 

 

 

 

 

 

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Complément : Joannis de Mey : Hemerobia et Ephemera

Source et liens :

—https://archive.org/stream/metamorphosisnat01goed#page/n159/mode/2up

—Version par Lister en latin annoté: 

http://books.google.fr/books/ucm?vid=UCM5327359323&printsec=frontcover&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

http://books.google.fr/books?id=ohl-IXseSxsC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

—et Lister à Gottingen :http://docnum.unistra.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/64604/rec/1

— Exemplaire de Strasbourg numérisé

— Site du  Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie  RKD Netherlands Institute for art history :https://rkd.nl/nl/artists/32287

 — Version en latin : 

GOEDART (Jan) 1662 Metamorphosis et historia naturalis insectorum, autore Joanne Goedartis, cum commentaris D. Joannis de Mey...Medioburgi, apud Jacobum Fierensium bibliopolam sub insigni globi. Par Johannes Goedaert,Mey 1662, 236 pages : Google http://books.google.fr/books?id=XIlKG2Ym6tcC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 

Planche XXX
 

Zoonymie de la Thécla de l'Amarel Satyrium acaciae.

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Zoonymie ou étude du nom de la Thécla de l'Amarel Satyrium acaciae (Fabricius, 1787).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé.

Satyrium Scudder, 1876 : l'auteur américain donne l'explication du choix de son genre dans sa description originale en soulignant "la sobriété de ses marques et de sa coloration , rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué". En effet, les ailes de l'espèce-type du genre, Satyrium fuliginosa ou "Western Sooty Hairstreak" sont d'un gris uni en dessous et d'un brun terne au dessus, qui peuvent rappeler les couleurs de quelques Satyrides. Le nom ne crée aucun rapport entre les espèces du genre, et les satyres de la mythologie.

acaciae (Fabricius, 1787) : la plante-hôte de cette Thécla est le Prunus spinosa mais l'épithète pruni avait été utilisé par Linné en 1758 (Satyrium pruni). De même, l'épithète spini avait été attribué par Denis & Schiffermüller en 1775 à une autre Thécla (Satyrium spini). Pour qualifier cette nouvelle espèce adressée de Russie méridionale par Jean de Boeber , Fabricius a donc, selon toute vraisemblance, fait appel à un synonyme du nom du Prunellier, créé par Crantz en 1763, Prunus acacia germanica . En effet, le Prunellier était couramment nommé, notamment dans la pharmacopée, "acacia nostras" ou "acacia germanica" en opposition avec le "vrai acacia", ou "acacia du Levant", qui correspond à nos Mimosas (Genre Acacia) .

— Dans cette acceptation alors courante du nom Acacia, le papillon fut nommé "le Polyommate de l'Acacia" par Latreille puis par Godart en 1822. En 1986,l' Acacia évoquait plutôt soit les Mimosas, soit le Robinier faux acacia, et devant ce risque de confusion, Gérard Luquet a cru bon de remplacer ce nom par celui de "la Thécla de l'Amarel", actuellement en usage. L'Amarel est l'un des noms du Prunus malaheb L.,1753 le "cerisier odorant",ou "faux merisier" ou "Cerisier de Sainte-Lucie", qui sert de porte-greffe aux vrais Cerisiers. Toute confusion avec l'Acacia est ainsi écartée.

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I. Nom scientifique.

1°) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycènes.

Leach, William Elford, 1790-1836 "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172 : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library] page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]

La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807).

  • Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : [Thiéclines : Théclas ou Thècles et Faux-Cuivrés]. Hairstreaks en anglais

  • Sous-famille des Lycaeninae [Leach, 1815] : [Lycénines : Cuivrés].

  • Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827 : [Polyommatines : ; Azurés, Argus et Sablés]. Blues en anglais.

2°) Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : les Thèclas ou Thècles et les Faux-Cuivrés.

Les Theclinés se distinguent par la présence d'une courte queue sur les ailes postérieures. Ils portent le nom de Hairstreaks ["cheveux-stries] en anglais, en raison (W. Dale) des lignes fines qui traversent la face inférieure de leurs ailes.

Elle comprend trois tribus en France :

  • Tribu des Tomarini Eliot, 1973 (Genre Tomares ).

  • Tribu des Theclini Butler, 1869.

  • Tribu des Eumaeini Doubleday, 1847.

3°) Tribu des Eumaeini Doubleday, 1847

  • Genre Satyrium Scudder, 1876

  • Genre Callophrys Billberg, 1820.

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38600#page/160/mode/1up

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  1. Nom de genre : Satyrium Scudder, 1876

a) Description originale :

Satyrium Scudder, 1876; "Synonym list of the butterflies of North America, North of Mexico. Part 2. Rurales." Bulletin of the Buffalo Society of natural Sciences, Chicago, 1887 3 [18], page 106.

http://www.archive.org/stream/bulletinofbuffal03buffuoft#page/106/mode/1up

— Description :

"8. SATYRIUM Scudder.

Type : Lycaena fuliginosa Edw.

This genus which both Edwards and Boiduval referred to the Ephori is allied to Erora, but in the sobriety of its markings and coloration is in striking contrast to that group, recalling to a certain degree a tone of color common among Oreades or Satyrids, whence the name I have applied to it . The center of the eyes is thinly pilose ; the palpi, though slight, are longer than the eyes by the whole lenght of the terminal joint. The fore tibiae are three-fourths and the middle tibiae seven-eights the lengyh of the hind tibiae. The wings are broader than in Erora, resembling more those of Callipsyche, but, as in the former genus, the male has no discal stigma on the front pair, and the hind wings are scarcely excavated at the tip of the inner border ; the first superior subcostal nervule of the fore wings arise at or just before the middle of the cell, and the letter is a little less than half as long as the wing. In the markings of the under surface of the wings Satyrium resembles Callipsyche more closely than Erora, but in structure it seems nearly allied to the latter."

8. Satyrium Scudder.

Type: Lycaena fuliginosa Edw.

Ce genre que Edwards et Boiduval placent tous les deux parmi les Ephori est proche du genre Erora,mais par la sobriété de ses marques et de sa coloration il entre en contraste frappant avec ce groupe, rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué. Le centre des yeux est finement velu; les palpes, si légers, sont plus longs que les yeux de toute la longueur de l'articulation terminal. Les tibias antérieures sont trois quarts plus longs, et les tibias du milieu des sept huitièmes de la Longueur, que le tibia postérieur. Les ailes sont plus larges que chez Erora, ressemblant plus ceux de Callipsyche, mais, comme chez le premier genre, le mâle n'a pas de tache discale sur la paire d'ailes antérieures et les ailes postérieures sont à peine creusée à la pointe de la bordure intérieure; le premier nervule sous-costale supérieure des ailes antérieures se situe au niveau ou juste avant le milieu de la cellule, et la lettre est un peu moins longue que la moitié de l'aile. Dans les marques de la surface sous des ailes Satyrium ressemble à Callipsyche plus étroitement que chez Erora, mais dans la structure elle semble presque appartenir à celle-ci.

N.B : pour comprendre cette description, il faut savoir que Scudder place ce genre entre le n°7 Erora , nom encore valide aujourd'hui pour des Theclinae Eumaeni américains, et le n°9 Callipsyche, également valide pour des Theclinae Eumaeni. Il faut aussi savoir que le nom d' Ephori est synonyme (Herbst, 1793) ou analogue à la sous-famille des Theclinae. (Herbst avait divisé les Plebejus rurales de Linné en deux groupes, Vestales et Ephori). En 1881, Scudder écrivait "Tribe Ephori Herbst =Theclides Kirby = Hairstreaks". On peut admettre l'équation Ephori = Thécla.)

Enfin, les Oréades désignent un "Stirps" de Hübner, un rang taxonomique peut-être équivalent à nos Sous-familles, et qui renferme pour cet auteur des Papilio Danai gemmati de Linné soit les Satyri de Fabricius, donc la sous-famille des Satyrinae.

— Type spécifique: Lycaena fuliginosa Edwards, 1861. Proc. Acad. nat. Sci. Philad. 13: 164.

— Noms juniors :

  • Chrysophanes ; Weidemeyer, 1864 Proc. ent. Soc. Philad. 2(4) : 536.

  • Chrysophanus Hübner, 1818 Zutr. Samml. exot. Schmett. 1 : 24. (publication précédant la seconde mention de ce nom par Hübner en [1819] dans Verzeichniss bekannter Schmettlinge page 72.

— Ce genre renferme 6 espèces en France :

  • Satyrium acaciae (Fabricius, 1787) Thécla de l’Amarel.

  • Satyrium esculi (Hübner, [1804]) Thécla du Kermès.

  • Satyrium ilicis (Esper, 1779) Thécla de l’Yeuse.

  • Satyrium w-album (Knoch, 1782) Thécla de l’Orme.

  • Satyrium pruni (Linnaeus, 1758) Thécla du Prunier

  • Satyrium spini ([Denis & Schiffermüller], 1775) Thécla des Nerpruns

Origine et signification du nom satyrium.

—A. Maitland Emmet (1991) page 148:

"Saturos, a satyr, a mythical being associated with the worship of Bacchus, in art often depicted with the horns and tailo of a goat. The satyrs engaged in voluptuous dances with the nymphs and this name, like Ochlodes Scudder, draws attention to the spritely flight of the butterflies. Another possible source is a plant called saturion, which was used as an aphrodisiac. Derivation from Saturium, a town in southern italy, is unlikely, since the Latin "u" should not be changed to a "y"."

—Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 170:

" du grec Saturos, "Satyre". êtres mythiques associés au culte de Bacchus, les Satyres se livraient à des danses voluptueuses avec les Nymphes, et le nom Satyrium semble faire allusion au vol sautillant de ces papillons. Ce nom de genre pourrait aussi dériver de Saturion, nom grec d'une plante censée posséder des pouvoirs aphrodysiaques."

— Perrein et al. (2012) page :

Étymologie : du latin satyrus, du grec satyros, "satyre" ; les satyres de la mythologie gréco-romaine sont des démons, compagnons de Dionysos —ou Bacchus pour les Latins—, représentés souvent cornus, avec une longue et large queue, et un membre viril toujours dressé et surdimensionné. La teinte sombre du recto des ailes des espèces du genre, ainsi que les petites queue des ailes postérieures, a pu inspirer l'entomologiste américain, plutôt que leur vol dansant comme le suggère Emmet (1991).

— Arizzabalaga & al. 2012 :

Satyrium : Els satirs, divinitats gregues dels boscos

Discussion.

A. M. Emmet, recopié par Luquet (2007) et Perrein & al. (20013), interprète le mot Satyrium comme s'il s'agissait du mot Satyrus, et sans consulter la description originale de Scudder. Pourtant, l'auteur américain ne se réfère nullement aux personnages mythologiques du cortège de Dionysos, ni à leurs danses, ni à leurs queues, mais se réfère à la taxonomie des lépidoptères et il le dit très clairement : "par la sobriété de ses marques et de sa coloration il [ce genre] entre en contraste frappant avec ce groupe [des Theclinae], rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué."

 

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3. Nom d'espèce : Satyrium acaciae (Fabricius, 1787)

655. P.[apilio] acaciae Fabricius, 1787 : Fabricius, J. C. 1787. Mantissa insectorvm sistens eorvm species nvper detectas adiectis characteribvs genericis, differentiis specificis, emendationibvs, observationibvs. Hafniae. (Proft). II: 392 pp.Page 69

—Description :

655 P.P.R. Alis caudatis fuscis cinerascentibus : striga alba lunulisque analibus fulvis.

Habitat in Russia australiori Dom. Boeber.*

Praecedentibus paulo minor. Alae anticae supra fuscae, immaculatae, subtus cinerascentes striga alba. Posticae supra fuscae maculis duabus marginalibus fulvis. Subtus cinerascentes striga alba lunulisque analibus fulvis puncto uno alterove atro.

*Jean de Boeber : correspondant de l'Académie impériale des sciences de St Pétersbourg depuis février 1796, signalé en 1812 comme chevalier et conseiller d'état actuel, illustre entomologiste décédé à 74 ans le 14 juillet 1820.

b) Localité-type et description.

— Selon Dupont & al. 2013, cette espèce est présente dans le sud de l’Europe, le Caucase et en Anatolie. Cette espèce est signalée de toute la France sauf le nord du domaine atlantique. Les chenilles se nourrissent principalement sur Prunus spinosa L.

— Description par Wikipédia :

C'est un petit papillon au dessus marron, avec, chez la femelle, trois lunules orange aux postérieures et une touffe de poils noirs à l'angle anal. Le revers est de couleur ocre gris orné d'une fine ligne blanche et de lunules prémarginales orange aux postérieures. Il vole en une génération, en juin et juillet.

Il hiverne à l'état d'œuf pondu au niveau des fourches des rameaux. Sa plante hôte est le Prunellier Prunus spinosa, Prunus mahaleb (amarel) ainsi que Prunus divaricata en transcaucasie.

Il est présent dans une grande partie de l'Europe, mais ni au sud (sud de l'Espagne et de l'Italie) ni au nord (Royaume-Uni, Scandinavie, États baltes, Danemark). Il est aussi présent en Asie Mineure et dans le sud de la Russie. En France métropolitaine il est présent dans tout le sud et l'est du pays. Il est absent de Corse, de Bretagne et de tout le nord-est de l'Indre-et-Loire à la Seine-et-Marne et au Pas-de-Calais.

c) Synonymes INPN (Muséum) et sous-espèces.

Synonymie :

  • Nordmannia acaciae (Fabricius, 1787)

  • Papilio acaciae Fabricius, 1787

  • Satyrium acaciae frigidior (Verity, 1926)

  • Satyrium acaciae nostras (Courvoisier, 1913)

  • Strymon acaciae frigidior Verity, 1926 : Zygaenae, Grypocera and Rhopalocera of the Cottian Alps compared with other races. The Entomologist's record and journal of variation, 28(9): 120-126.page 125 [http://www.biodiversitylibrary.org/page/29858874]

  • Strymonidia acaciae frigidior (Verity, 1926)

  • Strymonidia acaciae (Fabricius, 1787)

  • Thecla acaciae nostras Courvoisier, 1913 : Courvoisier, L. G. 1913. Zur Nomenklatur und Diagnose der europäischen Theclinen. Internationale entomologische Zeitschrift, 7(38): 251-253. page 252 [http://www.biodiversitylibrary.org/page/37081640]

  • Thecla acaciae (Fabricius, 1787)

 

Note : Courvoisier reprend le nom Acacia nostras , notre Acacia, appellation par les apothicaires de l"Acacia de chez nous", c'est à dire le Prunus spinosa. Cf infra.

Sous-espèces :

Leraut retient la présence de deux sous-espèces en France :

- frigidior Verity, 1926. Localité-type : Oulx, Piémont, Italie. Ce taxon caractérise les populations du sud de la France.

- nostras Courvoisier, 1913. Localité-type : non désignée en Europe.: Russie australe]

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d) Origine et signification du nom acaciae

— Anton Spannert (1888), page 22 :

""

— Arnold Spuler ( 1908) 1 page 53:

"Acacia die Acazie"

— August Janssen (1980) page 43 :

—Hans Hürter (1988) page 295

"Deutung : In F-W II, S.77, und Higgins,S. 207, heißt es übereinstimmend : die Raupe lebt an kleinen verkümmerten / Kümmerlichen Schlehenbüschen". So hat Fabricius 1787 den Falter nach dem damals offenbar noch üblichen Schlehennamen Acacia germanica benannt. Von da her stammt der deutsche Name "Akazienzipfelfalter" obwohl die Art weder mit Akazie noch mit Robinie etwas zu tun hat. Weidemann hat bei der Beschreibung von N.acaciae F. eigens eine Anmerkung gemacht : "Der Name Akazien-Zipfelfalter besteht zu Recht. Flores acaciae ist der alte Apothekername für getrocknete Schlehen. Wenn das Volkslied "Weiße Akazien an endlosen Straßen" besingt, ist damit die Schlehe gemeint ; nicht die aus Nordamerika stammende Falsche Akazie (Robinia pseudoacacia)". (Weidemann, Bd2, S.112). Ebert verweist auf diese Anmerkung Weidemanns und fügt hinzu :"Der deutsche Name AkazienZipfelfalter" ist fälschlicherweise einfach die wörtliche statt die sinngemäße Übersetzung des wissenschaftlichen Namens " (Ebert, Bd.2, S. 174)"

— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 170:

"acaciae : génitif du mot latin acacia, "Mimosa". Ce nom scientifique, de même que l'ancien nom vulgaire qui en découle ("Thécla de l'Acacia") peuvent paraître doublement erronés, puisque d'une part la chenille de cette espèce ne se développe nullement aux dépens de l'Acacia (arbre que l'on désigne plus correctement sous le nom de Robinier, Robinia pseudoacacia), et que d'autre part le genre botanique Acacia correspond aux espèces vulgairement dénommés "Mimosas". Toutefois Hans-Josef Weidemann (1988 : 112) fait remarquer que la dénomination scientifique Satyrium acaciae est parfaitement justifiée, dans la mesure où, au XVIIIe siècle, "Flores Acaciae" était l'appellation pharmaceutique officielle des fleurs séchées de Prunellier.

— Perrein et al. (2012) page 195 :

"Étymologie : du latin acacia "mimosa", plante-hôte aujourd'hui invalidée mais qui n'était sans doute pas celle présumée par Fabricius car, ainsi que le remarque Hans-Josef Weidemann [1988], les Flores Acaciae étaient au XVIIIe siècle l'appellation pharmaceutique officielle des fleurs séchées de prunellier."

— Arizzabalaga & al. (2012) ;

Discussion :

Le terme d'Acacia entraîne une double confusion :

1) Une confusion botanique entre trois arbres :

a) Acacia dealbata " Mimosa d'hiver", ou les très nombreuses espèces du genre Acacia. Le nom acacia est attesté en français dès la 2e moitié du XIVe. Les formes acace, achace, achacie favorisent un lien avec les mots "aigu, acéré" que renforce la présence d'épines, et un culte rendu en Allemagne à saint Acace et à ses dix mille soldats les représentent martyrisés sur des épines d'acacias.

b) depuis 1680 Robinia pseudoacacia "Robinier faux acacia". Selon Furetière," On l'appelle Acacia Robini, parce qu'un nommé Robin, qui etoit Garde du Jardin du Roy, est le premier qui l'a mis en vogue en France il y a environ 40 ans (en 1601)".

c) Prunus spinosa L., dont le nom synonyme est Prunus acacia germanica Crantz 1763 : voir Encyclopedie of Life.

2) En pharmacopée, on distingue depuis le XVIIe siècle l'acacia vera ou Acacia du Levant, suc épaissi importé du Levant, et le faux acacia ou acacia nostras, qui est un autre suc épaissi et extrait des prunelles sauvages. Il est nommé aussi Acacia germanica.(Lemery page 126).

Puisque la plante-hôte de cette Thécla est le Prunus spinosa et non les Mimosa ou le Robinier, et puisque le nom acacia germanica avait été créé par Crantz pour désigner le Prunus au moment où Fabricius a décrit cette espèce, il est logique qu'il ait choisi l'épithète acaciae à défaut des épithètes pruni et spini (déjà utilisés) pour caractériser ce papillon par sa plante-hôte, Prunus spinosa.

 

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III. Noms vernaculaires.

I. Les Noms français.

1. Le Polyommate de l'Acacia, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9,page 650

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

2. Polyommate de l'Acacia , Godart 1822,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1822, tome 2 page 165 planche XXI fig. 5-6-7 peinte par Duménil.et gravée par Lanvin.

Godart ne précise pas la plante-hôte et ne décrit pas la chenille.

http://www.archive.org/download/histoirenaturell02goda/page/n208_w234

3. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986 et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet créait comme nom principal "La Thécla de l'Amarel" et réfutait l'usage de la "Thécla de l'Acacia".

 

4. Étude zoonymique des auteurs français :

—Luquet in Doux et Gibeaux 2007 page 170 :

".Amarel : autre nom du Cerisier odorant (ou Bois de Sainte-Lucie), Prunus mahaleb L."

 

5. Noms vernaculaires contemporains :

Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de Thecla acaciae Hübner puis citent dans leur texte page 187 le nom vernaculaire de Polyommate de l'Acacia.

— Doux & Gibeaux 2007 : " La Thécla de l'Amarel"..

— Perrein et al. 2012 : "Thécla de l'Amarel".

— Wikipédia : "La Thècle de l'amarel ou Thècle de l'acacia ".

 

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

  • Marroneta de l'aranyoner

  • Ostrôžkár malý

  • Хвостатка акациевая

  • Ostruháček kapinicový

  • Bagremov repić

  • Mali repkar

  • Kleiner Schlehen-Zipfelfalter Petit papillon à queue du Prunellier

  • Törpe farkincás-boglárka

  • Etelännopsasiipi

  • Sloe Hairstreak

  • Kleine sleedoornpage : le Petit Page du prunellier. Ou encore Berkenpage

  • Minik Sevbeni

  • Sin Perfume

  • Ogończyk akacjowiec

  • Θέκλα του προύνου

 

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.Commentaire sur le nom néerlandais : on remarque le nom de Page, dans le sens de jeune homme d'origine noble au service d'un seigneur dont il porte la livrée. En néerlandais, on nomme Grand Page (de Grote page) les Papilionidae, comme Papilio podalirius qui est le Page du roi ou Koningpage Papilio machaon qui est le Page de la reine ou Koninginnenpage, Papilio alexanor qui est le Page de la reine du Sud, ou Zuydelijke Koninginnen Page. Le nom est déjà mentionné en 1762 par Christian Sepp sous la forme "De Page de la Reine-Vlinder" pour le Machaon. De même, on nomme Petits Pages (Kleine Page) les Théclas. Ce qualificatif est donc lié à la présence sur l'aile des papillons d'une queue. Il se décline en bruine eikenpage (Satyrium ilicis), pruimenpage (Satyrium pruni), iepenpage (Satyrium w-album) et eikenpage (Favonius quercus)

 

 

Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

 

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Bibliographie, liens et Sources.

— Funet : Satyrium

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : satyrium acaciae

— UK Butterflies : non observé en G-B

— lepiforum : satyrium acaciae

— jardinsauvage : satyrium acaciae


Voir : Zoonymie des Rhopalocères : bibliographie.

 

 

 

Zoonymie de la Mélitée orangée Melitaea didyma.

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Zoonymie (étude du nom) du papillon la Mélitée orangée Melitaea didyma (Esper, 1778).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé.

Melitaea Fabricius, 1807 : en 1991, Emmet écrivait : "Encore un nom de Fabricius qui a intrigué les auteurs. Sodoffsky (1837) corrigeait en Melinaea qu'il dit être l'un des noms d'Aphrodite (Vénus); Pickard et al. le font dériver de Melitaea, le nom d'une ville en Thessalie; Macleod du grec μελοεις (melitoies), "miel", qui est selon lui un épithète d'Aphrodite ; et Spuler de μελιταίος (melitaios), "de ou appartenant à Malte" ". Mais il paraît judicieux de proposer que ce nom reprenne plutôt celui de la Néréide Mélité (grec Μελίτη ), citée par Homère dans l'Odyssée et par Virgile dans l'Énéide, notamment puisque Linné a donné dès 1758 le nom d'une des Néréides à plusieurs espèces de Nymphalidés (Maera, Galathea Orythia, Ligea , Amathea, Leucothoe, Panope ).

didyma : du grec didumos : "double, jumeau" : Esper signale lui-même dans sa description qu'il donne ce nom par référence à Diane, mais aussi à deux taches jumelles en arc des ailes, qu'il qualifie d'ocellis didymis. Léto (Lathona), maîtresse de Zeus, avait eu deux enfants jumeaux, Artémis et Apollon (Diane et Phoebus ), ce dernier étant vénéré dans un sanctuaire oraculaire à Didymes, ville grecque d'Ionie.

— Noms vernaculaires : Geoffroy en 1762 avait décrit cette espèce comme la variété A de son "Damier" ; Latreille en 1819 puis Godart en 1821 la nomme "Argynne didyma" et Duponchel en 1849 "Mélitée didyma". En 1986, Gérard Luquet lui donne son nom actuel de "La Mélitée orangée", l'une de ses quinze Mélitées.

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I. NOM SCIENTIFIQUE.

1. Famille et sous-famille.

a) Famille des Nymphalidae (Les Nymphalides).

Famille des Nymphalidae Rafinesque, 1815

  • Sous-famille des Libytheinae Boisduval, Rambur, Dumesnil & Graslin, [1833]

  • Sous-famille des Danainae Boisduval, [1833]

  • Sous-famille des Heliconiinae Swainson, 1822

  • Sous-famille des Apaturinae Boisduval, 1840

  • Sous-famille des Nymphalinae Swainson, 1827

  • Sous-famille des Satyrinae Boisduval, [1833]

b) Sous-famille des Nymphalinae, Swainson, 1827 (les Nymphalines)

  • Tribu des Nymphalini Swainson, 1827

  • Tribu des Melitaeini Newman, 1870

  • Tribu des Charaxini Doherty, 1886

c) Tribu des Melitaeini Newman, 1870

  • Sous-tribu des Euphydryina Higgins, 1978

  • Sous-tribu des Melitaeina Newman, 1870

  • Sous-famille des Charaxinae Doherty, 1886

d) Sous-tribu des Melitaeina Newman, 1870 (Les Mélitées)

Un seul genre : Melitaea Fabricius, 1807

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2. NOM DE GENRE : Melitaea Fabricius, 1807

a) Description originale :

Fabricius, 1807, "Nach Fabricii systema glossatorum" in Johann Karl Wilhelm Illiger, "Die Neueste Gattungs-Eintheilung der Schmetterlinge aus den Linneischen Gattungen Papilio und Sphinges", Magazin für Insektenkunde , Karl Reichard, Braunschweig [Brunswick] (6) page 285, n°29.

Dans la note préliminaire d'Illiger, Fabricius divisait l'ensemble de ses Papilio (papillons "de jour") en 49 "genres", dans lesquels il englobait les Sphinx (n°43), les Sesia (n°44) les Zygaena (n°47), sans distinction, alors que Latreille (dont la classification de 1804 est présentée dans la partie B du même article page 90) crée des Sections (Diurnes-Crépusculaires-) divisées en familles (Papillionides et Sphingides), elles-mêmes divisées en quatre sous-groupes. Le 29eme des 49 genres de Fabricius cités dans l'article, Melitaea, contient 15 espèces, dont quatre sont nommées : Lucina, Cinxia, Cynthia, Maturna .

— Type spécifique: M. cinxia

— Description : cf Oberthür page 103

Ce genre est désormais divisé en sous-genres :

  • Melitaea Fabricius, 1807, 8 espèces en France dont M. cinxia.

  • Didymaeformia Verity, 1950, 3 espèces en France.

a) Sous-genre Melitaea Fabricius, 1807

  • Melitaea cinxia (Linnaeus, 1758) Mélitée du Plantain.

  • Melitaea diamina (Lang, 1789) . Mélitée noirâtre.

  • Melitaea varia Meyer-Dür, 1851 . Mélitée de la Gentiane.

  • Melitaea parthenoides Keferstein, 1851 . Mélitée de la Lancéole

  • Melitaea aurelia Nickerl, 1850 . Mélitée des Digitales.

  • Melitaea helvetica Rühl, 1888 . Mélitée de Fruhstorfer.

  • Melitaea athalia (Rottemburg, 1775) . Mélitée du Mélampyre.

  • Melitaea deione (Geyer, [1832]). Mélitée des Linaires.

b) Sous-genre Didymaeformia Verity, 1950

  • Melitaea ornata Christoph, 1893. Mélitée égéenne.

  • Melitaea phoebe ([Denis & Schiffermüller], 1775). Mélitée des Centaurées.

  • Melitaea didyma (Esper, 1778) . Mélitée orangée.

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a) La classification de Fabricius ou Systema glossata.

L'article cité en référence n'est pas écrit par Fabricius, mais par Johan Karl Wilhem Illiger. Illiger, qui fut conservateur du musée zoologique de Berlin en 1810, après avoir pris en charge les collections du comte von Hoffmannsegg, a fait paraître la revue Magazin für Insektenkunde de 1802 à 1807. Dans celle-ci, il donne une présentation anticipée des genres de lépidoptères que Fabricius s'apprête à publier dans son Systema glossata ou Classification des Lépidoptères ; mais ce dernier livre n'a jamais été édité, en raison du déces de Fabricius en 1808, d'un incendie dans l'imprimerie et de la faillite de l'éditeur. (Voir S.L. Tuxen, 1967)

b) Étymologie du nom de genre Melitaea.

Je dois d'abord rappeler à nouveau la règle que Fabricius s'est fixée dans le choix de ses noms de genre des papillons de jour : les puiser autant que possible parmi les épithètes de Vénus/Aphrodite, déesse diurne, alors que les genres de ses papillons de nuit reçoivent les surnoms de Diane/Artémis ( Zoonymie du papillon Le Petit Sylvain Limenitis camilla.). C'est le cas de 19 à 20 des 49 genres :

1. Urania « amour céleste »

2. Amathusia : de la ville d'Amathus, à Chypre

5. Morpho : (aux belles formes, aux formes changeantes)

7. Castnia : du Mont Kastion, en Pamphylie

8. Eupolea (euploea) : de l'heureuse navigation

9. Apatura : Aphrodite apatouria ou apatouros, « la décevante»

10 Limenitis : des ports

11. Cynthia : (épithète de Diane , mais désigne plutôt ici la courtisane vénusienne des Élégies de Properce)

12. Vanessa ( Vanessa, créature de Vénus dans le conte de Swift, Cadenus et Vanessa)

15. Neptis : neptis Veneris, Ov. M. 4, 530 : la petite-fille de Vénus (= Ino)

19. Argynnis : Venus argennis, d'Argennus, favorite d'Agamemnon.

20. Thaïs : courtisane célèbre dévouée à la déesse Vénus.

22. Doritis : Vénus doritis, "la bienfaitrice" qui avait selon Pausanias son temple à Cnide

23. Pontia : de la mer profonde

24. Colias : du temple de Colias, en Attique

25. Haetera ; Hétaïra, protectrice des courtisanes.

26. Acraea : Protectrice des acropoles et des lieux élevés.

27. Mechanitis : l'ingénieuse à ourdir des ruses, son surnom à Megalopolis.

33. Erycina : du mont Erix, en Sicile.

36. Nymphidium (des mariages)

Il convient donc de se demander en priorité si Melitaea figure parmi les dénominations de Vénus. La réponse est négative ; on trouve à la rigueur Melinaea dans un vers de Lycophon.

Avant d'en débattre, je citerai auparavant les interprétations des entomo-étymologistes :

1) A.M. Emmet (1991) page 155.

—"Another of the names from Fabricius which has puzzled authors. Sodoffsky (1837) emended it to Melinaea, which he said was a surname of Aphrodite (Venus) ; Pickard et al. derive it from Melitaea, the name of a town in Thessaly ; Macleod from μελοεις (melitoeis), "honeyed", according to him an epithet of Aphrodite ; and Spuler from μελιταίος (melitaios), "of or belonging to Malta". Any one of the last three may be right. Fabricius placed the fritillaries in two families, the larger one in Argynnis, the smaller in Melitaea. Word-play was suggested for the former name and is possible here too, an association with μελι (meli), honey, from the butterflies's love of nectar, being intended ; μελιτειον meliteion, mead, is another possible source."

"Encore un nom de Fabricius qui a intrigué les auteurs. Sodoffsky (1837) corrigeait en Melinaea qu'il dit être un des noms d'Aphrodite (Vénus); Pickard et al. le font dériver de Melitaea, le nom d'une ville en Thessalie; Macleod du grec μελοεις (melitoies), "miel", qui est selon lui une épithète d'Aphrodite; et Spuler de μελιταίος (melitaios), "de ou appartenant à Malte". L'un quelconque des trois derniers peut être correct. Fabricius a placé les fritillaires dans deux familles, les plus grands dans les Argynnis, les plus petits dans ses Melitaea. Un jeu de mot a été suggéré pour l'ancien nom [Argynnis] et est possible ici aussi, une association avec μελι (meli), miel, laissant sous-entendre l'attrait des papillons pour le nectar : et μελιτειον (meliteion), "hydromel", est une autre source."

2. W. Dale page 193 :

" Melitae'a, a town of Thessaly. Sodoffsky propose Melinaea, a surname of Venus, from mel-, "honey"."

"Melitaea, une ville de Thessalie. Sodoffsky propose Melinaea, surnom de Vénus, de mel-, "miel" "

3. Arnold Spuler (1908) page 21 :

" Die Malteserin : Beiname der Artemis ?" : "La Maltaise : surnom d'Artémis ?"

4. Janssen, page 40 :

" bijnaam van Artemis, die cen tempel bezat te Melité".

"Surnom d'Artémis, qui avait un temple à Malte."

5. Ramann, page 64 :

"war der lateinische Name für Malta und möchte wohl dieser Name als von Faltern, die daher stammen oder denen ähnlich sind, abzuleiten sein" :

"...était le nom latin de Malte"

6. Ludwig Glaser, page 123:

"Melitäerin' od Maltheserin, zunamen d. Diana."

"Melitäerin ou Maltaise, Surnom de Diane".

7. L. Glaser, 1863 page 24 in Hürter :

"Von melitaios, "malthesich", Melitaia, Zuname der Diana...Artemis, Athalia und alle übrigen Melitäen fuhren Namen oder zunamen der Göttin Diana".

8. Anton Spannert page 34 :

"Ein Beiname der diana mit Bezug auf ihre Verehrung zu Melita, dem heutigen Malta".

9. W. Sodoffsky page 80 :

" Richtiger von Melinaea ; denn Melitaia war eine Stadt in Thessalien, dagegen Melinaiaein Beiname von Venus, die Süsse ; von meli, "Honig". Vide Vollmer P. 1183".

10. H.A. Hürter (1998) page 243 :

" Auch hier ist wie bei Limenitis eine der Regeln hilfreich, die Sodoffsky p. 78 aufgestellt hat : ".Uberall, wo man nicht auszeichnende Merkmale, die vielen Species einer Gattung gemein waren, auffand, oder wo eine gattung in mehrere Familien getheilt werden musste, da wählte man zur Bezeichnung derselben die veralteten Namen grieschischer Städte, Flüsse, Inseln und Personen, oder die Beinamen der Göttinnen".

Als Beiname der Artemis, wie manche Autoren meinen, erscheint Melitaea weder bei Bruchmann noch bei Pauly noch bei Roscher. Deshalb liegt die Vermutung näher, dass Fabricius bei der Schaffung des Gattungsnamens wohl doch die antike Stadt Melitaia, latin Melitaea, im Sinn hatte."

11. Doux et Gibeaux (2007) page 146 :

Nom d'origine incertaine dérivant, selon les auteurs, soit d'une ville de Thessalie (Melitaea), soit des adjectifs melitoeis, "mielleux" (surnom que portait aussi Aphrodite), ou melitaîos "maltais", voire d'un jeu de mots construit sur les substantifs grecs meli, "miel" ou meliteion, "hydromel", en raison de la propension de ces papillons à s'abreuver de nectar. Spuler (1901-1908) évoque avec doute l'hypothèse selon laquelle melitaéa serait une possible épithète d'Artémis.

12. Perrein et al. (2012)page 406.

"Probablement de Mélitée, d'un radical grec meli, "miel", fils de la nymphe Othreis et de Zeus, abandonné dans les bois par sa mère qui craignait la colère d'Hera, nourri au mile par un essaim d'abeilles, puis recueilli et élevé par un berger ; devenu un héros vigoureux, il fonda la ville de Melitaea, en Thessalie, où il régna en tyran".

Que disent les dictionnaires de mythologie gréco-latine ?

  • Melina, ville de l'Argolide (Péloponèse). Vénus, la principale divinité de cette ville, en avait pris le surnom de Melinaea. ( Joseph Guadet Dictionnaire universel abrégé de géographie ancienne comparée, page 158).

  • Melinaea ΜΕΛΙΝΑΙΑ: surnom d'Aphrodite, venant de la ville de Méline (Étienne de Byzance. s. v, 454 ; Lycoph. 403.) in Aphrodite Titles. Ce surnom apparaît dans le Cassandre de Lycophon, au vers 403 : "la déesse de Castnium et de Melina".

  • Meliteus ΜΕΛΙΤΕΥΣ : fils de Zeus et d'une nymphe, qui, caché par sa mère pour échapper à la jalousie de Hera, fut élevé par des abeilles. Il aurait donné son nom à la ville de Melite en Phthia (Anton. Lib. 13)

  • Melita : Malte, île de Mediterranée, et Melita, ville capitale de l'île.(Guadet, id)

  • Melita : lac de l'Acarnamie cité par Stabon. (id).

  • Melita ou Melite, Meleda, île du golfe Adriatique.(Guadet, id)

  • Melitaea, ville de Thessalie, au sud de Penée (Salampria). (Guadet, id) Citée par Strabon, mais aussi, sous le nom de Melitia, par Thucydide.

  • Melite: île de la côte Adriatique selon Agathemerus, Pline (Melita), ou Ptolémée (Melitina insula) Dictionary A. Macbean

  • Melite (Μελιτη, Melitê). Une Naïade ou nymphe du Mont Melite sur l'île mythique de Phaiakes (les Phaeaciens) ; fille du dieu fleuve Aegaeus, qui devint, par Heraclés, la mère de Hyllus, chez les Phéniciens.(Apollonius Rhodius, Argonautica 4. 538 ff ) Source:Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology. Elle est souvent associée à la nymphe du miel Makris.

  • Melite, l'une des Néréides, fille de Nereus et de Doris. (Hom. Il. xviii. 42; Hes. Theog. 246; Apollod. i. 2. § 7; Virg Aen. v. 825.)

  • Melite, une fille d'Erasinus d'Argos.

  • Melite : selon Philochorus : fille de Myrmex.

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Mes conclusions.

Pour les raisons présentées plus haut, il serait tentant de dire que Fabricius a choisi Melitaea comme une épithète de Vénus. Il aurait alors (ou le typographe) commis une faute sur une lettre puisque la seule épithète connue est Melinaea, Aphrodite de Méline en Argolide. Mais ce nom n'est attesté que par une seule source. Les hypothèses qui font dériver cette épithète de mel ou meli, "miel" sont néanmoins plaisantes. Je suis moins enclin que A.M. Emmet à croire que Fabricius dissimule des jeux de mots dans ses noms de genre, mais la proximité sémantique entre Melinaea et l'ensemble des nombreux noms construits sur le modèle Melit- a pu faciliter son choix. Rien ne peut non plus départager les partisans de Melita /Malte, Melitatea/ville de Thessalie. Enfin les recherches de H.A. Hürter ne lui ont pas permis, tout comme les miennes, de découvrir un culte de Diane/Artémis à Malte, ni une Diane qualifiée de Melitaea.

Mais l'une des solutions les plus simples, mais qui n'a pas été débattue, serait d'y voir une référence à l'une des deux nymphes nommées Melite :

Le nom ayant été créé par Fabricius en 1807, il est logique de consulter quelques-uns des dictionnaires mythologiques qui lui sont contemporains, comme le Dictionnaire de la fable de François Noël, paru en 1801. Celui-ci indique pour Mélite trois possibilités : 1) l'une des Néréides dans Homère 2) Nymphe dans Virgile Eneide Livre V vers 825 3). Fille du fleuve Égée. Hercule eut d'elle Hyllus.

De même, le Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs classiques, grecs et latins de François Sabbathier donne en 1783 la liste des Néreides, dont Mélita.

1. Melita dans l'Iliade d'Homére Iliade chant XCVIII vers 38- 50 :

« Et autour de la Déesse étaient rassemblées toutes les Néréides qui sont au fond de la mer : Glaucé, Thalie, Cymodoké, Nésée, Spéio, Thoé, Halié aux yeux de bœuf, Cymothoé, Alcée, Limnorie, Mélité, Iaéra, Amphithoé, Agavé, Loto, Proto, Phérouse, Dynaméné, Déxamène et Amphinomé, Callianassa, Doris, Panopé, l'illustre Galatée, Némertès, Apseudès, Callianira, Clyméne, Ianira, Ianassa, Maéra, Oreithye, Amathée aux beaux cheveux, les autres Néréides qui sont dans la profonde mer. »

2. Melita dans l'Énéide de Virgile, Livre V vers 825.

laeua tenet Thetis et Melite Panopeaque uirgo,

Nisaee Spioque Thaliaque Cymodoceque.

"à sa gauche se tiennent Thétis et Mélité, et la vierge Panopée,

Niséé et Spio, ainsi que Thalie et Cymodocé."

Dans ce passage, Thétis, Mélité et Panopée sont, comme dans Homère, trois des cinquante Néréides, nymphes marines, filles du dieu de la mer Nérée cité au vers 840. Thétis, la mère d'Achille est la plus connue. Panopée a déjà été citée au vers 240. Mélité n'apparaît qu'ici dans l'Énéide.

3. Melite la naïade chez Apollonius..

Μελιτη MELITE (Melitê) , fille du dieu-fleuve Aegaeus, devint par Héracles la mère de Hyllus, chez les Phaeciens (Apollononius de Rhodes, Argonuatica iv. 538.). Il ne s'agit plus d'une Néréide, mais d'une Naïade, nymphe du mont Mélite sur l'île mythique des Phéaciens.

Apollonius Rhodius, Argonautica 4. 538 ff

535 οὔδεος, ὥς κεν ἄφαντος ἀεὶ μερόπεσσι πέλοιτο.
Οὐ μὲν ἔτι ζώοντα καταυτόθι τέτμον ἄνακτα
Ὕλλον, ὃν εὐειδὴς Μελίτη τέκεν Ἡρακλῆι
δήμῳ Φαιήκων. Ὁ γὰρ οἰκία Ναυσιθόοιο
Μάκριν τ' εἰσαφίκανε, Διωνύσοιο τιθήνην,

« Les héros ne trouvèrent plus vivant dans cet endroit le roi Hyllos, que la belle Mélité avait enfanté à Héraclès dans le pays des Phaiaciens. Car Héraclès s'était rendu vers les demeures de Nausithoos et vers l'île Macris, nourricière de Dionysos, pour se purifier du meurtre funeste de ses enfants; là, il soumit à l'amour dont il était possédé la fille du fleuve Aigaios, la naïade Mélité, qui enfanta le courageux Hyllos. »

4.la nymphe Melitta ou Melyta.

On trouve aussi dans la littérature la mention d'une nymphe Melitta, autre forme de Melissa, dont le nom signifie «abeille» ou «La douceur du miel". Selon ‎Jean-François Champollion (1830), la ville de Malte fut nommée à l'origine " Melitaion, soit à cause de l'excellent lait que produisait cette île, soit en honneur de la nymphe Melyta, fille de Nérée et de Doris,deux de leurs,". Ces formes Melitta, Melyta et Melissa s'éloignant de l'orthographe du nom de genre Melitaea, je ne les retiens pas.

5. Au total,

il me paraît logique de retenir comme l'hypothèse la plus probable pour l'origine du nom Melitaea de Fabricius la Néréide Mélité (grec Μελίτη ), citée par Homère et par Virgile, notamment puisque les Néréides ont donné leur nom à de nombreuses autres espèces de Nymphalidés.

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3. NOM D'ESPECE : Melitaea didyma ( Esper, 1778 ).

a) Description originale

Papilio didyma Esper, 1778 : Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur mit Beschreibungen. Erster Theil. Europäische Gattungen. Leipzig. (Weigel). 388 pp. page 365. [http://www.biodiversitylibrary.org/item/53441]

"Dieser Zweifalter wird vielen als einerlei mit denen vorhin beschrieben gattungen scheinen. Mir ist nicht mehr als dieß einzige exemplar bisher zu Gesichte gekommen. Es ist aus der Sammlung des herrn Cammerath Jung, durch dessen vorzügliche Güte ich in den Stand gesetzt ward, auch gegenwärtige Seltenheit Kennern bekännter zu machen. Dieser scharfsichtige Beobachter traf unseren Papilio in der Gegend von Uffenheim an. Ich bin außer Stand, von dem Geschlechts unterschied etwas Gewisses an ihm zu bemerken. Bey dem ersten Anblick wird man nichts weiter in dessen Gestalt und Zeichnung als den P. Pilosellae vermuthen, wie solcher auf der sieben und vierzigsten Tafel mit der dritten Figur vorgestellt ist. Auch eine wenig bedeutende Varietät von dem P. Cinxia Tab. 46 könnte derselbe dey Kurzsichtigen sein. Wie eigen aber zeichnet ihn die Natur fürs Kennerauge als eine wirkliche Species aus. Auf der sehr hellbraunen Oberfläche sind die schwarzen Zeichnungen ganz andert, als sie die ähnlichen haben. Wenn wir dorten ganz mit schwarz ausgefüllte Flecken bemerken, so stehen hier braune Flecken, welche blos schwarze Einfassungen haben. Es sind mehr charakteristische Züge, als wirkliche Flecken. Nahe gegen den Winkel des Vorderflügels steht eine große falt ovale Figur. Vorwärts eine ähnliche, jedoch kleiner, welche mehr ins Viereckige fällt. Gleich unter der ersteren findet sich wieder eine Zeichnung, welche diesem Falter etwas eigenes ist. Es sind eiförmig, gedrückte, zusammenstoßende schwarze Umrisse, zwischen einem paar durch diese Lage des Flügels gehende Nerven. Hier also durchaus mehr zirkelförmige Umrisse als wirKliche Flecken. Dieß Charakteristische hat die Natur gleichfalls bei Zeichnung der Unterseite an den Vorderflügeln behalten. Die Farbe fällt hier ins viel Bleichere aus . Es stehen auf derselben zirkelförmige Züge, aber keiner derselben ist geschlossen. Sie scheinen in Charaktere über zu gehen. Eine ganz besondere Zeichnung ist in der Mitte von dem gegenwärtigen Flügel. Ich meine die zwei sehr feinen Zirkelumrisse, deren jeder einen Punkt zum centro hat. In dieser Lage und gestalt habe ich sie nie an einem der ähnlichen Papilionen bemerkt. Das hängt nun alles wohl nicht von dem Zufälligen ab. Die Unterseite der hinterflügel mag dem P. Pilosellae am ähnlichsten kommen. Ich bitte aber meine Leser, die Zeichnung selbst vor die Hände zu nehmen. Der sehr große Unterschied fällt leicht in die Augen. Unter Falter werden durchaus mit geraden gebrochenen Strichen begränzt. In der Binde am Rand sind keine Punkte vorhanden. Kennerauge wird Verschiedenheit in jedem Strich und Punkt bemerken. . »

Traduction sommaire et peu fidèle :"Ce papillon semblera très semblables à ceux qui viennent d'être décrits. paraîtront tous les mêmes autant de genres décrits précédemment avec eux. Je ne suis plus cette copie encore venu seulement pour faire face. C' est à partir de la collection de M. Cammerath le Jeune*, et par son exquise bonté que j'ai été en mesure de faire connaître aux amateurs ce spécimen rare. Ce perspicace observateur a rencontré ce papillon dans sa propriété d'Uffenheim. Je suis incapable de me prononcer sur une éventuelle différence de sexe. A première vue, il ressemble par sa forme et le dessin [ de ses ailes] à Papilio Pilosellae [Hipparchia tithonius ??] qui est représenté planche 47 fig.3. Ou à une variété myope de Papilio Cinxia Planche 46. Pourtant il se distingue pour les connaisseurs comme une espèce propre.. . Sur le fond marron très clair, les marques noires sont tout à fait différentes »"

* Cammerath le Jeune : cité également par Esper dans sa description de Satyrium illicis : "M. Cammerrath le Jeune dans l'année (17)77, dans la région de Uffenheim, sur les chênes autour de la mi-mai.". Cet entomologiste réside à Uffenheim en Bavière arrondissement de Neustadt, et Esper cite ailleurs à propos d'une variété de Sphinx sa "collection souvent vantée".

Illustration originale : Esper, E. J. C. 1776-1779. Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur mit Beschreibungen. Erster Theil. Europäische Gattungen. Leipzig. (Weigel). 388 pp.: Fig. 3. Tab. XLI.Suppl. XV.

[http://www.biodiversitylibrary.org/item/53441]

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b) Localité-type et Description :

— Localité-type : environs d‘Uffenheim, Bavière, Allemagne (nom indiqué dans la description originale).

Selon Dupont & al.(2013) cette espèce présente une répartition ouest-paléarctique. Elle est signalée partout en France sauf de la zone du littoral de la Manche et de la Mer du Nord. Les chenilles se nourrissent principalement sur Plantago lanceolata L.

— Description Wikipédia :

"Synonymes : Papilio didyma Esper, 1778; Papilio cytheris Mueschen, 1781; Papilio athulia Fabricius, 1787; Melitaea meridionalis, Melitaea occidentalis Staudinger, 1861; Didymaeformia didyma Higgins, 1981.

Après avoir été classée dans les Melitaea elle a été replacée dans les Didymaeformia par Higgins en 1981."

"C'est un papillon orange ornementé de marron, une fine bordure et des dessins organisés en lignes laissant de grandes plages orange, qui présente un dimorphisme saisonnier et sexuel. Le dessus est orange vif orné de dessins marron en quantité et de grosseur variables. Cependant le mâle se présente toujours avec un dessus orange vif, la femelle est parfois plus terne, d'un orange suffusé de gris-vert. Le revers est à damiers jaune clair et damiers orange organisés en lignes aux postérieures.

Il hiverne à l'état de jeune chenille. Il vole en une deux ou trois générations entre mars et octobre.

Les plantes hôtes de sa chenille sont nombreuses : Linaria dont Linaria alpina, Linaria peloponnesiaca, Linaria vulgaris; Plantago dont Plantago amplexicaulis, Plantago lanceolata, Plantago major; Digitalis grandifolia et Digitalis purpurea; Veronica chamaedrys et Veronica teucrium; Valeriana montana, Valeriana officinalis et Valeriana persica.

Pour Melitaea didyma occidentalis ce sont Mispate orontium, Plantago dont Plantago amplexicaulis, Melampyrum, Verbascum, Linaria dont Linaria sagittata .

Il est présent en Afrique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient (Turquie, Iran, jusqu'en Afghanistan, au Kazakhstan, au nord du Pakistan) et en Sibérie puis forme d'un large isolat dans le centre de l'Asie (ouest de la Chine et Mongolie). En Afrique du Nord il réside au Maroc, en Algérie et en Tunisie dans le Haut-Atlas, le Moyen-Atlas et l'Anti-Atlas. En Europe il est absent de la partie la plus au nord, Angleterre, Irlande, nord de la France, de l'Allemagne, de la Pologne et Scandinavie. En France il est présent dans tous les départements sauf ceux qui bordent la Manche et la mer du Nord, du Finistère au Pas-de-Calais. Il est aussi absent de Corse. La Mélitée orangée réside dans les lieux herbus fleuris, prairies, bords de chemins."

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c) Synonymes INPN (Muséum) et sous-espèces.

Liste des synonymes :

Argynnis didyma (Esper, 1778)

  • Didymaeformia didyma alpina (Staudinger, 1861)

  • Didymaeformia didyma didyma (Esper, 1778)

  • Didymaeformia didyma meridionalis (Staudinger, 1870) :

  • Didymaeformia didyma (Esper, 1778)

  • Melitaea didyma alpina Staudinger, 1861 :: Staudinger, O. & Wocke, M. 1861. Catalog der Lepidopteren Europa's und der angrenzenden länder. I. Macrolepidoptera II. Microlepidoptera. Dresden. 192 pp.: 8.

  • Melitaea didyma didyma (Esper, 1778)

  • Melitaea didyma meridionalis Staudinger, 1870 Beitrag zur Lepidopterenfauna Griechenlands. Horae Societatis Entomologicae Rossicae, 7: 3-304 : 60. . [http://www.biodiversitylibrary.org/page/12342414]

  • Melitaea meridionalis Staudinger, 1870

  • Melitaea occidentalis Staudinger, 1861

  • Papilio didyma Esper, 1778

  • [Illustration originale] Herrich-Schäffer, G. A. W. 1851-[1852]. Systematische Bearbeitung der Schmetterlinge von Europa, Zugleich als Text, Revision und Supplement zu Jacob Hubner’s Sammlung europäischer Schmetterlinge. Erster band. Die Tagfalter. Regensburg. 164 pp. : Fig. 269, Tab. 56.

Sous-espèces :

Leraut retient la présence de trois sous-espèces en France :

- didyma Esper, 1778.

- meridionalis Staudinger, 1870. Localité-type : Mont Parnasse, Grèce.

- alpina Staudinger, 1961. Localité-type : Alpes

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c) Origine et signification du nom didyma.

— Ramann page 68 :

"...war ein Ort bei Miletus in Ionien, wo ein Tempel des Apollo stand" : lieu à Millet en Ionie où se tenait un temple dédiié à Apollon."

— L. Glaser page 124 :

"Zwillingsgöttin", nämlich Diana" : "Déesse jumelle", surnom de Diane".

— Spannert page 36 :

"Ein Beiname der Diana von didymos doppelt, zweifach : als Zwillingsschwester des Apollo" : "Surnom de Diane de didymos, double, jumeau : comme sœur jumelle d'Apollon."

— Arnold Spuler (1901-1908) :

"didymos, doppelt, Beiname der Artemis, als Zwillingsschwester des Apollo" : "De didymos, "double", surnom d'Artémis, comme sœur jumelle d'Apollon".

— Janssen page 40 :

"didumè = twelling ; naam van Artemis (twellingzuster van Apollon" : didumè = jumeau : nom d'Artémis, sœur jumelle d'Apollon".

— Hans Hürter (1988) page 248 :

"Deutung : Nach der Erstbeschreibung Espers 1777 (siehe Zitat) ist nicht die Orakelstätte Apollons gemeint, sondern eindeutig die Epiklesis, der Beiname der Artemis als Zwillingsschwester des Apollons. Es verwundert jedoch, daß der Beiname Didyma in der Bedeutung "Zwillingsschwester Apollons" weder bei Pauly noch bei Roscher erscheint, nicht einmal bei Bruchmann, der immerhin 320 Epitheta der Artemis, wie sie bei antiken Schriftstellern vorkommen, aufweist."

Traduction approximative : "Interprétation : D'après la description originale de Esper 1777 (voir la citation), ce n'est pas la ville oraculaire d'Apollon, mais clairement l'épiclèse, le surnom d'Artémis comme sœur jumelle d'Apollon (que ce nom exprime). Il est cependant surprenant que cette épithète n'apparaisse ni chez Pauly ni chez Roscher, ni même chez Bruchmann qui cite 320 épithètes collectés chez les auteurs anciens".

— A. Maitland Emmet (1991) page 155 :

"didumos, a twin : from close resemblance to M. phoebe ([Denis & Schiffermüller], 1775) " : "Didumos, un jumeau : en raison de la ressemblance avec M. phoebé"

— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 152 :

"didyma : du grec didoumos, "jumeau", par allusion à sa ressemblance avec Cinclidia phoebe (Emmet, 1991 :155). Selon Spuler (1901-1908 :23), "épithète d'Artémis, en tant que sœur jumelle d'Apollon".

— Perrein et al. (2012) page 416:

"Étymologie : de Didymos, du grec didumos "double", "jumeau", surnom d'Artémis sœur d'Apollon qui avait un temple à Didyme, ville grecque d'Ionie"

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Discussion.

Esper commente lui-même son choix de nom page 366 de sa description originale :

« Ich habe den Namen Didyma für diesen Falter gewählt. Die Diana hat ihn weiland geführt, und da deren Synonymen Herr von Linne dem Perlenmuttervogel beigelegt hat, so ist es in dieser Gewohnheit zu verbleiben, in der That beinahe Rechtens geworden. Es kann dieser Name dem Gedächtniß eine Erläuterung schaffen. Die zwei Zirkelrisse in der Mitte des Vorderflügels zeichnen ihn vor den übrigen aus. Sie sehen ocellis didymis gleich, er mag Didyma heissen. Mehr aber von seiner Naturgeschichte sagen zu können, würde erheblicher seyn. Dieß aber muß die Zeit erst, wie viel anderes, lehren. »

Traduction très sommaire :"J'ai choisi le nom Didyma pour ce papillon. Diane l'a autrefois porté, et depuis que Linné a attaché leurs synonymes aux Nacrés , il est devenu, en fait, presque légitime de puiser dans les épithètes de Diane ?]. Cela peut participer à perpétuer le souvenir de ce nom. Les deux fissures circulaires au milieu de l'aile antérieure le distinguer de l'autre espèce. Vous voyez ocellis didymis même, cela peut signifier Didyme. ".

Il est parfaitement clair que Esper explique lui-même le choix de son nom didyma comme étant une épithète de la déesse Diane/Aphrodite. Tous les auteurs germaniques (qui avaient accès au texte original ?) l'ont interprété ainsi, hormis Ramann qui évoque le sanctuaire oraculaire de Didymes, dédié à Apollon, et très célèbre pour ses chênes dont le murmure des feuilles agitées par le vent délivraient les prédictions. Seul le britannique Emmet s'égare sur une fausse piste. Mais je comprends mal pourquoi Esper se réfère à Linné : pense-t-il à Papilio lathonia, qui renvoie à Lathone, mère des jumeaux Apollon et Artémis ?

Mais Esper donne (ou trouve après-coup) un deuxième sens à son nom qui peut qualifier aussi selon lui deux taches ou ocelles jumelles (ocellis didymis) du milieu des ailes antérieures, et qu'il a présenté comme tout à fait caractéristiques dans sa description. Je n'ai pas compris vraiment ce qu'il entendait par là.

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II. NOMS VERNACULAIRES.

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I. Les Noms français.

1. Le Damier, variété A, Geoffroy (1762)

Geoffroy, E. L. 1762. Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique. Tome II. Durand, Paris. 690 pp. page 45 n°12. Cet auteur qui décrit sa collection 16 ans avant la description de didyma par Esper, décrit sous le nom de Damier quatre variétés A, B, C et D. Les entomologistes du début du XIXe siècle (Latreille) ont reconnu didyma dans la variété A.

"Variété A : Papilio alis dentatis fulvis nigro maculatis, subtus fasciis tribus flavis. ... La première de ces variétés est fauve en dessus, parsemée de taches noires rondes et de points isolés comme le petit nacré. En dessous, elle a des petits points semblables, et la couleur est la même, à l'exception du bord des ailes supérieures qui est d'un jaune citron et de trois bandes jaunes transverses sur les ailes inférieures. "

2. Le Damier, Première espèce, Engramelle, 1779.

3. Argynne Didyma, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 279

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

4. Argynne Didyma, Godart 1821,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821, page 68 n° XX planche 4 secund fig.2 et pl. 4 tert. fig.3

Diurnes Supplément page 141.

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5. Mélitée didyme, Duponchel 1846, Chenille

page 146 n°63 Planche XXII par Duménil gravée par Dupréel

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38600#page/195/mode/1up

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6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986, et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet proposait comme nom principal "La Mélitée orangée" et comme nom accessoire "Le Damier orangée" mais écarte "La Diane" avec en commentaire une note 93 : "Le nom de "Diane" ne peut être utilisé pour Didymaeformia didyma, dans la mesure où il a été par ailleurs appliqué traditionnellement à Zerinthia polyxena (Papilionides).

7. Noms vernaculaires contemporains :

Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de "Melitaea didyma Ochs" mais ne citent pas de nom vernaculaire.

—Bellmann / Luquet 2008 : "La Mélitée orangée" .

— Chinery / Leraut 1998 : non décrit

— Doux & Gibeaux 2007 : "La Mélitée orangée ".

— Lafranchis, 2000 : "La Méliée orangée" .

— Perrein et al. 2012 : "Mélitée orangée ".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Mélitée orangée".

— Wikipédia : "Mélitée orangée ou Damier orangé".

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Bibliographie, liens et Sources.

—Funet : melitaea :

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : melitaea didyma

Bibliographie générale de ces Zoonymies : http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-des-rhopaloceres-bibliographie-124969048.html

Zoonymie du "Moyen Nacré" Argynnis adippe.

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Zoonymie (étude du nom) du papillon le Moyen Nacré Argynnis adippe (Denis & Schiffermüller, 1775).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé. Argynnis adippe ([Denis & Schiffermüller],1775).

Argynnis, Fabricius, 1807 : cet auteur danois ami de Linné a créé 49 noms génériques, dont, selon la règle qu'il s'était fixé, près de la moitié sont des épithètes de Vénus (Aphrodite en Grèce) : c'est le cas pour l'épiclèse Argynnis Argunnis ´Αργυννίς «D'Argynnos (toponyme et anthroponyme)» , épiclèse d'Aphrodite (´Αφροδίτη ) du nom de son temple Argyneion bâti selon la légende par Agamemnon roi de Mycènes sur les bords du fleuve Céphise en souvenir de son amant le jeune Argynnus qui s'y était noyé. Le rapprochement lointain et fortuit avec le grec arguros "argent" a sans-doute été inspiré bien plus tard à Emmet (1991) par les taches argentées des ailes.

adippe (Denis & Schiffermüller, 1775) : Dans sa Fauna Suecica de 1761, Linné a d'abord appelé cette espèce cydippe, du nom d'une nymphe marine, une Néréide. Ce nom avait toutefois déjà été attribué en 1759 par Clerck à une autre espèce exotique et dans son Systema Naturae de 1767, Linné crée le nom adippe pour son ancienne cydippe en écrivant "in Fauna Suecica Cydippe perperam pro Adippe legitur" (Dans Fauna Suecica, Cydippe est lu par erreur pour Adippe). L'incertitude sur le statut taxonomique de ce nom a finalement pris fin en 1958 par une décision de l' IC.Z.N qui supprimait le nom cydippe et validait adippe, mais avec Denis & Schiffermüller comme auteurs. Adippe semble être un nom inventé pour rappeller cydippe tout en le reniant. (d'après Emmet, 1991).

— En 1762, Geoffroy ne décrit que le Grand et le Petit Nacré (aglaia et lathonia). En 1779, Engramelle donne au papilio adippe le nom de "Grand Nacré". Godart le nomme "l'Argynne Adippé" en 1821, puis Gérard Luquet crée "Le Moyen Nacré" en 1986. Le substantif "Nacré" s'applique à 21 espèces dont la face inférieure des ailes est ornée de taches argentées.

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I. NOM SCIENTIFIQUE.

I. Nom scientifique.

1. Famille et sous-famille.

a) Famille des Nymphalidae Rafinesque, 1815.

Cette famille comporte (je suivrai Dupont & al. (2013) ) 8 sous-familles en France :

  • Sous-famille des Libytheinae Boisduval, Rambur, Dumesnil & Graslin, [1833]

  • Sous-famille des Danainae Boisduval, [1833]

  • Sous-famille des Limenitidinae Butler, 1870

  • Sous-famille des Heliconiinae Swainson, 1822

  • Sous-famille des Apaturinae Boisduval, 1840

  • Sous-famille des Nymphalinae Swainson, 1827

  • Sous-famille des Charaxinae Doherty, 1886

  • Sous-famille des Satyrinae Boisduval, [1833]

b) Sous-famille des Heliconiinae Swainson, 1822

Selon Dupont & al., Pelham & al. (2008), se référant aux travaux de Koçak (1981), considèrent Heliconiinae Swainson, 1827, comme invalide, au motif que le nom donné par Swainson est fondé sur le nom générique Heliconius Latreille, 1804, qui est un homonyme d’Heliconius Kluck, 1780. Ces auteurs préconisent l’utilisation d’Heliconiinae Swainson, 1822 (planche 92, « Heliconiae »).

c) Tribu des Argynnini Swainson, 1833 : les Argynnes.

Pour la systématique des Argynnini Dupont & al. suivent les travaux de Simonsen & al. (2006).

d) Sous-tribu des Argynnina Swainson, 1833

  • Genre Issoria Hübner, [1819]

  • Genre Brenthis Hübner, [1819]

  • Genre Argynnis Fabricius, 1807

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2. NOM DE GENRE Argynnis, Fabricius, 1807:

Voir : http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-du-papillon-le-tabac-d-espagne-argynnis-paphia-124693433.html

Origine et signification du nom du sous-genre Fabriciana Reuss, 1920

Ce sous-genre est dédié à Johann Christian Fabricius (1745 Tønder 1808 Copenhague).

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3. NOM D'ESPECE : Argynnis adippe ([Denis & Schiffermüller,] 1775).

a) Description originale

Papilio adippe [Denis, J. N. C. M. & Schiffermüller, I.] 1775. Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend, herausgegeben von einigen Lehrern am k. k. Theresianum.. Vienne. 322 pp. page 177 . [http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0006&LOGID=LOG_0008&PHYSID=PHYS_0178]

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b) Localité-type et Description :

— Localité-type : "Umbegung von Wien" environs de Vienne, Autriche.

Selon Dupont & al. (2013) "Denis et Schiffermüller (1775 : 177) figurent ce taxon, mais n’en donnent aucune description. Les auteurs se réfèrent à « (P. Berecynthia Poda) ». Rappelons ici que l’opinion 501 de la Commission Internationale de Nomenclature Zoologique a établi le rejet des noms berecynthia Poda, 1761, cydippe Linnaeus, 1761 et adippe Linnaeus, 1767 (nomina rejecta), stipulant qu’adippe [Denis et Schiffermüller], 1775, représente le nom valide ayant préséance pour désigner ce taxon (ICZN, 1958)".

Selon Dupont & al.(2013) cette espèce est présente dans toute la région paléarctique sauf en Afrique du Nord. Elle est signalée dans toute la France. Les chenilles se nourrissent sur diverses espèces de Violettes.

— Description Wikipédia :

"C'est un papillon de taille moyenne de couleur orangé vif, ornementé de taches formant des festons marginaux puis une ligne de taches rondes et d'une ornementation de larges traits. Le revers des antérieures est orange orné de taches rondes et de traits marron, celui des postérieures est orné de taches nacrées et d'une ligne de taches marron roux centrées de blanc.Le Moyen nacré présente la même couleur orange sur le dessus que les autres nacrés Grand nacré, Nacré de la ronce... et le Tabac d'Espagne mais avec des dessins différents et au revers des taches nacrées spécifiques.Le Moyen nacré vole en une génération entre juin et août suivant la localisation.

Il hiverne au stade de chenille formée dans l'œuf. Les plantes hôtes sont des violettes, en particulier Viola canina, Viola odorata, Viola hirta, Viola tricolor, Viola riviniana Les œufs sont pondus sur les feuilles de la plante hôte. La chenille possède une tête marron et un corps marron roux orné d'une ligne dorsale blanchâtre entre des dessins noirs et de scoli rosâtres à roux.

Il est présent dans toute l'Europe sauf sa partie la plus nordique (nord de l'Angleterre et de la Scandinavie), dans toute l'Asie (sauf la partie la plus au sud, et jusqu’au Japon En France métropolitaine, il est présent dans tous les départements sauf en Corse, mais sa présence n'a pas été notée depuis longtemps en Bretagne et sur la côte de la Manche. Il réside sur les prairies humides et les pentes herbues."

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c) Synonymes INPN (Muséum) et sous-espèces.

Liste des synonymes :

  • Argynnis adippe adelassia Fruhstorfer, 1910 :Fruhstorfer, H. V. 1910. Neue palaearktische Argynnisrassen. Entomologische Zeitschrift, 24(7): 37. [http://biodiversitylibrary.org/page/31939391]

  • Argynnis adippe adippe (Denis & Schiffermüller, 1775)

  • Argynnis adippe chlorodippe Herrich-Schäffer, 1851 Herrich-Schäffer, G. A. W. 1843-1856. Systematische Bearbeitung der Schmetterlinge von Europa, zugleich als Text, Revision und Supplement zu Jacob Hubner’s Sammlung europaischer Schmetterlinge. Sechster und letzter Band. Regensburg.: 5. [http://biodiversitylibrary.org/page/42585701]

  • Argynnis adippe cleodoxa Ochsenheimer, 1816. Die Schmetterlinge von Europa. Fleischer, Leipzig. 4: 212 pp. Page 118. http://biodiversitylibrary.org/page/34451193#page/122/mode/1up

  • Argynnis adippe magnaclarens Verity, 1936 Verity, R. 1936. The lowland races of butterflies in the upper Rhône valley. The Entomologist's record and journal of variation, 48: [77-90 ] : 85.. [http://biodiversitylibrary.org/page/30053273]

  • Argynnis adippe semiclarens Verity, 1936 Verity, R. 1936. The lowland races of butterflies in the upper Rhône valley. The Entomologist's record and journal of variation, 48: [77-90 ].: 85. [http://biodiversitylibrary.org/page/30053273]

  • Fabriciana adippe adelassia (Fruhstorfer, 1910)

  • Fabriciana adippe adippe (Denis & Schiffermüller, 1775)

  • Fabriciana adippe chlorodippe (Herrich-schaffer, 1851)

  • Fabriciana adippe cleodoxa (Ochsenheimer, 1816) Ochsenheimer, F. 1816. Die Schmetterlinge von Europa. Fleischer, Leipzig. 4: 212 pp.: 118.

  • Fabriciana adippe magnaclarens (Verity, 1936)

  • Fabriciana adippe semiclarens (Verity, 1936)

  • Fabriciana adippe (Denis & Schiffermüller, 1775)

  • Papilio cydippe Linnaeus : 1761. Fauna Svecica sistens animalia Sveciæ Regni: mammalia, aves, amphibia, pisces, insecta, vermes. Distributa per classes & ordines, genera & species, cum differentiis specierum, synonymis auctorum, nominibus incolarum, locis natalium, descriptionibus insectorum. Editio altera, auctior.. Stockholmiæ. (L. Salvii). 578 pp. page 281. http://biodiversitylibrary.org/page/32170750#page/339/mode/1up

ICZN 1958. Opinion 501. Validation under the Plenary Powers of the specific name adippe as published in the combination Papilio adippe in 1775 in the anonymous work by Denis & Schiffermüller commonly known as the Wiener Verzeichniss to be the specific name for the hight brown fritiilary and validation under the same powers of a neotype species (Class Insecta, Order Lepidoptera).Opinions and declarations rendered by the International Commission on Zoological Nomenclature,18(1): 1-64. [http://www.biodiversitylibrary.org/page/34986710]

Sous-espèces :

Tshikolovets retient trois sous-espèces en Europe et le bassin méditerranéen :

- adippe [Denis & Schiffermüller], 1775.

- taurica Staudinger, 1878. Localité-type : Taurus, Anatolie, Turquie.

- chlorodippe Herrich-Schäffer, 1851

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c) Origine et signification du nom (Zoonymie)

— Gustav Ramann (1870-1876) page 78 :

"Ob vielleicht der Name Adippe von adipiscor, sich anfügen, also ein Falter, der sich den Vorigen angefügt, herzuleiten sein dürfte ?" : "Sans-doute du latin adipiscor "s'attacher à", et alors le nom de ce papillon suit-il le précédent en s'y rattachant ?"

— L. Glaser (1887) page page 126 :

"eig-, "Satt-", oder "Lustpferd", Nam einer Waldnymphe"

— Anton Spannert (1888) page 39 :

"Name einer Nymphe, auch sonst ein gebräuchlicher Frauenname im alten Griechenland" : nom d'une Nymphe, et aussi nom féminin courant dans la Grèce antique"

— Arnold Spuler (1901-1908) :

— August Janssen (1980) page 41 :

"Naam van een nimf" : "Nom d'une nymphe".

— Hans Hürter (1988) page 257 : cite seulement ses prédécesseurs puis étudie Cydippe.

— A. Maitland Emmet (1991) page 154 :

"—in Fauna Suecica (Edn 2) (1761) Linnaeus called this species cydippe after a Nereid (a sea-nymph). This name however had already been allocated to another species and later (Linnaeus, 1767) he wrote "in Fauna Suecica Cydippe perperam pro Adippe legitur" (in Fauna Suecica, Cydippe is read in error for Adippe) Uncertainly over which name should be used was eventually ended in 1958 by a ruling of the I.C.Z.N. which suppressed the name cydippe and established adippe with Denis & Schiffermüller as the authors. Adippe appears to be invented name designed to be reminiscent of cydippe." : "Dans Fauna Suecica (éd 2) (1761) Linné a appelé cette espèce cydippe d'après une Néréide (une nymphe marine). Ce nom avait toutefois déjà été attribué à une autre espèce et, plus tard (Linnaeus, 1767), il a écrit "in Fauna Suecica Cydippe perperam pro Adippe legitur" (Dans Fauna Suecica, Cydippe est lu par erreur pour Adippe) L'incertitude sur la façon par laquelle le nom devrait être utilisé a finalement pris fin en 1958 par une décision de la ICZN qui supprimait le nom cydippe et établissait adippe avec Denis & Schiffermüller comme auteurs. Adippe semble être le nom inventé pour rappeller cydippe ".

— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 106 :

"adippe : mot vraisemblablement forgé de manière arbitraire en s'inspirant du nom "cydippe" ; repris en 1775 par Denis & Schiffermüller, fixé par la C.I.N.Z. (1958) pour remplacer le cydippe de Linné (1761) qui avait lui-même corrigé en adippe dès 1767 (Emmet, 1991 :154). Adippe serait également un nom de femme, dans la Grèce antique (Spuler, 1901-1908 :30).

— Perrein et al. (2012) page 350 :

"de Cydippé, la belle jeune fille dont Aconthios devint de suite amoureux lors des fêtes de Délos, lequel usa d'un habile stratagème pour en obtenir la main selon le poète Ovide ; d'après une erreur de lecture reconnue par Linné en 1767 : in Fauna Svecica Cydippe [Papilio cydippe Linnaeus, 1761] perpetram pro Adippe legitur".

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Discussion.

Comme le mentionne les analyses qui précèdent, ce nom spécifique adippe a succédé à celui de cydippe et ne peut être interprété qu'après consultation d'un dossier, parfaitement établi par l'I.C.Z.N dans son Opinion 501 de 1958 et qui comprend les points suivants :

a) le Fauna suecica 2nde édition de 1761 page 281 n°1066 : Linné crée le nom Cydippe, précédé de ceux de Paphia et d'Aglaja et suivi de celui de Niobe. pour une espèce de Suéde ("fauna suecica", vivant dans les prairies (habitat in pratis) aux ailes jaunes tachées de noir en dessus, et portant en dessous 23 taches argentées. Il accompagne la diagnose d'une description précise des différences avec son Papilio aglaja ("Grand Nacré"). Dans la mythologie grecque, ce nom Cydippe peut désigner : Cydippe, une Néréide, mère d'Aristée (citée par Hygin) ; Cydippe, une Argienne prêtresse d'Héra et mère de Cléobis et Biton ; Cydippe, une Athénienne, liée à Acontios. Cettte dernière est la plus connue, notamment, parmi les hommes de lettre, à l'époque de Linné. La légende d'Acontios et de Cydippe est racontée par Aristénète, Lettres d'amour (I, 10) ; Callimaque de Cyrène, Cydippe ; mais surtout par Ovide dans son Art d'aimer (I, 455-456).

Ce nom de Papilio cydippe est employé ensuite par trois auteurs, Scopoli en 1763, Brünnich in Prontopiddan 1763, et Müller en 1764, mais a priori pour désigner Papilio niobe.

b) La 12ème édition du Systema Naturae de Linné en 1767 page 776 n° 212 : Linné nomme la même espèce du nom d'Adippe, en renvoyant à sa référence n°1066 du Fauna Suecica, mais en précisant "in Fauna Suecica Cydippe perperam pro Adippe legitur" (Dans Fauna Suecica, Cydippe a été lu par erreur pour Adippe). Cette modification est justifiée par la présence, page 776 de la même édition, d'un Papilio Cydippe, d'origine exotique (habitat in India) et nommé précédemment dans deux références données par Linné, amoen. acad. et Clerck tome 36 fig.1. Ce papillon est actuellement connu sous le nom de Cethosia cydippe L. Linné avait déjà décrit ce Cydippe exotique dans Centuria insectorum page 26 avec la même référence à Clerck. Cette dernière renvoie à Clerck, C. 1759. Icones insectorum rariorum cum nomibus eorum trivialibus, locique e C. linnaei. - Pp. [1-10], onglet. 1-16. Holmiæ. Il y a donc antériorité du nom Cydippe (India, Clerck 1759) sur Cydippe (Suède, Linné 1761) et Linné doit dé-baptiser son espèce.

En raison de la Loi de Priorité et de la Loi d'Homonymie, l'I.C.Z.N. a décidé de ne valider ni Papilio cydippe Linné, 1761, ni Papilio adippe Linné, 1767.

c) Le "Verzeichniß" de Denis & Schiffermüller 1775 page 177 : il cite Papilio adippe L.[inné] en indiquant comme synonyme ou référence Papilio berecynthia de Poda 1761. L'I.C.Z.N. a supprimé la validité de ce dernier nom au motif de la Loi de priorité. (Linné 1761 étant antérieur à Poda 1761 ?).

d) La discussion qui suit l'Opinion 501 de l'I.C.Z.N. page 7-64 qui est simplement passionnante par les arguments qui y sont échangés et les pièces versées au dossier (Planches 1-3 : photographie du néotype et des genitalia d'adippe et de niobe). Elle a été préparée entre 1938 et 1939 entre les britanniques Francis Hemming, Warren, et N.D. Riley, et l'italien Ruggero Verity , rejoints après-guerre par les américains Gray, Klots et Dos Passos,

e) L'expertise de la collection de Linné par R. Verity en 1903 dans J. linn. Soc. Lond. (Zool.) 32 173-191 : elle révèle qu'outre deux mâles étiquetés Papilio niobe et conformes à notre Argynnis niobe dans sa forme sans taches argentées se trouve un spécimen femelle à dessous de l'aile argentée, étiquetée Papilio cydippe mais qui correspond à un A. niobe. Les auteurs de la Commission en conclue que les noms, se référant à des formes infra-spécifiques n'ont pas de statut taxonomique et que le nom cydippe Linné, 1761 ne correspond pas au Moyen Nacré (High Brown Fritillary pour ces auteurs), et, par voie de conséquence, que Papilio adippe Linné, 1767 n'y correspond pas non plus. Dés lors, d' autres noms retrouvent une validité possible, le Papilio berecyncia de Poda 1761 (Ins. Mus. graev. :75 n°38) et Papilio syrinx Borkhausen 1788, mais l'insuffisance de la description du premier, et l'inexactitude du second font qu'ils sont écartés. Il restait à considérer la validité de la publication du Papilio adippe par deux auteurs différents de Linné, soit Rotemburg (Naturforscher 6:13, 1775), soit Denis & Schiffermüller, et de celle de Esper qui en 1777 a donné la première description accompagné d'une illustration des trois Nacrés aglaja, adippe et niobe. Aujourd'hui, il est admis par l'I.C.Z.N. que la publication de Rottemburg est antérieure à celle des deux auteurs viennois, mais cette notion (Opinion 516) n'était pas encore validée. L'avantage fut donné aux viennois parce que leur Catalogue des environs de Vienne précise clairement la localité du type (Vienne), à la différence de Rottemburg et d'Esper.

Loin de faire consensus, l'ensemble de ces points ont été largement débattus comme d'épineux problèmes. Le représentant du Muséum d'Histoire Naturelle, G. Bernardi, plaisait pour sa part pour l'adoption du nom phryxa Bergsträsser.

Un point n'a pas été soulevé : il semble admis que Linné, ayant constaté son erreur d'un nom déjà attribué, ait écrit en 1767 : "Dans Fauna Suecica de 1761, j'avais écrit adippe, et cela a été lu par erreur cydippe" comme un subterfuge, une formule littéraire pour se justifier. Bref, Linné aurait commis un mensonge formel. Mais pourquoi ne pas le croire ? Il a pu créer initialement le nom Adippe, puis être victime d'une faute d'impression, et reprendre le nom Adippe dès la première occasion. Dans ce cas, l'interprétation du sens du zoonyme est différente.

Dans la première hypothèse, Adippe est une sorte de néologisme créé en 1767 pour résoudre le double emploi du nom Cydippe en en conservant la mémoire par un suffixe a- privatif qui équivaut à barrer ou rayer le nom de 1761.

Dans la seconde hypothèse, Linné connaissait le nom Cydippe créé par Clerck, et a utilisé d'emblée un nom différent. Hélas, ce nom n'est connu ni dans la mythologie ni ailleurs avant 1767, et cet Adippe n'a aucun sens s'il ne se réfère pas à un Cydippe préalable.

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II. NOMS VERNACULAIRES.

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I. Les Noms français.

1."Le Grand et le Petit Nacré", Geoffroy (1762)

Geoffroy, E. L. 1762. Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique. Tome II. Durand, Paris. 690 pp. page 43 n°9 et 10. Cet auteur qui décrit sa collection 1 an après le Fauna suecica de Linné 1761 et sa description de son Papilio cydippe n'a sans-doute pas eu le temps d'intégrer cette notion récente et ne décrit que le Grand Nacré (P. aglaja) et le Petit Nacré (lathonia). Il trouve sa place ici puisque c'est lui qui initie la série des Nacrés et crée ce zoonyme.

2. "Le Grand Nacré", Engramelle, 1779.

Jacques Louis Engramelle 1779 Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 51 Planche 16 fig. 13 c-d-g-h dessinée par J.J Ernst et Supplément page 259

Engramelle distingue le Grand Nacré (Adippe), le Nacré (Aglaia), et le Petit Nacré (Lathonia) et le Chiffre (Niobe). Il les décrit d'abord pages 51 à 53, puis corrige ces premières descriptions dans ses Suppléments page 238-244 :

Le Grand Nacré page 51 Planche XIII n°16.

Le Nacré page 52 Planche XIV n°17.

Le Chiffre page 55 Planche XV n°19.

Le Petit Nacré page 60 Planche XVI n°24

Supplément page 238-239

"C'est ici le lieu de rectifier une erreur dans laquelle nous sommes tombés aux Planches XIII & XIV. Le grand Nacré Pl. XIII, est le papillon Adippe de Linnaeus, & le Nacré Pl. XIV, est celui qu'il appelle Aglaia. Or la chenille & la chrysalide qui se trouvent sur la Pl. XIII fig.16a et 16b appartiennent à l'Aglaia, c'est-à-dire au Nacré de la Planche suivante n°.17. Nous avons été entraînés dans cfette erreur par M. geoffroi (sic) qui fait la même confusion. Son grand Nacré, n°9 page 45, est bien l'Adippe de Linnaeus, quoiqu'il cite Linn. Aglaia, et la Chenille qu'il qu'il y décrit est celle de l'Aglaia. M. le Docteur Gruvel, de Brunswick, qui fait une étude particulière des chenilles, vient de nous envoyer le portrait de celle de l'Adippe ; mais comme il ne nous est parvenu qu'après la gravure de cette Planche et de celle LIX, nous le donnerons à la pl. LX. Cette chenille a &été longtemps méconnue. L'Admiral est le premier qui l'ait découvert. La plupart des anciens auteurs avaient confondus les papillons Adippe et Aglaia & ne les regardaient que comme variétés l'un de l'autre. De nouvelles observations, et surtout la découverte de leurs chenilles, ont prouvé qu'ils formaient deux espèces très différentes, & ils ont des caractères constants qui les distinguent l'un de l'autre, de manière à ne s'y pas méprendre. Les principaux sont 1°) L'Adippe, entre les deux bandes de taches nacrées des ailes inférieures en dessous, a quatre taches rougeâtres avec un point argenté en dessous. Voyez les P¨Fig.17b, 17d, Pl. XIV, au lieu que dans l'Adippe elles sont jaunâtres en totalité, à l'exception d'une légère teinte verdâtre qui se trouve quelquefois le long du bord d'en bas comme à la Fig. 16.f. Les auteurs qui ont décrits le Grand Nacré sont : Linné Syst. Nat. éd. XII. sp.212. Pag. 786. Adippe. Esper, tom. 1, tab. XVIII, fig.1. Pag.232, & tab. XXVI fig.4, pag 317. .. Fuesli ...Müller,... L'Admiral..."

"Ceux qui ont décrits le Nacré sont : Linné, Syst. nat. ed.XII, sp. 211. pag. 785. Aglaia."

— Supplément page 241. :

"Le Chiffre : … Cette espèce, est celle que Linnaeus décrit sous le nom de Niobe sp.215. Pag. 786. Quelques auteurs, entre autres M. de Geer, l'ont confondue avec l'Adippe, le Grand Nacré, dont ils la croyaient la femelle."

—Supplément page 244 : Pl. LX Suppl. VI Suite du N° 16"

— Supplément page 317

3. Argynne Adippé, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 265 n°24

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

4. "L'Argynne Adippé" , Godart 1821,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821, page 57 n° XV

Godart, Planche 3 secund, figure 2

Godart, Planche 3 secund, figure 2

5. "L'Argynne Adippé", Duponchel 1849, Chenille

page 127 n°47 Planche XV par Duménil .

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Duponchel planche XV fig. 47 a-b-c.

Duponchel planche XV fig. 47 a-b-c.

6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986, et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet proposait comme nom principal "Le Moyen Nacré" et réfute l'usage de "Grand Nacré" employé par P.A. Robert en 1960 [mais aussi par Oberthür cf. infra] par sa note 72 :

Note [72] : "Robert a malencontreusement interverti les noms vernaculaires de Mesoacidalia aglaja ("Le Grand Nacré") et de Fabriciana adippe ("le Moyen Nacré")."

7. Étude du nom vernaculaire par les auteurs précédents:

— Luquet in Doux et Gibeaux, (2007) page 104 : "Nacré (Engramelle, 1779) : allusion à l'ornementation de la face inférieure". / page 106 : "F. adippe fut d'abord baptisé "Grand Nacré" par Geoffroy (1762) puis par Engramelle (1779)".

8. Noms vernaculaires contemporains :

Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de "Arynnis adippe Linn. " puis nomme cette espèce "Le Grand Nacré" page 128.

—Bellmann / Luquet 2008 : Non décrit .

— Chinery / Leraut 1998 : non décrit

— Doux & Gibeaux 2007 : "Fabriciana adippe Le Moyen Nacré ".

— Lafranchis, 2000 : " Argynnis adippe Le Moyen Nacré" .

— Perrein et al. 2012 : "Fabriciana adippe Moyen Nacré ".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : " Fabriciana adippe Le Moyen Nacré".

— Wikipédia : "Moyen Nacré ".

III. LES NOMS VERNACULAIRES dans d'autres pays.

Langues celtiques :

1. langues gaéliques : irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg : île de Man).

  • en irlandais

  • en mannois.

  • "" en gaélique écossais*

2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welsh, cymraeg).

  • pas de nom en breton ;

  • "Britheg frown" en gallois.

*Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources. http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html

Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

IV. LES NOMS VERNACULAIRES EN ANGLAIS ( d'après M. Salmon 2000).

Première description par Petiver ? 1699, 1717.

  • ? "The greater silver-spotted Fritillary" : Petiver, 1699, (cf. A. aglaja)

  • "The High Brown or High-brown Fritillary" (Wilkes 1741-42 ; Haworth, 1803 ; Jermyn, 1824 ; Rennie, 12832 ; et tous les auteurs suivants.

  • "The High Brown Fritillaria" : Harris, 1766 ; 1775.

  • "The Violet Silver-spotted Fritillary" : Lewin, 1795.

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Bibliographie, liens et Sources.

—Funet :

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) :

Bibliographie générale de ces Zoonymies : http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-des-rhopaloceres-bibliographie-124969048.html

Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

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Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

Joris Hoefnagel : Allégorie de la Vie et de la Mort (1598).

Image :

http://en.wikipedia.org/wiki/Joris_Hoefnagel#mediaviewer/File:Joris_and_Jacob_Hoefnagel_-_Allegory_on_Life_and_Death.jpg

Ce dessin peint sur vélin à l'aquarelle et à la gouache et rehaussé à la feuille d'or mesure 17 x 24 cm. Il a été légué en 1993-1997 par Rosi Schilling au British Museum avec 110 autres dessins de la collection d' Edmund Schilling (1888-1974), ancien conservateur du Städelsches Kunstinstitut de Francfort, qui a émigré en Angleterre en 1937 après la montée du nazisme. Il était l'un des rares spécialistes reconnus dans ce pays sur l'art graphique allemand, et a réuni sa collection dans les années 1940 et 1950 à Londres à un moment où les dessins du Nord étaient démodés et pouvaient être achetés à relativement bon marché. Sa collection comprend des dessins de grands artistes comme Hans Baldung et Lucas Cranach.

Au centre d'un ovale est peint un enfant blond au regard espiègle (un putto dépourvu d'ailes, allégorie de l'Amour ou Éros) assis sur la racine d'un arbre. Derrière lui, un buisson aux fleurs violettes, et en arrière-plan un paysage champêtre ou plutôt montagneux avec deux pins. La définition de l'image ne permets pas de savoir si la tache jaune n'est pas, par hasard, une ruche surmontée d'abeilles. Le petit polisson gouailleur tient un sablier et un crâne. Deux cartouches bleus à fond noir portent les inscriptions "Pragae AO 1598 / Joris Hoefnagel ft". L'inscription et le fond noir ont été restaurés et rehaussés à une date ultérieure.

Après avoir examiné les planches du manuscrit Ignis, où les insectes étaient peints par Joris Hoefnagel au centre d'un ovale doré qui se détachait sur le vélin vierge et était surmonté d'une inscription à valeur épigrammatique, on constate ici l'inversion de cette présentation, avec un motif allégorique au centre, alors que les animaux et les fleurs occupent l'extérieur, renouant avec la pratique des Livres d'Heures aux insectes en position marginale. Ici, le motif central, sorte de rébus dont la traduction est immédiate, dialogue avec l'entourage naturaliste qui lui sert de commentaire.

L'allégorie est en effet évidente : le temps qui passe (sablier) se rit de la fraîcheur de la Vie et annonce le triomphe de la Mort (crâne), et Éros tout en nous entraînant dans les envoûtements de l'amour nous rappelle le caractère éphémère de ces charmes. Les roses, qui fanent si vite, et les insectes, dont nous abrégeons l'existence d'un pied insouciant, d'un geste de la main, sont les raccourcis de notre dramatique destin. Précisément, un Éphémère, insecte qui ne vit sous sa forme adulte que pour s'accoupler puis mourir aussitôt, est placé en pense-bête dans le coin supérieur gauche. Hoefnagel est le premier artiste à représenter les Ephemeroptera mais il le fait avec une insistance significative ; dans son manuscrit Mira calligraphia, ils sont présents dans l'Alphabet dès la lettre A, seuls insectes encadrant l'inscription Alpha et Omega, principium et finis ergo sum. Mais ils se retrouvent comme un leitmotiv d'une œuvre sous-tendue par cette conscience de la vanité et de la brièveté de la vie.

C'est la permanence de ce thème du Temps qui, comme chez Proust, rend chaque création d'Hoefnagel passionnante comme une nouvelle façon originale de répéter le même message, comme la "petite phrase" de Vinteuil qu'il nous plait de retrouver sous une nouvelle forme.

Or, dans cette Allégorie, il est vraiment amusant de voir comment l'artiste a mis en scène la Vie et la Mort avec, au devant de la scène, deux animaux, une grenouille et une souris, théâtralement endormis à coté d'une rose déjà jetée à terre avant même d'être éclose. La mort de la Diva au dernier acte.... Bien-sûr, nous voudrions bien savoir ce qui est écrit sur le cartellino de droite, mais justement l'écriture de ce qui fut peut-être un billet d'amour en est effacée, et ses bords s'enroulent sur eux-mêmes pour imiter les pétales torsadés.

Dans le registre inférieur, nous découvrons encore la "Bête à Bon Dieu", la coccinelle Coccinella septempuncata, bien vivante pour parcourir la toile. C'est l'occasion de remarquer que l'ombre de chaque fleur et chaque animal de cette partie basse a été peinte, sans vraiment vouloir créer une illusion de réalité, mais pour souligner le contraste entre l'être et son double sombre. Justement, le scorpion noir — sinistre— fait revenir en mémoire la planche VII d'Ignis, où il symbolisait la Mort face à un Lucane Cerf-volant symbolisant la Résurrection. Et l'adage d'Erasme, inscrit au dessus du même Lucane sur la planche V, disait SCARABEA UMBRA , "Ombre de Scarabée", une façon de se moquer des peurs injustifiées et de déjouer, par la confiance en la Résurrection, la peur de la Mort.

Une fois encore (mais nous le comprenons un peu mieux à chaque fois), ce vocabulaire artistique mêlant sans cesse les mêmes cartes, les mêmes inscriptions, les mêmes insectes, les mêmes roses, n'a pas de fonction ornementale, mais une fonction méditative. Cette peinture riante aux teintes dominantes roses, mauves et jaunes en périphérie, bleu et vert au centre n'a pas la sévérité macérée des Vanités et Mélancolies, des Madeleines repenties aux chaires livides et des bougies fumantes dans un clair-obscur, et le putto place ce memento mori dans une ambiance bon enfant.

Intéressons-nous maintenant à la structure qui dynamise et cloisonne ce dessin, chaque motif (animal ou floral) se détachant comme une broderie dans les loges d'un réseau : au cadre (fictif) est fixé sept organeaux de (faux) laiton, dont deux reçoivent les tiges de roses, quatre supportent la tringle terminée en crosse des cartouches ; l'ovale s'accrochent à l'anneau central. Cet appareil est renforcé par deux patères dont la forme contournée inscrit son élégante et acrobatique calligraphie au prétexte de mieux fixer l'ovale. Celui-ci (est-ce involontaire ?) ressemble fort à un miroir, pour ne pas dire une Psyché (le terme désigne en grec l'âme, et le papillon) grâce à double jonc resserrant dans sa rainure une théorie de perles. Encore celles-ci ne font pas au hasard, mais par groupe de six, des boules dorées séparant chaque sizaine de la suivante. Bien fait, non ?

Là encore, l'amateur s'offre le plaisir de la réminiscence, celle de la référence artistique, car ces patères, des tiges de roses en trompe-l'œil abondent dans Mira calligraphiae et dans Archetypa studiaque. Mais cette quincaillerie, élément matériel inerte, se prolonge habilement par du Vif : un entrelacs discontinu court à travers la surface blanche, faite de tiges épineuses, de chenilles également épineuses jouant de l'effet de confusion, de contours de sépales et de pétales, de l'arc de la queue de la souris grise, de la parenthèse de l'abdomen d'un agrion ou de la cambrure d'une éphémère.

Il faut maintenant (c'est exactement ce que Joris attend par ce piège posé pour nous depuis cinq cent ans) chercher la petite bête.

Inventaire entomologique (au risque de passer pour une andouille).

Dans ce quart inférieur gauche, nous trouvons :

  • une grenouille : ce n'est pas un insecte, passons.
  • un scorpion, idem.
  • Coccinella septempunctata, la Coccinelle à sept points, la plus commune.
  • Deux chrysalides de Pieridae (par exemple celle de la Piéride du Chou Pieris brassicae)
Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.
Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

Dans ce quart inférieur droit se trouve :

  • Une souris grise Mus musculus (Muridae, Mammifère, n'est pas un insecte)
  • Une rose
  • Un coléoptère
  • Une "Mouche" : je propose Chrysops relictus, un Taon (Tabanidae)
  • Une chenille ?
  • Un papillon ressemblant à Pyrale du maïs Ostrinia nubialis (Hubner).
Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

Dans ce quart supérieur droit :

  • le Tabanidae déjà vu
  • Un Agrion ou Demoiselle.
  • Un autre Diptère (Symphyte ?)
  • Une Éphémère
  • Un Papillon de jour : Lycaenidae. Si la petite queue n'est pas fortuite, risquons Everes argiade.

Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

Nous trouvons ici rassemblés :

  • Une chenille noire et épineuse d'un papillon Nymphalidae Nymphalinae du type de celle d'Aglais io ("Petite Tortue"
  • Un papillon de nuit, Abraxas grossulariata, la Zérène du groseillier.
  • Une Éphémère plus petite qu'à droite,
  • Un escargot.

Mon expertise entomologique est assez décevante, je n'ai pas réussi à identifier beaucoup de monde. Passons à autre chose.

Si je me suis intéressé à ce dessin, c'est après l'avoir vu présenté et reproduit sous le titre "Amor Lethaos" dans l'édition de l'Archetypae de J. et J. Hoefnagel 1994 par Théa Vignau-Willberg. Or, j'ignore ce qui motive ce titre, qui n'est indiqué ni sur le dessin, ni par le British Museum. C'est par contre celui, dûment inscrit en titre, d'une peinture de Jacob Hoefnagel datant de 1612, mais qui me laisse assez indifférent.

Joris Hoefnagel, Amor Lethaos, 1598.

Pourtant, le titre Amor Lethaos appliqué par T. Vignau-Willberg à cette peinture de Joris Hoefnagel me séduit, car il lui apporte une signification supplémentaire. Ces deux mots, que l'on trouve plutôt sous la forme Amor Lethaeus, renvoient à un poème d'Ovide, "Les Remèdes de l'amour" , Remedia amoris.

On sait que dans la mythologie grecque, Léthé (en grec ancien Λήθη / Lếthê, « oubli »), fille d’Éris (la Discorde), est la personnification de l'Oubli. Elle est souvent confondue avec le fleuve Léthé, un des cinq fleuves des Enfers, parfois nommé « fleuve de l'Oubli » qui coule avec lenteur et silence. Or, Ovide écrit ceci :

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/Ovide_remede/ligne05.cfm?numligne=56&mot=Lethaeus

[550] Inposuit templo nomina celsus Eryx:
Est
illic Lethaeus Amor, qui pectora sanat,
Inque suas gelidam lampadas addit aquam.
Illic et iuuenes uotis obliuia poscunt,
Et siqua est duro capta puella uiro.
555 Is mihi sic dixit (dubito, uerusne Cupido,
An somnus fuerit: sed puto, somnus erat)
'O qui sollicitos modo das, modo demis amores,
Adice praeceptis hoc quoque, Naso, t
uis.
Ad mala quisque animum referat sua, ponet amorem;

"[550] un temple vénéré auquel le mont Éryx a donné son nom ; là règne un dieu, l'Amour oublieux, qui guérit les coeurs malades, en plongeant sa torche ardente dans les eaux glacées du Léthé. Les amants malheureux, les jeunes filles éprises d'un objet insensible, viennent lui demander l'oubli de leurs peines ; ce dieu, était-ce bien lui en effet, ou plutôt l'illusion d'un songe ? je crois que c'était un songe ; ce dieu me parla ainsi : "O toi, qui tour à tour allumes et éteins les flammes d'un amour inquiet, Ovide, ajoute à tes conseils ceux que je t'adresse : que chacun se retrace le triste tableau de ses malheurs, et il cessera d'aimer."

Cet Amour réparateur qui éteint par l'Oubli les feux qu'il a allumé, c'est celui de Swann envers Odette, c'est celui de Marcel envers Gilberte, il est au cœur de A la Recherche du temps perdu. Il me convient tout à fait qu'il ait les traits du putto de l'Allégorie de Hoefnagel, et que cette Allégorie de la Vie et de la Mort ne soit pas celle, digne de l'Ecclésiaste ou de Bossuet, d'un Discours sur la Mort, mais celle, réconfortante, des cycles de naissance et de mort de nos passions et des capacités thérapeutiques d'Amor Lethaeus. Cette souris n'est pas morte, elle s'est paisiblement assoupie, cette grenouille va se redresser lorsque le rideau sera tombé et viendra saluer, ces chrysalides vont devenir papillon, les amours passés en généreront d'autres, pourvu que nous ne nous laissions pas détruire par le chagrin de la perte de ce qui a été. Les roses d'aujourd'hui laissent la place aux roses de demain, pourvu que nous entendions l'Adage que Hoefnagel avait inscrit sur la Planche XXIV d'Ignis :

Rosam quae praeterierit, ne quaeras iterum

"Ne demandes pas à la rose fanée de fleurir à nouveau".

Nasci, Pati, Mori : première description de la séquence chenille-chrysalide -imago par Hoefnagel en 1592.

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Nasci, Pati, Mori : première description de la séquence chenille-chrysalide-imago par Hoefnagel en 1592.

Crédit photo: www-sicd.u-strasbg.fr

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Image source: Service Commun de Documentation, Université de Strasbourg, France, http://www-sicd.u-strasbg.fr. All rights reserved.

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Après avoir examiné le dessin joyeusement coloré par le miniaturiste Joris Hoefnagel, Allégorie de la Vie et de la Mort, daté de 1595, il est intéressant de le comparer à une planche gravée sur cuivre en 1592 par son fils Jacob (alors âgé de 19 ans) pour la série Archetypa studiaque Patris Georgii Hoefnageli ou "Épreuves et études de mon père Joris Hoefnagel" . Il s'agit de la planche 8 de la Pars II.

En effet, elle n'est pas étrangère au dessin paternel, puisque le titre NASCI. PATI. MORI : "Naître-Souffrir-Mourir" est proche du thème de l'allégorie, et que la même souris morte y est représentée.

1. Description :

Le titre inscrit en lettres capitales NASCI-PATI-MORI reproduit les trois mots de ce qui était au XVIe siècle une devise fréquente, parfois inscrite sur des pierres tombales. On la retrouve dans le titre d'un motet SW6 Fortuna Nasci Pati Mori de Ludwig Sentf composé à Vienne en 1533 : ce compositeur allemand et protestant (1450-1517) a été actif à Vienne et enfin à Munich à la cour du duc Albrecht, et son motet était sans-doute connu de Hoefnagel. Théa Vignau-Willberg donne en référence le Livre VI du De Musica d'Augustin d'Hippone :

"Quam plagam summa Dei sapientia mirabili et ineffabilis sacramento dignata est assumere, cum hominem sine peccato, non sine peccatoris conditione, suscepit. Nam et nasci humaniter et pati et mori voluit, nihil horum merito, sed excellentissima bonitate, ut nos caveremus magis superbiam, qua dignissime in ista cecidimus, quam contumelias, quas indignus excepit ; et animo aequo mortem debitam solveremus, si propter nos potuit etiam indebitam sustinere." De musica VI, 4-7.

Dans ce contexte, Nasci-Pati-Mori n'est pas une devise caractérisant, avec pessimisme, le destin de l'être humain (ou de toute créature), mais un raccourci de la Rédemption divine par laquelle le Christ s'est fait homme, est né, a souffert et est mort pour racheter la dette du péché originel. Ces trois mots renvoient donc aux termes du Credo : "natus ex Maria Virgine, passus sub Pontio Pilato, crucifixus, mortuus, et sepultus ". Cette profession de foi et cette référence à Augustin ne sont pas du tout invraisemblables de la part des Hoefnagel. Joris Hoefnagel avait dû quitter la cour du duc de Bavière Guillaume au catholicisme devenu radical : "il comptait parmi ceux qui en 1591 furent incapables (jugèrent impossible) de souscrire au strict credo de la Contre-Réforme que, sous la forme du Professio dei, tout membre de la cour ducale devait signer." (Vignau-Willberg 1994 p. 19). Quand à Jacob, il devint un Protestant engagé, responsable de la collecte de fonds pour la construction d'une église Saint-Simon et Saint-Jude à Prague.

Deux fleurs sont accrochées par leurs tiges à des anneaux fixés en trompe-l'œil à la ligne d'encadrement de la planche : une Liliacée, symbole de pureté et symbole de virginité notamment de la Vierge Marie, et une rose, fleur de Vénus. Elles sont toutes les deux fraîches sur leur tige tonique, sans signe de flétrissure.

L'affaire devient très excitante lorsque l'on découvre les identifications botaniques proposées par Stéphane Sneckenburger (Université de Technologie de Darmstadt) en 1992 dans l'étude de l'Archetypae par Théa Vignau-Wilberg : si, à droite, il s'agit d'une Rose de Provins Rosa gallica L. , à gauche, on reconnaît une Hémérocalle fauve Hemerocallis fulva L..

— Eh alors ?

— Alors ? Ouvrons une Encyclopédie rapide : "Ces plantes vivaces doivent leur nom au grec ἡμέρα (hemera), « jour », et καλός (kalos), « beauté ». Les fleurs de la plupart des espèces s'épanouissent à l'aube et se fanent au coucher du soleil, pour être remplacées par une autre sur la même tige le lendemain. Orange Daylily, Tawny Daylily, Tiger Lily, Ditch Lily ". "Dailily", ou Belle-de-Jour". Ces fleurs sont les homologues botaniques des Éphémères. Dont le nom vient du grec ancien ἑφήμεριος ephếmerios (« qui ne dure qu’un jour ». Nous avons affaire ici à une sorte de transcription-rébus de l'Allégorie de la Vie et de la Mort (ou l'inverse, car cette peinture serait postérieure et est datée de 1595. L'Hémérocalle tient lieu d'Éphémère pour exprimer la brièveté de l'existence entre naissance, souffrance et mort, ou, dirait Schopenhauer, entre naissance, reproduction et mort.

— Fabuleux. Tout ce décor serait déterminé par le titre ? Poursuivons cette enquête.

Deux autres brins floraux semblent posés sur le sol, l'ombre portée participant à cette illusion ; à droite, nous trouvons un rameau d'une Fabacée, avec ces fleurs semblables au Pois de senteur. Les Fabeae ont cinq genres, les Gesses ou Lathyrus L. , les Lentilles ou Lens Mill., les Pois ou Pisum L. (pois), les Vavilovia Fed. et les Vesces ou Vicia L..

— Ici, aucun rapport avec le sujet.

— Mais si : toutes ces plantes sont des Papilionacées, car leurs fleurs ont la forme de papillons. Le papillon, être fragile issu de métamorphoses comme l'âme (psyché, nom des papillons en grec ancien, signifie d'abord "âme") sema libérée du corps soma, est le porte-drapeau du thème de la vie qui passe.

A gauche, un naturaliste du XVIIIe siècle qui a noté ses identifications en marge, propose Legumen scorpiuri : la "Chenillette sillonée" ou "Queue de scorpion venimeux" Scorpiurus muricatus . Bravo pour cette identification de la Scorpiure aux gousses recroquevillées et pubescentes. Son nom de Chenillette, (en anglais Prickly Caterpillar) souligne sa ressemblance aveec les chenilles, sa présence ici établissant ainsi un pont avec les insectes et les phénomènes de métamorphoses, thème de la Planche.

— C'est trop fort ! La fleur papillon à droite, la plante chenille à gauche !

— C'est plus fort encore si on consulte le dessin de Hoefnagel père : on y voit un scorpion, symbole du danger de mort pouvant abréger brutalement la vie par sa seule blessure. Ici, il est remplacé par une plante qui porte son nom.

— C'est pourtant vrai ! Et là, dans le coin inférieur droit, cet insecte à la queue dressée en hameçon, c'est la Mouche-scorpion, le Panorpe, Panorpa communis L. ! Le scorpion est présent deux fois dans ce rébus !

— Mais j'y pense, tous ces insectes et toutes ces plantes ne portent pas encore de noms. Linné n'est même pas né ! Bizarre bizarre...

— En ce qui concerne Hemerocallis, le nom grec remonterait à Dioscoride, et son premier emploi en latin remonte aux Commentaires sur Disocoride de Matthiolus en 1554 : Commentarii in libros sex Pedacii Dioscoridis Liber tertius page 407 chap. CXX. On y trouve aussi Liber Quartum chap. CLXXXVI page 562 le Scorpioïdes de Dioscoride. Mais pour les noms d'insectes, Gessner étant décédé avant la publication de son livre les concernant, il faudra attendre Aldrovandi en 1602. Néanmoins, tous ces naturalistes étaient en relation entre eux, et bien que les insectes dessinés par Hoefnagel ne soient pas accompagnés de descriptions ou de noms, ils témoignent peut-être d'un bouillon de culture où la dénomination des petits êtres s'élabore.

Plus bas, nous trouvons trois autres végétaux : deux clous de girofle (Sigyzium aromaticum), une noix de muscade (Myristica fragrans) entière, et une autre coupée présentant sa tranche. La symbolique de ces deux épices peut être considérée individuellement, ou dans leur ensemble, pour leur capacité à lutter contre le dépérissement.

Enfin, dans la série végétale, quelle est cette simili banane placée au premier plan ? C'est le légume de Vicia faba L., la Fève des marais ou, au Québec, la Gourgane. A sa droite, la sorte de noix striée est identifiée par Scheckenbürger comme étant une amande (prunus dulcis), mais je propose d'y voir plutôt une fève , celle qui est contenue dans la gousse de Vicia faba, et dont les plus grosses pèsent 1 à 2 grammes (Fève "potagère", Fève de Windsor).

— Et ce légume comme cette fève relèvent toutes les deux des Papilionacées, nous restons chez les papillons !

Au centre, la souris (Mus musculus) est manifestement morte, mais sans blessure, comme par extinction non violente de la vie. On admirera la précision avec laquelle ses vibrisses sont tracées, témoignant de la méticulosité du miniaturiste Joris.

Dans la partie basse de la planche, je trouve encore à gauche un hyménoptère qui serait une Cynipidée ( Guèpe à Galle) ou plutôt, parmi les Térébrants, un Chalcicidé.

Au milieu, une inscription :

Exanimat tenuis mures Ut noxa salaces/ sic modico casu lubrica Vita perit.

Tiens,on remarque le mot salax, acis "aphrodisiaque ; lascive, lubrique", mais aussi "roquette" (la salade) . Plus loin, on trouve lubrica qui est un faux-ami puisque ce mot signifie "glissant ; incertain ; décevant, trompeur". Comment traduire ? Théa Vignau-Wilberg propose : (je traduis sa traduction en allemand et en anglais) " Tout comme un petit dommage tue la souris lascive, Ainsi la vie facile s'achève pour une cause insignifiante."

Dans la partie supérieure, nous trouvons :

- à gauche, un microlépidoptère ; un escargot imaginaire sur le pétale de l'hémérocalle ;

et dans le coin de la planche, un insecte mal identifié, peut-être un hémérobe aux deux ailes confondues.

- à droite, un papillon qui fait le cochon pendu sous un pétale de rose. C'est un Nymphalidae, Satyrinae, mais atypique avec une ocelle de trop pour en faire, par exemple, le Fadet Coenonympha pamphilus L. ou le Mirtil Maniola jurtina. Ou bien, pour trouver ces deux ocelles, il faudrait en faire un Satyrus ferula ou Grande Coronide : difficile.

Enfin, enfin (je rédigeai initialement cet article uniquement pour ce moment), au centre de cette partie supérieure se trouvent les trois stades de développement du Sphinx de l'Euphorbe Hyles euphorbiae (Linnaeus, 1758). En bas, la chenille ; au milieu la chrysalide ; et au dessus l'imago. C'est Brian W. Ogilvie qui fait remarquer qu'il s'agit de la première représentation des trois stades, successivement : une première mondiale dans l'histoire de l'entomologie. La forme imaginale a été représentée par Joris Hoefnagel en 1575-1585 sur la planche de Ignis planche XXV.

Cette séquence n'a rien d'évident à une époque où il n'est pas encore établi et reconnu que les papillons proviennent des chenilles ; même si la séquence est admise, Goedart continuera à penser qu'il s'agit de trois animaux distincts.

Cette planche inaugurale sera le point de départ des travaux du néerlandais Jan Goedart qui va étudier par l'élevage et la nutrition de chenilles les espèces qui en naissent dans Metamorphosis (1662-1667). C'est lui qui va reprendre la présentation verticale des trois stades. Puis Réaumur en France (1734-1742) et Anna Sybilla Merian aux Pays-Bas (1679 et 1705) vont centrer tout leur intérêt sur le mystère des métamorphoses des chenilles.

Le site lepiforum est l'un des plus documentés pour observer les photographies des divers stades de ce Sphinx : on pourra y constater la précision du dessin de Hoefnagel, notamment pour la chrysalide.

Linné ne signale pas cette illustration dans sa description originale de 1758 (Systema naturae page 492) de Papilio euphorbiae, ni dans sa Fauna suecica de 1746. Il cite 5 référence dont Réaumur et Roesel.

Conclusion :

Cette planche II-8 de l'Archetypa studiaque de Jacob Hoefnagel a le premier intérêt d'être comparée avec la peinture ultérieure de Joris Hoefnagel Allégorie sur la Vie, la Souffrance et la Mort avec laquelle elle établit des correspondances.

Sur le plan entomologique, elle témoigne de la connaissance précoce d'espèces qui ne seront décrites et nommées que (beaucoup) plus tard. Les années 1565-1600 s'avèrent cruciales pour la naissance de l'Entomologie comme science : c'est en 1565 que Thomas Penny hérite des observations de Conrad Gessner, bien que ces observations attendront 1634 (Theatrum insectorum de T. Moffet) pour être publiées ; c'est vers 1590 que Aldrovandi constitue sa collection d'insectes et la fait dessiner par une équipe d'illustrateurs (même si De insectis n'est publié qu'en 1602). Un réseau européen est constitué, avec un pôle néerlandais protestant exilé après le saccage d'Anvers soit en Allemagne (notamment en Bohème à la cour de Rodolphe II à Prague), soit à Londres ( groupe d'amis dits " de Lime Street"), étudiant la botanique tout autant que l'entomologie. A ce réseau appartenait deux élèves de Philippe Mélanchton, Charles de l'Escluse et Joachim Camerarius le jeune, qui sont tous deux des amis de Hoefnagel. De l'Escluse (Clusius) a traduit l'Histoire des plantes de Dodoens, où figure l'Hémérocalle. Il collectionnait aussi les insectes puisque Moffet signale qu'il a reçu de lui un Paon-de-Nuit et un Scarabée rhinocéros ; notons que cet envoi provenait de Vienne, donc avant 1588. Camerarius était aussi un correspondant de Thomas Penny ; il lui adressa un illustration d'un Scarabée-éléphant (Megasoma elephas) ; La qualité des illustrations de Joris Hoefnagel et l'attention réellement scientifique portée aux insectes permet d'affirmer que cet artiste était intégré à ce réseau. La réunion sur la même planche des trois stades de développement d'un papillon est un événement fondateur de l'émergence d'une science.

Mais, alors que les dessins et les planches gravées ne sont pas accompagnées de descriptions, de commentaires et, encore moins, de noms propres de plantes ou d'animaux, ils établissent des rapports très étroits avec l'écriture. Soit en animant les marges d'un Livre d'Heure (celui de Philipe de Clèves) ou d'un Missel (celui de l'Archiduc Ferdinand de Tyrol), soit en enrichissant un ancien livre de calligraphie et un alphabet (Mira calligraphiae), soit en participant à la mode des Emblemata et en citant des psaumes, des adages d'Érasme et des vers latins dans un corpus d'inscription.

Mais, si l'analyse de ces inscriptions, de leurs sources et de leur sens est passionnant, cette planche II-8 de l'Archetypa montre que l'écriture se dissimule aussi dans le dessin lui-même. D'abord par les figures calligraphiques que forment les tiges des plantes et les corps ou les antennes des insectes. Mais surtout par les allusions cachées en rébus dans les images.

Si ce type d'œuvre est sous-tendu par l'idée que le microcosme des petites créatures reflète le macrocosme, ou que chacune d'entre elle témoigne de la grandeur du Créateur, ici, la démonstration est faite que les mêmes formes se retrouvent dans les plantes comme chez les animaux : les plantes-chenilles, les plantes-papillons et les plantes-scorpions révèle l'Unité qui est le principe organisateur de la Diversité. Ce principe unique est aussi celui de la succession des métamorphoses qui transforme la chenille en papillon, celui qui mène de la vie à la mort, et de la mort à la Résurrection. L'étude entomologique n'est pas séparable d'une méditation ontologique où la sagesse stoïcienne qui naît de la brièveté et la fragilité de la vie est corrigée par une sotériologie évangélique.

Sources et liens :

— Source des images numérisées de l'Archetypa studiaque : Université de Strasbourg :

http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/fullbrowser/collection/coll13/id/72995/rv/compoundobject/cpd/73052

OGILVIE (Brian W.) 2012 Attending to insects: Francis Willughby and John Ray

Notes and records of the Royal Society, DOI: 10.1098/rsnr.2012. http://rsnr.royalsocietypublishing.org/content/66/4/357

OGILVIE (Brian W.) 2013 “The pleasure of describing: Art and science in August Johann Rösel von Rosenhof’s Monthly Insect Entertainment,” inVisible Animals, edited by Liv Emma Thorsen, Karen A. Rader, and Adam Dodd, accepted by Penn State University Press in the series “Animalibus: Of animals and cultures” http://www.philosophie.ens.fr/IMG/Ogilvie,%20Pleasure%20of%20describing%20%282013%29.pdf

— VIGNAU-WILLBERG (Théa) 1994, Archetypae studiaquePatris Georgii Hoefnagelii 1592. Natur, Dichtung und Wissenschaft in der kunst um 1600. München, Staatl.

— Site RKD Netherlands :https://rkd.nl/nl/explore/images/121148

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Etienne de Beauvais.

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 Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Etienne de Beauvais.

 

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Les sculptures :

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

                         arbre-de-jesse 5653c

 


 Situé au fond du déambulatoire, près de la chapelle St Claude, ce chef d'œuvre d'Engrand Le Prince datant de 1522-1525 est sans-doute le vitrail de l'Arbre de Jessé le plus réputé, à l'égal de la réputation de son auteur, considéré comme le Michel Ange ou le Raphaël de la peinture sur verre.

Haute de 6,60m sur 3,25m de large, formée de trois lancettes ogivales divisées chacune en six panneaux, et d'un tympan de cinq mouchettes et dix écoinçons, la verrière a été amputée de son registre inférieur en 1794 par les révolutionnaires qui ont percé une porte juste au-dessous pour faciliter le stockage du grain.

Elle ne compte,autour de Jessé assis,  que huit rois de Judas (au lieu du nombre traditionnel de douze), parmi lesquels deux sont identifiés avec certitude, David par sa harpe, et Roboam par une inscription. L'arbre se divise précocément en deux branches, qui montent parallèlement en se ramifiant latéralement, et dont une seule, celle de gauche, atteint le tympan et s'épanouit en une fleur de lys. Au cœur de celle-ci siège Marie tenant son fils, au centre d'une mandorle de rayons d'or. Deux prophètes (traditionnelement Isaïe et Jérémie) la désigne, pour indiquer qu'elle est la réalisation de leurs prophéties. 

Bien que nous ayons affaire à une baie unifiée qui n'est pas découpée en médaillons ou en scènes, je décrirai trois registres.

 

 

 

I. Registre inférieur. 

 

 

arbre-de-jesse 5655c

 

Premier roi de Juda :  "François Ier".

Chaque commentateur mentionne qu'il s'agit ici d'un portrait de François Ier, mais j'ignore sur quelle autorité* s'appuient ces affirmations. Aucun attribut ne permet une identification ; la coiffure de ce roi est encore pré-Renaissance ; il ne porte pas de barbe, pas de collier d'un Ordre, et cela peut être un portrait-type d'un roi vêtu d'une cape ou d'un manteau rouge moucheté de blanc (verre rouge gravé) doublé d'hermine, sur un pourpoint de soie blanche et or aux crevés des manches et de la poitrine. Il porte le sceptre, et une paire de gants en main gauche. Il n'est guère éloigné par exemple, du portrait que trace Rabelais de Gargantua (1533-1535) chapitre VI , avec sa chemise de toile (celle du roi de Juda est froncée autour d'une encolure rectangulaire), son pourpoint de satin blanc, ses chausses d'estamet blanc, "déchiquetées en forme de colonne striées et crénelées", d'où émerge par les orifices une étoffe de damas bleu, sa broderie de canetille aux plaisants entrelacs d'orfèvrerie garnis de fins diamants, fins rubis, fines turquoises, fines émeraudes , son saye de velours bleu, sa ceinture de serge de soie, et son bonnet de velours orné d'un médaillon. Bref, Engrand Leprince donne ici, comme Rabelais, le portrait d'un seigneur de son temps.

Je place ici les portraits de François Ier en 1515  (barbu depuis sa blessure de 1521) puis en ? et de Charles Quint

* Il s'agit selon Jean Lafond de Stanislas de Saint-Germain, qui reconnaît en 1843 dans ce vitrail Saint-Louis, Louis XII et François Ier : c'est aussi ce qu'indique Louis Graves, 1855 Précis statistique sur le canton de Beauvais, p. 177 cité par Jules Corblet en 1860. D'autres y ont découvert Henri II. Jean Lafond, qui cite en 1963 ces identifications avec ironie, trouve néanmoins que la ressemblance avec François Ier est ici incontestable, que celle avec Charles Quint est (panneau de droite) "assurément moins assuré", mais il ne relève pas les incohérences que je pointe. Dans la suite de son texte, et notamment dans la discussion de datation, il entérine ce "Charles Quint".

 

        

 

                        arbre-de-jesse 5657c

 

      Au centre l'ancêtre Jessé est assoupi, assis sur un siège monumental encadré de colonnes antiques supportant un dais scintillant d'or et décoré de personnages nus : deux chevauchent des dauphins, deux autres des chevaux-dragons. Au centre, un buste (féminin ?) tenant semble-t-il une croix. Tout ce décor sert de démonstration à l'art éblouissant qui fait la réputation de la famille Le Prince, celui de l'emploi du jaune d'argent décliné en teintes presque brunes, or, ou jaune clair dans une étude des reflets et des modelés des sphères, cylindres et volumes complexes.

La manche de Jessé est faite d'un verre rouge gravé.

L'arbre prend naissance de la poitrine de Jessé, s'échappe des pans croisés du manteau d'or et se divise immédiatement, sous le menton barbu, en ses deux branches maîtresses.

                      arbre-de-jesse 5659c

 

 3. Deuxième Roi de Juda : "Charles Quint".

   Pour ma part, s'il faut vraiment attribuer un nom à ce roi, je l'identifiera à François Ier sur le seul argument du  Collier de l'Ordre de Saint-Michel avec ses coquilles Saint-Jacques. Encore cet argument paraît-il bien faible. Il s'agit d'un "collier d'or fait de coquilles lassées, l'une avec l'autre, d'un double las" auquel était suspendu un médaillon représentant l'archange terrassant le dragon. Or l'article Wikipédia décrit deux types de collier, le premier collier créé par Louis XI et porté par Louis XII  représentant les « doubles las » comme des aiguillettes formant des double-nœuds, et le second promut par  François Ier dès son accession au trône et  alternant les coquilles avec une double cordelière. (voir les illustrations des deux types sur Wikipédia). Or, ici, il s'agit d'un collier du premier type (mais sans médaillon pendentif), aux las en doubles nœuds. Certainement pas porté par Charles Quint, mais pas non plus par François Ier.

Ce roi tient un sceptre à droite, et un livre à gauche.

 

                       arbre-de-jesse 5660c

 

 

 

arbre-de-jesse 5687cc

 

Je m'intéresserai d'abord, sur l'image qui suit, à l'inscription que porte la pièce en demi-cercle située sous la ceinture. On lit AVEDRA TIA--. Confrontée à la liste des rois de la Généalogie de Jésus, elle ne correspond à aucun nom : David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram -Ozias - Joatham - Achaz - Ézéchias - Manassé - Amon - Josias - Jeconiah -

Il ne s'agit pas non plus de la devise de l'Ordre de Saint-Michel, qui est Immensi tremor oceani.

Une leçon AVE MARIA trahirait le texte actuel, car le -d- et incontestable ; il faudrait miser sur l'infidélité d'une restauration ultérieure. 

 

J. Lafond remarque que Engrand Le Prince "appliquait le jaune d'argent sur les verres de toutes les couleurs [et pas seulement sur du verre blanc] non pour obtenir un ton local, comme chacun pouvait le faire depuis le quatorzième siècle, mais afin de corser le modelé et de produire un effet pictural. Dans l'arbre de Jessé, on peut citer seulement  la touche jaune jeté sur la ceinture bleu clair de Charles Quint [sic]. On peut admirer ici d'abord le motif au jaune d'argent, sulfure d’argent qui est mis à l’envers du vitrail et qui est cuit pour donner cet éclat extraordinaire, sur le pourpoint dont il dessine le damas. On peut aussi en suivre la subtilité sur les torsades du sceptre dans la complexité des jeux de reflets, ou sur les "valves rainurées d'une coquille de Saint-Jacques", pour citer Proust. Et, enfin, s'attarder sur ce nœud de ceinture bleue . Celle-ci possède peut-être un rôle héraldique, comme la ceinture Espérance (bleue) des ducs de Bourbon. 

 

arbre-de-jesse 5689c

 

      Deuxième registre.

 

arbre-de-jesse 5661c

 

 4. Roi Abia.

5. Roi Salomon.

 

6. Roi Roboam : "Engrand Leprince".


C'est l'abbé Barraud (1855) qui a proposé de voir dans le visage de ce roi l'autoportrait d'Engrand Leprince, et, depuis, chacun se plaît à reprendre cette aimable suggestion, Jean Lafond soulignant que plusieurs artistes contemporains d'Engrand se sont aussi représentés dans leurs compositions. Je garderai une certaine réserve, ignorant sur quel argument sérieux se fonde cette hypothèse. 

Par contre, les lettres blanches ENGR. sont plus convaincantes. Le prénom du maître-verrier est ENGUERRAND,  mais c'est sous la forme Engrand qu'il est traditionnellement désigné à Beauvais, et qu'il signait. Selon Jean Lafond, "quelques articles de comptes se rapportent à Jean et à Nicolas mais d'Engrand nous savons seulement, par une épitaphe relevée au XVIIIe siècle, qu'il était né à Beauvais et qu'il y est mort le jour des Rameaux 1531. [...] Lui disparu, l'atelier continua pendant quelques temps à produire des œuvres du même style et de la même technique, mais on n'y voyait pas briller la même flamme. Les auteurs modernes veulent qu'Engrand soit le père de Jean et de Nicolas. Les documents publiés par le docteur Leblond indiqueraient plutôt que Jean et Engrand étaient à peu près contemporains. Peut-être étaient-ils frères, et Nicolas le fils de l'un d'eux. De même, la filiation de Pierre Le Prince reste obscure pour nous" (Lafond, 1963).

 


 

arbre-de-jesse 5667ccc

Là encore, on remarque la présence des coquilles saint-Jacques. Remarquez aussi le sceptre, qui s'évase pour donner naissance à des fleurs. 

 

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Troisième registre.

7. Roi de Juda.

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8. Roi David.

 

9. Roi de Juda

 " Je reconnaîtrais partout un vitrail d'Engrand Le Prince à la liberté du dessin, à l'indication large des modelés, aux touches légères de jaune d'argent qui brillent comme l'or dans la lumière des étoffes blanches, aux oppositions justes des tons les plus éclatants."écrivait Lucien Magne. Jean Lafond commentait : "Les lingeries blanches dont parle Lucien Magne sont en effet extraordinaires. Voyez ici les écharpes qui s'envolent d'un turban. Nonb seulement elles sont modelées avec une souplesse sans égale, mais elles sont réchauffées par de larges taches dorées posées sur les lumières. Des peintres de grisaille employaient déjà ce procédé, semble-til, aux miniatures flamandes en camaïeu, mais pas avce cette audace heureuse".

arbre-de-jesse 5684c

 

 

 

      Quatrième registre.

10 et 11 : Deux rois de Juda dans les têtes de lancettes latérales.

Tous les deux portent le collier de l'Ordre de Saint-Michel.

 

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  Tympan

 

12. Prophète.

13. Prophète.

14. Vierge à l'Enfant.

15. Ange musicien.

16. Ange buccinateur.

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Annexe : Les Leprince,  famille de peintres verriers

Un mélange de copié-collé : 

"L'ensemble des vitraux de la cathédrale de Beauvais a été réalisé par les maîtres de l'époque : la dynastie des le Prince, maîtres-verriers fondateurs de ce qu'on a appelé «l'école de Beauvais». Pendant près de trente ans, leur art a rayonné en Beauvaisis, en Ile-de-France et en Normandie. Le plus célèbre d'entre eux, Engrand le Prince, l'auteur de l'Arbre de Jessé de Saint-Étienne, est considéré comme le plus grand maître-verrier de tous les temps. Par sa technique et la qualité de son art, il a été comparé à Raphaël et à Léonard de Vinci.

L'église Saint-Étienne avait de la chance : les le Prince étaient membres de la paroisse et leur atelier, tout proche! La grande verrière du chœur - actuellement en verre blanc - était vraisemblablement couverte de vitraux historiés, dont la célèbre «Passion» attribuée à Engrand. Plus que les saccages de la Révolution, c'est, pour les historiens, l'ouragan de 1702 qui est responsable de la destruction de la plupart des verrières des fenêtres hautes du chœur. Lors des deux guerres mondiales, les vitraux les plus importants ont été descendus et mis à l'abri. Ceux qui étaient restés en place ont été détruits par les bombardements et par l'incendie de juin 1940 qui a anéanti le quartier médiéval de Beauvais."

«Ce qui fait la valeur de ce vitrail qu'on peut dater des environs de 1522, c'est la technique et le style d'Engrand le Prince : la vigueur et la liberté de son dessin, pratiquant par des touches nerveuses de grisailles brunes pour les traits des visages, de fines hachures pour leur modelé ; la splendeur des coloris, ce fond bleu "tour à tour clair et sombre qui paraît palpiter" ; l'emploi du jaune d'argent, dont Engrand joue en virtuose pour réchauffer les étoffes blanches et enrichir la beauté des manteaux royaux, leur donner des effets et une intensité incomparables. (...) Ainsi, dans ce vitrail, tout indique la main d'un grand Maître.» Philippe Bonnet-Laborderie dans«L'église Saint-Étienne de Beauvais " 

"l'usage particulièrement brillant du jaune d'argent par le maître-verrier, technique lui permettant d'ombrer de reflets la lumière des visages. On notera également une très impressionnante stylisation des systèmes pileux des personnages masculins ainsi que l'expression forte des émotions obtenue par l'artiste." "Il use en virtuose, un virtuose avec une virtuosité exceptionnelle du jaune d’argent. Et c’est ainsi qu’il arrive à donner de l’éclat aux chairs, de l’éclat aux vêtements. C’est lui qui, le premier, a réussi à donner par exemple aux couronnes, aux crosses d’évêques etc. , il a su donner des reflets en utilisant ce jaune d’argent. Le jaune d’argent a été utilisé à partir du XIVe siècle. Mais véritablement, les maîtres du jaune d’argent, c’est l’école des maîtres verriers du Beauvaisis, de Beauvais, et en particulier Engrand Leprince. 

 

    "Dynastie de peintres verriers de Beauvais. Parmi les Le Prince, le plus ancien nom connu par les archives est celui de Lorin (1491), qui travailla pour l'église Saint-Martin aujourd'hui détruite, mais dont aucune œuvre n'est conservée. Viennent ensuite Jean, Engrand, Nicolas et Pierre connus à la fois par les textes et par des œuvres ; mais nous ignorons le lien de parenté qui les unit. Le plus génial fut Engrand (mort en 1531), dont L. Magne (L'Œuvre des peintres verriers français, 1888) a si bien défini la manière : « Je reconnaîtrais partout un vitrail d'Engrand Le Prince à la liberté du dessin, à l'indication large des modelés, aux touches légères de jaune d'argent qui brillent comme l'or dans la lumière des étoffes blanches, aux oppositions justes des tons les plus éclatants. » Ces qualités se manifestent dans L'Arbre de Jessé et dans les vitraux de la chapelle de la Vierge à Saint-Étienne de Beauvais (env. 1520-1525), ainsi que dans la verrière de Louis de Roncherolles à la cathédrale (1522) et dans la Vie de saint Jean-Baptiste de Saint-Vincent de Rouen. Pour cette dernière église, il signa avec Jean Le Prince le célèbre Triomphe de la Vierge dit Vitrail des chars (env. 1520), où la part de chaque artiste est difficile à cerner. En effet, le style et surtout la technique (en particulier, l'emploi du jaune d'argent) des différents membres de la famille sont si voisins que, sans la signature, il est souvent difficile de les distinguer avec certitude. Des œuvres de Jean, connu entre 1496 et 1537, sont encore conservées au transept de la cathédrale de Beauvais ; de Nicolas, connu entre 1527 et 1555, à Saint-Étienne de Beauvais, à Gisors, à Marissel, à Louviers ; de Pierre à Saint-Étienne de Beauvais (env. 1530). L'influence des Le Prince se fait sentir dans la peinture sur verre d'Île-de-France et de Normandie jusqu'au milieu duXVIe siècle. "

  Françoise PERROT, « LE PRINCE LES  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 27 janvier 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/les-le-prince/

 

Atelier Le Prince 1491-155 :

  • Certains vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, Engrand.

  • Certains vitraux de l'église Saint-Étienne de Beauvais, dont l'Arbre de Jessé, Engrand.

  • Metz, Musée, atelier familial.

  • Vitrail de Charles Villiers de l'Isle-Adam de la Collégiale Saint-Martin de Montmorency, Engrand, monogrammé E. L. P.

  • Trois vitraux de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen, jadis dans le chœur de l'église Saint-Vincent de Rouen (détruite en 1944), Engrand et Jean.

  • Des vitraux à l'église Notre-Dame de Louviers.

 

"L’une des caractéristiques de l’art d’Engrand est cette liberté : de touche, de composition: les personnages n’étant pas asservis par un cadre architectural strict mais évoluent sans contrainte dans la verrière, et cette virtuosité technique dans l’emploi des verres : aux couleurs éclatantes, les drapés s’envolent, animés par des ajouts subtils degrisaille et une grande maîtrise de la coupe du verre.

L’église Saint-Etienne conserve de nombreuses autres oeuvres du peintre verrier : un Jugement Dernier : Une déploration sur le corps du Christ, dont cette Marie-Madeleine fait partie : vêtue d’une robe aux manches à crevées et parée de multiples atours, elle semble tout droit sortie du XVIe siècle, représentée devant une architecture fortifiée qui a plus à voir avec les châteaux forts du Moyen Âge que des coupoles de Jérusalem. le vitrail de l’enfance de saint Etienne et de la fontaine de vie, avec la teinte magnifique de la tunique du diacre : Ses parents laissèrent eux-aussi leur trace, notamment avec le fameux vitrail de la Santa Casa de Lorette, la légende de saint Claude ou encore la vocation de saint Pierre."

"La cathédrale possède également une verrière d’Engrand, mais sa production ne se limita pas à la seule ville de Beauvais. L’Oise, le Vexin français ou encore la Normandie conservent en nombre d’autres chefs-d’oeuvre : à Aumale, Ménerval, Infreville, Gisors, Louviers et Rouen. Grâce à la commande de beauvaisiens implantés dans la capitale normande, Engrand le Prince et son atelier réalisèrent une dizaine de vitraux pour l’ancienne église Saint-Vincent. Si cet édifice est aujourd’hui complètement détruit, les verrières sont remontées dans l’église moderne Sainte-Jeanne-d’Arc, dont l’architecture a été pensée pour servir d’écrin à ces magnifiques vitraux! Véritables manifestes du renouveau antique, ces oeuvres ont marqué à tel point les rouennais que l’atelier beauvaisien fit des émules en Normandie jusqu’à la fin du XVIe siècle. Quelques fragments sont également conservés au Musée de la Renaissance à Ecouen, et au Musée de Philadelphie, provenant en majeure partie d’une verrière exécutée pour la cathédrale de Rouen."  

Sources et liens.

http://www.cathedrale-beauvais.fr/etienne/description/vitraux/jesse.htm

 http://professor-moriarty.com/info/fr/sec/vitraux/p%C3%A9riode-avant-19%C3%A8me-si%C3%A8cle/beauvais-france-arbre-jess%C3%A9-saint-%C3%A9tienne-beauvais

http://fresques.ina.fr/picardie/impression/fiche-media/Picard00731/l-art-du-vitrail-dans-les-cathedrales-de-picardie.html

http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/engrand-le-prince-peintre-verrier-de-beauvais/

 

LAFOND (Jean)  1963 L'arbre de Jessé d'Engrand Le Prince à Saint-Etienne de Beauvais   - [S. l.] : [s. n.], 1963. - Ill. noir et blanc in : Cahiers de la Céramique, du verre et des Arts du feu, n° 30, 1963, p. 117-127

Atelier Le Prince 1491-155 :

  • Certains vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, Engrand.

  • Certains vitraux de l'église Saint-Étienne de Beauvais, dont l'Arbre de Jessé, Engrand.

  • Metz, Musée, atelier familial.

  • Vitrail de Charles Villiers de l'Isle-Adam de la Collégiale Saint-Martin de Montmorency, Engrand, monogrammé E. L. P.

  • Trois vitraux de l'église Sainte-Jeanne-d'Arc de Rouen, jadis dans le chœur de l'église Saint-Vincent de Rouen (détruite en 1944), Engrand et Jean.

  • Des vitraux à l'église Notre-Dame de Louviers.

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Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel. Identification de quelques insectes. (Suite, planche 74 à 80).

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Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel. Identification de quelques insectes. (Suite , planche 74 à 80).

 

La fin de l'article précédent s'étant trouvé effacée, j'en donne ici une nouvelle version...

 

 

 

Planche LXXIV :

Inscription : Forma brevis FLOS est, primo spectabilis ortu, / Mox languens fugiente die.

Traduction : "La fleur est une brève démonstration, splendide en son premier éclat. Bientôt elle se fâne avec la journée qui passe."

Source :Le Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae) Livre IV (Cancer) vers 141-142 , par  Palingène (Pier Angelo Manzolli)  1543 .

Commentaire : Nouvelle sentence illustrant le caractère éphémère de l'existence. Jacob Hoefnagel reprendra ces vers dans  Archetypa studiaque IV.9 .

Illustration : le bouton de Narcisse (Narcissus poeticus), la tige attachée en trompe-l'œil à l'ovale doré, s'incline déjà ; mais à gauche, son poids a fait céder la tige, et ses pétales à la blancheur souillée par la rouille du temps, semble nous prendre à témoin de leur décrépitude. Dix insectes les entourent.

 

 

 

Planche LXXV.

 

Inscription : HABET ET MVSCA SPLENEM

— Source : Érasme, Adages, 2407. III, V, 7

Ἔχει καὶ ἡ μυῖα σπλῆνα, id est Habet et musca splenem.

Simillimum illi: Et pueri nasum rhinocerotis habent. Item illi: Ἔνεστι καὶ μύρμηκι χόλος, id est Inest et formicae bilis. Olet fecem.

— Traduction : "Même une mouche se met en colère."

*la rate est un organe qui était considéré comme le siège de la colère, d'où la traduction "se met en colère» pour habet splenem.

Inventaire : Iris fétide Iris foetidissima ;  sept insectes :

  •  à midi : Heteroptera :Tritomegas bicolor
  •  à 5heures : Muscidae sarcophaga carnaria, "Mouche à damiers".
  • à 11 heures : Ichneumonidae Pimpla rufipes ?
  • Phrygane ?

Pour une image impeccable : http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69742.html

 

 


 

Planche LXXVI.

 Une fleur, sept insectes.

  •  à 3 heures : Cerambycidae Rhamnusius bicolor
  • à 8 heures : Rhynchite.

 


 


 

Planche LXXVII.

Une fleur, dix insectes.

  • Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum "Sphinx colibri"
  • Ephemeroptera
  • Cerambycidae Rhamnusius bocolor

 


 


 

Planche LXXVIII

Inscription supérieure : Improba musca.

— Traduction : "Mouches importunes !"

— Sources :

a) Phèdre, Fabulae, Calvus et Musca (L'Homme chauve et la mouche" : "te, animal improbum generis contempti ,quae delectaris bibere sanguinem humanum ! »   "toi, animal pervers d'une espèce méprisée, qui te plais à boire le sang humain! »

b) Lactance, Symposium sive centum epigrammata  : Musca : Improba sum, fateor, quid enim gula turpe veretur ?

cf. Gaffiot Improbus, a : mauvais, méchant, vil, éffronté, impudent, qui ne laisse pas de répit.

— Commentaire : l'expression improba musca semble être devenue proverbiale et se retrouve ensuite dans la poésie latine tardive. 

— Illustration : dix insectes :

  • au centre, le grand Ichneumon Lissonota setosa à la longue tarière.1
  •  à 8 heures, Cerambycidae Anaglyptus mysticus aux longues antennes 
  • à 3 heures, Cerambycidae : Clytus arietis ??
  • Coccinellidae : A 14 points ?? (points carrés)

 

 

 


 

Planche LXXXVIX

12 insectes. 5 Hétéroptères (Punaises) 

  • Hemiptera Heteroptera Pentatomidae Palomena prasina ou "Punaise verte"
  • Hemiptera Pyrrhocoris apterus "Gendarme", ou bien Coryzus hyoscami
  • Hemiptera
  • Hemiptera
  •  

 

 


.

.

 

 

Planche LXXX

Plante : Viola tricolor ou "Pensée sauvage".


 

Inscriptions. Planches supplémentaires de Berlin.


 

Planche non numérotée (Berlin)

 

Inscription : SANCTUM ET TERRIBILE NOME[N]​ EIUS.

Initium sapientiae timor domini ps. 110

:— Traduction : [Il a envoyé la délivrance à son peuple, Il a établi pour toujours son alliance;] Son nom est saint et redoutable. 10 La crainte de l'Éternel est le commencement de la sagesse; [Tous ceux qui l'observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais.] Trad. Louis Segond.

Source : Biblia Sacra Vulgata :Psaume 110 (111) verset 9 et 10

Commentaire :

— Illustration : Coleoptera Scarabeidae Dynastinae  Megasoma elephas  [ou M. acteonmâle ; "Scarabée éléphant".

Dans les deux cas, il s'agit (pour la première fois) d'une espèce exotique. On retrouve ce scarabée à la planche I,1 de l'Archetypa de Jacob Hoefnagel, sous forme d'une gravure sur cuivre, noir et blanc : il a été identifié comme Megasoma elephas par un zoologiste  dans l'édition 1994 de T. Vignau-Willberg. L'une des différences entre elephas et Megasoma acteon est que le premier est  couvert de courts poils brun-jaunâtres alors que le second est noir, et glabre. Le premier vient du Mexique et Vénézuéla, l'autre de la Guyane, du Surinam et du nord de l'Ammérique du Sud. Dans les deux cas, le pronotum porte deux cornes tournées vers l'avant  et la corne céphalique est bifide. Le premier à avoir été décrit est acteon, par Linné dans le Systema naturae de 1758 : il ne cite par Hoefnagel parmi les références. Elephas a été décrit par son élève Fabricius en 1775.  

Je conclue à Megasoma elephas, à la pilosité des élytres usées par frottement.

Le Scarabée éléphant  avait été importé aux Pays-Bas depuis son habitat naturel dans le sud de l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud au XVIe siècle. Comme  animal exotique, c'était un élément précieux dans les cabinets de curiosités.

 

Planche XIIII

Inventaire : 

  • Lepidoptera Nymphalidae Satyridae [Maniola jurtina]
  • Lepidoptera Nymphalidae Inachis io ?
  • Lepidoptera Pieridae Colias crocea
  • Lepidoptera chrysalide
  • Lepidoptera chrysalide.

Berlin planche XXIX

— Inventaire :

Une plante : Ancolie

Huit insectes :

  • Lepidoptera 
  • Lepidoptera Pieridae [Aporia crataegi]
  • Lepidoptera Erebidae Arctiinae Arctia caja L. "L'Herissonne"
  • Ephemeroptera
  • Ephemeroptera
  • Coleoptera
  • Coleoptera
  • Diptera

 

 

 

 

Berlin planche XXXV

 

a) inscription supérieure en rouge pourpre :QVOT IN CAMPO FLORES:

Traduction : infra

Source : anonyme

b) inscription inférieure  :TOT SVNT IN AMORE DOLORES.

Traduction : Autant de fleurs dans les prés, autant de douleurs dans l'amour. 

Source : pour la seconde inscription : Ovide, Artis amatoriae (L'Art d'aimer) livre II vers 520  :

Litore quot conchae, tot sunt in amore dolores :

Quae patimur, multo spicula felle madent.

"L'Athos a moins de lièvres, l'Hybla moins d'abeilles, l'arbre de Pallas moins d'olives, le rivage de la mer moins de coquillages, que l'amour n'enfante de douleurs."

 

c)  Inventaire : Deux plantes : Oeillet (œillet du poète)  et  4 insectes. 

  • Dermaptera Forcicula auricularia "Perce-oreille"
  • Lepidoptera Nymphalidae
  • Lepidoptera 
  •  


 

Sources et liens : 

LECLERCQ (J.) 1987 – Qui fut le premier entomologiste belge? Je propose Joris Hoefnagel (1542-1600). Bull. Annls Soc. r. belge Ent., 123: 353-357.   

 LECLERCQ, J., THIRION, C., 1989 -" Les insectes du célèbre diptyque de Joris Hoefnagel (1591) conservé au musée des Beaux Arts de Lille" . Bull. Ann. Soc.R. belge Ent., 125, 302-308. (non consulté)

— ÉRASMEAdagia (1508) Textes présentés par le Groupe Renaissance Âge Classique (GRAC - UMR 5037) Jean-Christophe SALADIN Lyon 2010  in Corpus Corporum,  Université de Zürich http://www.mlat.uzh.ch/MLS/xanfang.php?tabelle=Desiderius_Erasmus_cps4&corpus=4&lang=0&allow_download=

— HENDRIX (Lee) VIGNAU-WILBERG (Thea) 1992 Mira calligraphiae monumenta: A Sixteenth-Century Calligraphic Manuscript Inscribed by Georg Bocskay and Illuminated by Joris Hoefnagel

— JORINK (Eric) 2010 Reading the Book of Nature in the Dutch Golden Age, 1575-1715, Leiden, Koningklijke Brill NV. Numérisé par Google

— JORINK (Eric) 2006  Het ‘Boeck der Natuere’ Nederlandse geleerden en de wonderen van Gods schepping 1575-1715 Primavera Press Leiden: numérisé dbnl 

http://www.dbnl.org/titels/titel.php?id=jori009boec01

LINNÉ, (Carl) 1758, Systema naturae :http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277#page/3/mode/1up

http://en.wikipedia.org/wiki/Neuroptera_in_the_10th_edition_of_Systema_Naturae

 — NERI (Janice) 2011  The Insect and the Image: Visualizing Nature in Early Modern Europe, 1500-1700, University of Minnesota Press.

WILLBERG VIGNAU-SCHUURMAN (Theodora Alida Gerarda) 1969  Die emblematischen Elemente im Werke Joris Hoefnagels. Leiden : Universitaire Pers, 1969.Leidsche Kunsthistorische reeks, deel, Nr.2.

 VIGNAU-WILBERG (Thea) 2007,  "IN MINIMIS MAXIME CONSPICUA. Insecten darstellungen um 1600 und die anfänge der entomologie", in Early Modern Zoology: The Construction of Animals in science, literature and the Visual Arts publié par Karel A. E. Enenkel,Paulus Johannes Smith , Volume 7,Numéro 1 pp. 217-243. numérisé Google

 VIGNAU-WILBERG (Thea), 2013  Pieter Holsteijn The Younger 1614-1673. Alderhande kruypende en vliegende gedierten. Diverse Crawling and Flying Animals (Englisch) Taschenbuch Daxer & marschall munich 2013

 

 http://daxermarschall.com/cms/upload/catalogues/Insects_DaxerMarschall.pdf

les escargots dans Archetypae https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/05/03/120-hoefnagel-1592/

 Les escargots dans Allégorie d'Hoefnagel :https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/04/01/89-joris-hoefnagel/

— Site RKD Netherlands :

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=ignis+hoefnagel+berlin&start=0

— Site National Gallery of Art Washington : 

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/artist-info.2569.html?artobj_artistId=2569&pageNumber=1

 


 

Voir British Museum

Scarabei Umbra, plate 1 in pt. 2 of the book, Archetypa studiaque patris… (Frankfurt: n. p., [15]92), parts 1-4 in 1 vol.

Plate 1: A large scarab in the upper middle, flanked by two plants on the outer left and right; the plant on the outer left has a butterfly on top of it; the plant on the right a caterpillar; a mosquito below the scarab on the left; a small spider direct below the scarab; a twig of rosemary and a pear in the lower left corner; a small fish in the lower middle; an apple and a rose in the lower right corner; after Joris Hoefnagel. 1592
Engraving with surface tone

Lettered within image in upper middle: "SCARABEI VMBRA." and in lower middle "Rosam quae praeterierit ne quaeras iterum" numbered in lower left corner: ".1." and in the lower right corner ".2."

Scarabei Umbra : Erasme : Kavoggrrec id est, Scarabei umbra. Dictum est de inani metu, quod hoc insectu repente advolans, nonnunquam terrere soleat parum attentum, Recensetur a Diogeniano

Peur irraisonnée d'un insecte entré subitement. Cité par Diogène.


Une Nature morte offerte par Hoefnagel à sa mère.

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Joris Hoefnagel offre à sa mère pour ses 70 ans l'une des premières Natures mortes connues.

Description :

Source : Metropolitan Museum of Art, New-York.

Lien image et informations : http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/2008.110

"Nature morte avec des fleurs, un escargot et des insectes" Joris Hoefnagel ( Anvers 1542-1601 Vienne) 1589

Médium: aquarelle, gouache, et feuille d'or sur vélin

Dimensions: feuille: (11,7 x 9,3 cm).

Classification: Dessins

Signature:. Dans le cartouche sous le vase, par l'inscription «AMORIS MONUMENTV[M] MATRI CHARISS[IMAE]|GEORGIVS HOEFNAGLIVS. D. Ao 89 "

Je me contente ici de traduire et d'adapter le commentaire donné par le Musée :

"cette peinture a été donnée par l'artiste à sa mère Elisabeth Veselaer Hoefnagel (morte après 1589). Elle nous est parvenue probablement par filiation à sa fille Susanna Hoefnagel-Huygens (1561-1633 La Haye); puis par son fils, Constantijn Huygens l'Ancien (néerlandais, La Haye de 1596 à 1687 La Haye); éventuellement par filiation dans la famille Huygens, avnat de rejoindre une collection privée aux Pays-Bas

Daté de 1589, ce dessin est parmi les natures mortes indépendantes les premières connues par un artiste néerlandais. Il a été fait pendant les années où Hoefnagel était en activité à Munich, où ses talents de peintre miniaturiste (qui dément le fait qu'il n'a jamais reçu aucune éducation formelle en tant qu'artiste) lui ont valu une nomination à la cour ducale [d'Albrecht V puis de Guillaume V]. Comme en témoigne la dédicace, c'est aussi une déclaration émouvante de son amour pour sa mère (matri amoris monumentum charissimae) [en reconnaissance pour l'amour de ma chère mère ?] et peut lui avoir été présenté pour son soixante-dixième anniversaire. Les miniatures de Hoefnagel sont connues pour leur exécution minutieuse et la subtilité de l'observation. En combinant l'apparence d'une feuille d'études d'après nature avec la tradition emblématique reçue de la Renaissance, Hoefnagel exercé une influence durable sur l'un des genres les plus novateurs de la peinture hollandaise, la Nature morte du XVIIe siècle."

Avant de tenter un inventaire des insectes représentés, je voudrais d'abord faire remarquer la forme des anses du vase. Par leur double courbe inverse et l'élégance complexe voire baroque de leur dessin, qui contraste avec la simplicité du vase lui-même, elles entrent en relation avec les calligraphies du Mira calligraphiae que Hoefnagel a enrichi de ses peintures : elles relèvent du geste délié du peintre en lettres, et créent un point d'intersection avec la littérature. A mon sens, elles sont (comme les patères de fixation ou les cartouches d'autres planches) une manière pour ce peintre profondément imprégné des valeurs protestantes (ou seulement humanistes) d'exprimer sa foi dans la continuité entre l'Ecrit (la Bible, bien-entendu, mais aussi tout texte), l'Art, et la Nature : ou bien sa foi que la Nature est un Livre qui demande à être lu, qui attend d'être décrypté. Swammerdam (1637-1680) nommera plus tard "Livre de la Nature" ses études sur la nature, et son recueil posthume portera le nom de "Bible de la Nature". Cette unité entre L'Ecriture, L'art et la Vie s'exprime aussi ici (et dans chaque planche) par la reprise de ces formes artificielles (ces poignées semblent en métal) dans les courbes et contre-courbes des tiges, des pétales, des chenilles, des antennes et des ailes ...et des colimaçons : de même que les contours et les structures des plantes se répètent dans celles des insectes, de même que les métamorphoses des plantes menant de la graine à la fleur puis au bouton fané et au fruit trouve sa correspondance dans le parcours menant de la chenille au papillon, l'Unité du vivant dépasse les barrières entre Botanique et Zoologie, et entre Nature et Artifice. Tout, ici, est correspondances et affinités. Comme entre un fils et sa mère.

 

Inventaire entomologique : 7 espèces. Dans le sens horaire en partant du coin supérieur gauche (proposition non validée entre crochets):

  • Apoidea Sphecidae [Ammophilla]

  • Lepidoptera Geometridae Chenille
  • Lepidoptera Sphingidae ? chenille
  • Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus "Azuré de la Bugrane"]
  • Lepidoptera Nymphalidae Satyrinae Lasiommata megera "Satyre" mâle.
  • Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus "Azuré de la Bugrane"]
  • Odonata Zygoptera [Coenagrion pulchellum, "Agrion joli"]...

 

 

La planche "Ater Insectes et dieu du vent" de Joris Hoefnagel (Metropolitan Museum, New-York).

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La planche "Ater, Insectes et dieu du vent" de Joris Hoefnagel (Metropolitan Museum, New-York).

Image : Metropolitan Museum of Art, New-York

Titre : Insecte et tête d'un dieu des Vents Joris Hoefnagel date: ca. 1590-1600 Plume et encre brune, lavis de couleur, peinture d'or, sur velin.

Inscription: en haut "ATER". En bas, Dans un cartouche " Qui ponis nübem / ascensum tuum q ... / ambulas stylo süper / nas Venio-u / PS: 103: "

Ater signifie en latin "Noir", un noir de suie, mat et profond et non le noir brillant du mot niger. Ater qualifie ce qui est obscur, sombre, foncé. En français, il a donné "âtre", mais aussi (par le latin atrox «cruel, méchant", l'adjectif "atroce".

Le verset du Psaume 104 (103 dans la numérotation grecque ) est le suivant: Ps 104: 3

qui tegis in aquis superiora eius qui ponis nubem ascensum tuum qui ambulas super pinnas ventorum : "Il forme avec les eaux le faîte de sa demeure ; il prend les nuées pour son char, il s’avance sur les ailes du vent. " (Trad. Louis Segond)

Comme dans les autres dessins de Joris Hoefnagel, une tringlerie en trompe-l'œil réunit la bordure présentée comme un cadre de laiton et équipée de six anneaux, le cartouche inférieur, et le cartouche supérieur suspendu aux anneaux: ce dernier cartouche semble muni d'œillets latéraux qui maintiennent les pinces d'un scarabée. En regardant de près, on constate que les anneaux latéraux maintiennent une patère qui, par un œillet à vis, permet de recevoir la tige de deux fleurs, maintenant décolorées, mais que l'on devine comme un lis ou un Hémérocalle à gauche, et un Iris foétide à droite.

Cette mise en scène crée l'illusion d'une vitrine d'un Cabinet de curiosité (Kunstkammer) comme Vincent Levinus les proposera plus tard à ses visiteurs. Une savante composition y tient un discours, muet, secret et réservé aux happy few qui partagent les mêmes connaissances encyclopédiques, les mêmes valeurs fondées sur l'étude des textes antiques et bibliques, le même sentiment d'appartenance à une communauté, et le même souci de partager, à travers l'Europe, les échantillons, les illustrations, les publications et les compétences. Enfin, le plus souvent, une même foi religieuse et une même confession.

L'insecte central est le Scarabée rhinocéros Oryctes nasicornis, élytres écartées révélant les ailes à la nervation soigneusement reproduite. L'artiste reprend ici l'illustration qui occupait la planche VII du volume de Ignis de ses "Quatre éléments". On peut deviner une relation entre le titre Ater, et la couleur sombre de l'insecte.

Pourtant, le thème central est celui du Vent et du Souffle et des "ailes du vent" pinnas ventorum du psaume 104: Celles-ci sont sanctifiées, elles sont au service de Dieu (le sujet de la phrase du psaume) lors de la Création du monde et s'apparentent au Souffle de l'Esprit. Ainsi, le Vent qui apparaît comme une divinité joufflue, un Éole au antique au centre du registre inférieur n'est-il qu'une allégorie de l'Esprit divin. Du même coup, tous les insectes ailés réunis sur cette planche participent à cette allégorie et, selon la théorie du microcosme visible révélateur du macrocosme invisible, témoignent de la puissance créatrice de Dieu.

 On dénombre deux fleurs (Liliacées) et 19 insectes ailès disposés selon une certaine symétrie. Outre le scarabée central, ce sont :

— Du coté gauche :

  • Lepidoptera Lycaenidae "Azuré"
  • Lepidoptera Nymphalidae Satyrinae (Coenonympha pamphilus "Fadet" ?)
  • Odonata Zygoptera
  • Hymenoptera Vespinae
  • Odonata Zygoptera (Agrion, couleur bleue)
  • ailes isolées ?? Lepidoptera Noctuidae ?
  • Orthoptera Ensifera "Sauterelle" femelle
  • ?
  • ?
  • lepidoptera Nymphalidae Vanessa atalanta le "Vulcain".

— Du coté droit :

  • Lepidoptera Lycaenidae "Azuré"
  • Odonata Anisoptera ressemble à un mâle de Sympetrum sanguineum (perostigmas sombres)
  • Arachoidea Araneidae ?
  • Lepidoptera Sphingidae Macroglossum stellatarum "Sphinx colibri"
  • Diptera Tipulidae (peut-être Limonia nubeculosa)
  • Lepidoptera Nymphalidae Satyrinae : possible Maniola jurtina "le Myrtil"
  • Orthoptera Ensifera Tettigoniidae "Sauterelle" femelle
  • Coleoptera Coccinellidae : probable Coccinella septempunctata

Conclusion : Dés la fin du XVIe siècle, avant la parution du livre d'Aldrovandi sur les Insectes (De animalibus insectis ) en 1602, mais dans l'ébullition européenne de la volonté d'approfondir la connaissance du monde comme manière de rendre compte de la grandeur de Dieu, des illustrations précises et entomologiquement exactes de diverses sortes d'insectes, des plus spectaculaires comme le Scarabée rhinocéros jusqu'à la plus petite mouche, sont réalisées par un artiste qui est à la fois le dernier des miniaturistes de l'école Bruges-Gand, et le premier des entomologistes.

Les insectes des deux "Allégories de la vie brève" de Joris Hoefnagel (1591) au Musée de Lille.

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Identification des insectes représentés dans les deux Allégories de la vie brève de Joris Hoefnagel (1591) du Musée des Beaux-Arts de Lille. Petit inventaire entomologique amateur, et étude.

 

Présentation. 

Voir ici :

 — https://archive.org/stream/MasterworksfromtheMuseedesBeauxArtsLille#page/n97/mode/2up

http://www.photo.rmn.fr/archive/10-533934-2C6NU0Y4ZX3I.html

http://www.photo.rmn.fr/archive/97-022109-2C6NU0G1A7S5.html

http://www.photo.rmn.fr/archive/97-022109-2C6NU0G1A7S5.html


 

 Paire de deux miniatures à l'aquarelle sur parchemin, encollées au panneau, chacun mesurant 12,3 x 18 cm,  signée et datée ( au centre en bas): G.H F / -I-5-9I-

La signature G.H est interprétée comme celle de Georgius (Joris) Hoefnagel, peintre Flamand (Anvers 1542-1601 Vienne) :ces peintures ont sans-doute été réalisées pour l'empereur Rodolphe II à Prague. 

  Le Musée des Beaux Arts de Lille possède un dyptique de deux peintures sur parchemin de Joris Hoefnagel, présentées dans deux cadres de bois noir articulés entre eux par des charnières. Ces deux miniatures presque jumelles forment donc un ensemble indissociable sous le thème de l'Allégorie de la Brièveté de la vie, l'une comportant une tête d'ange et l'autre une tête de mort. Le corpus d'inscriptions (versets bibliques et poésie sur les Roses d'Ausonius) sont consacrées au thème de la brièveté de la vie, alors que les roses en boutons puis fanées, les autres fleurs, et les insectes forment l'illustration naturelle du caractère éphémère de l'existence. Il faut imaginer ce dyptique fermé, dans le cabinet de l'empereur Rodolphe II à Prague. S'il l'ouvre, c'est pour se livrer à une méditation raffinée offerte par le dernier des miniaturistes flamands.

 

Description

 1. Le dessin de gauche (Tête de mort) comporte des roses aux différents stades de leur évolution du frais bouton vers l'épanouissement puis la chute des pétales autour d'étamines ébouriffées. On y voit aussi à gauche des myosotis, dont le nom allemand Vergiss mein nicht (Ne m'oublie pas) semble ici être prononcé par la Mort. En vis-à-vis, des fleurs rouges (anémones ? mais 6 pétales). Selon  G. Fettweiss,  l'anémone, "fleur du vent, symbolise l’éphémère, le printemps qui renaît, la beauté fragile. Elle est née du sang d’Adonis, amoureux de Vénus et mortellement blessé par son rival Mars. Des pleurs de Vénus naquit l’anémone ". Le sablier médian, les lampes à huile dont la mêche fume participent du même propos sur le temps qui passe et sur son caractère évanescent : Dans la célèbre citation de l'Ecclesiaste "Vanité, tout est vanité", le mot hébreu correspondant au latin vanitas signifie buée, souffle : "buée de buée, tout est buée". L'huile qui se dissipe en fumée après un éclat passager relève de cette vanitas. 

L'inscription supérieure en lettres capitales ROSA[M] QVAE PRAETER/IERIT NE QVAE-RAS ITERV[M] cite un adage d'Erasme 1540. II, VI, 40 qui peut se traduire par : "Ne demandes pas à la rose fanée de fleurir à nouveau". Hoefnagel l'a déjà inscrite dans le

 volume Ignis de ses Quatre Éléments (offerts aussi à l'empereur Rodolphe II), sur la planche XXIV qui représente une rose isolée.

L'inscription en bas à gauche dit : Homo sicut fanum dies/eius, tanqua[m] flos agril sic efflorebit. psal. 102. La numérotation des psaumes utilisée par Hoefnagel est celle des protestants, correspondant au psaume 103 pour les Bibles catholiques, et la Vulgate. Ce Psaume 102 est dit Psaume de la bonté car il bénit Dieu pour ses bienfaits, mais les versets 14 à 16 souligne la fragilité de l'homme :

14 "Car il sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière.

15 L'homme! ses jours sont comme l'herbe, Il fleurit comme la fleur des champs.

16 Lorsqu'un vent passe sur elle, elle n'est plus, Et le lieu qu'elle occupait ne la reconnaît plus. "(Trad. L. Segond)

Pendant tout le Moyen-Âge, puis à l'époque baroque le verset 15 a fait l'objet de traduction en français sous forme de paraphrases poétiques, et un rapprochement avec le verset d'Isaïe qui va suivre a été établi : "L'homme n'est rien que poudre, un peu de vent l'emporte, c'est une tendre fleur, qu'on voit bientôt fener" (La Céppède).

L'inscription de droite cite Isaïe : Omnis caro foenum, /Et omnis gloria eius / quasi flos agri Isa.42. On y 

 reconnaît Isaïe 40:6 :

"6 Toute créature est comme l'herbe, et toute sa beauté comme la fleur des champs.

7 L'herbe sèche et la fleur tombe quand le vent de l'Eternel souffle dessus. Vraiment, le peuple est pareil à l'herbe:

8 l'herbe sèche et la fleur tombe, mais la parole de notre Dieu subsiste éternellement." (Trad. L. Segond)

On voit que ces inscriptions étayent l'allégorie de l'être humain semblable à une rose vite déchue de sa beauté. L'unité entre intention morale, peinture et texte est complète.

Ce dessin de gauche correspondrait, dans la partition binaire des deux œuvres, à la Nuit, comme l'indiquent les ailes de chauve-souris dont la tête de mort est dotée.

 Le dessin de droite (tête d'ange entourée d'ailes d'oiseau) ne comporte pas de roses, mais deux Lis martagon, dont celui de droite est en bouton alors que celui de gauche penche déjà son inflorescence sous le poids des étamines et des pétales retroussés. Ce port floral fléchi est caractèristique de Lilium martagon, et justifie peut-être son choix dans l'allégorie. Au centre, deux boutons allongés sont peut-être aussi ceux de Lis, alors parmi  les fleurs en situation intermédiaire basse je crois reconnaître à gauche un œillet (Dianthus) et une Pensée  (Viola tricolor).

L'inscription supérieure : IPSA DIES APERIT/CONFlCIT/IPSA DIES  est un vers de l'Idylle De rosis nascentibus du poète aquitain du IVe siècle  Ausone. Lionel-Édouard Martin en donne la traduction suivante : "Issues d’un même jour qu’un même jour consume !"   Cette citation apparaît aussi dans l'Archetypa studiaque Pars I,9 de Jacob Hoefnagel (1592) et dans la planche L d'Ignis de Joris Hoefnagel, associée à la fleur Mirabilis jalapa ("Belle-de-nuit"). De ce fait, j'identifiie les "deux boutons allongés" du centre de cette peinture comme correspondant à cette fleur, fortement emblématique d'une vie éphémère.

   Dans la partie inférieure, l'inscription de gauche  Florete flores, quasi / Lilium, et date odorem, /Et frondete in gratia[m]:/  est une citation de L'Ecclésiastique (B.J)  ou Livre de Sirah ou Siracide 39:14 : "Fleurissez comme le lis et donnez votre parfum. Chantez ensemble un chant". Ce livre est classé parmi les apocriphes dans les Bibles protestantes

   L'inscription de droite  Et collaudate canticum, /Et benedicite Dominum /In operibus suis. Ecc: 38.  est la fin de ce verset. Le chapitre est numéroté 38 dans la Bible du roi Jacques de 1611. Le verset se traduit (Crampon) "chantez un cantique, célébrez le Seigneur pour toutes ses œuvres".  

Les cartouches et les consoles en volute  s'inspirent des grotesques du "style Floris" et témoignent des propositions d'embellissement architectural et ornemental de l'ornemaniste Cornelis Floris de Vriendt, (1514-1575), comme les mascarons et les motifs du Mira calligraphiae. Comme dans d'autres dessins, les cartouches inférieurs semblent (par trompe-l'œil)  fixés à un mince encadrement de cuivre qui reçoit, sur les faces latérales et le bord supérieur, des anneaux.  Sur les côtés, ceux-ci maintiennent les tiges des fleurs coupées, qui sont serrées par des pinces métalliques. En haut, ils mainteinnent le cartouche supérieur dont les prolongements latéraux en volute  soutiennent les deux petits vases d'où monte dans un cas une sombre fumée (dessin de gauche "nocturne") et dans l'autre (dessin de droite "diurne") des flammes vives. Ce montage tant ornemental que quincailler se poursuit sur la ligne médiane, où le crâne (ou l'ange), les ailes, le sablier enrubanné et le gland rouge terminal semblent suspendus les uns aux autres. Cette présentation assimile l'œuvre picturale à une vitrine de Cabinet de curiosité où le soigneux assemblage des objets précieux dissimule un message mi-philosopique mi-religieux pour celui qui saurait le déchiffrer. Autrement dit (et les formes calligraphiques des cartouches et des insectes y contribuent), tout ici n'est que "chiffre", les inscriptions sacrées et les spécimens naturels témoignant d'un seul Livre écrit par le Créateur et que l'humaniste raffiné de la fin du XVIe siècle s'attache à lire.

 

 

 


 

Inventaire entomologique.

On tiendra compte que certaines couleurs ont passé :  les roses et leur feuillages se sont transformées en formes fantomatiques. Les couleurs rose et vert sont devenues blanches. Seules quatre espèces ont été identifiées avec certitude sur 19.

a) Rosam quae praeterit. Huit insectes et un escargot.

Sept insectes sont disposés symétriquement autour d'un papillon aux ailes étalées placée sur l'axe médian.

- Ce papillon central est Aglais urticae "La Petite Tortue", l'un des premiers papillons représentés par les peintres flamands (Hans Memling, Jugement Dernier) et par les miniaturistes dans les marges des Livres d'Heures. Chez Memling, le motif de ses ailes est prêté aux ailes des diables de l'Enfer, il possède donc une connotation négative lié au Mal.

- Dans la moitié gauche, on trouve de haut en bas :

  • Lepidoptera Nymphalidae Vanessa cardui la "Belle-Dame".

  • Ichneumonidae

  • Odonata Zygoptera [Coenagrion]

  • Lepidoptera Sphingidae Hyles euphorbiae Chenille

  • - Dans la partie droite :

  • Lepidoptera Nymphalidae [Lasiommata megera "Mégère, Satyre"]

  • Odonata Zygoptera 

  • Lepidoptera chenille

.

b) Ipsa Dies aperit. Onze insectes

Dix insectes sont disposés symétriquement autour d'un papillon aux ailes étalées placé sur l'axe médian.

Ce papillon est Vanessa cardui la "Belle-Dame".

- A gauche :

  • Lepidoptera Nymphalidae (décoloré mais très semblable à son vis à vis de droite)

  • ?

  • ?

  • Odonata Zygoptera Calopteryx

  • Lepidoptera Pieridae [Pieris brassicae]

- A droite :

  • Lepidoptera Nymphalidae [Lasiommata megera]

  • Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus] si lunules orange décolorées

  • Odonata Zygoptera Calopteryx

  • Lepidoptera Sphingidae Chenille (verte, décolorée ?).


 

Conclusion :

   De dessin en dessin, d'œuvre en œuvre, Joris Hoefnagel poursuit le même projet en recomposant inlassablement les mêmes versets de psaumes et de poème, les mêmes roses et les mêmes lis, les mêmes réseaux de formes contournées, les mêmes espèces d'insectes, sans jamais épuiser la complexité de la vérité toute simple de notre présence éphémère au sein d'une Nature qui n'est qu'un vaste champ de correspondances avec notre destinée.

 


 


 



 

Musée de Lille, Hoefnagel, Allégorie panneau A Rosam quae

Musée de Lille, Hoefnagel, Allégorie panneau A Rosam quae

Musée de Lille, Hoefnagel, Panneau B Ipsa Dies

Musée de Lille, Hoefnagel, Panneau B Ipsa Dies

 

Annexe : j'utiliserai le texte de Walter Liedtke dans le Catalogue Les chefs-d'oeuvre du Musée des Beaux-Arts de Lille : [exposition, New York, Metropolitan museum of art, 27 octobre 1992-17 janvier 1993, disponible en ligne dans sa version américaine.

Biographie.

Joris (ou Georg) Hoefnagel, fils d'un diamentaire d'Anvers, s'est décrit comme autodidacte, même si Van Mander signale qu'il a étudié avec Hans Boel. Vers 20 ans, il a voyagé en France, il a passé quatre ans en Espagne (1563-1567), puis s'est rendu en Angleterre avant de s' installer à Anvers, où il se maria en 1571. Sa carrière de miniaturiste dépendait du patronage d'une cour, qu' Hoefnagel n'eut aucun mal à trouver une fois qu'il quitta Anvers (vers 1576-1577). Hans Fugger d'Augsbourg le recommanda au duc Albrecht V de Bavière, au service duquel Hoefnagel fut engagé tout en visitant l'Italie (avec Abraham Ortelius) avant de revenir à Munich. Pendant cette période, il a fait des vues de la ville qui ont ensuite été publiés dans le Civitates orbis terrarum de Georg Braun et  de Frans Hogenberg (Cologne, 1572- 1618). Entre 1582 et 1590 Hoefnagel a travaillé aux illuminations du célèbre Missale romanum (Vienne, Österreichische Nationalbibliothek) pour l'archiduc Ferdinand II de Tyrol, et en Avril 1590, il a négocié pour entrer au service de Rodolphe II. L'artiste a probablement visité Prague, la capitale de Rodolphe II,  en 1590 ou en 1591 et en 1594, mais pendant ces années, il a surtout vécu à Francfort. À la demande de l'empereur Hoefnagel a peint de nombreuses miniatures (surtout des fleurs, avec des animaux et des insectes dans des arrangements décoratifs) dans deux Livres de modèles de calligraphie (Schriftmusterbücher) - chefs-d'œuvre calligraphiques composés une génération plus tôt par Georg Bocskay, qui avait été secrétaire de grand-père paternel de Rodolphe, l'empereur Ferdinand I.  Les  miniatures indépendantes de Hoefnagel datent de la même année et à partir de 1595 jusqu'à sa mort en septembre 1601. au cours des cinq dernières années de sa vie, Hoefnagel a surtout vécu à Vienne, mais il a visité Prague en 1598.

Le diptyque Lille est une des premières œuvres indépendantes que l'artiste a réalisées très tôt, et peut avoir été peinte à Prague, Munich ou Francfort. En tout état de cause, les miniatures ont été faites alors qu'il était au service de l'empereur et reflètent quelques-uns des intérêts sophistiqués de l'empereur, telles que les espèces de la vie naturelle, les œuvres d'art exquises, les et allégories intelligentes.

 

Liens et sources :

 

FETTWEIS (Geneviève) s.d Les fleurs dans la peinture des XV e , XVI e et XVIIe siècles Musées royaux des Beaux -Arts de Belgique 

— Masterworks from the Musee des Beaux- Arts, Lille 

 https://archive.org/stream/MasterworksfromtheMuseedesBeauxArtsLille/MasterworksfromtheMuseedesBeauxArtsLille_djvu.txt

Bibliographie du Catalogue Chefs-d'Oeuvre du Musée des Beaux-Arts de Lille :

-BERGSTROM, Ingvar. Dutch Still-Life Painting in the Seventeenth Century. London, 1956. 
 -BERGSTROM, Ingvar. "Georg Hoefnagel, le dernier des grands miniaturistes flamands." L'Oeil 101 (May 1963), pp. 2-9, 66. 
-BERGSTROM, Ingvar. "On Georg Hoefnagel's Manner of Working, with Notes on the Influence of the Archetypa Series of 1592." In Netherlandish Mannerism: Papers Given at a Symposium in Nationalmuseum Stockholm, 

-KAUFMANN, Thomas DaCosta. The School of Prague: Painting at the Court of  Rudolf II. Chicago and London, 1988. 

 -VIGNAU-WILLBERG ( Thea). "Naturemblematik am Ende des 16. Jahrhunderts." Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen in Wien, n.s., 46-47 (1986-87), pp. 146-56. 

— Images :

http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PCUQM2LD

http://www.photo.rmn.fr/archive/97-022109-2C6NU0G1A7S5.html

http://www.photo.rmn.fr/archive/97-022109-2C6NU0G1A7S5.html

https://archive.org/stream/MasterworksfromtheMuseedesBeauxArtsLille#page/n97/mode/2up

https://archive.org/stream/MasterworksfromtheMuseedesBeauxArtsLille#page/n99/mode/2up

 

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (IV).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale Saint-Julien du Mans (IV). Baie XVIII

Baie XVIII : Nef, coté sud, première baie à l'ouest. Vers 1150.

Cette lancette de plein cintre de 2,30m de haut et 1 m de large reçoit une verrière composite dans laquelle les trois scènes sont attribuées au Maître de l'Ascension (Baie XVI) : de haut en bas "Vision d'un roi endormi" , "Pilate se lavant les mains" (sic) et "Saint Pierre conduit hors de prison par un ange". L'encadrement et la bordure datent de la restauration de Steinheil vers 1900.

Le Mans, Baie XVIII vers 1150.

Le Mans, Baie XVIII vers 1150.

Registre supérieur : "Vision d'un roi endormi".

  C'est un drôle de roi, car il dort pieds contre un arbre où sont perchès deux oiseaux, alors que cinq chèvres cherchent à en atteindre les feuilles. Au dessus de sa tête, un personnage nimbé (ange ?) émerge de murailles. Un homme endormi avec une lampe allumée au dessus, et un arbre, c'est un modèle habituel de Jessé, mais il est clair que ce n'est pas lui qui est représenté ici. Anne Granboulan a proposé judicieusement d'y voir le Deuxième Songe de Nabuchodonosor.

Parmi les songes du roi Nabuchodonosor  que le prophète Daniel réussit à interpréter, il en est un qui met en scène un arbre d’une hauteur immense : les oiseaux perchent sur ses branches et les animaux terrestres s’abritent sous son ombre ; mais un ange ordonne d’abattre l’arbre, symbole de l’orgueil du roi (Livre de Daniel, chapitre 4).

 Songe de Nabuchodonosor, arbre f. 28v, Speculum humanae salvationis, France, XVe siècle  

Livre de Daniel, 4 :

7 Voici quelles étaient les visions de mon esprit pendant que j'étais couché sur mon lit: je regardais et voici ce que j'ai vu: Au milieu de la terre se dressait un grand arbre, dont la hauteur était immense.

8 L'arbre grandit et devint vigoureux. Son sommet atteignait le ciel; et l'on pouvait le voir depuis les confins de la terre.

9 Son feuillage était magnifique et ses fruits abondants. Il portait de la nourriture pour tout être vivant. Les animaux sauvages venaient s'abriter à son ombre et les oiseaux se nichaient dans ses branches. Tous les êtres vivants se nourrissaient de ses produits.

10 Pendant que je contemplais sur mon lit les visions de mon esprit, je vis apparaître un de ceux qui veillent, un saint qui descendait du ciel.

11 Il cria d'une voix forte cet ordre: «Abattez l'arbre! Coupez ses branches! Arrachez son feuillage et dispersez ses fruits, et que les animaux s'enfuient de dessous lui, que les oiseaux quittent ses branches!    ...

14 Cette sentence est un décret de ceux qui veillent; cette résolution est un ordre des saints, afin que tous les vivants sachent que le Très-Haut domine sur toute royauté humaine, qu'il accorde la royauté à qui il veut, et qu'il établit roi le plus insignifiant des hommes.»

15 Tel est le rêve que j'ai eu, moi le roi Nabuchodonosor. Quant à toi, Beltchatsar, donne-m'en l'interprétation puisque tous les sages de mon royaume s'en sont montrés incapables, mais toi, tu le peux, car l'esprit des dieux saints réside en toi.

16 Alors Daniel, nommé aussi Beltchatsar, demeura un moment interloqué: ses pensées l'effrayaient. Le roi reprit et dit: ---Beltchatsar, que le songe et son explication ne te troublent pas!
---Mon Seigneur, répondit Beltchatsar, je souhaiterais que ce songe s'applique à tes ennemis, et sa signification à tes adversaires!

17 Tu as vu grandir et se développer un arbre dont la cime touchait le ciel et que l'on voyait de toute la terre.

18 Cet arbre au feuillage touffu et aux fruits abondants fournissait de la nourriture pour tous les êtres vivants. Les animaux sauvages venaient s'abriter sous lui et les oiseaux nichaient dans ses branches.

19 Cet arbre, ô roi, c'est toi! Car tu es devenu grand et puissant. Ta grandeur s'est accrue, elle atteint jusqu'au ciel et ta domination s'étend jusqu'aux confins de la terre.

20 Le roi a vu ensuite l'un de ceux qui veillent, un saint, descendre du ciel et crier: «Abattez l'arbre et détruisez-le! Laissez toutefois en terre la souche avec les racines, mais liez-les avec des chaînes de fer et de bronze dans l'herbe des champs, qu'il soit trempé de la rosée du ciel, et qu'il partage le sort des animaux sauvages jusqu'à ce que sept temps aient passé.»

21 Voici ce que cela signifie, ô roi! Il s'agit là d'un décret du Très-Haut prononcé contre mon seigneur le roi.

22 On te chassera du milieu des humains et tu vivras parmi les bêtes sauvages. Tu te nourriras d'herbe comme les bœufs et tu seras trempé de la rosée du ciel. Tu seras dans cet état durant sept temps, jusqu'à ce que tu reconnaisses que le Très-Haut est le maître de toute royauté humaine et qu'il accorde la royauté à qui il lui plaît.

23 Mais si l'on a ordonné de préserver la souche avec les racines de l'arbre, c'est que la royauté te sera rendue dès que tu auras reconnu que le Dieu des cieux est souverain.

24 C'est pourquoi, ô roi, voici mon conseil: puisses-tu juger bon de le suivre! Détourne-toi de tes péchés et fais ce qui est juste! Mets un terme à tes injustices en ayant pitié des pauvres! Peut-être ta tranquillité se prolongera-t-elle.

 

Inscriptions.

Deux mots apparaissent dans deux bandeaux noirs différents, en lettres capitales blanches. Le Corpus en propose la leçon SUCCIT ---- et en dessous ----TALIS.

La recherche de ces mots dans le Livre de Daniel en latin (Vulgata) trouve facilement SUCCIDITE, et l'examen de la photographie montre que l'on peut lire SUCCID--. Ce mot est mentionné aux versets 11  et 20 lorsque l'ange dans le ciel s'écrit succidite arborem "abattez l'arbre". C'est réellement le mot fort de ce texte, et il est parfaitement logique qu'il soit situé dans un phylactère sortant de la bouche de l'ange.

Pour le deuxième mot, la barlotière en cache une grande partie sur la photographie ; -talis n'est pas présent dans le texte biblique.

C'est déjà pas mal, le Corpus n'ayant trouvé aucune signification ni au premier, ni au second mot.

Au dessous de la scène, dans un bandeau noir, le Corpus a lu ---]IGNAT VISIO[--- soit "représente la vision", ce qui est confirme l'hypothèse de A. Granboulan

Iconographie :

Un vitrail de la Sainte Chapelle représente ce Songe dans la baie G :

Le Mans, Baie XVIII, Vision d'un roi endormi. (vers 1150).

Le Mans, Baie XVIII, Vision d'un roi endormi. (vers 1150).

Registre intermédiaire : "Pilate se lavant les mains" (sic).

Il suffit d'observer ce panneau pour voir qu'il ne représente pas Pilate se lavant les mains, mais un saint répandant de l'eau que lui verse un acolyte sur un homme à genoux qui applique le liquide sur ses yeux. Connaissant le culte rendu au Mans à saint Julien, il n'est pas difficile d'identifier la scène comme "Saint Julien guérissant l'aveugle de Rissé." Mais Anne Granboulan mentionne que  "Grodecki qui intitule ce panneau « Pilate se lavant les mains » a refusé cette interprétation parce que le personnage est pas nimbé et qu'il y a dans la grande baie occidentale un vitrail dédié saint Julien dont le Style est proche de celui des verrières occidentales de Chartres qui datent des années 1150 ". Tant Catherine Brisac que les auteurs du Corpus (dont Grodecki) s'en tiennent à Pilate. Mais le Corpus des inscriptions, qui date de 2010, reprend le même titre.

"Parmi les autres panneaux tradi­tionnellement attribués à l'atelier de l' Ascension, le Miracle de saint Julien guérissant l'aveugle de Rillé, inspiré de l'Ascension dans quelques uns de ses détails, mais d'une conception d'en­semble moins équilibrée et d'un gra­phisme plus mou, pourrait être une dérivation de cet atelier et avoir été, après les incendies, le seul rescapé d'une verrière dédiée au patron du diocèse ; ainsi s'expliquerait la pré­sence d'une reprise de la vie de saint Julien à la façade occidentale après 1150." Granboulan,1994. 

 

 

Le Mans, Baie XVIII, Saint Julien guérissant un aveugle

Le Mans, Baie XVIII, Saint Julien guérissant un aveugle

Registre inférieur : saint Pierre tiré de prison.

Il s'agit d'une scène décrite dans les Actes des Apôtres XII:3-12.

"Chez le Saint-Pierre délivré de ses liens, le dessin, bien qu'encore li­néaire, est moins précis, la touche de peinture plus lâche, la composition presque touffue, la tension dans la forme transformée en torsion ; les personnages perdent leur élégance au profit d'une certaine agitation. Les deux visages ne suivent pas les mêmes conventions d'écriture : Pierre reste dans la tradition tandis que l'ange a un visage plus rond, un nez camus, une bouche plus large et la lèvre inférieure ourlée, et un lavis posé en ombre modèle l'aile du nez et le menton. La verrière de saint Pierre au Mans, dérivation plus lointaine et plus tardive de l'atelier de l'Ascension, aurait alors fait partie de la campagne de remise en état de la vitrerie après les incendies, peut-être sous l'épiscopat de Guillaume de Passavant (1145-1187), tout comme la Légende des saints Gervais et Protais et un demi-panneau représentant le Christ enfant au milieu des docteurs, complément éventuel d'une Enfance en partie détruite par le feu puis­qu'on remarque une similitude de motif entre son galon d'encadrement et celui du Sommeil des mages." Granboulan, 1994

Je suis personnellement sensible à la grâce du mouvement des deux personnages principaux : l'ange (qui a des traits christiques) effectue une torsion sur lui-même, les pieds se croisant, la rotation du tronc s'accentuant avec celle de la tête et avec le mouvement du regard, dans une distanciation  qui rappelle celle des Noli me tangere . A ses cotés, saint Pierre, un pied encore retenu par de lourds chaînons, franchit la marche de sortie, son regard exprimant une confiance complice envers le messager divin.

Inscription :

dans un bandeau noir, en lettres capitales blanches :

TRACTAT ANGELVS : EVM DE : CARCERE : M[---

soit : "Un ange le tire de la prison"

Le Mans, Baie XVIII : Saint Pierre tiré de prison par un ange (vers 1150).
Le Mans, Baie XVIII : Saint Pierre tiré de prison par un ange (vers 1150).

Le Mans, Baie XVIII : Saint Pierre tiré de prison par un ange (vers 1150).

SOURCES ET LIENS

 

 

 BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

 — BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium,  in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

— GRANBOULAN Anne. "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest." In: Revue de l'Art, 1994, n°103. pp. 42-52. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

— GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35

 

— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

 — HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron 

 

 

 

 

 

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (III).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (III). Baie XVII.

Nef, coté nord, deuxième baie à l'ouest à partir de la façade occidentale. 

Baie XVII. (v.1140-1145).

Lancette en plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m de large. Verrière composite faite de 3 médaillons circulaires superposés. Localisation originelle inconnue, les panneaux ayant été déplacés à plusieurs reprises, et remployés dans la baie 208 dans la première moitié du XIXe siècle. Plusieurs restaurations ; bordures et fonds  par Steinheil en 1902. État de conservation "exceptionnel" (Corpus vitrerarum) ou "moyen" (Corpus inscriptions).

 

Le Mans, Baie XVII.

Le Mans, Baie XVII.

1. Registre supérieur : Sommeil des Mages. 

Réalisé vers 1130 par le Maître de l'Ascension (voir baie XVI Ascension et baie XVIII).

"Ce médaillon a conservé sa cohérence initiale et son encadrement primitif, deux perlés entourant une frise de courts rinceaux. D'autres détails décoratifs, comme la bande de petits quadrillages formant un écran au fond de la scène, témoignent de la préciosité de son exécution." (C. Brisac, 1981)

Par ces détails, par sa technique picturale, sa facture linéaire et sa chaude coloration,de panneau dépareillé se rattache à l'Ascension de la baie XVI, de même que " Saint Pierre conduit hors de prison" et "le Pilate se lavant les mains" de la baie XVIII.

 

Le Mans Baie XVII. "Sommeil des Mages".

Le Mans Baie XVII. "Sommeil des Mages".

2. Registre moyen : Résurrection d'un prêtre près du tombeau de saint Étienne.

Inscriptions dans un bandeau noir courbe, en lettres capitales sans aucune onciale :

En haut de la scène :

SEPVLCRV. S .I. STEPHANI (Sepulchrum Sancti Stephani : "Tombeau de saint Étienne")

Sous le tombeau du saint, dans un bandeau noir: je lis SACERDOS RESVSCITATU ("SCI" avec le I inscrit dans le C ) et le Corpus déchiffre SACERDOS RESVCITATUR. ("Prêtre ressuscité").

La Légende dorée de Jacques de Voragine (1261-1266, donc postérieure) mentionne plusieurs résurrections miraculeuses mais pas celle d'un prêtre.

Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.

Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.

Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne Détail : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.

Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne Détail : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.

3. Registre inférieur. Exposition du corps de saint Étienne aux animaux.

Inscription :

Au dessus de la scène dans un bandeau noir, en lettres capitales fines sans onciales, comme dans le deuxième registre :

VBI . S . ST[.]PH' . P-CIPITVR BESTIIS. Soit  Ubi sanctus Stephanus precipitur bestiis, "Où saint Étienne fut exposé aux bêtes". Abréviation de Stephanus par un H barré ; suspension de sanctus à l'initiale S surmontée d'un tilde à renflement médian. Un P barré remplace -pre- dans precipitur. 

 

Sacerdotum, ut projectum bestiis cadaver extra portam Jerusalem ; in ipso passionis loco maneret insepultum : die noctuque sic jacuit, sed penitus illasesum ; non avis, non fera attigit.

Cet épisode est relaté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine à la date du 3 août, célébration de l'Invention des reliques de saint Étienne, mais la Legenda aurea reprend un corpus de textes qui font l'objet d'un Appendice dans le tome VII de l'édition des Oeuvres de saint Augustin, entre la Cité de Dieu et Contre les Manichéens. Un clerc d'origine espagnole, Avitus  aurait traduit vers 415 du grec au latin une Lettre du prêtre Lucien (que celui-ci lui aurait remise) et aurait adressé — par l'intermédiaire du prêtre Orose — cette traduction à l 'évêque Balchonius de Braga en même temps que les reliques du saint. Saint Augustin, dans ses Sermons 318 et 319 fait clairement allusion à cette invention des reliques d'Étienne. De même, Gennade patriarche de Constantinople (458-471) confirme cette révélation faite à un prêtre.

Extrait de la Lettre de Lucien :

..le seigneur Etienne, que les princes des prêtres et les Juifs ont lapidés, à Jérusalem, pour la foi du Christ, hors de la ville, à la porte du Nord, sur la route de Cédar, où il demeura un jour et une nuit, étendu par terre, sans sépulture, afin de devenir, selon l'ordre impie des princes des prêtres, la proie des bêtes sauvages. Mais Dieu ne voulut point qu'il reçut les atteintes de la dent d'aucune d'elles : les bêtes sauvages, les oiseaux de proie et les chines respectèrent ces restes précieux » :  "Ut a feris consumeretur corpus ejus. Ex dei autem voluntate non teligit eum unum ex his, non fera, non avis, non canis"

Extrait de la Légende dorée :

 "L'invention du corps du premier martyr saint Étienne est rapportée: à l’année 447, la septième du règne d'Honorius. On distingué son invention, sa translation et sa réunion.Son invention eut lieu comme il suit : Un prêtre du territoire de Jérusalem, appelé Lucien, cité par Gennade (ch. XLVI) au nombre des hommes illustrés, écrit lui-même qu'un vendredi, comme il reposait à moitié endormi dans son lit, lui apparut un vieillard, haut  de taille, beau de visage, avec une longue barbe, revêtu d'un manteau blanc semé de petites pierres précieuses enchâssées dans l’or en formé de croix, portant une chaussure recouverte d'or à la surface. Il tenait à la main une baguette d'or dont il toucha Lucien en disant: « Hâte-toi de découvrir nos tombeaux, car nous avons été renfermés dans un endroit fort indécent. Va dire à Jean, évêque de Jérusalem; qu'il nous place dans un lieu honorable; car, puisque la sécheresse et la tribulation désolent la terre, Dieu, touché de nos prières a décidé de pardonner au monde. » Le prêtre Lucien lui dit : « Seigneur qui êtes-vous ? »  « Je suis, dit-il, Gamaliel qui ai nourri saint Paul; et qui lui ai enseigné la loi à mes pieds. A mon côté repose saint Étienne, qui a été lapidé par les Juifs, hors de la ville, afin que son corps fut dévoré par les bêtes féroces et les oiseaux. Mais celui. pour la foi duquel ce saint martyr a versé son sang ne l’a pas permis; je l’ai recueilli alors avec grand respect et l’ai enseveli dans un tombeau neuf que j'avais fait creuser pour moi. L'autre qui est avec moi, c'est Nicodème, mon neveu; qui alla une nuit. trouver Jésus, et reçut le baptême sacré des mains de saint Pierre et de saint Jean." (Légende dorée)

  La présence sur le panneau de trois oiseaux, d'un chien (?), d'un ours (?) et d'un lion suggérerait que la source de l'image en soit la Lettre de Lucien et le passage Ex dei autem voluntate non teligit eum unum ex his, non fera, non avis, non canis".

La scène est aussi représentée au XIIIe siècle sur un vitrail de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges (Baie XV)  , et, vers 1500, sur la grande tapisserie du chœur de la cathédrale d'Auxerre actuellement au Musée de Cluny.

 (photo rmn-Grand Palais)

 

 

 

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages.

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages.

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.

Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.

Sources et liens.

— BRISAC (Catherine), 1981,  "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique),  PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis)  1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS  (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Régio Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

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