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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (II) Verrière de l'Ascension.

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (II).

Baie XVI. Verrière de l'Ascension. (1140-1145).

Lancette de plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m de large.

De 1562 à 1875, quatre panneaux du XIIe siècle ont été remployés dans une baie de la chapelle de la Vierge, avant que Henri Gérente n'en remarque le caractère particulier. La verrière a alors été restaurée en 1900 par Steinheil et Gaudin puis en 1955 par Max Ingrand et en 1978 par J.J. Gruber.

Les personnages ont été bien préservés, et seule la tête de l'apôtre de l'extrémité gauche du registre supérieur est moderne.

"Le fond, alternativement partagé en rectangles bleus et rouges sur lesquels se détachent les figures, évoquent immédiatement ceux des peintures murales des années 1100 dans le Val de Loire. Les protagonistes, posés en équilibre sur des monticules stylisés figurant le sol, ont tous une attitude différente, les uns de face, les autres de profil. Tantôt ils écartent les jambes, tantôt ils les croisent en des mouvements saccadés. les bras et les mains, souvent paume ouverte en signe d'acceptation, sont tendus et les visages, encadrés de chevelures à fines bouclettes, rejetés en arrière. Les vêtements, ornés d'orfrois et de larges barrettes, accentuent la force de cette image par leurs découpes allongées, presque géométriques. C'est en fait, l'exemple qui, par les qualités de son traitement, exprime le mieux l'originalité du style roman de l'Ouest au début du XIIe siècle. La facture est linéaire, jouant sur l'épaisseur du trait pour affirmer les formes plus que les volumes. En contrepartie, le modelé est réduit à un simple lavis. Aucune œuvre de cette époque a poussé aussi loin la symbiose entre, d'une part, la forme et l'expression, et, d'autre part, le mouvement et la spatialité, ce qui contribue à lui donner une cohérence remarquable." (C. Brisac, 1981)

"On a souvent comparé ce chef d'œuvre aux peintures murales de la voûte de l'ancienne abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne), notamment celles du cycle de Noé." (idem)

http://decouverte.inventaire.poitou-charentes.fr/monuments-romans/saint-savin.html

" Dans le domaine de l'enluminure, les miniatures du Sacramentaire de Limoges (Paris, Bibl. nat. ms lat. 9438) exploitent les mêmes formules stylistiques dans les premières années du XIIe siècle. On y reconnaît la même vigueur formelle, la même tension des protagonistes  " (C. Brisac, 1981)

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Sacramentaire_de_Saint-%C3%89tienne_de_Limoges

 

 

"Plus récemment la morphologie des visages a été rapprochée de ceux d'un manuscrit poitevin, la Vita Radegundis de Fortunat ( Poitiers, B.M ms 250, une œuvre plus récente que les précédentes, exécutées probablement autour de 1120. (L. Grodecki, Le Vitrail roman, p.58). " (Idem)

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Radegonde_de_Poitiers

"Ces liens soulignent la dépendance de la composition mancelle avec des foyers artistiques du Centre-Ouest plutôt qu'avec ceux de sa propre région. Ils montrent aussi ceux que posent la date de son exécution. La fin du XIe siècle ne semble pas crédible malgré sa qualité exceptionnelle qui en fait "la tête de série de tout l'art du vitrail roman  de l'ouest de la France" Attendre la reconstruction de la cathédrale après le second incendie de 1137 semble trop tardif. On adopterait volontiers comme repère chronologique le premier quart du XIIe siècle ; peut-être l'Ascension fut-elle réalisée pour la dédicace "politique" de 1120 sous l'évêque Hildebert de Lavardin, mais aucune évidence archéologique ne nous permet d'adopter cette date." (C. Brisac, 1981)

En 1994, Anne Granboulan poursuit :

"...le procédé d'application de la peinture. Il nous conduit aux mêmes rapprochements et témoigne en outre de la grande maîtrise des peintres de nos petites verrières ru­rales. Ceux-ci ont utilisé le trait, as­sez largement appliqué et opaque pour les contours principaux, et l'ont doublé de stries plus fines et plus di­luées pour rendre les détails des vi­sages, barbes, chevelures, muscles et drapés. Cette technique d'application de la peinture presque exclusivement linéaire, où il n'y a pas d'ombre pour rendre le modelé, est riche d'enseignement pour deux rai­sons. D'une part elle ne suit pas la dé­marche préconisée par Théophile dans son livre de recettes, qui consiste à rendre le modelé en ac­compagnant le trait de contour par deux lavis. Dans cette technique dite des «trois valeurs» on a voulu voir peut-être abusivement une technique générale au XIIe siècle, alors qu'elle n'a été suivie ni dans certains vitraux de la cathédrale du Mans — l' Ascension, le Sommeil des mages, le Miracle de saint Julien, et le Songe de Nabuchodonosor —  [...]et qu'elle n'a été mêlée que parcimo­nieusement à la facture linéaire au chevet de la cathédrale de Poitiers, et dans les panneaux de saint Pierre et de la Légende des saints Gervais et Protais au Mans. D'autre part cette prédilection marquée pour la ligne se circonscrit à un milieu géographique situé au­tour de la Loire, dans un laps de temps limité, puisqu'au Mans et à Poitiers elle s'estompe après le milieu du siècle, et qu'elle s'est amollie et transformée à Angers vers 1180-1200; enfin elle n'est pas réservée à la peinture sur verre, puisqu'elle était largement implantée dans l'enlumi­nure et la peinture murale de l'Ouest depuis le XIe siècle."

Ce graphisme linéaire qui condi­tionne en quelque sorte la technique d'application de la peinture dans nos trois ensembles paroissiaux et dans quelques unes des séries les plus an­ciennes des vitraux des grands édi­fices de l'Ouest est aussi la marque de l'enluminure du Maine, de la Touraine et de l'Anjou, à la fin du XIe siècle. On le remarque dans quel­ques légendaires provenant de la Couture au Mans, quelques ma­nuscrits célèbres de Saint-Aubin d'Angers, une Vie du saint, une Bible et un Psautier, deux Commentaires sur les Psaumes et les feuillets de deux missels tourangeaux. La peinture murale offre aussi des té­moignages contemporains et conver­gents, notamment à la Tribune de Saint-Savin et dans les fresques de la Trinité de Vendôme. Dans les deux premiers tiers du XIIe siècle, ce goût pour le trait se maintient : plusieurs livres enluminés à Angers (Bibl. mun. ms 25, fol. 1.) et au Mans  en témoignent, ainsi que l'œuvre remarquable d'un peintre dont on connaît huit livres, qui a tra­vaillé à la Trinité de Vendôme après avoir peut-être été formé à Tours. Cet artiste a en effet par­ticipé à la décoration d'un livre ex­ceptionnel, les Moralia in Job, dont l'appartenance au Trésor de la cathé­drale tourangelle n'est attestée que depuis le XVe siècle, mais qui par son style doit être attribué au milieu tou­rangeau, et par sa richesse à la cathédrale  (fig. 16. Moralia in Job, initiale figurée, Tours, Bibl. mun. 321, fol. 106). Pour cette pé­riode la peinture murale illustre égale­ment cette prédilection pour le trait : les fresques d'Allouis et du Liget sont à cet égard assez convaincantes.

Outre ces qualités graphiques dans le traitement de la figure, communes à un vaste milieu, le style de nos vitraux montre « dans l'agen­cement des scènes, une intensité dynamique» pour reprendre la formule que François Avril applique à la pein­ture romane de l'Ouest. Les compositions sont claires et organi­sées autour d'un axe central, les per­sonnages se détachent nettement sur les fonds, leurs attitudes aux silhou­ettes longilignes et incurvées sont dy­namiques, les membres très fins se tordent et se meuvent en imprimant un rythme à la scène, les personnages communiquent entre eux par le re­gard. Ces caractères donnent une im­pression générale de mouvement, de tension, de rythme et, en même temps, d'élégance, de calme et de re­tenue." (Granboulan, 1991).

Anne Grandoulan compare alors un vitrail du "calvaire"  du village de Les Essards en Touraine avec l'Ascension du Mans :

"le style de ce petit Calvaire se retrouve presque à l'iden­tique, malgré la différence d'échelle, dans la célèbre Ascension de la cathé­drale du Mans. En effet, si les proportions des personnages sont légèrement plus courtes aux Essards, leur minceur, la courbure de leur silhouette et le rythme que celle-ci donne à l'image sont comparables dans les deux vitraux; on ne retrouve cette élégance que dans le médaillon très mal conservé de l'An­nonciation de la cathédrale d'Angers. Ni le vitrail de Chemillé, ni celui de Chenu, pas même les pan­neaux de la cathédrale du Mans at­tribués par L. Grodecki à l'atelier de l' Ascension — Sommeil des mages, Saint Pierre délivré de ses liens, et le Miracle de saint Julien du Mans — ne montrent autant de raffinement et de retenue dans les attitudes et les drapés.

La position du saint Jean des Es­sards rappelle celle des apôtres à gauche du registre inférieur de l'As­cension du Mans . Détail plus technique, la coupe très délicate dans un même verre du visage et de la main de la Vierge des Essards, ainsi que la découpe en pointe effilée de sa robe bleue, dont la précision à cette échelle témoigne d'une extraordinaire maîtrise, sont des constantes au Mans.

D'autre part le dessin des visages est si proche que les deux Vierges semblent avoir la même expression, et celui des drapés présente des ana­logies frappantes : outre le pli en V, fréquent à l'époque romane, mais ici particulièrement aigu et étroit, on remarque la courbe précise qui sou­ligne le genou et les stries rayon­nantes plus fines et plus diluées qui l'accompagnent, et les mêmes « dou­bles croches » qui ponctuent les dra­pés dans le bas des retombées. Autres similitudes : les voiles des deux Vierges, la large manche de saint Jean et celles de plusieurs apôtres, les plis ronds sur les bustes qui vont en mourant vers l'épaule, les retroussés du périzonium du Christ et du voile de la Vierge des Essards, des robes des apôtres ou de celle de la Vierge dans l' Ascension.

Enfin un dernier élément rap­proche les deux œuvres : on constate qu'au Mans comme aux Essards, la technique de l'enlevé qui consiste à gratter les motifs décoratifs dans une couche de peinture uniforme, afin de les faire apparaître en clair, est moins utilisée qu'ailleurs.

Toutes ces analogies incitent donc naturellement à attribuer le Calvaire des Essards à l'atelier qui a exécuté l'Ascension du Mans [...]

L'attribution du Calvaire des Es­sards à l'atelier et vraisemblablement au peintre de l' Ascension du Mans, ainsi que les liens stylistiques de ces deux vitraux avec l'enluminure mancelle permettent alors de proposer une hypothèse pour leur date d'exécution, et ensuite de redéfinir la chronologie des verrières du XIIe siè­cle au Mans puis de préciser leurs liens avec celles de Poitiers.

En effet, bien que jusqu'ici la da­tation de l' Ascension ait suscité des opinions diverses, les auteurs s'accor­daient pour la situer avant 1150. L'hypothèse la plus haute, c'est-à-dire vers 1120, a été récemment soutenue par A. Mussat et C. Brisac, en en faisant une œuvre de l'épiscopat d'Hildebert de Lavardin, alors évêque du Mans de 1096 à 1125 avant d'être archevêque de Tours ; et l'on sait par les « Actes des évêques du Mans » qu'il poursuivit les travaux de construction de ses prédécesseurs et fit faire des vitraux pour la salle capitulaire. Pour sa part l'hypothèse basse, c'est-à-dire vers 1140, avait été proposée naguère par L. Grodecki qui pensait qu'aucune verrière entière ou partielle n'avait pu résister aux in­cendies de 1134 et 1137. La person­nalité rayonnante d'Hildebert nous conduit à estimer que la parenté sty­listique et technique avec le vitrail des Essards, malgré la différence d'échelle, rend très séduisante la da­tation haute, qui de plus concorde avec les autres comparaisons stylisti­ques, car Hildebert en quittant en 1125 le siège du Mans pour celui de Tours où il resta jusqu'à sa mort en 1132, a sans doute pu poursuivre son œuvre de commanditaire avec les mêmes artistes. Comme le nouvel archevêque entreprit dès son élection une visite de son diocèse, il paraît lo­gique qu'il ait effectué à cette occasion des donations, en particulier dans l'église des Essards qui lui ap­partenait et dont il devait entretenir le chœur. Dans cette hypothèse le Calvaire des Essards daterait donc de l'épiscopat d'Hildebert à Tours, et il aurait été conservé lors de la re­construction du chœur un siècle plus tard."

 "Les panneaux conservés de l'As­cension, complétés par un registre su­périeur aujourd'hui disparu et par une bordure végétale, fermaient une ouverture un peu plus large que celle des bas-côtés où ils se trouvent ac­tuellement, peut-être une fenêtre basse du chœur dont Hildebert fit rénover la décoration pour la dédi­cace de 1120. Cette Ascension démembrée et le Sommeil des mages auraient survécu aux incendies dont on ne connaît pas vraiment le degré de gravité." Anne Granboulan, 1994

 

 

 

Baie XVI, vue générale.

Baie XVI, vue générale.

Baie XVI, les quatre panneaux du XIIe siècle.

Baie XVI, les quatre panneaux du XIIe siècle.

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (II) Verrière de l'Ascension.
Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (II) Verrière de l'Ascension.
Baie XVI : registre inférieur gauche :Ascension, groupe de trois apôtres (v.1140-1145).

Baie XVI : registre inférieur gauche :Ascension, groupe de trois apôtres (v.1140-1145).

Baie XV, registre inférieur droit. Trois apôtres (v. 1140-1145).

Baie XV, registre inférieur droit. Trois apôtres (v. 1140-1145).

Baie XVI, registre supérieur gauche : trois apôtres à la droite de la Vierge (v. 1140-1145)..

Baie XVI, registre supérieur gauche : trois apôtres à la droite de la Vierge (v. 1140-1145)..

Baie XVI, registre supérieur droit : trois apôtres à la gauche de la Vierge (v. 1140-1145)..

Baie XVI, registre supérieur droit : trois apôtres à la gauche de la Vierge (v. 1140-1145)..

Baie XVI, registre supérieur  :  Vierge couronnée et nimbée (v. 1140-1145)..

Baie XVI, registre supérieur : Vierge couronnée et nimbée (v. 1140-1145)..

SOURCES ET LIENS

BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

GRANBOULAN (Anne). "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest." In: Revue de l'Art, 1994, n°103. pp. 42-52.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

LEDRU, (Ambroise) 1895 "Le vitrail de l'Ascension à la cathédrale du Mans", Province du Maine, t.3, 1895, p. 153. Gallica."C'est une peinture ascétique exécutée entre un reliquaire et un missel, quelque chose comme un croquis chinois et une peinture du Mont Athos" disait de cette verrière de l'Ascension M. Hucher".


Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (I).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale Saint-Julien du Mans (I). Baie XIV et XV.

Voir aussi sur ce blog sur la cathédrale du Mans :

Les parties les plus anciennes de la cathédrale du Mans, datent du dernier tiers du XIe siècle. Le chœur entrepris par l'évêque Vulgrin vers 1060 s'écroula peu après et l'évêque Arnaud en fit raser les ruines pour bâtir un nouveau chœur, œuvre achevé par Hoël* sous son pontificat de 1085-1096, faisant achever le transept, commencer la nef et ornant le chœur et les croisillons de vitraux. Hildebert de Lavardin** (1096-1126) termina la nef et les collatéraux et l'édifice fut consacré en 1126 ; on sait qu'il commanda des vitraux pour la salle capitulaire. Deux incendies de 1134 et 1138 imposent la restauration de la cathédrale jusqu'en 1158, date de la nouvelle dédicace par Guillaume de Passavant, dotant l'édifice d'une nef de 55 m de haut et 23 m de large. On ignore si tous les vitraux de Hoël et de Lavardin ont été détruits par les incendies. De 1220 à 1257, l'ancien chœur d'Arnaud est démoli et remplacé par un nouveau chœur à double déambulatoire et chapelles rayonnantes. De nouvelles verrières à thèmes légendaires (ceux du XIIIe siècle, gothiques) sont créés pour ces chapelles vers 1235.

*Hoël, ayant rapidement achevées travaux de l'élévation du transept commencé par son prédécesseur Arnaud, implanta les murs extérieurs de la nef du bâtiment actuel, il fit paver le chevet d'Arnaud et le décora, comme les deux bras du transept, de beaux vitraux. Vitreas quoque, per ipsum cancellum perque cruces circumquaque, laudabili sed sumptuosa nimium artis varietata disponeus, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, Busson in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383. Eugène Hucher avait émis l'hypothèse, qui n'a pas été réfutée définitivement, que les 4 panneaux de l'Ascension dataient de Hoël.

** Hildebert de Lavardin, Actus pontificum p. 400 :...domum capituli , que ibi, ex multo tempore, nulla penitus habebatur, laudabili opere cepit a fundementia construere, eamque decenter et undique vitreis illustravit ... L'attribution des vitraux du XIIe à son épiscopat a été discutée par Hucher, par A. Dieudonné (1898) (Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, page 80) et par C. Brisac (1981) mais surtout par Anne Granboulan (1991)

Outre ceux de Hoël et de Lavardin, les premiers vitraux, romans, durent être réalisés de 1136 à 1158. Nous n'en conservons que les éléments fragmentaires de ce qui a du être un groupe de l'Ascension, un Jugement Dernier, une suite de l'Enfance du Christ, la Vie ou le Martyre de saint Étienne, et la Vie de saint Julien, patron de la cathédrale. Seul ce dernier ensemble est encore à sa place initiale dans la fenêtre occidentale. Les autres furent utilisés en bouche-trous des verrières gothiques après les destructions des huguenots en 1562. En 1876, les maîtres-verriers Steinheil et Coffetier récupérèrent les panneaux du XIIe siècle disséminés, et les regroupèrent dans la nef, où ils se trouvent actuellement, non sans montages factices, et recompositions contestables. Aujourd'hui, il n'est pas possible de décrire la disposition initiale de ces vitraux, ni d'être certain de la date de leur création.

La Baie XIV : Jugement Dernier. Vers 1160.

Lancette de plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m. de large, composite, faite d'un fragment d'un Jugement Dernier en 3 médaillons superposés. Ces fragments témoignent selon C. Brissac d'une vaste composition à l'origine, de taille monumentale, incluant des médaillons avec d'autres apôtres, des anges, des morts sortant de leurs tombeaux. Ce thème privilégié du val de Loire (peintures murales) était généralement placé au revers des façades occidentales. Le Christ en croix est très restauré, et, initialement, cette représentation eschatologique était au centre d'un cercle à fond rouge et le nimbe crucifère empiétait sur l'encadrement aujourd'hui disparu.

Par contre, les deux médaillons à fond clair sont relativement bien conservés.

"La distribution spatiale des personnages qui mordent sur le cadre, le découpage des drapés en plages triangulaires, les expressions pensives des visages longs et tristes soulignent la sensibilité de cet atelier aux nouveaux courants byzantinisants? Ces derniers modifient les données formelles dans beaucoup de centres artistiques européens dès les années 1150. [...] Ces contacts avec l'Orient méditerranéen ont été revivifiés par la pénétration anglaise après l'union d'Aliénor et d'Henri II Plantagenet en 1152. Enfin, la simplification du décor des filets d'encadrement et des fermaillets annonce déjà les modèles de la seconde moitié du XIIe siècle".

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (I).
Christ en buste, montrant ses plaies (incomplet, très restauré).

Christ en buste, montrant ses plaies (incomplet, très restauré).

Le Mans, Baie XIV : Quatre apôtres assis.

Le Mans, Baie XIV : Quatre apôtres assis.

Baie XIV, détail.

Baie XIV, détail.

Deux anges présentant la croix.

Deux anges présentant la croix.

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (I).

Baie XV. Composite.

Baie en plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m. de large faite de trois registres de médaillons vers 1150 au centre et de 4 registres de scènes insérées en bordure et datant de vers 1200.

Restauration en 1900-1902 par Steinheil.

Baie XV (détail)

Baie XV (détail)

Baie XV, médaillon supérieur : quatre personnages, v.1150.

Baie XV, médaillon supérieur : quatre personnages, v.1150.

Jésus parmi les docteurs (v. 1150).

Jésus parmi les docteurs (v. 1150).

Baie XV : Descente aux Limbes (v. 1150).

Baie XV : Descente aux Limbes (v. 1150).

L'Église couronnée par saint Pierre (bordure, 1er élément en bas à gauche), 1200.  Inscription ECCLESIA PETRUS.

L'Église couronnée par saint Pierre (bordure, 1er élément en bas à gauche), 1200. Inscription ECCLESIA PETRUS.

Baie XV : Pèlerins d'Emmaüs, v. 1200. Bordure gauche, 2ème registre à partir du bas.

Baie XV : Pèlerins d'Emmaüs, v. 1200. Bordure gauche, 2ème registre à partir du bas.

Baie XV, Apparition du Christ à Marie-Madeleine (Noli me tangere) v. 1200. Bordure, 3ème registre gauche.

Baie XV, Apparition du Christ à Marie-Madeleine (Noli me tangere) v. 1200. Bordure, 3ème registre gauche.

Baie XV, Ange (v.1200). Bordure, registre supérieur gauche.

Baie XV, Ange (v.1200). Bordure, registre supérieur gauche.

Baie XV, ange (v. 1200) Bordure, registre supérieur droit.

Baie XV, ange (v. 1200) Bordure, registre supérieur droit.

Baie XV, Saint Pierre coupant l'oreille de Malchus, serviteur du Grand prêtre. v. 1200.

Baie XV, Saint Pierre coupant l'oreille de Malchus, serviteur du Grand prêtre. v. 1200.

Baie XV. Pilate se lavant les mains (v. 1200). Bordure droite, 2ème registre.

Baie XV. Pilate se lavant les mains (v. 1200). Bordure droite, 2ème registre.

Baie XV : la Synagogue soutenue par un prophète ou un Patriarche (v.1200)

Baie XV : la Synagogue soutenue par un prophète ou un Patriarche (v.1200)

SOURCES ET LIENS.

AUBERT M. 1954 "Les vitraux de la cathédrale du Mans » Une cathédrale en son pays. VIIe centenaire de la cathédrale du Mans p.23-27

BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

DIEUDONNÉ (A.) 1898 Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, archevêque de Tours (1056-1133): Sa vie.--Ses lettres Paris, Mamers https://archive.org/details/hildebertdelava00dieugoog

GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35

GRANBOULAN (Anne) 1994, "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest" Revue de l'Art Volume 103 pp. 42-52 Persée.fr :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

Résumé : Trois ensembles de vitraux, créés pour des églises paroissiales rurales des diocèses de Tours et d'Angers dans le deuxième tiers du douzième siècle, constituent une base pour l'étude des plus anciens vitraux de l'ouest de la France: vitraux de Chemille-surindrois (Indre-et-Loire), et de Chenu (Sarthe) conserves à Rivenhall (Essex). Par leur technique et par leur style, ils appartiennent au groupe des plus anciennes series de vitraux des grands édifices de l'ouest: cathédrales du Mans, d'Angers, de Poitiers, et abbatiale de Vendôme; le vitrail des Essards peut être attribue à l'atelier de l'ascension du Mans. L'iconographie de ces vitraux illustre la spiritualité de l'époque et est liée au combat contre l'hérésie; elle a sans doute été inspirée par les clercs patrons des édifices: archevêque et trésorier de Tours (les Essards et Chemille), et chapitre de Saint-Martin de Tours (Chenu) ces images illustrent la prédication contemporaine, notamment celle de Hildebert de Lavardin et de Geoffroi de Vendôme. Le style de ce groupe de vitraux, tres graphique et linéaire, est l'héritier de la peinture murale et surtout de l'enluminure dans la vallée de la Loire autour de 1100; il est également très proche du style d'œuvres peintes et enluminées dans le Maine, l'Anjou et la Touraine jusqu'au milieu du douzième siècle, notamment de livres enlumines à Tours et à Vendôme vers 1150. En conclusion, ces verrières témoignent de la peinture sur verre a tours au douzième siècle, de la circulation des artistes, et elles montrent l'importance de la tradition picturale de Tours et de sa région dans la diffusion de ce style dans la peinture sur verre.

— GRODECKI (Louis) 1961 Les vitraux de la cathédrale du Mans

GUÉRIN (Paul) 1888, Les petits Bollandistes : vies des saints de l'Ancien et du Nouveau Testament, des martyrs, des pères, des auteurs sacrés et ecclésiastiques ..., notices sur les congrégations et les ordres religieux, histoire des reliques, des pèlerinages, des dévotions populaires, ..."Paris https://archive.org/stream/lespetitsbolland05gu#page/n5/mode/2up

HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (V).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (V). Baie XIX, Vie de saint Étienne.

Baie de plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m de large dans la nef coté nord, première baie à l'ouest, à l'angle de la façade occidentale. Trois registres sous forme de trois médaillons circulaires.

"La technique picturale y est d'une admirable acuité dans la pose du trait, d'une extraordinaire préciosité dans le rendu des ornements dégagés à la pointe sur la grisaille peinte. Tout détail décoratif se métamorphose en une invention formelle dans son dessin et son traitement. Les formes sont d'une grande plasticité, tel le corps arqué de saint Étienne gardé par les animaux. L'organisation des compositions est subtile, tantôt asymétrique, tantôt centrée sur le héros souffrant comme dans la Lapidation. Cette articulation des protagonistes autour du personnage principal s'observe aussi aux vitraux de la façade de Chartres. De même, la distribution des plis, la morphologie des visage, la souplesse des mouvements dérivent de cette tradition, mais ce maître la dépasse par son propre génie créatif." (C. Brisac, 1981)

Ces trois médaillons forment un ensemble avec les deux médaillons inférieurs de la baie XVII et proviennent certainement d'une seule verrière primitive dont on ignore l'emplacement originel. Il s'agissait donc d'un cycle de la Vie de saint Étienne. En effet, les inscriptions des cinq médaillons sont similaires : "la longueur du texte, la présence du mot ubi et l'emploi du passif dénotent une même intention d'expliquer le contenu des scènes par le texte." (Debiais, 2010).

La Baie XVII était consacrée aux épisodes de l'Invention des reliques (fêtée le 3 août) alors que les deux premiers médaillons de la baie XIX renvoient aux épisodes rapportés par les Actes des Apôtres :

Actes des Apôtres 7 :

56 exclamantes autem voce magna continuerunt aures suas et impetum fecerunt unianimiter in eum

57 et eicientes eum extra civitatem lapidabant et testes deposuerunt vestimenta sua secus pedes adulescentis qui vocabatur Saulus

58 et lapidabant Stephanum invocantem et dicentem Domine Iesu suscipe spiritum meum

59 positis autem genibus clamavit voce magna Domine ne statuas illis hoc peccatum et cum hoc dixisset obdormivit Saulus autem erat consentiens neci eius

"Et il dit: Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu. Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent. Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul. Et ils lapidaient Étienne, qui priait et disait: Seigneur Jésus, reçois mon esprit!" (Trad. L. Segond)

Pour respecter la cohérence du récit, je débuterai par le registre inférieur.

Le Mans Baie XIX vers 1155.

Le Mans Baie XIX vers 1155.

 Registre inférieur : Arrestation de saint Étienne.

La ville de Jérusalem est représentée à gauche avec ses murailles, ses édifices et surtout l'une de ses portes, par laquelle Étienne est expulsé. le martyr est vêtu d'une tunique dorée ornée de macarons à quadrilobes, qui est la même sur les trois médaillons (et sur le médaillon de la baie XVIII ). Étienne était le premier diacre  martyr de l'Église, l'un des sept hommes choisis pour aider les apôtres :

Actes 7:2 "Les douze convoquèrent la multitude des disciples, et dirent: Il n’est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables. 3 C’est pourquoi, frères, choisissez parmi vous sept hommes, de qui l’on rende un bon témoignage, qui soient pleins d’Esprit-Saint et de sagesse, et que nous chargerons de cet emploi. 4 Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère de la parole. 5 Cette proposition plut à toute l’assemblée. Ils élurent Etienne, homme plein de foi et d’Esprit-Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas, et Nicolas, prosélyte d’Antioche. 6 Ils les présentèrent aux apôtres, qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains. 7 La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi."

S'il porte la dalmatique de diacre, c'est par anachronisme, celle-ci étant apparue au IV ou Ve siècle, avec ses claves (bandes de tissu) pourpres.  Dans sa Lettre, le prêtre Lucien raconte comment le saint lui apparu en vision : « Le Saint était vêtu du sticharion  de lin des Diacres, sur lequel était brodé son nom en lettres rouges et or ». Le sticharion, qui fait partie de la paramentique des églises orientales, est une aube longue et droite, à larges manches pour les diacres. En voici des exemples :

     

De même, Étienne apparaît ici tonsuré, ce qui est parfaitement cohérent (en oubliant l'anachronisme) pour un diacre, la tonsure étant le premier degré de la cléricature.

 Parmi les sept diacres de la communauté de Jérusalem, Étienne, chef des héllenistiques, se distingua en faisant des miracles, et sa puissance ostencible déplut aux Juifs de la synagogue des Affranchis :

Acte 7:8 "Etienne, plein de grâce et de puissance, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple. 9 Quelques membres de la synagogue dite des Affranchis, de celle des Cyrénéens et de celle des Alexandrins, avec des Juifs de Cilicie et d’Asie, se mirent à discuter avec lui; 10 mais ils ne pouvaient résister à sa sagesse et à l’Esprit par lequel il parlait. 11 Alors ils soudoyèrent des hommes qui dirent: Nous l’avons entendu proférer des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu. 12 Ils émurent le peuple, les anciens et les scribes, et, se jetant sur lui, ils le saisirent, et l’emmenèrent au sanhédrin. 13 Ils produisirent de faux témoins, qui dirent: Cet homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et contre la loi; 14 car nous l’avons entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données. 15 Tous ceux qui siégeaient au sanhédrin ayant fixé les regards sur Etienne, son visage leur parut comme celui d’un ange."

Dans la ville, de loin, un témoin — sans doute un chrétien—  observe la scène. Trois hommes aux visages grimaçants, en tunique courte et hauts de chausse, expulsent le diacre. Le jeu violent des mains et des gestes est le même que celui des Passions lorque le Christ est mené devant Pilate ou devant le Grand prêtre, où qu'il est outragé.

 

Inscription:  dans un bandeau noir au dessous de la scène :

VBI. STEPH' . EICITVR . EXTRA . CIVITATE.

 

Transcription : Ubi Stephanus eicitur extra civitate "Où Étienne est conduit hors de la cité". Le nom Stephanus est abrégé par une apostrophe après le H. De nombreuses lettres conjointes sont remarquables, comme V et B dans ubi, V et R dans eicitur, T et R dans extra. Dans civitate, le I est enclavé dans le C.

Cette inscription est calquée sur le texte de la Vulgate et eicientes eum extra civitatem.

 

 

Le Mans Baie XIX "Arrestation de saint Étienne" vers 1155.

Le Mans Baie XIX "Arrestation de saint Étienne" vers 1155.

Baie XIX, "arrestation de saint Étienne" détail.

Baie XIX, "arrestation de saint Étienne" détail.

Deuxième registre : Lapidation de saint Étienne.

Sous le regard d'un donneur d'ordres qui tient une épée, trois hommes jettent des pierres sur Étienne. C'est le schéma iconographique habituel de la Passion du Christ qui est ici reproduite dans la scène de flagellation, avec les bourreaux aux jambes et aux bras nus, aux traits cruels et sardoniques et à la gestuelle de danse ou de jeu.

Au dessus, la main de Dieu indique qu'il garantit à Étienne la sainteté que lui vaut son martyre.

La position à genoux du diacre est conforme aux Actes :  59 positis autem genibus clamavit voce magna Domine ne statuas illis hoc peccatum et cum hoc dixisset obdormivit Saulus autem erat consentiens neci eius : "Puis, s'étant mis à genoux, il s'écria d'une voix forte: Seigneur, ne leur impute pas ce péché! Et, après ces paroles, il s'endormit."

A la réflexion, j'ai fait un contre-sens avec mon "donneur d'ordres qui tient une épée" car ce personnage n'est qu'un spectateur passif : c'est Saul, le futur saint Paul, mentionné par les Actes : "Les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul.". Je regarde à nouveau le vitrail, et je remarque qu'il tient effectivement en main un vêtement. En outre, je remarque qu'il présente la calvitie marquée d'un toupet, qui font partie, tout comme l'épée, des attributs pauliniens. La violence du martyre se déroule sous les yeux de Saul, qui reste complaisemment passif, et cet aspect de la scène, loin d'être anecdotique est parfaitement illustrée ici. Ce contraste entre le Saul d'avant la conversion et le Paul d'après Damas est riche en possibilité de prédications. Pour saint Augustin Sermo CCXV:4, ce sont les prières d'Étienne lors de son martyre qui ont permis la conversion de Saul : Orationi Stephani debetur conversio Sauli.

 

 

Inscription : dans un bandeau noir courbe placé au dessus de la scène.

S. STPH' . LAPIDATUR.

Sanctus Stephanus lapidatur : "Saint Étienne est lapidé"

Voir Saint Augustin, Sermon 31 Sermo CCXV In natali sancti Stephani et Sermo CCXI

Le Mans Baie XIX "Lapidation de saint Étienne" vers 1155.

Le Mans Baie XIX "Lapidation de saint Étienne" vers 1155.

 

 

Registre supérieur. Médaillon de l'Ensevelissement de saint Étienne.

La scène renvoie aux Actes des Apôtres 8:2  :

 curaverunt autem Stephanum viri timorati et fecerunt planctum magnum super illum

: "Des hommes pieux ensevelirent Étienne, et le pleurèrent à grand bruit."

Six personnages entourent le saint, dont un lecteur, un thuriféraire et un cruciféraire tonsurés. La main de Dieu sort des nuées pour une bénédiction. Pour expliquer une telle cérémonie, il faut faire appel à une autre source que les Actes des Apôtres : la Lettre du prêtre Lucien. Dans celle-ci, Lucien, curé de Caphar-Gamala, raconte la vision qu'il eut :

 

 

   "Je suis Gamaliel qui ai élevé Paul, l’apôtre du Christ, et qui lui ai enseigné la loi à Jérusalem. Celui qui est placé près de moi, dans le tombeau, du côté de l’orient, est le seigneur Étienne, que les princes des prêtres et les Juifs ont lapidé, à Jérusalem, pour la foi du Christ, hors de la ville, à la porte du nord, sur la route de Cedar, où il demeura un jour et une nuit, étendu par terre, sans sépulture, afin de devenir, selon l’ordre impie des princes des prêtres, la proie des bêtes sauvages. Mais Dieu ne voulut point qu’il reçût leurs atteintes. Les bêtes sauvages, les oiseaux de proie et les chiens respectèrent ces restes précieux. Et moi, Gamaliel, plein de compassion pour le sort du ministre du Christ, et de hâte pour recevoir ma récompense et avoir part avec ce saint homme dans la paix, j’ai envoyé, pendant la nuit, tous les hommes religieux que je connaissais croyant en Jésus-Christ et habitant à Jérusalem, au milieu des Juifs, et leur fis toutes mes recommandations. Je leur donnai tout ce qui leur était nécessaire et les déterminai à se rendre secrètement sur le lieu du supplice pour enlever le corps et le porter, dans un de mes chars, à ma maison de campagne appelée Caphargamala, c’est-à-dire maison de campagne de Gamaliel, à vingt milles de la ville. Là je lui fis des funérailles qui durèrent quarante jours, et je le fis déposer dans le monument que je m’étais fait faire à cet endroit, dans la case située du côté de l’orient, et j’ai fait donner à ces gens de quoi subvenir à tous les frais de ces funérailles ? Dans l’autre case fut placé le seigneur Nicodème, le même qui alla trouver Jésus pendant la nuit "

 

  La scène représentée sur le vitrail est donc vraisemblablement liée aux funérailles d'Étienne, à Caphar-Gamala, par Gamaliel, docteur de la loi qui, dans Ac 5,34-39, prit la défense devant le sanhédrin des apôtres, et dont Saul/Paul suivit l'enseignement.

L'Invention —la découverte— des reliques de saint Étienne  a eu lieu en 415, du temps de saint Augustin, mais :

 

 

"Les reliques d'Étienne sont découvertes en décembre 415 par un certain Lucien à Kfar Gimal sur la route d'Éleuthéropolis (aujourd'hui Beit Guvrin) en Palestine, avec celles de Gamaliel, de Nicodème et d'Abibos, le fils de Gamaliel. Ceci fait l'objet d'une lettre que le prêtre Lucien adresse à un certain Avitus, diacre de passage en Palestine. Cette lettre, très répandue, existe principalement en deux recensions latines. Ce récit doit être comparé à une Passio (un récit du martyre) dont il existe d'assez nombreux témoins dans toutes les langues de l'Orient chrétien. Comme une fête d'Étienne est attestée le 26 décembre dès avant l'invention des reliques (dans le calendrier syriaque de 411) de même que des homélies patristiques, il est fort possible qu'une couche ancienne de ce récit soit antérieure à l'invention des reliques. Parmi les nombreuses révélations de reliques qui se succèdent aux IVe et Ve siècles après Jésus-Christ , une des mieux connues, comme aussi des plus célèbres et des plus importantes, est celle des reliques de Saint-Étienne à Caphar-Gamala près de Jérusalem en décembre 415.

Les circonstances en ont été racontées plus d'une fois : l'évêque Jean de Jérusalem s'apprêtait, le 17 ou 18 décembre 415, à se rendre au concile provincial de Diospolis pour y soutenir Pelage contre les attaques d'Orose et des évêques Hiéron et Lazare , lorsque se présenta le curé de Caphar-Gamala [Lucienvenu lui annoncer la révélation qu'il avait reçue : par trois fois, Gamaliel lui était apparu pour lui enjoindre de faire élever ses reliques avec celles de son fils Abibas, de Nicodème et du protomartyr Etienne. Jean chargea son interlocuteur de mener les recherches, se réservant d'ailleurs les reliques du protomartyr.

Le lendemain ou le surlendemain, un messager le rejoignit à Lidda, lui annonçant que les fouilles avaient abouti : une nouvelle vision, adressée cette fois à un moine de l'endroit, avait précisé que les Saints se trouvaient dans un tombeau en ruines, au Nord d'un tertre où Lucien avait d'abord fait porter les recherches. L'évêque s'en vint donc avec deux collègues reconnaître les reliques; le 26 décembre il procéda à leur translation solennelle dans l'église de la Sainte-Sion. Lucien gardait cependant les ossements moins importants et la poussière qui avait été la chair du. Saint.

En ce moment même, Paul Orose se préparait à quitter la Palestine ; il avait en somme subi un échec en n'obtenant pas la condamnation de Pelage à Diospolis et personnellement il était dans les plus mauvais termes avec Jean de Jérusalem. Comme il manifestait l'intention de rentrer en Espagne, un de ses compatriotes, le prêtre Avit , le chargea de faire parvenir à Braga quelques reliques obtenues « secrètement » de Lucien; pour les authentiquer, il y joignait une lettre à son évêque, Balchonius, ainsi que la traduction, qu'il venait d'achever, de la relation du curé de Caphargamala. L'envoi ne parvint d'ailleurs pas à destination, et les reliques furent partagées entre Minorque et Uzalis en Afrique. Ces translations donnèrent le branle à un mouvement de pèlerinage et à un culte dont l'amplitude et la ferveur nous sont attestées par saint Augustin (15) et par la collection des Miracula Uzali .

Le clergé de Jérusalem se montrait généreux dans la distribution des reliques, et le culte de saint Etienne ne tarda pas à se répandre dans tout l'Occident ." S. Vanderlinden (1946)

Saint Augustin témoigne de la réalité de cet évenement en le mentionnant dans 6 sermons sur saint Etienne (sermones 314-319), (sermones 320-324), et dans la collection des miracles du de Civitate Dei. Les recensions de la Lettre du prêtre Lucien sont attestées en grecque, arménien, géorgien ou éthiopien, mais surtout en latin dans de nombreux manuscrits dont ceux du Xe au XIIe siècle permettent de s'assurer que l'évêque du Mans commanditaire en avait connaissance.

Inscription :

SCS ; STEPHANVS PONITR IN SEPVLCRO

Sanctus Stephanus ponitur in sepulcro. "Saint Étienne est mis au tombeau". Le N de ponitur est perlé.

 

 

 

Le Mans Baie XIX Médaillon supérieur : "Ensevelissement de saint Étienne" vers 1155.

Le Mans Baie XIX Médaillon supérieur : "Ensevelissement de saint Étienne" vers 1155.

SOURCES ET LIENS.


 BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

 — BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium,  in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

— GRANBOULAN Anne. "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest." In: Revue de l'Art, 1994, n°103. pp. 42-52. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

— GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35

 

— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

 — HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron 

 

— VANDERLINDEN S.  1946 "Revelatio Sancti Stephani (BHG 7850-6)" Revue des études byzantines  vol. 4 pp. 178-217  http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1946_num_4_1_939#

 

 


 

 

 

 BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

 — BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium,  in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

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— GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35

 

— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

 — HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron 

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (VI).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (VI).

Baie XX, ou Invention des reliques de Gervais et Protais et martyres de leurs parents saint Vital et sainte Valérie.


En 2003, Claudine Lautier montrait combien les vitraux de Chartres étaient tributaires des reliques détenus entre 1194 et 1215 par la cathédrale, ces reliques, qui garantissaient le pouvoir du sanctuaire — et, par suite, de son évêque — constituant son véritable Trésor, tout en motivant les dons des fidèles et de la noblesse. Cette démonstration peut aussi s'appliquer à la cathédrale du Mans.

Les Actus pontificum in urbe degentium ou Chronique de l'Église du Mans font remonter l'origine légendaire du sanctuaire manceau à saint Julien du Mans, et rapportent que dans le second tiers du VIe siècle, l'évêque Innocent l'avait complété de deux ailes. Les autels de ces ailes étaient dédiés à la Vierge et à saint Pierre, tandis que l'abside abritaient les reliques de saint Gervais et de saint Protais (Mussat, 1981). Selon la pseudo-épître d'Ambroise (Ep. 22,2 Pl.16 ) les reliques de ces saints milanais avaient été découvertes sous l'empereur Théodose par saint Ambroise en 386 et vénérées à Milan. Saint Ambroise donna des reliques des saints Nazaire, Protais et Gervais à saint Victrice de Rouen qui immortalisa leur arrivée à Rouen dans son De laude sanctorum (397). Distribués par saint Martin qui avait obtenu des linges imprégnés du sang du martyre, les reliques sont aussi mentionnées à Vienne (attestée par l'épitaphe de Foedula) , mais aussi Tours (ou à Saponaria près de Tours) dès 447. Paulin de Milan rapporte aussi l'invention (la découverte) par Ambroise des reliques des saints Vital et Agricola à Bologne en 393 et celles de Nazaire et de Celse à Milan en 396. C'est en 415 (voir Baie XVII et XIX) que le tombeau de saint Étienne a été découvert à Caphargamala, et plus tard, ses reliques pénétrèrent en Gaule où on les retrouve près de Tours, à Bourges ou à Bordeaux.

En effet, c'est en 313 que l’empereur Constantin a reconnu la liberté de l’Eglise, fin officielle des persécutions de l’état romain contre le christianisme et point de départ d’une transformation de cet empire en empire chrétien. C'est le premier siècle de l’empire romain chrétien, le premier siècle de fonctionnement de l’Eglise chrétienne au grand jour, le premier siècle de l’exercice du culte chrétien sans menace de persécution. Le IVe siècle est donc aussi le premier siècle de production des institutions et des réglements de l’Eglise, de définition théologique de la foi chrétienne, d’élaboration de la liturgie et des formes de la piété. C’est aussi le premier siècle d’un culte rendu publiquement à des défunts considérés comme “saints” dans l’Eglise. Le culte des martyrs prend son essor au IVè siècle. Les vitraux du XIIe siècle du Mans sont donc étroitement liés à ces épisodes d'invention des reliques du IVe et Ve siècle, aux cultes qu'ils engendrèrent en Gaule, et aux autels qui furent dédiés à ces martyrs au Mans.

Cette dévotion s'accompagne, dès saint Jérome et avec saint Augustin, d'une nouvelle théologie des reliques admettant la protection des morts par les saints. L'attitude d'Augustin envers les reliques a évoluée précisément à la suite du développement du culte des martyrs à son époque: Gervais, Protais, mais surtout en 424 l'arrivée des reliques d'Etienne à Hippone. Le culte des reliques dans la Cité de Dieu (Livre X) conduit au Christ ressuscité. Ce sens théologique qu'Augustin définit est étayé par les miracles suscités par les reliques dans sa vision d'une foi en la Résurrection : à la différence du paganisme, le christianisme n'est pas une religion de morts mais de vivants. Augustin insiste bien sur la différence entre le culte rendu à Dieu (adoration) et la vénération des reliques.

Le lien entre les reliques et l'Eucharistie apparaît aussi dans la mesure où les reliques amènent à mieux comprendre le sens de l'Eucharistie, le mémorial qui est célébré, le sacrement de la Résurrection qui est donné. Un parallèle est mené entre la Passion du Christ et le martyr subi par les saints, martyr dont le récit porte souvent le nom de Passio. Mais cette mort a été aussi le moment d’une nouvelle naissance, la naissance à la vie éternelle auprès de Dieu. Aussi la date de la mort du saint est-elle son “natalis”, jour de naissance. C'est ce parallèle que les imagiers créateurs des vitraux s'évertuent à souligner en reprenant les mêmes attitudes, la même organisation de l'espace dans les Vies des Saints et dans les Scènes de la Vie du Christ.

La présence réelle des reliques dans les autels garantit la capacité de guérison et de bénéfices lors des pratiques cultuelles car l'activité thaumaturgique est assurée par la présence vivante du saint dans la chapelle qui lui est dédiée et des autels consacrés. «Les bras et les mains figuraient par ailleurs parmi les plus précieuses parties des corps saints après la tête, puisque c'est avec leur bras et leur main que, de leur vivant, les saints accomplissaient les gestes de bénédiction et de guérison, et transmettaient ainsi la virtus divine».

Les vitraux n'assurent pas seulement un rôle de documentation pédagogique pour le fidèle ; il existe une relation étroite entre Lumière et relique, et les vitraux diffusent une lumière sacralisée semblable à celle qui accompagne les théophanies : ils révèlent la virtus divine ici présente. Ils délimitent un espace sacré particulier.

La tapisserie de Protais et Gervais.

Dans la cathédrale du Mans, une tapisserie, tendue à l'intérieur du chœur (hélas déposée et non visible), de Saint Gervais et saint Protais avait été offerte par Martin Guérande en 1509-1510. D'une longueur totale de 30 m, elle comprend cinq pièces de 1,50 m de haut. Ses 17 scènes historiés de la Vie et du Martyre des saints supposaient une dévotion active de la part des fidèles, qui étaient invités à réciter un pater et un ave à chaque pilastre qui la suspendait. Les tituli (légendes inscrits en bas des tapisseries) sont en français, et sont donc destinés au peuple, et non au clergé. Une correspondance peut s'établir entre les tapisseries et les vitraux, entre les tituli et les inscriptions. Cette œuvre montre la réalité et l'importance du culte des deux martyrs au XVIe siècle.

Baie XX.

Baie en plein cintre de 3,10 m de haut et 1,35 m de large, occupant la façade occidentale au sud de la baie centrale.Verrière composite associant l'invention des reliques des saints Gervais et Protais avec le martyre de leurs parents Vital et Valérie. Quatre registres, les deux registres inférieurs à médaillon. Nombreuses restaurations par Steinhell en 1898.

1. Les deux médaillons inférieurs illustrent l'invention des reliques des saints Gervais et Protais.

Ces jumeaux étaient fils de saint Vital de Ravenne et de la bienheureuse Valérie et vivaient au 1er siècle sous le règne de l'empereur Néron. Ce sont des saints martyrs chrétiens fêtés localement le 19 juin. Ayant refusé de sacrifier aux idoles, Gervais fut fouetté jusqu'à la mort. Protais fut suspendu à un chevalet, puis décapité. Un chrétien du nom de Philippe s'empara de leurs deux corps et les fit ensevelir sous une voûte de sa maison. Ensuite, il plaça dans leur cercueil un écrit contenant le récit de leur vie et de leur martyre. Ceci se passait en 57 sous le règne de Néron.

Leur histoire est connue notamment par la Légende dorée de Jacques de Voragine mais les traces scripturaires sont beaucoup plus anciennes.

Le Mans, baie XX, vers 1180 et 1200-1210..

Le Mans, baie XX, vers 1180 et 1200-1210..

Registre inférieur. Invention des reliques de Gervais et Protais. 

Panneau en forme d'amande. Saint Paul apparaît à saint Ambroise et lui révèle l'emplacement du corps des martyrs saint Gervais et Protais.

Titulus de la tapisserie du chœur : "Comment saint Paul, longtemps après, revela a saint Ambroise, lors evesque de Millan, les corps des dictz sainctz  afin qu'il les fist lever."

Inscription.

Lettres blanches majoritairement capitales  dans un bandeau noir. O en navette.

AMBROSIVS. PAVLVS : Ambrosius ; Paulus :  "Ambroise, Paul".

la partie AMBR- et PAVL a été restaurée.

Le Mans, Baie XX, apparition de saint Paul à saint Ambroise. Vers 1180.

Le Mans, Baie XX, apparition de saint Paul à saint Ambroise. Vers 1180.

Deuxième registre : Saint Ambroise fait procéder aux fouilles.

— Panneau octogonal au centre : deux personnages mitrès (évêques ??) pelles en mains découvrent le corps de Gervais et Protais.

— panneau rectangulaire gauche : un évêque surveille la scène précédente ; c'est a priori saint Ambroise évêque de Milan. Ses pieds sont posés sur un sol composés d'une succession d'arcades blanches. En arrière-paln représentation stylisée d'une ville et de ses murailles.

— panneau rectangulaire droit : trois ouvriers. Leur attitude traduit l'excitation curieuse face à  la découverte archéologique.

Le Mans, baie XX, Saint Ambroise fait procéder aux fouilles. vers 1180.

Le Mans, baie XX, Saint Ambroise fait procéder aux fouilles. vers 1180.

Baie XX, détail.

Baie XX, détail.

Troisième registre : sainte Valérie refuse d'adorer les idoles et subit le martyre.

Quatre panneaux rectangulaires.

Sainte Valerie de Milan (Valeria) ( morte vers 60) était la femme de saint Vital de Milan, et la mère de Saint Gervais et saint Protais. Elle a été martyrisée pour avoir enterré des martyrs chrétiens, puis pour avoir refusé de sacrifier aux dieux romains en mangeant la viande du sacrifice (au dieu Sylvain). Il est dit qu'elle était d'une famille noble, et qu'elle avait été baptisée à un âge précoce. Le pape régnant avait ordonné aux prêtres de la région d' organiser neuf decuries, chacune composée de cinq hommes et cinq vierges. Leur devoir était de recueillir les cadavres des chrétiens qui avaient été martyrisés dans le Colisée (Amphithéâtre Flavien) et autres lieux de martyre le jour précédent. Elle  a été rouée de coups, ce qui entraîna sa mort deux jours plus tard à Milan. (d'après Wikipédia en anglais)

Une mosaïque représentant Valeria apparaît dans la Basilique Saint-Apollinaire à Ravenne. Une église qui lui est dédiée à Milan a été détruit en 1786.




 

Le vitrail semble comporter deux scènes symétriques :A droite,Valérie, tête voilée, refuse de manger un animal  que lui présente un homme, accompagné de deux autres. La bête, cornue, sort d'une vasque, suggérant qu'elle a été offerte en sacrifice à des dieux païens. Un roi ou empereur assis sur une cathèdre dans son palais fait avec la main un geste lui intimant l'ordre d'obtempérer.

 A  gauche, Valérie, la tête couverte d'une coiffe ou guimpe est battue par trois hommes, alors que, face à elle, un homme tenant une épée sort par la porte d'une ville.

Cette scène était représentée sur la tapisserie du chœur avec le titulus suivant : "Comment Valerie après le trespas de son mary Vital pour ce qu'elle ne voulait pas adorer les ydolles fut par aucuns paÿens tant batue qu'ilz la cuyderent morte puis fut portée a Millan et la rendit son ame a Dieu"

 

 

Inscription.

Dans un cartouche noir, en lettres capitales blanches (mais le R peut évoquer l'onciale) , S VALERIA  : Sancta Valeria "Sainte Valérie. A à plateau débordant.

Le Mans, baie XX, sainte Valérie refuse d'adorer les idoles et subit le martyre. Vers 1200-1210.

Le Mans, baie XX, sainte Valérie refuse d'adorer les idoles et subit le martyre. Vers 1200-1210.

Registre supérieur : saint Vital jeté dans un puits et lapidé.

Trois panneaux rectangulaires juxtaposés.

Titulus de la tapisserie du chœur : 

"Comment Vital a cause de ladicte exortacion par le commandement de Nero fu tiré en travail et depuis enfouy tout vif par le conseil du pretre des ydolles lequel pretre le dyable emporta visiblement."

A gauche, il est placé vivant dans un puits. la main de Dieu sort des nuées pour lui assurer sa bénédiction. A droite, il est lapidé.

Vital est le saint patron de la ville de Ravenne. La basilique de Ravenne consacrée le 17 mai 548, est dédié non seulement à S. Vitale mais aussi à ses enfants Gervais et Protais. Dans les mosaïques de S. Apollinare Nuovo, ils sont représentés tous les quatre .

Inscription.

Dans un bandeau noir, en lettres capitales blanches : S VITALIS : Sanctus Vitalis, "Saint Vital". La lettre S est barrée pour signifier l'abréviation S[anctus].

Baie XX, Martyre de saint Vital. Vers 1200-1210.

Baie XX, Martyre de saint Vital. Vers 1200-1210.

ANNEXE.

Copié-collé du site http://nouvl.evangelisation.free.fr/gervais_et_protais.htm

   "La vie et le martyre des bienheureux frères Gervais et Protais sera prise d'une épitre que saint Ambroise, archevêque de Milan et docteur de l'Église, écrivit aux évêques catholiques d'Italie, leur rendant compte de la faveur que Dieu lui avait faite en la découverte des corps des saints martyrs par le moyen d'une révélation qu'il eut.

 "Le carême passé, dit ce saint docteur, Dieu m'ayant fait la grâce d'avoir jeûné et d'être compagnon des autres chrétiens qui jeûnèrent, pendant que j'étais en oraison, le sommeil me saisit, de telle sorte pourtant que je n'étais ni éveillé ni endormi : ouvrant donc les yeux, je vis deux jeunes hommes vêtus de robes plus blanches que la neige, qui étaient en oraison les mains étendues. Comme j'étais assoupi, je ne pus leur parler, jusqu'à ce que m'étant bien réveillé, cette vision disparut. J'eus recours à Dieu et le suppliai que si c'était une illusion diabolique, il la rejetât loin de moi; mais que si c'était une révélation, il lui plût de me la manifester : et afin d'obtenir cette faveur de la Majesté divine, je redoublai mon jeûne.

Une autre nuit les mêmes jeunes hommes m'apparurent en la même façon que la première fois : et la troisième nuit, étant bien éveillé, parce que le jeûne m'empêchait de dormir, ils se représentèrent à moi, et avec eux une autre personne vénérable, qui ressemblait de visage à saint Paul, dont j'avais un portrait chez moi. Eux se taisant, le vieillard me parla en cette sorte : Voici ceux qui suivant mes remontrances ont méprisé les richesses, les héritages et les biens de la terre, dont ils n'ont rien prétendu pour imiter Jésus-Christ; ils ont persévéré dix ans continuels en cette ville de Milan au service de Dieu, avec tant de ferveur, qu'ils ont mérité la couronne du martyre. Leurs corps tout ici où tu es. Tu bêcheras douze pieds en terre, puis tu trouveras un coffre couvert, où sont leurs corps ; tire-le et le mets en un lieu éminent et honorable, et fais construire une église au nom de ces saints.

Je lui demandai leur nom et il me répondit : Tu trouveras un papier à leur chevet, et la révélation de ce qu'ils ont été dès le commencement jusqu'à la fin de leur vie.

Je convoquai tous mes frères, les évêques circonvoisins, et leur rendis compte de ce que j'avais vu; puis, prenant le premier un hoyau, je commençai à fouiller la terre ; et les autres firent comme moi, en sorte que nous trouvâmes le coffre que le saint apôtre nous avait dit. Nous l'ouvrîmes, et vîmes les saints aussi frais, leurs corps aussi vifs et aussi colorés que si on n'eût fait que de les y mettre alors. Il en sortait une très-suave odeur, et le papier qui fut trouvé sous leur chevet était écrit en ces termes-ci :

« J'ai, Philippe, serviteur de Jésus-Christ, assisté de mon fils, dérobé les corps de ces saints et les ai ensevelis dans ma maison. Leur mère s'appelait Valérie, et leur père Vital. Ils naquirent d'une même couche et furent nommés Gervais et Protais. Leurs parents, saint Vital, martyr, et sainte Valérie étant décédés, après avoir hérité de tous leurs biens, ils vendirent la propre maison où ils étaient nés, avec tous leurs autres biens, et en distribuèrent l'argent aux pauvres, ainsi qu'à leurs esclaves, auxquels ils donnèrent la liberté ; puis, s'étant enfermés en une chambre pour s'adonner à la lecture et à l'oraison, ils y demeurèrent dix ans, ne vaquant à autre chose qu'à servir Dieu, et, le onzième, ils acquirent la couronne du martyre.

En ce temps-là, un comte, nommé Astase, allait à la guerre contre les Marcomans (qui sont les peuples de la Moravie). Les prêtres, sortant de leurs temples au-devant de lui, lui dirent que s'il voulait remporter la victoire de ses ennemis, il contraignit Gervais et Protais, qui étaient chrétiens, de sacrifier aux dieux immortels, qui étaient irrités contre eux, à cause qu'ils leur dévoient l'adoration qui leur était due; qu'à cause de cela ils ne voulaient plus répondre à leurs demandes, ni départir aux peuples la faveur ordinaire de leurs oracles.

« Astase les fit chercher, et les ayant fait venir devant lui, il les pria qu'ils lui accordent ce contentement, et lui fissent ce plaisir de sacrifier aux dieux avec lui, pour le bon succès de son expédition, afin qu'il pût mettre fin à cette guerre comme il désirait, et que la victoire qu'il espérait de remporter fût célèbre par tout l'empire romain. Gervais lui répondit : La victoire, ô Astase ! se donne par le vrai Dieu du ciel; c'est de lui que vous devez espérer, et non de ces vaines statues de vos dieux, qui ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n'entendent point, un nez et ne flairent point, une bouche sans parler, des pieds sans se remuer, et qui n'ont esprit, ni vie, ni respiration.

« Astase ne prit pas plaisir à ce discours si hardi de Gervais : il le fit fouetter sur-le-champ avec des cordes plombées jusqu'à ce qu'il expirât. Gervais en ce tourment rendit son âme à Dieu.

Après avoir fait enlever de là son saint corps, Astase fit appeler Protais et lui dit : Malheureux, prends garde à toi, ne sois pas si fol que ton frère.

« Protais lui répondit : Qui est le plus misérable de nous deux, de toi qui me crains, ou de moi qui ne te crains en rien?

« — En quoi te crains-je, dit Astase, pauvre infortune!

« — Si tu ne me craignais point, dit le saint, tu ne me presserais pas si fort de sacrifier à tes dieux, et ne croirais pas que si je ne le fais, il t'en arrivera quelque perte dommageable. Mais parce que je ne te redoute aucunement, je ne me soucie pas de tes menaces, et ne fais non plus d'état de tes dieux que de la boue. J'adore ce seul Dieu qui règne aux deux.

« Astase, entendant cela, le fit battre avec des bâtons de nœuds, et après qu'il l'eut longtemps battu, il le lit lever, et lui dit : Protais, pourquoi es-tu si superbe et si rebelle? Tu veux mourir comme ton frère ?

« Le saint martyr répondit doucement : Je ne me fâche pas contre toi, Astase ! parce que je vois l'aveuglement de ton cœur, qui ne le permet pas de regarder les choses qui sont de Dieu. J'ai appris de Jésus-Christ qu'il ne dit pas un seul mot contre ceux qui le crucifiaient; au contraire, il pria son Père de leur pardonner, d'autant qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Et moi, suivant cet exemple, ô comte Astase! J’ai grande compassion de ce que lu ne sais peu ce que tu fais. Achève, je te prie, ce que tu as commencé, afin que je puisse jouir, conjointement avec mon frère Gervais, de la présence de Jésus-Christ.

« Le comte lui fit trancher la tête : et moi, Philippe, serviteur de Jésus-Christ, avec mon fils, je pris secrètement la nuit les corps de ces saints jumeaux, et les emportai en mon logis, où, n'ayant que Dieu pour témoin, je les mis en une auge de pierre que j'enterrai en ce lieu, espérant par leur intercession d'obtenir miséricorde de Notre-Seigneur, qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne aux siècles des siècles. -

"Voilà les termes de la lettre que saint Ambroise écrivit aux évêques d'Italie. Il en écrivit aussi une autre à sa sœur, où il lui mande que les corps des deux saints qu'il trouva étaient fort grands et d'une merveilleuse stature : et que, quand on les transporta en l'église Ambrosienne, ils guérirent un aveugle. Il envoya encore à sa sœur deux sermons qu'il prêcha à tout le peuple de Milan, où il rapporta plusieurs miracles que Dieu avait opérés par eux; il y reprend les hérétiques ariens, qui ne le croyaient pas, se montrant plus obstinés que les diables mêmes, qui étaient chassés des corps par la vertu des reliques de ces saints frères, et confessaient être tellement tourmentés en leur présence, qu'ils n'y pouvaient demeurer.

"Saint Augustin était à Milan lorsque les corps de ces glorieux martyrs furent découverts; et aux livres de la Cité de Dieu, il fait mention d'un aveugle qui recouvra la vue par leur moyen. En ses Confessions, il remarque que Notre-Seigneur fit ces miracles pour réprimer la fureur de l'impératrice Justine, mère de Valentinien le Jeune; laquelle, pour favoriser les ariens, persécutait tellement saint Ambroise, qu'elle prétendait le chasser de son siège et de la ville de Milan. Voici ce qu'en dit saint Augustin :

"En ce même temps vous révélâtes à votre saint prélat l'endroit où étaient enterrés les corps des martyrs Gervais et Protais, que vous aviez préservés tant d'années de la corruption, dans les trésors de votre divin conseil, pour les découvrir à propos, et rembarrer la rage d'une femme et reine mère. Car ces corps ayant été révélés et lires dehors, comme on les portait à l'église de Saint-Ambroise avec beaucoup d'honneur et de respect, les possédés étaient non-seulement délivrés, par la confession des diables mêmes qui les tourmentaient; mais aussi un habitant bien connu en la ville, gui était aveugle il y avait plusieurs années, entendant le bruit et la joie de toute la ville, commença à sauter d'aise, et fit tant qu'on lui permit de toucher avec son mouchoir le cercueil de vos saints, dont la mort est précieuse en votre divine présence. L'ayant touché, il mit le linge sur ses yeux, qui furent aussitôt ouverts. Le bruit de ce miracle se répandit incontinent par toute la ville, qui se mit à chanter vos louanges et à brûler de votre amour : et le courage de lu méchante impératrice, encore qu'elle ne s'en convertît ni ne s'amendât pas fut ébranlé et détourné de la persécution de votre serviteur, et sa fureur fut apaisée."

"Saint Grégoire de Tours écrit avoir ouï dire, que, comme l'on faisait la translation des corps de ces deuxsaints, pendant que l'on chantait la messe en l'église, il tomba un ais du haut de la voûte, qui donna sur les tètes des saints, lesquelles jetèrent un ruisseau de sang qui rougit les deux linceuls dont ils étaient enveloppés; que l'on en recueillit en quantité; de sorte que plusieurs églises de France furent enrichies de leurs reliques, et que le bienheureux saint Martin en eut une bonne partie, ainsi que l'écrit saint Paulin en une épitre. Saint Grégoire dit qu'il le rapporte exprès, parce que cela n'était pas écrit en l'histoire de leur martyre.

"Il est certain qu'une illustre dame, nommée Vestiane, leur fit bâtir une église, qui fut dédiée par le Pape Innocent Ier, dont saint Grégoire fait mention. Saint Gaudence, évêque de Bresse, et saint Paulin, évêque de Noie, en firent bâtir d'autres et y mirent des reliques de ces saints. On en emporta jusqu'en Afrique, comme dit saint Augustin. Leur martyre arriva le 19 de juin, jour où l'Église célèbre leur fête."

SOURCES ET LIENS.

 


— photo Rmn : http://www.photo.rmn.fr/archive/13-598967-2C6NU0LGRY9L.html

— photo Rmn :  http://www.lrmh.culture.fr/cgi-bin/qtp?typge=LREP&base=image&opimp=et&lang=fr&pp=1&dp=5&maxref=5&qmodu=EXT&tref=.R28+.R10&quest=[Baie+XX,.R62]&cpres=0

— tapisserie Musée de Lyon: http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/collections-musee/peintures/oeuvres-peintures/xviie_siecle/champaigne-reliques?b_start:int=10

— Gervais et Protais dans les églises de la Sarthe :

http://ali.hamadache6.free.fr/STgervais-protais.html

— BARBIER DE MONTAULT (X.) La tapisserie des SS.Gervais & Protais à la cathédrale du Mans  

 BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

 — BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium,  in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

DOIGNON (Jean) Perspectives ambroisiennes : SS. Gervais et Protais, génies de Milan.

http://www.patristique.org/sites/patristique.org/IMG/pdf/56_ii_3_4_07.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) 2001  "Les verrières de la cathédrale du Mans" 303, Arts recherche et créations, la revue des pays de la Loire  70 p. 168-175. 

— GRANBOULAN Anne. "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest." In: Revue de l'Art, 1994, n°103. pp. 42-52. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

— GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35

 

— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

 — HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron 

— LAUTIER (Claudine), 2003, «  Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images », Bulletin Monumental Vol.161 pp. 3-1 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bulmo_0007-473x_2003_num_161_1_1180

 LE-NAIN de TILLEMONT, 1695 "Saint Gervais et saint Protais"Mémoires pour servir a l'histoire ecclesiastique, Volumes 1 à 2

 

 

 

 

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (VII).

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Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (VII). Baie XXI Saints Gervais et Protais.

Baie XXI vers 1160-1170.

Verrière composite de 4 registres, dont les trois inférieurs sont consacrés à Gervais et Protais. Elle mesure 3,10 m de haut et 1,35 m de large.

Le Mans, Baie XXI.

Le Mans, Baie XXI.

Registre inférieur.

"Épisode de la vie de saint Domnolus" 

Les auteurs du Corpus qualifie ce registre de "Scène inexpliquée avec la Vierge et les deux saints Gervais et Protais". Pourtant, Eugène Hucher, qui procéda aux calques des vitraux et s'interrogea sur le sujet de ce panneau, exposa sa proposition (Bulletins de la Societe des Antiquaires de L'Ouest XI, 1868, Poitiers, Paris page 297 et suivantes) : il s'agirait d'une scène de la Légende de saint Domnole (Domnulus) évêque du Mans mort en 581, donc environ  200 ans après l'invention des reliques de Gervais et Protais. Sa vie aurait été écrite par l'évêque Haduinus. Frère de saint Audouin, évêque d'Angers, et ami de saint Germain de Paris, il fonda le couvent de Saint-Vincent du Mans, où il fut enterré. D'après la Vita S. Domnoli citée par Surium BHL. 2273 (ou citée par les Bollandistes AA.SS III 606-610 à la date du 16 mai), un seigneur s'était emparé de biens appartenant à l'Église* et ni les menaces ni les instances du saint n'avaient pu l'amener à restitution. Domnolus invoca la colère céleste et le coupable fut pris par une fièvre continue, qui ne réussit d'abord pas à vaincre son obstination. Les biens étaient consacrés à la Vierge ainsi qu'aux saints Gervais et Protais. Un jour qu'il était couché, il vit la Vierge s'approcher de son lit et le frapper au front d'un marteau de fer**. Le fautif impressionné restitua à Domnulus le double de ce qu'il avait pris : il fut guéri, mais garda sur le front la marque du coup qu'il avait reçu. Hucher a assimilé ce marteau à un ascia, ou asciculus, dont l'usage léthifère ("qui cause la mort") et protecteur chez les gaulois et les païens avait été proposé par Anatole de Barthélémy, et qui servait d'armes (héraldique) à la famille romaine des Valeria.

*Il s'agit du village de Tridens : vir quidam nobilis villam ecclesiae cenomannicae Tridentem vocatam sitam in codita Diablotica obstinato animo invasit.

**visus est sibi quadam nocte videre Matrem Domini (cui res ab ipso usurpatae, unaque beatis Martyribus Gervasio et Protasio dicatae erant) ferreo ipsum in fronte percutientem.

 

 

inscription : 

- Inscription en lettres capitales blanches dans un bandeau en bas de la scène :

:S GERVASIVS : : S PTASIVS :

Sanctus Gervasius ; Sanctus Protasius : "Saint Gervais ; Saint Protais.

Abréviation par un S barré pour Sanctus ; abréviation par un P barré pour P[ro]. Ponctuation par deux points superposés.

- Inscription en lettres enlevées sur le fond noir, laissant apparaître le verre bleu.

S MAR / IA arcature de droite de part et d'autre du nimbe de la Vierge.

Cette scène, ainsi que son titre, m'intriguent. S'agit-il vraiment de la Vierge ? L'inscription Maria est discutable, en partie effacée. C'est un personnage féminin, voilé et couronné, penché sur l'homme alité vers la tête duquel elle approche un instrument en forme de T. Les deux saints jumeaux Gervais et Protais sont debout, nimbés ; l'un tient un livre sous le bras. Le personnage alité pourrait-il être Nazarius ou Celse , autres martyrs de Milan ?

Le Mans, Baie XXI, registre inférieur. "Épisode de la vie de saint Domnolus"

Le Mans, Baie XXI, registre inférieur. "Épisode de la vie de saint Domnolus"

Deuxième registre :  Décollation de saint Protais.

Un soldat tranche de son épée la tête de Protais tandis que le général Astasius, assis en son palais, donne l'ordre de cette exécution. Ce général, qui se préparait à une campagne en Moravie contre les Marcomans, suivait ainsi les conseils des prêtres de son armée, qui demandaient que pour satisfaire les idoles gervais et Protais abjurent leur foi chrétienne. Come dans les autres scènes de martyre des vitraux du Mans, la main de Dieu sort des nuées pour signifier qu'il accorde à ces martyrs la sainteté.

Inscription :

Inscription en lettres capitales blanches .

: S PTASIUS :

Sanctus Protasius "Saint Protais". Abréviation par un S barré pour Sanctus ; abréviation par un P barré pour P[ro]. S de Sanctus et dernier S perlés. Barre du T fleuri. Ponctuation par trois points dessinés en cercle et donc creux.

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans (VII).

Troisième registre : "Flagellation de saint Gervais".

Gervais ayant, le premier, refusé de sacrifier aux faux dieux d'Astasius, c'est lui qui, le premier, est condamné à la mort par flagellation. Trois bourreaux frappent le saint agenouillé, sous le regard de trois hommes, dont l'un porte une lance. Comme dans le panneau précédent, la main de Dieu sort des nuées.

Inscription :

Inscription en lettres capitales blanches.

S GERVASIV- 

Sanctus Gervasius "Saint Gervais". Abréviation par un S barré ondulé pour Sanctus La suspension de la finale de Gervasius est signalé par un tide droit au dessus du V, comme il s'agissait d'une nasale. (V. Biais, 2010)

Le Mans, Baie XXI, Flagellation de saint Gervais.

Le Mans, Baie XXI, Flagellation de saint Gervais.

Registre supérieur : "Procession devant un édifice".

Ce panneau est considéré par les auteurs du Corpus comme n'appartenant pas au cycle de Gervais et Protais. On y voit pourtant, comme dans les deux registres précédents, la main bénissante de Dieu. Un saint évêque (nimbe et crosse) conduit une procession constituée d'un clerc (tonsuré) porteur de croix  et de deux porteurs de cierges. Il est lui-même suivi de deux hommes. Le cortège se dirige vers une ville styliisée par ses murailles et ses tours. Il ne me paraît pas impossible que cette scène s'intègre dans l'ensemble précédent, soit pour représenter saint Ambroise procédant à la dédicace de la basilique de Milan après avoir fait la découverte des reliques de deux martyrs, soit pour relater un épisode, difficile à trouver à défaut d'indices, d'une Vita d'un évêque du Mans en rapport avec le culte local de Gervais et Protais.

Le Mans, Baie XXI, Procession.

Le Mans, Baie XXI, Procession.

SOURCES ET LIENS.

 


— photo Rmn : http://www.photo.rmn.fr/archive/13-598967-2C6NU0LGRY9L.html

— photo Rmn :  http://www.lrmh.culture.fr/cgi-bin/qtp?typge=LREP&base=image&opimp=et&lang=fr&pp=1&dp=5&maxref=5&qmodu=EXT&tref=.R28+.R10&quest=[Baie+XX,.R62]&cpres=0

— tapisserie Musée de Lyon: http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/collections-musee/peintures/oeuvres-peintures/xviie_siecle/champaigne-reliques?b_start:int=10

— Gervais et Protais dans les églises de la Sarthe :

http://ali.hamadache6.free.fr/STgervais-protais.html

— BARBIER DE MONTAULT (X.) La tapisserie des SS.Gervais & Protais à la cathédrale du Mans  

 BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.

 — BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium,  in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image

— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.

— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.

— DOIGNON (Jean) Perspectives ambroisiennes : SS. Gervais et Protais, génies de Milan.

http://www.patristique.org/sites/patristique.org/IMG/pdf/56_ii_3_4_07.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) 2001  "Les verrières de la cathédrale du Mans" 303, Arts recherche et créations, la revue des pays de la Loire  70 p. 168-175. 

— GRANBOULAN Anne. "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest." In: Revue de l'Art, 1994, n°103. pp. 42-52. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108

— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.

 — HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron 

— LAUTIER (Claudine), 2003, «  Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images », Bulletin Monumental Vol.161 pp. 3-1 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bulmo_0007-473x_2003_num_161_1_1180

 LE-NAIN de TILLEMONT, 1695 "Saint Gervais et saint Protais"Mémoires pour servir a l'histoire ecclesiastique, Volumes 1 à 2

L'Arbre de Jessé de la Baie 110 de la cathédrale du Mans.

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L'Arbre de Jessé de la Baie 110 de la cathédrale du Mans. Milieu du XIIIe siècle.

La cathédrale du Mans renferme deux vitraux consacrés au thème de la généalogie davidique de Jésus : l'Arbre de Jessé de la baie 9, dans la chapelle de la Vierge, datant de 1230-1240, et celui de la baie 110, éclairant le déambulatoire dans son coté sud, et datant de la moitié du XIIIe siècle. Le premier, par son appartenance aux Arbres du groupe dionysien (Saint-Denis / Chartres / le Mans) et par la découverte que j'y fis d'une citation de Hildebert de Lavardin dans l'inscription, a retenu toute mon attention, mais je dois présenter, ne serait-ce qu'en contre-point, le second.

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacré aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Et les vitraux :

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

Sur la cathédrale du Mans, voir : Les stalles de la sacristie de la cathédrale du Mans.

Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale du Mans

Baie 110 : cinq lancettes et 2 écoinçons de 4 m de haut et 5,50 m de large. Ces cinq lancettes sont entièrement consacrées à la Vierge, à sa Vie, aux miracles et à sa Glorification. La lancette centrale est celle de l'Arbre de Jessé, en 5 registres. La généalogie s'élève en un seul axe vertical (selon le modèle inauguré à Saint-Denis et encore utilisée au XIIIe siècle avant de se diviser plus tard en chandelier), avec 5 mandorles tressées par les branches de l'arbre De chaque coté, un prophète rappelle que la venue d'un Sauveur né d'une vierge a été annoncé par un corpus de citation vétéro-testamentaires.

La formule employée ici est : Jessé + 2 rois + Vierge + le Christ / 8 personnages latéraux dont quatre nimbés / 2 anges.

Le Mans, Baie 110, vue générale.

Le Mans, Baie 110, vue générale.

Le Mans, Baie 110, lancettes B, C, D. Au centre, l'Arbre de Jessé.

Le Mans, Baie 110, lancettes B, C, D. Au centre, l'Arbre de Jessé.

Premier registre : le songe de Jessé.

Jessé, père du roi David et ancêtre du Christ dans la généalogie énoncé dans les Évangiles de Matthieu et de Luc, est ici à demi-allongé sur son lit, adossé à des cousins. Il est difficile de dire s'il a les yeux fermés. Il est coiffé d'un bonnet rouge qui le caractérise comme Juif. Comme toujours (mais la restauration de fragments rend le mouvement moins lisible), il soutient  de la main droite sa joue dans l'attitude stéréotypée du songeur. Le tronc de son arbre généalogique s'élève du milieu de son bassin, pour ne pas dire de sa semence. Un dais sommaire est constitué avec des tentures. On note l'absence de la lampe qui se trouve habituellement suspendue dans la pièce.

De chaque coté, sous une arcature, un personnage, debout, tient un phylactère: il s'agit a priori de deux prophètes tenant le texte du verset biblique par lequel il ont prédit que Jessé aurait une longue descendance de rois, et que de sa tige, un sauveur naîtrait d'une Vierge. Mais dans cette verrière, l'un des deux porte un bonnet juif, et l'autre est nimbé. Cette alternance se poursuit aux autres registres. Le nimbe est-il reservé à un auteur du Nouveau Testament (Évangéliste) ?

Le fond est rouge, une couleur fragile car le verre, très fin, est plaqué sur un verre blanc : des points blancs de corrosion du verre rouge sont visibles.

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : Jessé songeur.

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : Jessé songeur.

Deuxième registre : un roi de Juda (David ?).

Aucune harpe ne permet d'identifier ce roi, mais sa couronne et son sceptre affirme par contre son rang. Comme dans tous ces Arbres du XII et XIIIe siècle, le roi s'appuie des deux pieds sur les branches, et se retient d'une main à leurs prolongements. Mais ici, il est assis dans un rameau fourchu.

Deux prophètes ou auteurs bibliques sur le coté.

Fond rouge pour la scène, fond bleu dans la mandorle, les couleurs rouge, vert, bleu, jaune étant utilisée selon une startégie surtout dictée par la régle de varier les tons. Le blanc est reservé au tronc de l'arbre, aux visages et aux phylactères. 

Le Mans, baie 110, Arbre de Jessé deuxième registre : le roi "David".

Le Mans, baie 110, Arbre de Jessé deuxième registre : le roi "David".

Troisième registre : un roi de Juda (Salomon ?).

Ce roi est semblable, à la couleur près, au précédent.

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : troisième registre, le roi "Salomon".

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : troisième registre, le roi "Salomon".

Quatrième registre : la Vierge.

La Vierge est couronnée, et elle tient une palme.

Cinquième registre : Le Christ.

Entre deux anges thuriféraires, le Christ bénit de la main droite et tient un livre de la gauche. Trois colombes, symboles des Dons de l'Esprit, converge vers le nimbe crucifère, et les quatre autres vers sa poitrine. Elles sont nimbés et circonscrites dans un ovale.

 

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : la Vierge ; le Christ  et les Dons de l'Esprit.

Le Mans, Baie 110, Arbre de Jessé : la Vierge ; le Christ et les Dons de l'Esprit.

Le théâtre de la nature de Joris Hoefnagel, et le Musée de l'innocence d'Orhan Pamuk.

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Le théâtre de la nature de Joris Hoefnagel, et le Musée de l'innocence d'Orhan Pamuk.

I. Joris Hoefnagel (Anvers 1542-Vienne 1601).

De nombreuses miniatures du peintre flamand Joris Hoefnagel se présentent comme des vitrines du Cabinet de curiosités d'un naturaliste, montrant les fruits ou les insectes enfermées dans un petit théâtre pour modifier notre regard et le focaliser sur les choses banales et naturels : alors que précédemment les plantes et les animaux étaient toujours englobés dans un contexte symbolique et/ou religieux, il les découpe du sens avec lequel nous les interprétions et, par là, nous les négligions et nous les tends comme ce qu'il propose qu'ils soient, des objets à considérer comme tels, des objets d'étude. Ce nouveau regard prélude d'une part à ce qui sera l'Histoire naturelle (et notamment l'Entomologie), et d'autre part, dans l'Art, aux Natures mortes du XVIIe siècle.

C'est ce qui donne toute son importance au cadre et à l'appareillage dans lequel ces objets naturels sont présentés : anneaux et pinces de fixation, supports et fils d'accrochage, patères, petits mobiles censés se balancer autour de l'axe central, banderoles, etc. Ces vitrines sont des castelets de Guignols, des petits théâtres où, par convention, chacun joue un rôle dans un monde fictif. A commencer par les objets exposés. Chez Hoefnagel, le trompe-l'œil est à la fois une démonstration de virtuosité magistrale, et à la fois le principe fondateur : tendre un piège au spectateur pour le transporter dans un autre monde, en jouant, comme au théâtre, sur la duplicité de la salle qui n'est jamais complètement dupe.

Mais ces fausses vitrines accueillent systématiquement un autre acteur : le Temps. Par des inscriptions stoïciennes ou bibliques sur la fuite du temps, sur le caractère éphémère de l'existence, par un sablier, par une tête de mort succédant à celle d'un angelot, par des médaillons timbrés des signes zodiacaux, et, plus secrètement, par le choix des plantes et des insectes ( Éphémères, Myosotis "Ne-m'oublies-pas", Hémérocalle ou "Belle-d'un-jour", ...), les naturalia exposés baignent ou flottent dans un éther temporel afin que leur contemplation s'accompagne d'un mouvement de l'âme : la prise de conscience de la fragilité de l'existence, incommensurablement dérisoire face au mystère de la Création. Car les fleurs, les fruits, les insectes, suspendus dans ce Temps interrompu, nous dévisagent silencieusement dans l'énigme de leur propre existence. Tant de complexité, tant de compétences pour se reproduire et se métamorphoser, tant de génie pour résoudre ce qui est, à nous aussi humains, le défi majeur et que Spinoza nommera le conatus : l'effort pour persévérer en son être ! "Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être" (Éthique III), et la réalisation de cet effort est source de joie. Mettre en scène les plantes et les petits animaux scrupuleusement, consciencieusement, obstinément tendus dans cette course, avec leurs graines et leurs fruits, avec leurs chenilles et leurs chrysalides, suscite sans-doute aussi la joie.

 Les œuvres de Joris Hoefnagel sont :

— Missel Romain pour Ferdinand de Tyrol, 1581-1590. 658 folios : Missale Romanum (Vienne, Österreichische Nationalbibliothek)

— Enluminures complémentaires sur le Livre d'Heures de Philippe de Clèves

— Les Quatre éléments : Feu, Terre, Eau, Air. Les insectes appartiennent au premier volume Ignis. 1575-1585. Washington, (National Gallery of Art, Department of Prints and Drawings).

— Schriftmusterbuch (livre de modèle de calligraphie) 1591 1594 calligraphie de Georg Bocskay (Vienne, Kunsthistorisches Museum, Schatzkammer) 127 folios

Mira calligraphiae monumenta : 1591-1596 Paul Getty Los Angeles

Archetypa studiaque : 1592 (gravures, publiées par son fils Jacob)

— Miniatures isolées :

  • Un jardin et deux nymphes, 1579, Berlin https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=joris+hoefnagel&start=297
  • 2 Allégories de la brièveté de la vie, Musée des Beaux-Arts de Lille.
  • 4 Allégories des Quatre Saisons, 1589,  Musée du Louvre
  • Diane et Actéon,1597  Musée du Louvre
  • Lethaeus Amor 1589 http://www.lavieb-aile.com/2015/01/joris-hoefnagel-amor-lethaos-1598.html
  • Amoris monumentum Matri chariss. Nature morte avec papillon et escargot, 1589, http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/2008.110
  • Amicitiae monumentum Abrahamo Ortelio 1593 https://rkd.nl/nl/explore/images/121325
  • Amicitis non est utendum Ioanni Radermacher 1589 https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=joris+hoefnagel&start=10
  • Leda et le Cygne 1591 :

Analyse de Dolor, Allégorie de l'Hiver.

La structure d'ensemble est la même pour les quatre miniatures, et s'apparente à celle des deux Allégories de Lille et d'autres œuvres d'Hoefnagel : un faux cadre de cuivre est censé maintenir un appareil d'anneaux, de cartouches et de supports (que je nomme "patères"). J'ai interprété cette présentation comme une fausse vitrine de cabinet de curiosité, ce qui s'accorde avec l'hypothèse que ces œuvres étaient accrochées dans le Kunstkammer de Rodolphe II. Ici, il s'y ajoute une fausse tenture écartée à la manière d'un rideau et retenue par un cordon dont le gland aux franges dorées passe négligemment devant le faux cadre. Comme à Lille, la patère centrale qui comporte la devise-titre sert à suspendre comme pour un Mobile de Calder une succession d'élément : une plaque portant un signe du zodiaque, puis le phylactère recevant l'épigramme, puis un motif allégorique (sphère axillaire ; fléaux ; crâne sur des ailes de chauve-souris ; cœur embrasé). Le phylactère, comme une bannière de fête, est tendu en travers de la vitrine par des pinces entre deux supports en C dont la branche inférieure porte un élément du zodiaque. Chaque dessin comporte donc, comme dans les calendriers des Livres d'Heures, trois signes zodiacaux sur des médaillons traités à la manière d'intailles sur fond de lapis lazuli.

Les deux tiers supérieurs de cette mise en scène exposent comme en un Naturalia divers animaux, qui, pour accroître la vraisemblance, prennent appui sur l'appareillage précédemment décrit, ou bien sont suspendus par un fil à un plafond imaginaire. Mais cette vraisemblance disparaît lorsque ce sont un singe, un castor, un phoque ou des chiens qui sont couchés sur la banderole. On peut alors imaginer, comme ce fut le cas dans ces vitrines au XVIIe siècle, que les spécimens réels sont disposés dans des boites aux parois peintes ou brodées.

Le tiers inférieur est censé être le plancher de la boîte-vitrine, et les objets ou spécimens y projettent une ombre sous l'effet d'un éclairage venant de la gauche : ils sont de taille plus importante, proche de la grandeur nature, et la proportion respective des spécimens est globalement respectée. Ce seront sur les espèces qui y sont exposés que portera mon inventaire.

Theatrum naturae, theatrum mundi et Theatrum insectorum

L'importance des textes dans les autres œuvres de Hoefnagel et la manière dont les courbes, les déliés et les artifices de leur calligraphie se retrouvaient dans les volutes des patères en "style Joris" et dans les formes des tiges et des pétales, des corps, des antennes ou des queues des spécimens naturels m'avait conduit à comprendre que Hoefnagel considérait son travail d'observateur des plantes et des animaux comme équivalent à la lecture du Livre de la Nature : Dieu y avait écrit à l'intention de l'Homme un texte qu'il devait déchiffrer avec autant d'attention que les Livres sacrés de la Bible. Mais sans renier cette analyse où la Nature est un Livre , ici, mon étude de la composition des Allégories m'incite à comprendre que Hoefnagel développe la métaphore de la Nature comme Théâtre. Il monte les tréteaux de la scène, soigne l'éclairage, lève le rideau, et il donne à voir un spectacle pour lequel, par ses inscriptions, il donne quelques pistes d'interprétation.

Cette métaphore est loin d'être anecdotique. Elle s'apparente à l'idée baroque parfaitement contemporaine du Theatrum mundi où les êtres jouent tous un rôle, consciemment ou malgré eux, sur la grande scène du monde et sont des pantins dont les ficelles sont tirées par le grand horloger. La réplique de la pièce de Shakespeare Le Marchand de Venise "Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle." "Le monde entier est un théâtre/" date de 1596, celle de Comme il vous plaira "Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs/ Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles." date de 1599, année où le Théâtre du Globe présentera à ses spectateurs l'épigramme Totus mundus agit histrionem "Le monde entier fait l'acteur ".

C'est aussi en 1595 que Jean Bodin publie son Amphithéâtre de la nature suivi en 1596 de son Universae naturae theatrum . Ajoutons qu'en 1577 Hoefnagel avait accompli avec le cartographe Abraham Ortelius un voyage de Anvers vers l'Italie, et qu'en 1584 Ortelius avait publié son recueil de cartes sous le nom de Theatrum Orbis Terrarum. En réalité, autour de 1580, le terme theatrum prend la place de celui de speculum ou de Miroir pour donner un titre à un ouvrage encyclopédique sur un sujet donné.Mais c'est surtout dès 1589 ou 1590 que le médecin anglais Thomas Moffet crée la page de titre de son Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum. Décrire la Nature comme une scène, c'est concevoir les plantes et les animaux comme des acteurs d'un scénario divin. Dans la conception humaniste ou de la Réforme, un nouveau devoir devient évident, celui d'être un spectateur attentif à l'ordre qui régit les insectes (minimorum animalium), l'ordre de ce microcosme étant analogue à celui du macrocosme. Cet ordre, Hoefnagel en cherche les grandes divisions dans ses Quatre Éléments, dans les Quatre Saisons, dans les deux temps de la Vie et de la Mort (ou du Jour et de la Nuit). Le Temps est à la fois mobile comme la succession des Douze signes du Zodiaque, et à la fois figé dans la répétition de cycles cosmiques immuables.Il est le véritable éclairagiste du Théâtre du Monde.

Dans ce changement de paradigme où l'Homme spectateur prend en charge la description de la Nature comme objet de son investigation, les choses les plus banales, comme une poire ou une pomme, une abeille ou une mouche deviennent des centres d'intérêt et prennent place sur la scène.

Hoefnagel 1589 Allégorie des saisons : l'Hiver, © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais - Photo M. Beck-Coppola

Hoefnagel 1589 Allégorie des saisons : l'Hiver, © Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais - Photo M. Beck-Coppola

 

II. Orhan Pamuk (Istanbul 1952-)

Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature en 2006, a publié en 2008 Le Musée de l'innocence, où il décrit le fétichisme amoureux du narrateur : Kémal, qui entre dans une maroquinerie y acheter un sac pour sa fiancée, tombe amoureux de la vendeuse Füsun. A défaut de pouvoir l'épouser, il va devenir cleptomane de tous les objets familiers que la jeune fille a touché et devenir, à la fin de sa vie, le gardien d'un musée rassemblant ces trésors..

  Mais parallélement à ce livre, et pour la première fois dans l'histoire de la littérature, Orhan Pamuk a créé à Istambul un véritable "Musée de l'Innocence", basé sur le musée décrit dans le roman, et qui rassemble de nombreux objets dont il est question dans le récit. Le musée se trouve dans une bâtisse du quartier de Çukurcuma à Beyoğlu et rassemble une collection évoquant la vie quotidienne et la culture à Istanbul au cours de la période pendant laquelle se déroule le récit. Après de longs délais, le musée a finalement été inauguré en avril 2012.

 

 

Musée de l'Innocence à Istambul. Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.

Musée de l'Innocence à Istambul. Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.

En complément de ce roman et de ce musée, l'auteur a écrit "Orhan Pamuk, l'innocence des objets" où il explique sa démarche et dresse le catalogue de 74 vitrines.

http://www.masumiyetmuzesi.org/?Language=ENG

Ainsi se mêle la fiction et la réalité, la robe à fleurs de Füsun et son permis de conduire (boite 73), les 4213 mégots qu'elle fuma et écrasa dans le cendrier (boite 68), et la poignée en porcelaine de sa chasse d'eau (boite 37).

Or, par leur encadrement désuet, par leur forme de boites, par leurs suspensions, par l'éclairage soigneux, par les objets confinés dans leur solitude muette mais criante, ces vitrines partagent de nombreux points communs avec les montages en trompe-l'œil de Hoefnagel. Du temps de l'artiste flamand, le mot Musée n'existait pas, mais le Kunstkammer  de l'empereur Rodolphe II n'est pas très différent, à la taille prés, du Masumiyetmuzesi de Pamuk.

 

"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.
"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.
"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.
"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.
"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.

"Boites" du Musée de l'Innocence . Image scannée du livre L'innocence des objets Gallimard 2012.

Certains citations de "L'Innocence des objets" d'Orhan Pamuk peuvent nourrir cette reflexion sur le changement de statut des objets lorsqu'ils sont ainsi exposés, et, par là, avec notre propre statut au sein de notre environnement et dans le cours du temps, car, fatalement, c'est un peu nous-mêmes qui nous retrouvons derrière la vitre.

"..parvint finalement au douloureux constat que, sans objets, le monde comme sa propre existence n'avaient aucun sens. Ils emble pratiquement impossible de découvrir le secret des objets sans un immense chagrin. Et nous devons humblement admettre la vérité de cet ultime secret".

"Le musée de l'Innocence a été fondé par des gens qui croyaient à la magie des choses. Ce qui nous a inspiré, c'est la foi de Kémal en les objets. Mais à la différence du collectionneur pssionné, nous étions mus par le désir fétichiste de posséder des choses, mais par l'envie de percer leurs secrets ! A mseure que notre âme se concentre sur des objets, nous sentons l'unité du monde entiers dans nos cœurs brisés et nous en venons à accepter nos souffrances" (p.195)

"De même que, dans la Physique d'Aristote, le temps émerge quand les instants retournent à leur substrat, les objets se dépouillent de leur histoire quand ils reviennent à eux-mêmes. C'est alors que l'innocence des objets devient apparente. Notre musée a été construit sur deux désirs contradictoires : celui de relater l'histoire des objets et celui de montrer leur innocence intemporelle." (p. 141, "la consolation des objets").

http://tmagazine.blogs.nytimes.com/2014/03/20/small-museums/?_php=true&_type=blogs&hpw&rref=t-magazine&_r=1  :

 http://www.itsnicethat.com/articles/museum-of-innocence   :

Les Allégories des Quatre Saisons de Joris Hoefnagel .

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Les Allégories des Quatre Saisons de Joris Hoefnagel au Musée du Louvre, 1591. Début d'inventaire entomologique.

Voir sur ce blog sur Hoefnagel :

http://www.lavieb-aile.com/2015/02/le-theatre-de-la-nature-de-joris-hoefnagel-et-le-musee-de-l-innocence-d-orhan-pamuk.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/la-planche-ater-insectes-et-dieu-du-vent-de-joris-hoefnagel-metropolitan-museum-new-york.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/les-insectes-des-deux-allegories-de-la-vie-breve-de-joris-hoefnagel-1591-au-musee-de-lille.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/joris-hoefnagel-amor-lethaos-1598.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/une-nature-morte-offerte-par-hoefnagel-a-sa-mere.html

http://www.lavieb-aile.com/article-joris-hoefnagel-et-les-papillons-125286698.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/nasci-pati-mori-premiere-description-de-la-sequence-chenille-chrysalide-imago-par-hoefnagel-en-1592.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/inventaire-des-papillons-lepidoptera-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/traduction-et-origines-des-inscriptions-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

En 1987, l'entomologiste belge Jean Leclercq écrivait dans son article "Qui fut le premier entomologiste belge ? Je propose Joris Hoefnagel (1542-1600)" les lignes suivantes : "Mais je pense que les entomologistes belges ne doivent pas laisser indéfiniment aux historiens de l'art, la charge d'analyser, de situer les œuvres de ces pionniers. Ils devraient pour le moins s'occuper de l'identification aussi précise que possible des insectes figurés par les artistes de ces premiers siècles d'une nouvelle curiosité scientifique".

En 2015, malgré les travaux des historiennes de l'art Théa Vignau-Wilberg et Lee Hendrix, et l'inventaire réalisé pour l'Archetypa studiaque et pour Mira calligraphiae, ce travail d'identification, essentiel pour l'histoire de l'entomologie, doit être poursuivi. Aucun entomologiste n'a publié sur ce sujet depuis deux articles de Jean Leclercq. Et aucun n'a été examiner à la loupe les planches originales à la précision fabuleuse. Je procède donc, avec ma bonne volonté d'amateur, à un début d'inventaire, en espérant stimuler les efforts de scientifiques compétents.

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Les Allégories du Louvre.

Outre leur intérêt propre, ces quatre Allégories de 1589 s'enrichissent de leur comparaison et rapprochement avec deux œuvres de mêmes dimensions (H. 0,123 ; L. 0,180), monogrammées et datées : GHF 1591, et légendées sur des cartouches apposés dans le bas, représentant des Allégories de la brièveté de la vie, conservées au Musée des Beaux-Arts de Lille. Elles ont été étudiées dans ce blog précédemment .

J'utiliserai dans mon texte les données trouvées sur le site de l'Inventaire des Arts Graphiques du Musée du Louvre http://arts-graphiques.louvre.fr/, dans les notices rédigées par Michèle Gardon.

Ces quatre miniatures conservées au Cabinet des dessins Fonds des dessins et miniatures du Musée du Louvre présentant une allégorie des saisons. Des inscriptions latines associent chaque saison à une étape de la vie : Amor (le printemps), Honor (l’été), Labor (l’automne) et Dolor (l’hiver). La Vanitas, caractère éphémère de la vie humaine, y est le personnage central, symbolisé ici par le défilé des saisons, celui des signes zodiacaux, le crâne ailé symbolisant la nuit et la mort, les fruits mûrs, et les insectes dont le temps sur terre est lui aussi compté.

"Vanitas : L’inscription du phylactère en haut de la miniature qui signale son appartenance à un ensemble illustrant les quatre âges de l’homme ainsi que la présence d’insectes et de fleurs symbolisant le caractère éphémère du passage sur terre, font de cette miniature une allégorie de la brièveté de la vie. Le souci de naturalisme qui transparaît dans la représentation exacte des divers éléments et la disposition parfaitement symétrique de ceux-ci se retrouvent dans tous les petits tableaux de Goerg Hoefnagel. Il y dispose des insectes, des petits animaux, des fleurs, des fruits mais aussi des éléments plus directement symboliques, tel le crâne entouré d’ailes de chauve-souris symbolisant la mort. Les éléments de cette miniature se retrouvent dans un livre constitué par son fils Jacob : l’Archetypa Studiaque Patris Georgii Hoefnagelii qui regroupe des planches gravées recensant les divers motifs et les diverses épigrammes représentés dans les œuvres de Georg." (M.G)

Humaniste et naturaliste

"L’empereur Rodolphe II faisait grand cas des œuvres naturalistes et des allégories savantes, du savoir scientifique et de la connaissance du passé de l’histoire naturelle et philosophique. A sa cour, et avant d’y être, Georg Hoefnagel illustre nombre d’ouvrages. Il est à la fois un peintre minutieux, naturaliste précis mais il est aussi d’une grande érudition qui se reflète dans toutes ses œuvres où il fait largement appel aux textes classiques, aux proverbes, à la Bible.
Pour Ferdinand de Tyrol, il enlumine le célèbre Missale Romanum (entre 1582 et 1590), pour Rodolphe II, il illustre, entre 1591 et 1594, deux livres de modèles d’écriture composés par le secrétaire impérial Georges Bocskay. Il réalise surtout un grand traité en quatre volumes symbolisant Les Quatre éléments (eau, air, terre, feu) mêlant à la fois la manière d’un traité d’histoire naturelle (représentations d’animaux et de végétaux) et la façon d’un livre d’emblèmes (devises, citations de la Bible). Des quatre volumes aujourd’hui démembrés et dispersés, le Louvre possède quatre folios."(M.G)

Pour la Kunstkammer de Rodolphe II ?

"Hoefnagel peint aussi de nombreuses miniatures sur parchemin dont les quatre petits tableaux formant une Allégorie des saisons. Ces œuvres sont probablement destinées au cabinet de curiosités (Kunstkammer) de l’empereur. Dans cette salle étaient présentées des collections artistiques (les artificialia) mais aussi des collections zoologiques et botaniques (les naturalia), des appareils d’astronomie, des globes…(les scientifica), des collections ethnographiques et des objets extraordinaires (les mirabilia).
Deux ensembles sur le thème des quatre saisons sont signalés dans l’inventaire de la Kunstkammer, établi de 1607 à 1611 ; celui du Louvre est peut-être l’un d’eux. Trois autres miniatures, qui faisaient sans doute partie d’un second ensemble aujourd’hui dispersé, ont été retrouvées : un Eté et un Hiver à Vaduz, un Automne à Bruxelles." (Michèle Gardon)

Description générale :

Catalogue RF 52483 à RF 52486. Détrempe (liant à l'oeuf) et or sur vélin marouflé sur panneau. Cadre en bois sculpté redoré, travail autrichien du XIXe siècle. Restauré en 2001. H. 00,125m ; L. 00,185m Signée du monogramme et datée à droite, sur le phylactère : GHF / 1589.

L'ensemble appartenait à la même famille depuis 1823 et a été acquis par le Musée en 2001 (vente à Clermont-Ferrand).

La structure d'ensemble est la même pour les quatre miniatures, et s'apparente à celle des deux Allégories de Lille et d'autres œuvres d'Hoefnagel : un faux cadre de cuivre est censé maintenir un appareil d'anneaux, de cartouches et de supports (que je nomme "patères"). J'ai interprété cette présentation comme une fausse vitrine de cabinet de curiosité, ce qui s'accorde avec l'hypothèse que ces œuvres étaient accrochées dans le Kunstkammer de Rodolphe II. Ici, il s'y ajoute une fausse tenture écartée à la manière d'un rideau et retenue par un cordon dont le gland aux franges dorées passe négligemment devant le faux cadre. Comme à Lille, la patère centrale qui comporte la devise-titre sert à suspendre comme pour un Mobile de Calder une succession d'élément : une plaque portant un signe du zodiaque, puis le phylactère recevant l'épigramme, puis un motif allégorique (sphère armillaire ; fléaux ; crâne sur des ailes de chauve-souris ; cœur embrasé). Le phylactère, comme une bannière de fête, est tendu en travers de la vitrine par des pinces entre deux supports en C dont la branche inférieure porte un élément du zodiaque. Chaque dessin comporte donc, comme dans les calendriers des Livres d'Heures, trois signes zodiacaux sur des médaillons traités à la manière d'intailles sur fond de lapis lazuli.

Les deux tiers supérieurs de cette mise en scène exposent comme en un Naturalia divers animaux, qui, pour accroître la vraisemblance, prennent appui sur l'appareillage précédemment décrit, ou bien sont suspendus par un fil à un plafond imaginaire. Mais cette vraisemblance disparaît lorsque ce sont un singe, un castor, un phoque ou des chiens qui sont couchés sur la banderole. On peut alors imaginer, comme ce fut le cas dans ces vitrines au XVIIe siècle, que les spécimens réels sont disposés dans des boites aux parois peintes ou brodées.

Le tiers inférieur est censé être le plancher de la boîte-vitrine, et les objets ou spécimens y projettent une ombre sous l'effet d'un éclairage venant de la gauche : ils sont de taille plus importante, proche de la grandeur nature, et la proportion respective des spécimens est globalement respectée. Ce seront sur les espèces qui y sont exposés que portera mon inventaire.

Theatrum naturae, theatrum mundi et Theatrum insectorum

L'importance des textes dans les autres œuvres de Hoefnagel et la manière dont les courbes, les déliés et les artifices de leur calligraphie se retrouvaient dans les volutes des patères en "style Joris" et dans les formes des tiges et des pétales, des corps, des antennes ou des queues des spécimens naturels m'avait conduit à comprendre que Hoefnagel considérait son travail d'observateur des plantes et des animaux comme équivalent à la lecture du Livre de la Nature : Dieu y avait écrit à l'intention de l'Homme un texte qu'il devait déchiffrer avec autant d'attention que les Livres sacrés de la Bible. Mais sans renier cette analyse où la Nature est un Livre , ici, mon étude de la composition des Allégories m'incite à comprendre que Hoefnagel développe la métaphore de la Nature comme Théâtre. Il monte les tréteaux de la scène, soigne l'éclairage, lève le rideau, et il donne à voir un spectacle pour lequel, par ses inscriptions, il donne quelques pistes d'interprétation.

Cette métaphore est loin d'être anecdotique. Elle s'apparente à l'idée baroque parfaitement contemporaine du Theatrum mundi où les êtres jouent tous un rôle, consciemment ou malgré eux, sur la grande scène du monde et sont des pantins dont les ficelles sont tirées par le grand horloger. La réplique de la pièce de Shakespeare Le Marchand de Venise "Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle." "Le monde entier est un théâtre/" date de 1596, celle de Comme il vous plaira "Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs/ Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles." date de 1599, année où le Théâtre du Globe présentera à ses spectateurs l'épigramme Totus mundus agit histrionem "Le monde entier fait l'acteur ".

C'est aussi en 1595 que Jean Bodin publie son Amphithéâtre de la nature suivi en 1596 de son Universae naturae theatrum . Ajoutons qu'en 1577 Hoefnagel avait accompli avec le cartographe Abraham Ortelius un voyage de Anvers vers l'Italie, et qu'en 1584 Ortelius avait publié son recueil de cartes sous le nom de Theatrum Orbis Terrarum. En réalité, autour de 1580, le terme theatrum prend la place de celui de speculum ou de Miroir pour donner un titre à un ouvrage encyclopédique sur un sujet donné.Mais c'est surtout dès 1589 ou 1590 que le médecin anglais Thomas Moffet crée la page de titre de son Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum. Décrire la Nature comme une scène, c'est concevoir les plantes et les animaux comme des acteurs d'un scénario divin. Dans la conception humaniste ou de la Réforme, un nouveau devoir devient évident, celui d'être un spectateur attentif à l'ordre qui régit les insectes (minimorum animalium), l'ordre de ce microcosme étant analogue à celui du macrocosme. Cet ordre, Hoefnagel en cherche les grandes divisions dans ses Quatre Éléments, dans les Quatre Saisons, dans les deux temps de la Vie et de la Mort (ou du Jour et de la Nuit). Le Temps est à la fois mobile comme la succession des Douze signes du Zodiaque, et à la fois figé dans la répétition de cycles cosmiques immuables.Il est le véritable éclairagiste du Théâtre du Monde.

Dans ce changement de paradigme où l'Homme spectateur prend en charge la description de la Nature comme objet de son investigation, les choses les plus banales, comme une poire ou une pomme, une abeille ou une mouche deviennent des centres d'intérêt et prennent place sur la scène.

Un autre ensemble allégorique portant le même titre Amor, Honor, Labor, Dolor  a été dessiné et gravé en 1591 dans un style très différent par Raphael Sadeler d'après Maerten de Vos

 225 x 260mm (Image : Vente aux enchères 2006 Bonhams). Les épigrammes en 8 vers en sont différents.

 

 

 

I. Allégorie : l'Automne (LABOR).

Images : https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=joris+hoefnagel&start=70 

Louvre : http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/11/508929-Labor-Allegorie-de-lAutomne-max

Description.

Signes zodiacaux de la Balance, du Scorpion et du Sagittaire. Élément central : globe où quatre fléaux s'entrecroisent (symbole du Labeur ?). Guirlande de fruits et de légumes.

 

Inscription :

Chaque composition porte sa légende sur une banderole. Ici :

Incipit autonus finito labore virilus aevi terrenae res aninumque gravant. : "L'automne commence lorsque prend fin le bonheur de l'âge adulte." Source inconnue.

 

Inventaire :

N.B. Tenir compte de la décoloration : seul le bleu (lapis lazuli) des médaillons zodiacaux a bien résisté.

— Registre supérieur : 16 animaux.

Hermine ; Genette ;  écureuil ; Perdrix ; Huppe fasciée ; singe ;  lézard ; escargot ; scarabée ; papillon ; deux chrysalides (Pieridae ?) accrochées au cadre supérieur.

— Registre inférieur : 11 animaux.

Noisettes Corylus avellana . Poire coupée Pyrus communis ("Conférence" ?). Abricot Prunus armeniaca

- Lazertidae (Lézard)

-Lepidoptera Nymphalidae Inachis io "Paon-du-jour" chenille.

- Lepidoptera Pieridae Anthocaris cardamines "Aurore de la Cardamine"

-Orthoptera Ensifera femelle

-Lepidoptera Geometridae Abraxas grossulariata "Zérène du groseillier"

- 3 petits insectes (Coleoptera ?) dont un présente une lointaine ressemblance avec Pyrrhocoris apterus ou Corysus hyoscyami ; une chenille, non identifiable ; un escargot.

Note : Les noisettes et la poire Conférence sont des fruits d'automne, cohérents avec le thème allégorique, mais les abricots sont mûrs en été. L'Aurore de la Cardamine vole au printemps. Abraxas grossulariata vole de juin à mi-août. Le choix des espèces n'est pas guidé par la saison thématique, ou bien les connaissances sont insuffisantes (peu probable).

 

 

 

 

 

 

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II. Allégorie : l'Hiver (DOLOR).

Description :

Inscription : DOLOR. Bruma senectutis priget aemnosa dolore vitaq fluxa perit bullula sicut novae. "Le malheureux hiver de la vieillesse est raidi par la douleur et la vie chancelante arrive à son terme comme une bulle d'eau." Source de cette inscription inconnue.

Une troisième inscription est écrite sur une bande de papier posée à droite : Decipimur votis et tepore fallimur et mors deridet curas anxia vita nihil : "Nous sommes les jouets de nos vœux. Le temps nous trompe, la mort rit de nos peines, et notre vie abreuvée d'inquiétudes n'est rien".  Il s'agit d'une devise empruntée à un monument funéraire antique, et qui fut adoptée par le cardinal et Prince  de Lièges Érard de la Marck. Un jeton rappellant la mort d'Erard de la Mark la comporte au dos des armoiries et du chapeau de cardinal du prince-évêque (1638). Citée aussi par Léonard de Vinci dans une lettre au cardinal D'Este. On présente aussi cette épitaphe comme un épigramme composé par Paulina Valeria.

Ce qui m'intéresse d'avantage est d'apprendre qu'il s'agissait de la devise de Philippe de Clèves, comte de la Marcke (1546-1528), puisque Hoefnagel a enluminé le Livre d'heures ou Studenbuch (1485) qui lui avait appartenu. 

Deux médaillons ronds bleus et or portant les signes zodiaquaux du Capricorne et des Poissons, et un médaillon ovale portant le signe du Verseau. Ce dernier prend les traits d'un homme âgé, qui fait penser à Saturne, maître du Verseau et du Capricorne, à queue de poisson, qui évoque le Capricorne et les Poissons, laissant s'échapper l'eau d'un vase. 

Tête de mort porté par des ailes de chauve-souris (comme dans l'Allégorie de Lille), coiffé d'un disque d'or appartenant à un dispositif que je ne peux détailler (cristal ?).

 

Inventaire :

— Registre supérieur : 14 animaux.

Deux crabes ; cinq oiseaux dont un Martin-Pêcheur Alcedo atthis et une Mouette rieuse Chroisocephalus rigundus en plumage d'hiver; un Castor Castor fiber ; un Phoque (Phoque gris Halichoerus grypus ??) ; trois chrysalides ; deux escargots.

Composition végétale en guirlande où se reconnaissent les faînes du hêtre,  les glands, les  galles [d'Hymenoptera Cynipidae] et les feuilles mortes d'un chêne pédonculé Quercus robur. Arbuste à baies rouge et arbuste à baies noires

 

— Registre inférieur :

Éléments végétaux : 7 espèces :

noisette infecté par un charançon Curculio nucum le Balanin des noisettes. Gousse sêche de haricot Phaseolus vulgaris. Cerneau de noix, entier, dans une demi coquille (Juglans regia). Glands de chêne pédonculé Quercus robur. Haricot . Demi orange Citrus sinensis Orange douce ou Citrus aurantium Orange amère ou Bigaradier. Rameau fleuri de ?

Note : la noix, dont le fruit ressemble à un cerveau, et la coque ressemble à un crâne, n'est pas placé par hasard sous la tête de mort.

Éléments animaux : 9 espèces.

Souris Mus musculum : Coquille Gastropoda : [Cassidae ? Galeoda echinophora ? Cassis cornuata ?] ; coquille d'escargot ; deux chrysalides (dont l'une chevauche le cadre) ; quatre insectes de petite taille, dont une mouche morte.
 

 

https://rkd.nl/nl/explore/images/115447 

http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/8/508926-Dolor-Allegorie-de-lHiver-max

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III. Allégorie Le Printemps (AMOR) 1589

https://rkd.nl/nl/explore/images/115449

http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/9/508927-Amor-Allegorie-du-Printemps-max

Inscriptions :

AMOR.  Vernat Homo teneris annis et flagrat maore multiplis studi i cupit. "L'homme dans les années de Vénus est dans son printemps, il brûle de s'instruire en multiples domaines ; il désire apprendre à connaître toutes choses." Source de cette inscription inconnue.

Médaillons zodiacaux du Bélier, du taureau et des Gémeaux. Emblème suspendu : cœur enflammé transpercé de deux flêches.

Inventaire 

 

— Registre supérieur : 21 espèces animales. Deux chiens ; six oiseaux dont deux hirondelles Delichon urbicum et deux Tourterelles; deux serpents menaçant des papillons ; papillons et autres insectes ; une salamandre.

— Registre inférieur :

Espèces végétales : Lilium [martagon] : Rosa gallica ; ? ; ?; ...

Espèces animales : 19 espèces :

-Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus]

- 2 Tipulidae in copula. Possible Ctenophora Thorax noir, abdomen annelé, pterostigmas noirs, voire même Ctenophora flaveolata !

-Vespoidea Eumenes [pomiformis] Guèpe maçonne ou potière.

-2 petits insectes à identifier

-Lepidoptera Nymphalidae Lasiommata 

Lepidoptera chenille [Pieris brassicae ??]

-Lepidoptera Nymphalidae Pyronia tithonus

-Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus] (mâle)

-Escargot Helix [pomatia]

-Ichneumonidae

-Coccinellidae Adalia bipunctata ?

-Coleoptera

-Araneae Araignée

-Ichneumonidae

-Lepidopteridae chenille [Geometridae]

 

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IV. Allégorie l'Eté (HONOR)

https://rkd.nl/nl/explore/images/115451

 

http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/10/508928-Honor-Allegorie-de-lEte-max

Description.

Inscription.

HONOR.  Aestatem vitea juvenis traductit honori divitiss... ves...ae jusque studens...  "L'été de sa vie, l'homme dans la force de l'âge le passe en recherchant la gloire, les richesses..." Source de cette inscription inconnue.

Trois médaillons zodiacaux du Cancer (écrevisse), du Lion et de la Vierge. Emblème suspendu : sphère armillaire.

Inventaire. (partiel)

— registre supérieur : 14 espèces animales ; anémones et bleuets.

Un Iguane ; 9 oiseaux parmi lequels deux oiseaux de proie ; celui de gauche semble porter un mantelet. une perruche à collier ? . Plusieurs papillons dont un probable Papilio machaon. 

— registre inférieur : 15 espèces animales de gauche à droite :

éléments botaniques : fraise des bois ; gousses de petits-pois Pisum sativum ; abricot Prunus armeniaca. Poire commune [Conférence] Pyrus communis ; groseillier à grappes Ribes rubrum ;  Lavande Lavandula

-Lepidoptera Nymphalidae 

-Chilopoda Scolopendra

-Orthoptera Acrididae "Criquet"

-Formicidae

-Lepidoptera Lycaenidae [Polyommatus icarus "Azuré de la Bugrane" ?] Une paire entourant  l'axe central : mâle à gauche (ailes bleues) sur la poire).

-Lepidoptera Nymphalidae Vanessa atalanta "Vulcain"

-Lepidoptera Sphingidae Hyles euphorbia chenille

-Lepidoptera Nymphalidae Polygonia c-album "Robert-le-diable"

-escargot

-Ichneumonidae

-Diptera

 

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Source et liens.

- GARDON Michèle, sd, Notice de "Dolor, Allégorie de l'hiver"  in site du Musée du Louvre département des Arts Graphiques XVIe siècle  :http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/dolor-allegorie-de-l-hiver

 

- VIGNAU-WILBERG (Théa), 1989-1990 « Unbekannte Kabinettminiaturen von Joris Hoefnagel », in Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen in Wien, vol.85-86, 1989-1990, p.67-77

- VIGNAU-WILBERG (Théa), 1994  Archetypa Studiaque Patris Georgii Hoefnagelii, 1592. Natur, Dichtung und Wissenschaft in der Kunst um 1600, München, Staatliche Graphische Sammlung, 1994

- HENDRIX (M. Lee), Joris Hoefnagel and the « Four Elements » : a Study in Sixteenth-Century Nature Painting, Ph. Diss., 1984, Ann Arbor, 1984

-  KAUFMANN (Thomas DaCosta) L’École de Prague, Paris, 1985

— KAUFMANN (Thomas DaCosta) KAUFMANN (Virginia Roehrig), 1991, "The sanctification of nature : Observations on the Origins of Trompe l'œil in Netherlandish Book Painting of the Fifteenth and Sixteenth Centuries". ; in The J. Paul Getty Museum Journal : vol. 19 pp 43-64 https://books.google.fr/books?id=wm8mAgAAQBAJ&pg=PA62&lpg=PA62&dq=stundenbuch+hoefnagel&source=bl&ots=3YVFO9JTgX&sig=6Ab1LvQ1ULA0iXo8SrH73lByEag&hl=fr&sa=X&ei=rpnTVJyXGYXmaOnEgYgO&ved=0CDcQ6AEwBA#v=onepage&q=stundenbuch%20hoefnagel&f=false

 


Diane et Actéon (1597) de Hoefnagel au Louvre. Inventaire entomologique.

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Diane et Actéon (1597) de Hoefnagel au Louvre. Inventaire entomologique.

Je poursuis mon examen des miniatures de Joris Hoefnagel pour tenter d'établir à mon petit niveau un inventaire entomologique de son œuvre, complétant ainsi ce que Jean Leclercq avait initié en 1989.

Voir sur ce blog sur Hoefnagel :

http://www.lavieb-aile.com/2015/02/les-allegories-des-quatre-saisons-de-joris-hoefnagel.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/02/le-theatre-de-la-nature-de-joris-hoefnagel-et-le-musee-de-l-innocence-d-orhan-pamuk.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/la-planche-ater-insectes-et-dieu-du-vent-de-joris-hoefnagel-metropolitan-museum-new-york.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/les-insectes-des-deux-allegories-de-la-vie-breve-de-joris-hoefnagel-1591-au-musee-de-lille.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/joris-hoefnagel-amor-lethaos-1598.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/une-nature-morte-offerte-par-hoefnagel-a-sa-mere.html

http://www.lavieb-aile.com/article-joris-hoefnagel-et-les-papillons-125286698.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/nasci-pati-mori-premiere-description-de-la-sequence-chenille-chrysalide-imago-par-hoefnagel-en-1592.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/inventaire-des-papillons-lepidoptera-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/traduction-et-origines-des-inscriptions-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

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DIANE ET ACTÉON (1597) de Joris et Jacob Hoefnagel.

L'œuvre fait partie des collections de département Arts graphiques du Louvre sous la référence REC 85 et est consultable en ligne, avec une notice, ici :

http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/12/503980-Diane-et-Acteon-max


Description :

Il s'agit d'une aquarelle avec des rehauts d'or sur un vélin collé en plein sur un panneau de bois et mesurant 22 cm de haut sur 33,9 cm de large. Une signature en bas au milieu : 'Georgius Houfnaglius Pa. et Jacobus Fi.F.F. Anno MCCCCCXCVII', soit Georgius Houvnaglius Pa[ter] et Jacobus Fi[lius] F[ieri] F[ecit] incite à l'attribuer à Joris (Georgius) Hoefnagel (Anvers, 1542 - Vienne,1601) et à son fils Jacob (Anvers, 1575-1630) : L. Duclaux et F. Lugt ont supposé que Georg Hoefnagel était l'auteur du décor de fleurs, d'animaux et d'insectes qui constitue la bordure. Son fils, Jacob, serait l'auteur de la scène mythologique. La critique a suivi unanimement cette proposition. (E. Starcky in cat. d'exp. 'Le paysage en Europe du XVIe au XVIIIe siècle', Paris, musée du Louvre, 1990, n° 19).

Joris Hoefnagel avait été peintre à la cour des ducs de Bavière Albert V et Guillaume V jusqu'en 1590, puis au service de l'empereur Rodolphe II à partir de 1591, séjournant à Francfort jusqu'en 1594, puis à Regensburg jusqu'en 1596, en 1597, date de Diane et Actéon, il séjournait entre Prague (Palais de Rodolphe II) et Vienne. A 55 ans, il avait réalisé l'essentiel de son œuvre, consacrée à l'histoire naturelle. En 1592, son fils Jacob, formé à la gravure, et alors âgé de 19 ans, avait publié Archetypa studiaque, une reprise des dessins de son père en gravure sur cuivre.

INVENTAIRE

L'exercice est rendu difficile par la qualité médiocre de l'image disponible en ligne sur le site du Musée.

I. Le cadre.

Le cadre en bois actuel couvre une partie des bords du vélin d'origine, qui a peut-être été massicoté  : en effet, on ne voit pas le faux cadre qui, dans toutes les autres œuvres de ce type, sert de support apparent aux deux patères à volutes qui reçoivent les inscriptions. La composition fictive présente la scène mythologique comme un tableau à l'encadrement perlé : ce motif de perles bleus interrompues par des oves dorées est aussi celui du cadre ovale de l'Allégorie de la Vie et de la Mort de 1598 au British Museum. Ce "tableau" est maintenu entre les deux patères, mais il est aussi fixé, comme par un axe horizontal, de chaque coté, au dispositif qui supporte les deux vases. Cet appareillage, que l'on peut supposer en bois doré ou en cuivre, est complété dans les deux coins inférieurs par deux élégants arceaux. Il faut compléter cette description par celle des rubans accrochés aux axes latéraux, dont une extrémité retombe en une courbe gracieuse pour se nouer sous les vases, tandis que l'autre s'évase en draperie, frise, et s'achève sur un gland à frange. D'autres brins, alourdis par des perles, tracent plus bas leur courbe et allègent d'une guirlande le massif inférieur. Mais, sans à peine s' apercevoir qu'on entre alors dans le monde animal, on se surprend à intégrer à cette architecture les deux branches de corail vermillon serties sur la patère, puis les deux escargots qui font office d'atlante soutenant l'entablement, et même les deux Lycènes qui coiffent le fronton, comme deux pilastres voisinant avec des pots à feu.

II. La Flore.

  • deux tulipes dans leur vase,
  • accompagnées de myosotis Boraginaceae, Myosotis sp. (M. arvensis ?)
  • et de  ?

III. La Faune.

La bordure qui entoure la scène mythologique est composée en deux ensembles symétriques qui se répondent (presque) en miroir : il suffira de décrire la moitié gauche, et de multiplier le nombre des espèces par 2. On dénombre 9 animaux par coté. Description par Ordre, puis  de haut en bas.

a) Mollusque ; Gastéropodes :

b) Cnidaria Gorgonacea Coralliidae Coralium rubrum "Corail rouge".

c) Insecta : 7 individus

— Orthoptera : 

— Lepidoptera : six exemplaires 

  • Nymphalidae imago
  • Geometridae chenille
  • Lycaneidae imago
  •  ? chenille

Cette moisson est donc décevante, puisqu'il est globalement impossible de préciser l'espèce, et même le genre, des animaux représentés. Le résultat serait-il meilleur si, doté d'une loupe, on examinait l'œuvre originale ou une photographie d'excellente qualité ? Je l'ignore, mais je me félicite déjà du privilège d'une consultation en ligne, dans les conditions que procure le Musée du Louvre.

 

 

Zoonymie du papillon la Piéride du Réséda Pontia daplidice.

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Zoonymie (étude du nom) du papillon la "Piéride du Réséda" ou "Marbré de vert" Pontia daplidice.

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé.

Pontia Fabricius 1807 : parmi les 49 noms de genre créés par Fabricius, il s'agit d'un des 19 noms inspirés d'une épithète de la déesse Aphrodite (Vénus). Aphrodite Pontia ( "de la mer") était le nom par lequel elle était vénérée en ses temples du littoral méditerranéen depuis la période archaïque jusqu'à la période hellénistique comme protectrice du transport maritime et, par métaphore, des "transports" amoureux. La déesse de la beauté, née de l'écume de la mer avant d'aborder l'île de Cythère puis celle de Chypre, est liée au domaine maritime et a reçue aussi les épithètes d'Euploia ( de l'heureuse navigation) et de Limenia (gardienne des ports), qui ont donné nos noms de genre Euploea et Limenitis. Fabricius avait divisé nos Pieridae actuels en deux genres, Colias (autre épithète d'Aphrodite) pour les espèces à ailes jaunes, et Pontia, pour celles aux ailes blanches ou à extrémités orange.

daplidice (Linnaeus, 1758) : ce nom fait aussi partie d'une série, celle des noms des cinquante filles du roi Danaos, les Danaïdes. En 1758, Linné avait placé les Pieridae actuels dans sa phalange Danaus, dans la section intitulée" Danai candidi ", les Danai blancs; l'autre section," Danai festivi ", les Danai gaiement colorés, renferme principalement des Satyrinae. A propos des premiers, Linné a écrit dans une note 'Danaorum Candidorum nomina a filiabus Danai ... mutuatus sum', " j'ai attribué aux Danai candidi les noms des Danaïdes." Dans la Troisième Phalange de Linné, le sous-groupe Candidi Danai comporte 19 espèces, dont 9 reçoivent le nom de leur plante-hôte (crataegi, brassicae, rapae, napi etc...) et 10 celui d'une Danaïde. Outre daplidice, citons evippe, glaucippe, pyranthe, arsale, hyparete, damone, trite, hyale et hecabe. etc..Hübner reprendra cette série en 1800 pour son Papilio callidice ("Piéride du Vélar"). Les noms de leurs maris, les fils d'Égyptos, que les Danaïdes assassinent durant la nuit de noce, sont donnés aux Danai festivi : pamphilus, hyperanthus, xanthus, mais le nom du mari de Daplidice, Pugno, ne fut pas attribué à une espèce. Sur le modèle daplidice et callidice, Brahm créa de toute pièce en 1804 bellidice (actuellement une forme printanière de P. daplidice), et en 1813 Hübner le Papilio chloridice, selon un procédé de "rime en référence" déjà utilisé par Denis et Schiffermüller.

— Le pharmacien londonien James Petiver a donné la première description de cette espèce en 1699 sous le nom de The greenish marbled Half-mourner, "le Demi-deuil marbré de vert". Le terme "demi-deuil" fait allusion aux taches noires et blanches des ailes de la femelle, et "marbré de vert" aux suffusions gris-vert de la face inférieure des ailes. En 1765, Seba la nomma "Le papillon persillé bâtard". En 1779, Engramelle reprit le nom de Petiver sous la forme de "Le papillon blanc marbré de verd" ; en 1821, Godart se contenta de nommer cette espèce "La Piéride Daplidice", et au début du XXe siècle Oberthür la désigne comme "la Daplidice". Ce n'est qu'en 1986 que Gérard Luquet reprend le nom d'Engramelle en l'abrégeant en "Le Marbré-de-vert". Il initie ainsi une courte série de "Marbrés" ("Marbré kurde" pour Pontia chloridice ; "Marbré de Lusitanie" pour Euchloe tagis, "Marbré-de-vert oriental" pour Pontia edusa, etc.). G. Luquet propose aussi le nom de "Piéride du Réséda" dans la série "Piéride + plante-hôte" crée en nom scientifique par Linné. Les Réséda Reseda lutea et R. luteola sont des plantes jaunes, et le nom germanique Walda (Reseda) désigne la principale teinture végétale jaune sous le nom de Gaude en France, de Weld en Angleterre et de Wau en Allemagne. Waufalter fut ainsi le nom de P. daplidice à Vienne en 1775.

— Le nom vernaculaire anglais Bath White est expliqué ainsi par son créateur William Lewin, en 1795 : " On l'a nommé le blanc de Bath ; il doit ce nom à un petit ouvrage à l'aiguille, fait à Bath [Somerset] par une jeune demoiselle, qui avait pris pour modèle un individu de cette espèce, qu'on disait avoir été trouvé près de la ville." (The insects of Great Britain ).

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NOM SCIENTIFIQUE.

1. FAMILLE et TRIBU.

1°) Famille des Pieridae Swainson, 1820 : [Piérides ou Piéridides]

  • Sous-famille des Dismorphiinae Schatz, 1888 : [Dismorphiines : Piérides]

  • Sous-famille des Coliadinae Swainson, 1827 : [Coliadines : Coliades et Citrons].

  • Sous-famille des Pierinae Duponchel, 1835 : [Piérines : Piérides et Aurores].

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2°) Sous-famille des Pierinae Duponchel, 1835 : [Piérines : Piérides et Aurores].

  • Tribu des Anthocharini Scudder, 1889

  • Tribu des Pierini Duponchel, 1835.

3°) Tribu des Pierini Duponchel, 1835.

  • Sous-tribu des Pierina Duponchel, 1835

  • Sous-tribu des Aporiina Chapman, 1895

4°) Sous-tribu des Pierina Duponchel, 1835 :

  • Genre Pontia Fabricius, 1807

  • Genre Pieris, Schrank, 1801.

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2. NOM DE GENRE : Pontia, Fabricius, 1807.

Description originale : 23. Pontia, "Systema glossatorium", in "Die Neueste Gattungs-Eintheilung der Schmetterlinge aus den Linneischen Gattungen Papilio und Sphinges", "Nach Fabricii systema glossatorum Tom 1" , in Johann Karl Wilhelm Illiger*, Magazin für Insektenkunde, Karl Reichard Braunschweig [Brunswick] (6) page 283.

Description :

"Taster zwei, lang, dreigliedrig : Glieder ziemlich gleich : drittes feiner, kegelförmig. Fühler vorgestrekkt geknopst (Gleiche Füsse)."

"Pap. crataegi, rapae, daplidice, Elathea, Belia. 94 Art."

Espèce-type:

Papilio daplidice Linnaeus, 1758, sélectionné par Curtis en 1824.

Ce genre contient deux espèces en France :

  • Pontia daplidice (Linnaeus, 1758) Marbré-de-vert.

  • Pontia callidice (Hübner, [1800]) Piéride du Vélar.

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c) Origine et signification du nom Pontia (Zoonymie)

— Hans Hürter (1988) page 59-60 :cf.

— A. Maitland Emmet (1991) page 154 :

" πόντιος (pontios), of or from the sea, an epithet of Thetis (see Thetis, genus), the nereids (sea-nymphs) and especially Aphrodite (Venus), who was born from the sea, as depicted in Boticelli's painting, the birth of Venus ; ita was also the name of a rocky islet off the coast of Latium. Fabricius divided the present Pieridae into two families, Colias, comprising those that were yellow, and Pontia, embracing all the whites and orange-tips; the latter name is now restricted to this small genus. There is no obvious reason for the choise of name."

— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 40 :

"-Pontia : du grec pontios, "issu de la mer" ; surnom de Thétis, des Néréides, et plus spécialement d'Aphrodite (Vénus), qui était née de la mer. Le choix de ce nom par Fabricius a peut-être été inspiré par la couleur du revers des ailes postérieures, évoquant celle de la mer (?)."

— Perrein et al. (2012) page 158 :

" étymologie : obscure, peut-être du grec pontios, nom d'une mer, épithète de Thétis, ou d'une nymphe larine. C'était aussi un groupe de six petites îles de la mer Tyrrhénienne au large du Latium, les Pontiae Insulae. Un jeu de mots est également possible, en pendant avec Colias Fabricius, d'après Emmet (1991)."

Discussion.

Une fois de plus, Fabricius se soumet à la règle qu'il s'est fixé, celle de choisir ses noms de genre des espèces diurnes parmi les épithètes de Vénus.

Je rappelle en effet que selon Zimmer, dans son commentaire sur Vanessa (http://www.d-e-zimmer.de/eGuide/Lep2.1-T-Z.htm) Fabricius, dans sa présentation du Systema glossatorum ( in Zeitung für Literatur und Kunst in den Königl . Dänischen Staaten [ Kiel ] , Septembre 11 1807, p. 83), donne des indications précieuses sur ses règles d'attribution des noms : il écrit qu'il est en train de changer un certain nombre de nom donnés par Linné car il souhaite faire apparaître le nom de la plante hôte. "Les noms de genre ne posent pas de problèmes importants, il faut seulement éviter qu'ils soient trop longs, et qu'ils ne soient pas déplaisants à l'oreille. Pour les papillons de jour, j'ai choisi différents épithètes [cognomina] de Vénus, et pour les papillons de nuit, ceux de Diane. Ils semblent être les plus appropriés. Leurs homologues grecs [qualificatifs d'Aphrodite ou d'Artémis] ont tendance à être durs, longs et désagréables."

Si cette déclaration de Fabricius était méconnue, il suffirait d'examiner la liste des 49 noms de genre qu'il créa pour constater que 18 de ces noms correspondent à des épithètes de Vénus.

http://www.lavieb-aile.com/article-sur-les-noms-de-genre-des-lepidopteres-crees-par-fabricius-en-1807-124781429.html

1. Urania Ourania : « amour celeste »

2. Amathusia de la ville d'Amathus, à Chypre

5. Morpho : (aux belles formes, aux formes changeantes)

7. Castnia : du Mont Kastion, en Pamphylie

8. Eupolea (euploea) : de l'heureuse navigation

9. Apatura : Aphrodite apatouria ou apatouros, « la décevante»

10 Limenitis : des ports

17. Paphia de Paphios, à Chypre.

18. Melanitis : de la nuit.

19. Argynnis : Venus argennis, d'Argennus, favorite d'Agamemnon.

21. Idea : Mont Ida, lieu de naissance de Zeus.

22. Doritis : Vénus doritis, "la bienfaitrice" qui avait selon Pausanias son temple à Cnide

23. Pontia : de la mer profonde

24. Colias : du temple de Colias, en Attique

25. Haetera ; Hétaïra, protectrice des courtisanes.

26. Acraea : Protectrice des acropoles et des lieux élevés.

27. Mechanitis : l'ingénieuse à ourdir des ruses, son surnom à Megalopolis.

33. Erycina : du mont Erix, en Sicile.

On pourrait ajouter 36 Nymphidium "protectrice de mariages" (Aphrodite Nymphia).

Le nom Pontia doit donc être considéré sous la plume de Fabricius comme une référence à l'épithète de Vénus, d'autant qu'il se situe au sein d'une série des n°17 à 27.

Vénus Pontia peut se traduire comme "[ déesse] de la mer profonde". Le nom vient du grec ancien Πόντος / Póntos, « le flot », et, dans la mythologie grecque, Pontos est une divinité primitive, personnification mâle de la Mer dont le pendant féminin est Thalassa, la Mer féconde. Pontia devient un qualificatif de la déesse grecque de la beauté, Aphrodite, car cette dernière est en relation étroite avec l'élément humide et liquide. Les Grecs reconnaissaient en elle une déesse de la mer, peut-être à cause de l'influence de la lune sur le flux et le reflux, peut-être aussi parce que, conçue, à titre d'Uranie, comme déesse du beau temps, elle devait favoriser la navigation.

Son nom et son origine la rattache à la mer : Dans la Théogonie d'Hésiode et selon la tradition la plus populaire, Aphrodite naît de la mer fécondée par le sexe d'Ouranos, tranché par Cronos : « tout autour, une blanche écume sortait du membre divin. De cette écume une fille se forma ». Ainsi, selon l'étymologie populaire de son nom Aphrodite,, elle est « née de l'écume» (ἀφρός / aphrós). Poussée par les Vents , elle vogue jusqu'à Cythère, puis Chypre. Ainsi s'expliquent, selon Hésiode, ses principaux surnoms : « Cypris » et « Cythérée ». On la qualifiait de pontia, einaliê, thalassaiê et on l'évoquait, portée par Zéphyre, dans la molle écume, des parages de Cythère à Chypre, où l'accueillent les Heures aux bandelettes d'or. (Daremberg et Saglio, 1877) C'est ainsi que Botticelli la figure dans "La Naissance de Vénus" (1484-1486)

 

Les épiclèses qui témoignent de cette profonde nature marine d'Aphrodite sont par exemple celles de Alegina, "née de la mer", Anadyomène, "Sortie des flots", Aphrogeneia, "née de l'écume", Galenœe, "qui calme la mer", Limenia, "protectrice des ports", Pélagia, déesse de la navigation, ou Pontia.

Denise Demetriou a étudié une série d’épigrammes hellénistiques  et quelques témoignages littéraires et épigraphiques qui attestent le culte d’Aphrodite en tant que protectrice de la navigation :  les temples de la déesse occupaient souvent une position littorale, non parce qu’ils étaient, comme cela s'est dit, des lieux où la « prostitution sacrée » était pratiquée, mais plutôt en raison de l’association d’Aphrodite avec la mer et de son rôle de patronne des marins. 

L'un de ses épithètes cultuelles est Aphrodite euploia, "celle qui  rend la navigation bonne" . Cette épithète est déjà attestée dès le début du 4ème siècle à Peiraieu et à Cnide, et plus tard à Olbia, Mylasa, Kilikia,et Delos.

British Museum, Aphrodite Euploia :

 

 La déesse était aussi appelé "Galenaia" (Calme) dans deux autres épigrammes, indiquant Aphrodite capacité de calmer les mers.

D'autres épithètes de culte soulignent le double rôle d'Aphrodite en tant que protecteur de la navigation et des ports, et ils sont attestés de différentes périodes et endroits le long de la côte méditerranéenne:  la déesse a été adorée comme "Epilimenia" (Gardienne des ports) en Égide.

Elle a également été nommée "Pontia" (de la mer)  à Kos, Nisyros, Erythrai,  Olbia,Teiristasis en Thrace, Histria,  et Kyzikos;  et, Pausanias mentionne qu'à Hermione la déesse a été appelé avec la double épithète «Pontia kai limenia" (de la mer et du port)

 auteurs anciens souvent construits métaphores sur le pouvoir d'Aphrodite sur la navigation de se référer à son pouvoir sur le sexe.

Deux inscriptions de Kos  fournissent des preuves montrantr que Aphrodite était adorée comme Aphrodite Pontia sur cette île  : ce culte a été consacrée à Aphrodite Pandamos et Pontia , et malgré les deux cultes différents il n'y avait qu'une prêtresse pour désservir le culte. 

 

En conclusion, les textes examinés par Denise Demetriou  dans ce document montrent le lien étroit entre la situation côtière des sanctuaires d'Aphrodite, ses épithètes Euploia, Pontia, Limenia et Epilimenia, et les rôles maritimes de la déesse, qui semblent faire partie de son culte de l'époque archaïque jusqu'à l'époque hellénistique et au-delà dans toute la Méditerranée. Aphrodite était une divinité qui avait pouvoir sur la mer et qui fournissait une navigation sûre à tous ceux qui se déplaçait sur mer. Dans ce groupe ont été inclus les marins et les capitaines, les armateurs, les commerçants, et toute autre personne dont la profession est liée à la navigation. La déesse offrait le succès dans les batailles navales et des entreprises commerciale. Pourtant, elle n'a jamais été dépouillé de ses pouvoirs dans le domaine de la sexualité; plutôt, ses deux rôles  ont toujours été lié dans l'esprit des anciens Grecs, en comparant la navigation sur une mer agitée avec les fatigues et les turbulences de l'amour.  L'amant est souvent dépeint comme un marin, naufragé quand il / elle est infructueuse, ou lancé sur une mer d'amour. De même l'acte sexuel est comparé à une navigation dont on demande qu'elle mène l'amant à bon port.

 

© Staatliche Kunstsammlungen Dresden 2015 Statue der Aphrodite, Typus Aphrodite Pontia-Euploia Um 130 - 150 n. Chr. (späthadrianisch-frühantoninisch) nach einem späthellenistischen Vorbild (120 - 80 v. Chr.)

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3. NOM D'ESPECE : Pontia daplidice (Linnaeus, 1758) .

a) Description originale

Papilio daplidice Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Editio decima, reformata. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 1-824, page 468. [http://www.biodiversitylibrary.org/page/727379#page/490/mode/1up]

Description :

P[apilio] D[anaus] C[andidi] alis integris rotundatis albis margine fuscis subtus luteo-griseis albo-maculatis.  "Papillon parmi les Danai blancs, aux ailes entières (non découpées), arrondies, blanches mais noires en périphérie, avec le dessous gris-jaunâtre tacheté de blanc". 

Habitat in Europa australi & Africa.

Statura P. napi. Alae apicibus primorum imprimis nigra cum macula una alterave obsolete fusca ; omnes subtus venis dilatatis luteo griseis albo maculatae. In Mare  alae posticae supra albae immaculatae. "De la taille de Papilio napi. L'extrémité des ailes antérieures est essentielement noir avec des taches d'un noir délavé ; toute la face postérieure a les nervures dilatées, gris-jaunâtre à taches blanches. Chez le mâle la face supérieure des ailes postérieures est d'un blanc immaculé." (traduction au péril de mon incompétence).

Références données par Linné :

  • James Petiver, Gazophylacii t.1 fig.7

  • John Ray Historia insectorum page 116 fig. 10.

Consultation de ces références :

"A. 7. Papilio Leucomelanus CANTABRIGIENSISnobis. Papilio Leucomelanus subtus viridescens marmoreus Mus. Pet. 304. Vernon's half-MournerI know not of any that hath met with this in ENGLAND, but Mr. Vernon about Cambridge, and there very rare."

Comme on le constate, James Petiver renvoie lui-même à sa description du Musei petiveriani, que nous allons donc découvrir :

"​A. 304. Papilio Leucomelanus subtus viridescens marmoreus. The Greenish marbled half-MournerThe only one I have seen in England, Mr. Will. Vernon caught in Cambridgeshire. Mr Jezreel Jones, F.R.S. Has observed the same about Lisbon."

 

"Papilio mediae magnitudis, alis supina parte albis cum maculis nigris rarioribus, prona ex albo & viridi v ariis. Pap. Leucomelanos, subtus viridescens marmoreus, The greenish marbled Half-mourner, Mus. Pet. 304. Papilio leucomelanos Cantabrigiensis, Pet. Gaz. Tab.1 fig..7.

"Alae exteriores ad extimum marginem circa mediam longitudinem, (ut & interiores) maculam habent majusculam nigram, ad latus interius infra mediam longitudinem minorem : ima parte prope exterius latus ductum longum transversum, nigrum, ultra mediam alae latitudinem extensum. Infra hunc ductum ad imum alae marginem 4 vel 5 puncta nigra, cujusmodi & in interioribus alis cernuntur. Alae interiores prona parte albo & sordide viridi coloribus variae sunt, ad modum fere Papilionis albae, suntus viridi colore marmoreatae, Mus. Pet. 305,306. Color viridis majorem partem alae occupat. Colores autem tralucent, & in supinis alis apparent, non tamen viridis specie sed cinerei, qui in imis alis exteriorem partem occupant, inferius sordide virent.

"A.D. Vernon habui, qui in agro Cantabrigiensi eam invenit. Eandem D. Jezreel Jones circa Lisbonam observavit, referente D. Petiver."

https://archive.org/stream/jacobipetiveriop11767peti#page/n5/mode/2up

https://books.google.fr/books?id=cAUTW-ax-SgC&pg=PA271&lpg=PA271&dq=the+slight+grenish+petiver&source=bl&ots=S19203wuWC&sig=FXgskZ8nzsIzMu7hUXCm8Q3IjXk&hl=fr&sa=X&ei=87bkVIjJH4n9Uuypg8AK&ved=0CCQQ6AEwAA#v=onepage&q=the%20slight%20grenish%20petiver&f=false

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Résumé et commentaire des descriptions antérieures à Linné :

Le premier britannique qui captura un P. daplidice (femelle) fut William Vernon à Gamlingay dans le comté de Cambridge, en mai 1702, quelques semaines après que la reine Anne soit montée sur le trône. Le pharmacien londonien James Petiver a  donné la première description de cette espèce en 1699 sous le nom de The greenish marbled Half-mourner, "le Demi-deuil marbré de vert", en le décrivant comme un papillon noir et blanc avec la face inférieure marbrée de vert. En 1702, il  le décrit  sous le nom de Papilio leucomelanos Cantabrigiensis "Papillon noir et blanc de Cambridge", ou Mr's Vernon's Half-Mourned, "Le Demi-deuil de Mr Vernon". Il mentionne que Jezreel Jones l'avait aussi trouvé à Lisbonne. John Ray cite en 1710 ces données, et donne une description plus complète du papillon. En 1717, dans Papilionum Britanniae Icones, Petiver décrit le mâle et la femelle comme deux espèces différentes, "The slight greenish Half-mourner" (fig. 8) et "Vernon's greenish Half-mourner" (fig.9)  respectivement. Il en donne les deux figures l'une en dessous de l'autre dans sa Planche II des Papillons Britanniques Jaunes, Blancs et Mixtes.

 Le qualificatif "marbré" figure dans toutes les descriptions, en latin (marmoreus) et en anglais (marbled).

http://www.dispar.org/reference.php?id=11

 

 

b) Localité-type et Description :

Localité-type : " nord-ouest de l’Afrique, lectotype désigné par Wagener (1988). Cette désignation porte à discussion (Honey et Scoble , 2001*)

*Honey, M. R. & Scoble, M. J. 2001. "Linnaeus's butterflies (Lepidoptera: Papilionoidea and Hesperioidea)". Zoological Journal of the Linnean Society, 132(3): 277-399, page 316.

Selon Dupont & al. (2013) "cette espèce atlanto-méditerranéenne est présente en Afrique du Nord, dans la péninsule Ibérique et en France. Elle est aussi présente aux Canaries, en Corse et en Sardaigne. C’est une espèce qui possède des capacités migratrices importantes."

Description Wikipédia :

"La longueur de l'aile antérieure de la Piéride du réséda varie de 19 à 24 mm. De couleur majoritairement blanche, l'apex des ailes postérieures et antérieures est taché de noir.

"La génération printanière a le dessous des ailes postérieures vert foncé et la tache discoïdale atteint le bord du dessus de l'aile antérieure. La génération estivale a le dessous de l'aile antérieure vert jaune et la tache discoïdale ne touche plus le bord de l'aile. Les spécimens femelles sont plus chargés de noir que les spécimens mâles. Ce papillon aime les lieux fleuris, les luzernes, les brassicacées (crucifères) et le réséda sauvage

"Les œufs, de couleur orange, sont posés isolément et ont un temps d'incubation de 7 jours. Les chenilles sont présentes de mai à octobre. La couleur principale de la chenille est le bleu vert avec une bande jaune sur les flancs. De nombreuses taches noires sont présentes en général sur les zones bleues. La chrysalide, soit donne le papillon en environ 15 jours (en été), soit hiverne. Les adultes volent de mars à octobre avec deux à quatre générations selon la latitude. En Côte d'Azur, le papillon peut être présent dès janvier et disposer d'une cinquième génération partielle.

"Il hiverne dans sa chrysalide, au stade nymphal. La plante hôte de la chenille est Reseda lutea, le réséda jaune ou réséda sauvage mais aussi des brassicacées comme le diplotaxis à feuilles étroites (Diplotaxis tenuifolia), le tabouret perfolié (Thlaspi perfoliatum) et la fausse roquette de France (Erucastrum gallicum).

"La Piéride du réséda est autochtone en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Asie jusqu'au Japon et en Europe, en Espagne et dans la moitié sud de la France, Bretagne comprise, sur les îles Canaries, la Corse et la Sardaigne. Elle était déclarée résidente avant 1980 dans le nord de la France, en Belgique et au Luxembourg, mais la population autochtone n'y a plus été observée depuis. Elle est actuellement reconnue migrateur dans ces zones. C'est un migrateur qui peut se rencontrer par exemple dans le nord de l'Europe ou dans les Îles Britanniques parfois en grand nombre comme en 1945."

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c) Synonymes INPN (Muséum) et sous-espèces.

Liste des synonymes :

  • Leucochloe daplidice (Linnaeus, 1758)

  • Papilio daplidice Linnaeus, 1758

  • Pieris daplidice bellidice (Ochsenheimer, 1808)

  • Pieris daplidice (Linnaeus, 1758)

Ochsenheimer (1808)  a décrit la génération de printemps de P. daplidice comme f. bellidice. La forme nominale, f. daplidice, est utilisée pour décrire la génération d'été.

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c) Origine et signification du nom daplidice (Zoonymie)

A. Maitland Emmet (1991) page 149 :

"-The name of one of the daughters of Danaus, King of Argos. Linnaeus placed the present Pieridae in his phalanx Danaus, in the section entitled "Danai Candidi", white Danai ; the other section, "Danai festivi", gaily-coloured Danai, embraced mainly the Satyrinae. Of the former he wrote in a footnote "Danaorum Candidorum nomina a filiabus Danai ...mutuatus sum", I have derived the nams of the Danai Candidi from the daughters of Danaus. For some sisters of Daplidice, see C. palaeno and C. hyale ; for the kind of girls they were, see A. hyperantus."

Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 40 :

" : nom de l'une des filles de Danaus, roi d'Argos".

Perrein et al. (2012) page 158 :

"étymologie : de Daplidicé, nom d'une des filles de Danaus, roi d'Argos, dans la Mythologie grecque".

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Discussion.

Il n'y a guère à ajouter au commentaire de A.M. Emmet : Daplidice est le nom de l'une des filles de Danaos, roi d'Argos. Linné avait placé les Pieridae actuels dans sa phalange Danaus, dans la section intitulée" Danai Candidi ", les Danai blancs; l'autre section," Danai festivi ", les Danai gaiement colorés, renferme principalement des Satyrinae. Parmi les premiers, Linné a écrit dans une note 'Danaorum Candidorum nomina a filiabus Danai ... mutuatus sum', "j' ai attribué aux Danai Candidi les noms des Danaïdes. Pour certaines sœurs de Daplidice, voir C. palaeno et C. hyale; pour le genre de filles qu'elles étaient, voir A. hyperantus ".

Voir http://www.lavieb-aile.com/article-noms-des-lepidopteres-crees-par-linne-dans-le-systema-naturae-de-1758-121691934.html

Dans la Troisième Phalange de Linné, en 1758, le sous-groupe Candidi Danai comporte 19 espèces, dont 9 reçoivent le nom de leur plante-hôte (crataegi, brassicae, rapae, napi etc...) et 10 celui d'une Danaïde. Outre Daplidice, citons evippe, glaucippe, pyranthe, arsale, hyparete, damone, trite, hyale et hecabe. Les noms de leurs maris, les fils d'Égyptos, que les Danaïdes assassinent durant la nuit de noce, sont donnés aux Danai festivi : pamphilus, hyperanthus, xanthus, etc..

C'est Gaius Julius Hiyginus (-64/17) qui cite le nom de cette Danaïde dans ses Fabulae chap. 170. Les Fables d'Hygins sont selon Heller l'une des sources privilégiées de Linné pour le choix de ses noms propres.

Hübner reprendra cette série en 1800 pour son Papilio callidice ("Piéride du Vélar"). Sur le modèle daplidice et callidice, Brahm créa de toute pièce en 1804 bellidice (actuellement une variété de P. daplidice), et en 1813 Hübner le Papilio chloridice, selon un procédé de "rime en référence" déjà utilisé pour d'autres espèces par Denis et Schiffermüller en 1775. Ces constructions peuvent laisser penser que ces auteurs ont supposé une racine grecque -diké, "Parole, droit, justice" du nom de l'une des trois Heures (comme dans nos mots syndic, syndicat ) et ont construit d'autres noms  Belli- (bellis latin, nom de la Paquerette)  et chloro- (kloros, "vert").

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d) quelques descriptions post-linnéennes.

- Albertus Seba 1765,  Thesaurus. T. IV tab. 23 fig.II 12-15-16 :"Le papillon persillé bâtard". Le Thesaurus de Seba a été publié en deux éditions, Latin-Français et Latin-Néerlandais. Le Tome IV consacré aux insectes a été publié en 1765 à Amsterdam après la mort de Seba en 1736.  

- Esper, Die Schmetterling in Abbildungen page 62 : Der Grüngefleckte Weißling. ("Le papillon blanc taché de vert"). http://www.biodiversitylibrary.org/item/53441#page/88/mode/1up

-Denis & Schiffermuller (1775) nomme cette espèce "Waufalter", du nom allemand  du Réséda, Wau, issu du germanique Walda".

-Autres noms : Goez "Der Petersilienvogel" ou "Papillon-Persil", Mvill (Muller?)  "Der Afrikanische Weisling", Pallas "Der Heiderischschmetterling". Il a été aussi décrit par Fuessli, Fabricius, Muller et Schaeffer.

-Hübner : 

 

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e) Description de la plante-hôte et des formes précoces.

Ni Petiver, ni Ray, ni Linné ne décrivent la chenille ou ne mentionnent sa plante nourricière. Engramelle en 1779 déclarent tout ignorer de la chenille et de la chrysalide, a fortiori de la plante-hôte.  Mais le Reseda lutea est mentionné en 1779 par Bergsträsser, en 1790 par Riossi.

La chenille est décrite (avec exactitude ?) par Charles de Villers en 1789 (II, p.644). 

Au XXe siècle, on ddécrira les formes intermédiaires ainsi : Chenille gris cendré bleuâtre avec deux liserés jaunes de chaque coté, des points noirs, tête jaune-vert, ventre gris bleu, Chrysalide verte, brunâtre ou grise avec des lignes latérales blanc jaunâtre sur l’abdomen. 


 

II. NOMS VERNACULAIRES.

 

I. Les Noms français.

1. "L'Aurore, variété ", Geoffroy (1762)

Geoffroy, E. L. 1762. Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique. Tome II. Durand, Paris. 690 pp. page 72.

On peut reprocher à Geoffroy, comme le fait Godart, d' "avoir pris cette espèce pour une variété d'Aurore", alors que Linné avait décrit son daplidice 4 ans avant. En effet, Geoffroy, après avoir décrit l'Aurore, dont il crée le nom vernaculaire, écrit :

 "J'ai une variété de la femelle, où les nervures vertes du dessous des ailes inférieures sont plus grandes, plus larges, et plus marquées, et où les ailes supérieures, outre le bout qui est panaché de même, ont encore dans le milieu du bord supérieur une large bande verte qui s'avance jusqu'au milieu de l'aile".

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2. " Le Papillon blanc marbré de vert", Engramelle, 1779.

Jacques Louis Engramelle 1779 Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 2 page 216  Planche n° 50 fig. 106 a-c dessinée par J.J Ernst.

Cet auteur décrit la femelle comme le mâle et réciproquement. En effet, la femelle se distingue en réalité du mâle par le plus grand développement des dessins noirs, particulièrement à l’aile postérieure qui est presque blanche chez le mâle. 

 

3. La Piéride Daplidice,  Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 128.

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

Les auteurs classent Papilio edusa Fabricius Gen. ins. 1777, et Papilio edusa Fabricius Mantissa 1787 sous ce nom.

De même, ils considèrent que le Papilio Chloridice de Hübner comme une variété plus petite, de Sibérie et Russie. De même, ils considèrent Papilio bellidice de Brahm comme une variété de leur Piéride Daplidice. Ils donnent à cette dernière comme plante-hôte le Réséda qu'ils nomment la Gaude reseda lutea.

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4. "Piéride Daplidice" , Godart 1821,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821, page 48-15 n° XII. Planche 2 quart. peinte par Vauthier et gravée par Lanvin.

"Geoffroy a pris cette espèce pour une variété de l'Aurore, et Engramelle s'est trompé sur les sexes."

"Le dessus des ailes est blanc. Les premières ont vers le milieu de leur bord antérieur une tache noire, presque carrée, et divisée par un trait blanchâtre en zig-zag. Leur sommet est noir, avec une rangée transverse de quatre points blancs. Dans la femelle, il y a en outre une tache blanche près de l'angle interne. Les secondes ailes sont sans taches dans le mâle ; dans la femelle au contraire elles ont une bordure noire, que divise un rang de taches blanches."

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Planche 2 Quart BHL

 


 

5. Piéride Daplidice, Duponchel, 1849.

Philogene Auguste Joseph Duponchel, 1849  Iconographie et histoire naturelle des chenilles, pour servir de complément à l'Histoire naturelle des Lépidoptères Paris Tome I ... page 55, Planche IV fig. 11,a-b. peinte et dirigée par Duménil.

"Cette chenille se trouve sur le réséda jaune (Reseda lutea) , la tourette glabre (Turritis glabra) , la fausse roquette (Brassica erucastrum), le sysimbre des sages (Sysimbrium sophia) et le tlaspi des champs (Thlaspi arvensis)".

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BHL http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38600#page/69/mode/1up

 

Boisduval et Guenée, en 1836, n'utilisent plus que le nom scientifique, et cet abandon du nom vernaculaire va se poursuivre en France jusqu'en 1986 !

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6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986, et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet proposait comme nom principal "Le Marbré-de-vert" et comme nom accessoire "La Piéride du Réséda" ; "La Piéride marbrée" cité par Raphy Rappaz en 1979 ; "La Piéride du Radis" utilisé par Charles de Villers en 1789. Il réprouve l'emploi de "Le Marbré" par Rémy Perrier en 1926 en renvoyant à sa note [30] :

[30] : "Il convient de rejeter le nom de "Marbré" s'il n'est pas accompagné d'un déterminatif, car il a été employé pour désigner Carcharodus lavatherae."

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7. Étude du nom vernaculaire par les auteurs précédents:

  • Luquet in Doux et Gibeaux, (2007) page 40 :

​"Marbré-de-vert : allusion aux mots du revers des ailes postérieures".

  • Perrein & al. (2012) page 157 :

​"Le nom français créé par Engramelle (1779) est calqué sur celui de "veiné de vert" donné à Pieris napi par Geoffroy (1762)."

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8. Noms vernaculaires contemporains :

Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de "P. SDaplidice" mais n'utilisent pas de nom vernaculaire.

Bellmann / Luquet 2008 : "La piéride du réséda, le Marbré-de-vert"

— Chinery / Leraut 1998 : non mentionné.

— Doux & Gibeaux 2007 : "Le Marbré-de-vert ".

— Lafranchis, 2000 : " Le Marbré-de-vert, la Piéride du réséda" .

— Perrein et al. 2012 : "Marbré-de-vert, Piéride du Réséda".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Marbré de vert".

— Wikipédia : "La Piéride du réséda ou Marbré de vert".

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III. LES NOMS VERNACULAIRES dans d'autres pays.

  • Pòntia comuna en catalan

  • Rezedalepke en hongrois

  • Sinappiperhonen en finnois

  • Bělásek rezedkový en tchéque

  • Blanquiverdosa en espagnol

  • Resedawitje en néerlandais

  • Grönfläckig vitfjäril en suédois

  • Grønbroget kålsommerfugl en danois

  • Vandrehvitvinge en norvégien

  • Beneklimelek en turc

  • Reseda-Weißling en allemand 

  • Рапсовая белянка en russe.

  • Rukiewnik zachodni en polonais

  • Harilik reseedaliblikas en estonien

  • Stepinis baltukas en lithuanien.

  • Mlynárik rezedový en slovène

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Langues celtiques :

1. langues gaéliques : irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg : île de Man).

  • en irlandais

  • en mannois.

  • "Bánóg Bath " en gaélique écossais* 

2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welshcymraeg).

  • pas de nom en breton ;

  • "Gwyn smotiog " en gallois. 

*Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources. http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html

Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

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IV. LES NOMS VERNACULAIRES EN ANGLAIS ( d'après M. Salmon 2000).

Première description par Petiver ? 1699, 1717.

Selon le site Ukbutterflies  http://www.ukbutterflies.co.uk/species.php?species=daplidice  ..."c'est un migrateur extrémement rare dans les îles britanniques et, qui peut ne pas être observé du tout pendant plusieurs  années. Cependant, à l'occasion, il peut apparaître en grand nombre, comme lors de la grande migration de 1945. Le premier spécimen a été enregistré dans les îles britanniques à la fin du 17ème siècle. Entre 1850 et 1939, il y eut très peu d'observations, ne dépasssant la dizaine que lors de  rares années. L'exception a été en 1906, lorsque plusieurs centaines auraient été vus sur les falaises de Durdle Door, dans le Dorset, bien que ces enregistrements soient considérés comme suspects. Les grandes années pour cette espèce, toutefois, furent entre 1944 et 1950, avec plus de 700 observations en 1945, principalement à Cornwall. Cette espèce a été extrêmement rares depuis, avec moins de 20 individus enregistrés depuis 1952. On croit que cette espèce ne peut survivre à notre hiver, bien que certains descendants résultant de l'invasion de 1945 ont peut-être survécu à l'année suivante dans les îles britanniques. L'espèce était potentiellement capable de produire deux ou trois pontes dans les bonnes années. Le papillon a été  connu à l'origine comme "Vernon's Half Mourner" après la capture par William Vernon dans le Cambridgeshire abord reconnu mai 1702, bien que des  observations antérieures soient maintenant connues. Cependant, le nom commun de ce papillon vient d'un morceau de broderie qui figurait cette espèce,  montrant prétendument un spécimen pris  ou près de Bath en 1795, et le nom semble avoir «pris racine». Cette espèce est un migrateur rare dans les îles Britanniques. Bien que la plupart des dossiers proviennent de la côte sud de l'Angleterre, cette espèce a été signalée au nord jusqu'à Lincolnshire et le Yorkshire en Angleterre, ainsi que dans le comté de Wexford, Sud Est de l'Irlande (un record de 1893)."

 

  • The greenish marbled half-Mourned : Petiver, 1699.
  • The Vernon's half-Mourned : Petiver, 1702
  • The Bath White : Lewin 1795*
  • The Green Chequered White : Haworth, Jermyn, Stephens, Newman.
  • The Rocket : Rennie.
  • The White Chequered : Morris

​* William Lewin, dont l'ouvrage de 1795 The insects of Great Britain est écrit en anglais et en français, nomme le papillon The Bath White / Le Blanc de Bath page 63 esp. XXXIII Pl. 29 avec le commentaire suivant :

"Le papillon de cette espèce est rare en Angleterre, et il est vrai de dire, que la plupart de ceux, qui ont fait des collections relatives à cette branche de l'histoire naturelle, ont beaucoup douté qu'il ait jamais été trouvé dans ces royaumes. On l'a nommé le blanc de Bath ; il doit ce nom à un petit ouvrage à l'aiguille, fait à Bath [Somerset] par une jeune demoiselle, qui avait pris pour modèle un individu de cette espèce, qu'on disait avoir été trouvé près de la ville. Lorsque j'examinai les insectes achetés par Mr. J.T. Swainson à la vente du cabinet d'histoire naturelle de feu la duchesse douairière de Portland, je trouvai cet insecte avec la femelle du bout de l'aile orangé ; et alors je jugeai que quelqu'un avait assemblé des papillons dans cette boite, qu'il avait ensuite envoyée à la duchesse, et que cela grande ressemblance de ce papillon avec la femelle du bout de l'aile orangé avait empêché de distinguer cette rare espèce. Il est assez naturel de supposer, que cet insecte avait été recueilli par la même personne, et peut-être dans le même temps que la mouche commune appelée le bout de l'aile orangé [with the common fly, the orange tip]».

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Curtis, J. (1823-1840). British Entomology; being illustrations and descriptions of the genera of insects found in Great Britain and Ireland: containing coloured figures from nature of the most rare and beautiful species, and in many instances of the plants upon wich they are found. Vol. V. Lepidoptera, Part. I. Londres, planche 48.

http://www.archive.org/download/britishentomolog05curt/page/n29_w324

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Bibliographie, liens et Sources.

Funet : Pontia

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Pontia daplidice

— Lepiforum : Pontia daplidice 

UKbutterflies : Pontia daplidice

— Jardinsauvage : Pontia daplidice

 

Denise Demetriou, « Tῆς πάσης ναυτιλίης φύλαξ: Aphrodite and the Sea », Kernos. URL : http://kernos.revues.org/1567 

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Bibliographie générale de ces Zoonymies : http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-des-rhopaloceres-bibliographie-124969048.html

 

Zoonymie (étude du nom) du papillon le "Marbré vert oriental" Pontia edusa (Fabricius, 1777).

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Zoonymie (étude du nom) du papillon le "Marbré vert oriental" Pontia edusa (Fabricius, 1777).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé.

— Pontia Fabricius 1807 : parmi les 49 noms de genre créés par Fabricius, il s'agit d'un des 19 noms inspirés d'une épithète de la déesse Aphrodite (Vénus). Aphrodite Pontia ( "de la mer") était le nom par lequel elle était vénérée en ses temples du littoral méditerranéen depuis la période archaïque jusqu'à la période hellénistique comme protectrice du transport maritime et, par métaphore, des "transports" amoureux. La déesse de la beauté, née de l'écume de la mer avant d'aborder l'île de Cythère puis celle de Chypre, est liée au domaine maritime et a reçue aussi les épithètes d'Euploia ( de l'heureuse navigation) et de Limenia (gardienne des ports), qui ont donné nos noms de genre Euploea et Limenitis. Fabricius avait divisé nos Pieridae actuels en deux genres, Colias (autre épithète d'Aphrodite) pour les espèces à ailes jaunes, et Pontia, pour celles aux ailes blanches ou à extrémités orange.

edusa (Fabricius, 1777). En 1758, Linné avait donné à sept Nymphales des noms de di indigetes, divinités primitives romaines invoquées lors des actes de la vie quotidienne et du développement des enfants (voir rumina, levana, prorsa, lucina, maturna, cinxia, et, en 1761, dia). En 1766, Hufnagel avait ajouté le nom d'un dieu des premiers pas, Statilinus. Fabricius, disciple et ami de Linné, complète la série avec le nom de la déesse à laquelle les Romains offraient des sacrifices lorsque l'enfant, une fois sevré, absorbait des aliments solides. Edusa vient du latin edere, "manger". Le nom ne tente pas de décrire ou de qualifier l'espèce, mais de poursuivre une série onomastique, par hommage au maître.

— Cette espèce n'a pas été distinguée par un nom vernaculaire français jusqu'au XXI siècle, où elle est nommée, pour des raisons évidentes, "Le Marbré-de-vert oriental" et "Le Marbré de Fabricius".

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NOM SCIENTIFIQUE.

1. FAMILLE et TRIBU.

1°) Famille des Pieridae Swainson, 1820 : [Piérides ou Piéridides]

  • Sous-famille des Dismorphiinae Schatz, 1888 : [Dismorphiines : Piérides]

  • Sous-famille des Coliadinae Swainson, 1827 : [Coliadines : Coliades et Citrons].

  • Sous-famille des Pierinae Duponchel, 1835 : [Piérines : Piérides et Aurores].

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2°) Sous-famille des Pierinae Duponchel, 1835 : [Piérines : Piérides et Aurores].

  • Tribu des Anthocharini Scudder, 1889

  • Tribu des Pierini Duponchel, 1835.

3°) Tribu des Pierini Duponchel, 1835.

  • Sous-tribu des Pierina Duponchel, 1835
  • Sous-tribu des Aporiina Chapman, 1895

4°) Sous-tribu des Pierina Duponchel, 1835 :

  • Genre Pontia Fabricius, 1807
  • Genre Pieris, Schrank, 1801.

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2. NOM DE GENRE : Pontia, Fabricius, 1807.

— Description originale : 23. Pontia, "Systema glossatorium", in "Die Neueste Gattungs-Eintheilung der Schmetterlinge aus den Linneischen Gattungen Papilio und Sphinges", "Nach Fabricii systema glossatorum Tom 1" , in Johann Karl Wilhelm Illiger*, Magazin für Insektenkunde, Karl Reichard Braunschweig [Brunswick] (6) page 283.

Pour la zoonymie du nom de genre Pontia, voir Zoonymie du "Marbré-de-vert" Pontia daplidice.

 


3. NOM D'ESPECE :  Pontia edusa (Fabricius, 1777).

 C'est selon Funet une espèce non discernable extérieurement de P.daplidice. Le nom désigne les formes orientales de P. daplidice, en Europe centrale, voire à l'est de notre frontière, mais observable en France à l'occasion de migrations.

a) Description originale : 

 Papilio edusa, [1777], Joh. Christ. Fabricii ... Genera insectorum eorumque characteres naturales secundum numerum, figuram, situm et proportionem omnium partium oris, adiecta mantissa specierum nuper detectarum.1776 Litteris M. F. Bartschii in Chilonii , 310 pages, page 255.

Description :

Papilio D[anaus] C[andidi] alis rotundatis integerrimis albis fusco maculatis : posticis subtus virescentibus albo maculatis. Habitat Chilonii Dom. de Sehestedt.  Statura & Magnitudo P. Cardamines. Antenna fuscae clava apice alba. Alae anticae albae in medio maculis duabus nigris altera ad marginem crassiorem, altera ad tenuiorem  : apice albae nigro punctatae. Posticae supra albae margine nigro maculato. Subtus anticae concolores , ad maculis magis virescentibus, posticae late virides maculis tribus baseos, fascia media admarginem tenuiorem interrupta maculisque marginalibus albis. 

Localité-type : Chiloni. La ville de Sehestedt est située sur le canal de Kiel, dans le district de Rendsburg-Eckenförde en Allemagne. J'ai mis du temps à découvrir le sens de Chiloni. 

Fabricius était depuis 1776 professeur d'économie de l'université de Kiel, initialement nommée Christina Albertina puis  Academia Holsatorum Chiloniensis à sa fondation en 1665 par Christian-Albert, duc de Holstein-Gottorp. En effet, Chiloniensis signifie "de Kiel", le nom latin de la ville étant Kilonia ou Chilonium.

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c) Origine et signification du nom edusa (Zoonymie)

Gustav Ramann (1870-1876) page 21:

"Edusa ist der etwas veränderte Name von edulica, welcher von edulis, essbar, stammt und die Göttin bezeichnet, welche den Kindern Speise giebt."

L. Glaser (1887) page 116 :

"Eig. "Essende". "

Anton Spannert (1888) page 21 :

"eine römische Göttin, welche  die Aufsicht bei Ernhährung der Kinder führte".

Arnold Spuler (1901-1908) page 10:

"Grieschische Göttin"

August Janssen (1980) page 38:

"...is gewijd aan den romeinse godin Edusa ; van edere = eten, de godin is de beschermster van het zogen der kinderen."

Hans Hürter (1988) page 79-80

Cet auteur donne d'abord les origines grecques suivantes :

-ἒδω, ἒδειν : manger, consommer, gaspiller.

-το ἒδεσμα, ης : nourriture, plat.
ἠ ἐδηιὐς, ὐος  : nourriture
 -ἠ ἐδωδ ή, ῇσ : nourriture, alimentation
-
έδώδιμος, η, ὁυ : comestible

-edo, edi, esum, edere : manger

-edulis, -e : comestible.

Puis il cite Pauly  1905 et Rorscher 1890-1894 :  "Edusa (von edere, essen, ) Göttin der indigitamenta" (offizielle Sammlung von gebetsanrufungsformeln) " gehört in den Kreis der Mächte, die über die körperliche Entwicklung des Menschen von seiner Geburt an Wache halten ; im Verein mit Potina (röm. Schutzgöttin der Kinder, denen sie das Trinken gedeihen läßt) lehrt sie das Kind, wenn es entwöhnt ist, essen und trinken." (Pauly, 1905 ).

"Diese Namensgebung berührt eine schwierige und unter gelehrten umstrittene Frage der römischen Religionsgeschichte, die Indigitamenta (von indiges -einheimisch ; als Substantiv/Hauptwort- einheimischer Gott oder heros, der als Schutzgott des landes verehrt wird ; von Staats wegen angerufene Gottheit). Bei der ängstlichen Gewissenhaftigkeit, mit der die Römer, besonders ältester Zeit, den Göttern gegenüberstanden, war es eine wichtige Aufgabe der Pontifices, einer Art Priester, Leuten, die sich in Fragen des Gebets und der Götteranrufung an sie wandten. Rat zu erteilen. Die Pontifices sahen zu diesem Zweck natürlich ihre Bücher, die Libri pontificales, ein ; unter ihnen befindet sich eins, das, so unvollständig die daraus erhaltenen Notizen auch sind, Auskunft über den Charakter der Gebetsformen ältester Zeit gibt, die Indigitamenta. Die darin vorkommenden Gottheiten waren solche auf das Leben eines jeden Menschen in Wirksamkeit treten und als solche in Gegensatz zum Génius gestellt werden, der ihn das ganze Leben hindurch begleitet. Andererseits bezog  sich ein Teil dieser Gottheiten auf den Landbau. Die charakteristische Eigentümlichkeit der Indigitamentengottheiten bestand in der eng begrenzten Wirksamkeit in fest bestimmten Fällen. Nicht lebendiger Volksglaube an die Mächte des Himmels und der Erde, sondern eine von Priester erfundene und vorgenommene Vergöttlichung abstraker Begriffe liegt vor ; Indigetes wie Cinxia, Lucina usw.sind Erfindungen der Priester.

Edusa (auch educa, Edulia, Edula) war die Göttin, unter deren Schutz die Kinder das Essen lernten".


 


 

Discussion.

Linné avait débuté en 1758 dans son Systema naturae une série de noms puisés parmi les divinités primitives romaines ou  di-indigetes pour les attribuer à des Nymphales : 

  • rumina (Zerynthia rumina),  Déesse de l'allaitement.

  • levana (Araschnia levana,  Déesse antique romaine de la reconnaissance de l'enfant par le père.

  • prorsa (Araschnia levana), Déesse antique romaine  des accouchements. Parfois couplée à sa sœur Porrima.

  • lucina (Hamearis lucina), Déesse antique romaine de la naissance ; Épithète de Junon.

  • maturna (Hypodryas maturna), Déesse antique romaine présidant à la maturité du blé.

  • cinxia ( Melitaea cinxia), Déesse antique romaine de la "nuit de noce" où se dénoue la "ceinture" (cinxia) de la femme, puis épithète de Junon protectrice des mariages .

  • Venilia  (Pantoporia venilia), Déesse romaine des eaux douces.

En 1767, il y ajouta  dia (Bolora dia),  divinité de la jeunesse ou de la croissance agricole.

Hufnagel avait créé en 1766 statilinus (Hipparchia statilinus),  dieu protégeant l'enfant dans ses premiers pas.

Fabricius, en 1777, poursuit donc cette série avec Edusa (ou Edula, Edulia, Edulica), divinité veillant à l'alimentation du jeune enfant. On lui faisait des offrandes lorsqu'on sevrait l'enfant et qu'il commençait à absorber des aliments solides. De même, Potina présidait à la boisson de l'enfant.

Les divinités primitives romaines, noms de papillon attribués par Linné.

Di indiges ? Indigitamenta ? Je ne sais plus comment les nommer, mais cela n'importe pas. Ce qui compte, c'est que Linné, dans la dixième édition (fondatrice) du Systema Naturae de 1758, alors qu'il édifiait la première Onomastique (système de Noms Propres) des Lépidoptères en la fondant sur la mythologie gréco-romaine, et surtout grecque autour de l'Iliade et de la Guerre de Troie, a effectué un pas de coté à la page 480 de son ouvrage pour donner à six ou sept de ses Nymphales (aux noms de Nymphes a priori) des noms de déesses romaines primitives.  Linné honore ici ces divinités particulières de la première Rome, dans sa période italique, divinités étrangères à l'influence de la religion grecque, mais au contraire proche de concepts animistes, car elles sont des puissances tutélaires des actes de la vie plutôt que les habitantes de quelque Panthéon ou Olympe hiérarchisé. Elles sont, surtout, mal connues, car le nom de la plupart nous sont parvenus par les Pères de l'Église (Tertullien et Augustin en tête) au sein de diatribes soulignant l'absurdité apparente, face à leur proposition d'un Monothéisme Révélé, de cultes voués aux actes les plus prosaïques et les plus féminins de la vie quotidienne.  Ces Pères citaient Varron, ou plutôt les bribes que Nommius a recueilli des textes perdus de Varron :

 "La liste des indigitamenta est dressée par Varron. De cet ouvrage de Varron, nous ne savons rien qui ne nous soit transmis par des auteurs chrétiens, au premier rang (chronologique) desquels vient Tertullien (vers 150 - vers 230) , Ad Nationes, « Aux Nations » livre I  suivi d’Arnobe (vers 250 - 327) Adversus nationes, « Contre les Nations », et d’Augustin d'Hippone (354-430), De civitate Dei, qui y puisent pour railler la religion païenne et avancer leur propre programme de propagande religieuse en affirmant - le fait est loin d’être certain - que Varron a dressé une liste de divinités. Leur emboite le pas Macrobe (vers 370 - après 430) Les Saturnales, Livre I  et quelques autres scoliastes." (Wikipédia) 

Ancre    Ces divinités apparaissent souvent  comme la sacralisation d'un mot, et notamment d'un mot du corps et des fonctions corporelles, ce nom commun devenant leur Nom Propre dans une élévation du langage au statut de dieu : les invoquer (in-vocare), c'est prononcer le nom de la fonction dont on souhaite la protection. 

Comment Linné a-t-il eu connaissance de leur existence ? Lisait-il saint Augustin ou Tertullien ? John Heller (1983 -Studies in Linnaean Method and Nomenclature  ) s'est attaché à répondre à cette question, et, après avoir démontré que les Fables d'Hyginus suffisaient à expliquer la quasi totalité des autres noms attribués par le savant suédois, il a constaté que ces six noms prouvaient que Linné avait une autre source, les Syntagmata de Giraldi. Cet ouvrage de L. G. Giraldi est une somme colligeant tous les noms cités dans les textes de l'Antiquité. Les Di indiges sont énumérés dans le chapitre des Miscellani dei, Voici le passage consacré à Edusa :

 

"Edusa, & Potina, deae praesides existimatae eduliis & potionibus infantum, ut Nonnius ex Varrone legere videtur. Alii vero non Edusam, sed Edulicam deam hanc appellant, ut Augustinus, qui ait Edulicam deam vocatam, quae escam praeberet. Aelius vero Donatus in Terentiana Phormione, edulicam & poticam has deas vocavit. Ita enim scribit : Ubi initiabunt quidam cibo & potu, quidam sacris : ubi legitur apud Varronem initiari pueros Edulicae & Poticae et Cubae, divis edendi & potandi & cubandi, ubi primum a lacte & a cunis transferunt. Ut Vergilius : Nec deus hunc mensa, dea nec dignata cubili est. Hoc annotavit Probus. Sed Terentius Apollodorus sequitur, apud quem legitur, in insula Samothra cum a certo tempore pueros initiari, more Athenientium : quod ut in palliata, probandum est magis. Haec Donatus, sed Epulicam potius, & Potina, legit August. In quarto & sexto de Civita Dei . Sunt qui apud Donatum Educam legant, & potinam. Arnobius tamen libro tertio contra Gentes : Victuam & Potuam sanctissimas victui potuiq.. procurant . Ô egregia numinum, & singularis interpretatio potestaum : nisi postes virorum adipali unguine oblinerentur a sponsis, nisi virginalia vincula omnia feventes dissolverent, atque imminentes mariti nisi potarent & manderent, homines dei nomina non haberent. & haec quidem Arnobius, ut videas, quantum gentes infanierint."

En 1787, Fabricius nomma du même nom une autre espèce qu'il classera plus tard — en 1807— dans son genre Colias. Sa description dans  page 23 est proche, mais différente de la précédente : elle concerne aussi un Papilio Danai Candidi, mais "alis rotundatis integerrimis fulvis ; puncto margineque nigris subtus virescentibus ; anticis puncto nigro, posticis argenteo.". Il lui donne comme référence le Papilio hyale d'Esper, et comme habitat, l'Espagne. Le nom de Colias edusa, fut longtemps utilisé pour désigner Colias croceus, avant de constater que Geoffroy avair droit à l'antériorité par sa description de 1785, et que son nom avait priorité. Voir Hemming, The Generic names, page 168.

http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-du-papillon-le-souci-colias-crocea-geoffroy-in-fourcroy-1785-121108095.html


 

II. NOMS VERNACULAIRES.

Je donne ici, pour le XVIIIe et le XIXe siècle, les noms vernaculaires de Pontia daplidice, qui ne pouvait être distinguée alors de l'espèce edusa sans étude des genitalia.

I. Les Noms français.

1."L'Aurore, variété ", Geoffroy (1762)

Geoffroy, E. L. 1762. Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique. Tome II. Durand, Paris. 690 pp. page 72.

2. " Le Papillon blanc marbré de vert", Engramelle, 1779.

Jacques Louis Engramelle 1779 Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 216  Planche n° 50 fig. 106 a-c dessinée par J.J Ernst

 

3. La Piéride Daplidice,  Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 128.

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

Les auteurs classent Papilio edusa Fabricius Gen. ins. 1777 et Mantissa 1787 sous ce nom.

 

4. "Piéride Daplidice" , Godart 1821,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821, page 48-15 n° XII. Planche 2 quart. peinte par Vauthier et gravée par Lanvin.

 

 

5. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986, et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet ne mentionnait pas Pontia edusa, mais seulement P. dapplidice.

Elle ne figure pas non plus en 2013 dans la Révison taxonomique et nomenclaturale de Dupont, Luquet, Demerges et Drouet, consacrée aux Rhopalocera et Zygaenidae de France métropolitaine. Malgré que ce ne soit pas une espèce autochtone, un nom vernaculaire lui a été attribué : "Le Marbré vert oriental" ou "Marbré de Fabricius" (Wikipédia 2015). De même, son nom anglais est The Eastern Bath White" qui ajoute au nom vernaculaire de Pontia daplidice la mention "eastern".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diane et Actéon de Joris et Jacob Hoefnagel au Louvre et les Epigrammata deThéodore de Bèze.

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Rencontre de Hoefnagel et de Théodore de Bèze dans Diane et Actéon (1597) au Louvre. Hoefnagel et calvinisme.

Poursuivant mon examen des miniatures de Joris Hoefnagel pour tenter d'établir à mon petit niveau un inventaire entomologique de son œuvre, je m'arrête un instant sur l'inscription latine encadrant Diane et Actéon : une Épigramme de Théodore de Bèze. Quels sont les liens incitant Hoefnagel à citer le calviniste Théodore de Bèze, dans une de ses "erreurs de jeunesse" (Juvenilia) ? Quels sont les liens entre Hoefnagel et le calvinisme ? C'est à peine une digression, car l'entomologie naissante est et restera longtemps étroitement liée à la Réforme, à tel point que la France catholique y restera à l'écart, jusqu'au travail d'un janséniste, Etienne-Louis Geoffroy en 1762.

Voir sur ce blog sur Hoefnagel :

http://www.lavieb-aile.com/2015/02/les-allegories-des-quatre-saisons-de-joris-hoefnagel.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/02/le-theatre-de-la-nature-de-joris-hoefnagel-et-le-musee-de-l-innocence-d-orhan-pamuk.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/la-planche-ater-insectes-et-dieu-du-vent-de-joris-hoefnagel-metropolitan-museum-new-york.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/les-insectes-des-deux-allegories-de-la-vie-breve-de-joris-hoefnagel-1591-au-musee-de-lille.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/joris-hoefnagel-amor-lethaos-1598.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/une-nature-morte-offerte-par-hoefnagel-a-sa-mere.html

http://www.lavieb-aile.com/article-joris-hoefnagel-et-les-papillons-125286698.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/nasci-pati-mori-premiere-description-de-la-sequence-chenille-chrysalide-imago-par-hoefnagel-en-1592.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/inventaire-des-papillons-lepidoptera-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

http://www.lavieb-aile.com/2015/01/traduction-et-origines-des-inscriptions-figurant-dans-animalia-rationalia-et-insecta-ignis-de-joris-hoefnagel-1575-1582.html

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DIANE ET ACTÉON (1597) de Joris et Jacob Hoefnagel.

L'œuvre fait partie des collections de département Arts graphiques du Louvre sous la référence REC 85 et est consultable en ligne, avec une notice, ici :

http://arts-graphiques.louvre.fr/detail/oeuvres/12/503980-Diane-et-Acteon-max


Description :

Il s'agit d'une aquarelle avec des rehauts d'or sur un vélin collé en plein sur un panneau de bois et mesurant 22 cm de haut sur 33,9 cm de large. Une signature en bas au milieu : 'Georgius Houfnaglius Pa. et Jacobus Fi.F.F. Anno MCCCCCXCVII', soit Georgius Houvnaglius Pa[ter] et Jacobus Fi[lius] F[ieri] F[ecit] incite à l'attribuer à Joris (Georgius) Hoefnagel (Anvers, 1542 - Vienne,1601) et à son fils Jacob (Anvers, 1575-1630) : L. Duclaux et F. Lugt ont supposé que Georg Hoefnagel était l'auteur du décor de fleurs, d'animaux et d'insectes qui constitue la bordure. Son fils, Jacob, serait l'auteur de la scène mythologique. La critique a suivi unanimement cette proposition. (E. Starcky in cat. d'exp. 'Le paysage en Europe du XVIe au XVIIIe siècle', Paris, musée du Louvre, 1990, n° 19).

Joris Hoefnagel avait été peintre à la cour des ducs de Bavière Albert V et Guillaume V jusqu'en 1590, puis au service de l'empereur Rodolphe II à partir de 1591, séjournant à Francfort jusqu'en 1594, puis à Regensburg jusqu'en 1596, en 1597, date de Diane et Actéon, il séjournait entre Prague (Palais de Rodolphe II) et Vienne. A 55 ans, il avait réalisé l'essentiel de son œuvre, consacrée à l'histoire naturelle. En 1592, son fils Jacob, formé à la gravure, et alors âgé de 19 ans, avait publié Archetypa studiaque, une reprise des dessins de son père en gravure sur cuivre.

Inscriptions :

Inscription en haut au centre : 'VENATOR CASSES, ET CASSES TENDIT AMATOR,/ QUOS SAEPE INCASSUM TENDIT UTERQUE TAMEN/ EX AEQUO PLUVIAS, ET VENTOS SPERNIT UTERQUE,/ DAMNOSOS NUTRIT STULTUS UTERQUE CANES'.

Inscription en bas au centre : 'ATTAMEN HOC DISTANT QUOD CUM FAERA STERNITUR ALTER/ PRAEMIA SOLLICITI IUSTA LABORIS HABET/ TUM DEMUM VERO INFELIX SUPERATUR AMATOR,/ CUM SIMILIS VICTAE PRAEDA SUPINA IACET'.

La source des inscription : une épigramme de Théodore de Bèze.

Les deux inscriptions sont tirées du poème Comparatio amantis cum venatore, l'un des Epigrammata ("Les épigrammes") du volume Poemata (1548) de Théodore de Bèze. Voici l'épigramme en entier avec sa traduction :

Comparatio Amantis cum Venatore

Dum leporem nuper nemorosa per auia sector,

Antiquae in mentem mihi rediere faces,

Nec mirum, studio cum delectentur eodem

Cui Dictynna placet, cui Cytheraea placet.

Ille etenim leporem sectatur, & iste leporem

Resfugitiua lepus, res fugitiua lepos,

Venator casses, & casses tendit amator,

Quos saepe in cassum tendit uterque tamen.

Ex aequo pluuias & uentos spernit uterque

Damnosos nutrit stultus uterque canes

Attamen hoc distant, quod cum fera sternitur, alter

Praemia solliciti iusta laboris habet.

Tum demum uero infoelix superatur amator

Cum similis uictae praeda supina iacet.

"Comparaison entre l'amant et le chasseur.

"Alors que je poursuivais un lièvre par les bois ombreux,

me revinrent à l'esprit les brûlures d'un amour ancien.

Et ce n'est pas étonnant, puisque l 'émule de Dictynne et celui de Cythérée sont épris d'une même passion.

L'un poursuit un lièvre, l'autre la séduction ; le lièvre est fuyant, comme est fuyant l'objet de séduction ;

le chasseur tend des pièges et ce sont des pièges aussi que tend l'amant, et tous deux les tendent souvent en vain.

L'un et l'autre méprisent également le vent et la pluie,

l'un et l'autre, dénués de réflexion, nourrissent des chiens qui les ruinent.

Pourtant la différence est là : une fois que la bête gît à ses pieds, le premier recueille la juste récompense de sa peine.

Alors que l'amant infortuné est vaincu lorsque sa proie s'est allongée, comme si elle était en son pouvoir."

Théodore de Bèze, Juvenilia, Lutetiae, ex officina C. Badii, 1548, traduction Hélène Casanova-Robin Voir aussi Gallica, sd page 61

Le poème est commenté ainsi par H. Casanova-Robin : "Un texte de Théodore de Bèze, construit autour de la notion de plaisir, pousse plus avant l'assimilation entre l'amant et le chasseur : jouant sur les termes lepos « grâce, charme» / lepus « lièvre », il établit une équivalence entre Dictynna –Diane et Cytherea – Vénus, révélatrice de l'échange de valeurs entre ces deux déesses."

Les Poemata de Bèze.

On lit sur Wikipédia que Théodore de Bèze (Vézelay,1519-Genève,1605) fut un humaniste, théologien protestant, traducteur de la Bible, professeur, ambassadeur et poète. Il fut le porte-parole de la Réforme en France au colloque de Poissy, puis pendant les guerres de religion. Il fut le chef incontesté de la cause réformée dans toute l’Europe et le successeur de Jean Calvin à la tête de l'Académie de Genève.

http://en.wikipedia.org/wiki/Theodore_Beza

 

 

 

C'est ce personnage, auteur du Psautier huguenot et éditeur d'une nouvelle version du Nouveau Testament en grec, qui tenta toute sa vie de se justifier d'un recueil de poésies légères composé à 29 ans, les Poemata.  L’ouvrage comporte cinq parties dont les quatre premières sont assez formelles : Les Sylves, les Icônes, les Elégies et les Epitaphes. La cinquième partie,  les Epigrammata  est inspirée des épigrammes de Catulle composées pour  Lesbia : rebaptisant Candida sa fiancée Claudine Denosse, il reprend le même mètre, le doux endécasyllabe phalécien, et chante l'agrafe de Candide (ad fibulam), ses pieds (ad pedem Candidae), sa chevelure caressée par le Zéphyr, ses baisers, ou bien, s'inspirant de Martial, crée des pièces plus osées où il est question de mentula, de rimula et de telum. Ces frivolités datent de son sèjour parisien. Mais l'année même de cette publication, tombant sévèrement malade, comme l'écrit dans un style dévot l'auteur de l'article Wikipédia,  "dans sa détresse physique, se révélèrent à lui ses besoins spirituels. Peu à peu, il vint à la connaissance du salut en Christ, qu’il accepta avec une foi joyeuse. Il résolut alors de trancher les liens qui le rattachaient au monde et se rendit à Genève, ville qui était un refuge pour les évangéliques (les adeptes de la Réforme). Les fugitifs [Théodore et sa fiancée] arrivèrent à Genève le 24 octobre 1548." Avant de s'exiler, il trouva néanmoins le temps de confier son manuscrit de poèmes latins à l’imprimeur Conrad Bade (le fils de Josse Bade)  qui  les publia  in extremis aux ides de Juillet 1548, avant de quitter lui aussi Paris. Sur un autre ton, Alexandre Malard écrivait : "Bref, de Bèze, devenu grave, et représentant d'un parti qui se piquait d'austérité, fit alors un choix sévère : semblable au stoïcien de la fable, il se mutila, sous couleur de s'émonder."

Le volume est dédié à son maitre de Belles-Lettres Melchior Wolmar(1497-1560) qui lui avait fait part dans une lettre de Tubingen de son admiration, partagée par Joachim Camerarius: « Par désir de gloire et pour contenter les vœux d’un maitre à qui je devais tout, je fus entrainé à publié ce petit livre ». En effet, le jeune Théodore avait été envoyé à l’âge de neuf ans, à Orléans et confié à l'helléniste allemand protestant Wolmar qui avait déjà enseigné le grec à Calvin et lui avait inspiré le goût de la Réforme. En marge de ses études de droit civil, Jean Dampierre lui enseigna en 1535 la poésie latine et les hendécasyllabes. Après ce séjour à Orléans de 1528 à 1535, Théodore suivit bientôt son maître Wolmar à Bourges, où l’avait appelé la duchesse Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier. Bourges était en France un des endroits où soufflait le plus fort le vent de la Réformation. Quand, en 1534, François Ier publia son décret contre les innovations dans l’Église, Wolmar retourna à l’université de Tübingen où il enseigna le droit, le latin et le grec

Malgré son exil et sa conversion, la publication de ces poèmes  rendit le nom de Théodore de Bèze (en latin Bezia)  fort célèbre comme un des meilleurs auteurs de poésie latine de son temps. Trois éditions successives de piètre qualité virent le jour sans nom d’éditeur. Théodore de Bèze se résolut alors à réviser le texte, à en expurger les passages les plus scabreux et à publier une deuxième version augmentée, à Genève, chez Henri Estienne, en 1569. Cette version expurgée porte  le titre de Juvenilia qu'il faut comprendre comme "erreur de jeusesse" . 

 Les Poemata ont été publiés dans leur intégralité  et traduits en français par Alexandre Machard chez Isidore Lizeux en 1889 et cette édition est aussi consultable en ligne sur Gallica. Elle conserve les Epigrammata qui avaient été éliminés par les censeurs genevois, et ne donne pas en traduction les Silves, les Icones et les Élégies.

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La justification de Théodore.

Une lettre à André Dudith,  ancien évêque de Knin et de Pécs (Hongrie), passé à la Réforme en 1567,  sert de préface à la seconde édition des Poemata, (Genève, Henri Estienne, 1569) : en voici l'éloquent début :

 

 http://www.unige.ch/lettres/framo/calliope_chrestienne/data/beze.poemata.pref.pdf

"Quelqu’un s’étonnera peut-être (et à juste titre) qu’un homme de mon âge qui se livre à des préoccupations plus sérieuses et à qui, surtout, une première édition de tels versiculets a aussi mal réussi, non seulement reprenne, après tant d’années, ces vieilles sornettes, comme s’il retombait aujourd’hui en enfance, mais qu’il en rajoute encore comme par un nouvel excès de sottise. Donc, pourquoi il en est ainsi, je pense que cela demande une explication plus complète afin de dissiper les critiques injurieuses des uns et peut-être aller au-devant des calomnies futures des autres. Attaché à la poésie depuis mon enfance, je m’y suis consacré avec application, d’une part grâce à une certaine inclination naturelle qui attirait mon tempérament vers la pratique de celle-ci, d’autre part aussi sous l’impulsion de Melchior Volmar Rufus de Rottweil, homme d’une érudition et d’une honnêteté exemplaires, qui, à l’époque où il était mon précepteur à Bourges, m’encouragea non seulement à étudier les autres disciplines qui conviennent à la jeunesse, mais également à faire, avec assiduité, des exercices de style en poésie. Ensuite, aux alentours de ma dix-septième année , après que je fus arrivé à Orléans sur l’initiative de mon père pour y entreprendre des études de droit, je fis la connaissance de plusieurs personnes cultivées qui, brûlant de la même passion que moi, étaient déjà dotés d’un goût sûr et d’une culture remarquable : Jean Dampierre, poète dont la veine très féconde produisait avec bonheur des hendécasyllabes et qui était alors supérieur d’un couvent situé dans les environs de la ville (depuis, j’ai pleuré sa disparition), Antoine de Saint-Anthost, plus tard président au Parlement de Rouen, décédé il n’y a pas si longtemps , Jean Truchon, Maclou Popon , Louis Vaillant, tous, je pense, encore en vie et honorés des charges les plus prestigieuses de France. Après mon arrivée à Orléans, donc, non seulement je ne délaissai pas mon amour de la poésie, mais au contraire, comme si un désir d’émulation était née entre nous, je persévérai dans cette voie en redoublant d’efforts, et les Muses (soit dit sans exciter l’envie) s’avérèrent si bien disposées à mon égard que selon le propre témoignage de ces hommes si illustres et si instruits (encore aujourd’hui je garde précieusement parmi mes trésors plusieurs petites pièces qu’ils m’avaient adressées en signe de notre grande amitié), j’avais déjà à cette époque-là, semble-t-il, les moyens de me distinguer tant soit peu dans ce genre littéraire. Or, je m’étais alors proposé, en composant des bucoliques et de petites silves, d’imiter Virgile, le prince des poètes ; en écrivant, d’autre part, des élégies, j’imitais Ovide, dont l’ingénieuse abondance me séduisait plus que l’élégance d’un Tibulle. Pour ce qui est des divertissements que sont les épigrammes, genre que j’affectionnais par-dessus tout en raison de certaines dispositions naturelles, c’étaient, encore et toujours, Catulle et Martial ; je les appréciais au point que, chaque fois que je m’écartais de mes études plus sérieuses (qui étaient, en réalité, des tâches parfaitement accessoires), c’est nulle part ailleurs que dans leurs jardins, si l’on peut dire, que je désirais me donner carrière . En effet, même si (et je le dis avec sincérité) leur obscénité me choquait au point qu’il m’arrivait de détourner les yeux de certains passages au cours de la lecture, manquant pourtant de prudence à cet âge-là, j’étais séduit tant par la douceur du premier que par le mordant du second, si bien que je m’efforçais de leur ressembler (je parle du caractère de leur style) autant que je le pouvais. C’est ainsi que fut écrite la majeure partie des poésies que j’ai publiées quelques années plus tard, et non seulement celles-ci mais encore quelques autres qui ou bien ont disparu depuis longtemps ou bien continuent de circuler entre les mains de certains amis. En effet, bien loin de garder ces poèmes par-devers moi – s’il m’était arrivé parfois d’en produire en abondance –, je dus, lorsque j’eus pris la décision de les publier, en partie les tirer moi-même du sanctuaire de ma mémoire, en partie les mendier auprès de mes amis. Mais ce furent surtout les vifs encouragements du célèbre Melchior, mon ancien précepteur, qui fournirent un prétexte favorable à la publication ; comme il m’était arrivé de lui envoyer je ne sais plus quelles pièces (en

pour suivre l’appel du Christ ; c’est ainsi qu’en compagnie de celle qui, depuis quelque temps déjà, était ma fiancée, j’abordai dans le havre qu’est Genève, comme si Dieu en personne m’avait conduit par la main. Après y avoir été accueilli de la manière la plus chaleureuse par le grand et illustre Jean Calvin, j’y restai jusqu’à ce que l’on m’appelât à Lausanne, à l’Académie des Bernois, pour y enseigner la langue et la littérature grecques, alors même que je n’avais jamais eu pareille ambition. Convoqué, je m’y présentai et à l’occasion de l’enquête qui fut menée sur moi (conformément à l’usage établi dans nos Eglises par l’Apôtre), je fis spontanément mention des épigrammes que j’avais publiés afin que la présence, parmi eux, de quelques pièces amoureuses et par moments même franchement licencieuses – toujours, il est vrai, à l’imitation des Anciens –, ne pût porter préjudice à effet, je lui écrivais fréquemment comme il sied à un disciple qui ne veut point être ingrat, et lui, en retour, m’a toujours traité avec les égards dus à un fils), alors qu’il enseignait le droit à Tübingen sous l’autorité du très illustre prince le duc de Wurtemberg, il n’eut de cesse que je ne lui dédiasse ces balivernes réunies au hasard dans un fascicule. En effet, de retour d’Orléans à Paris – m’étant ainsi retrouvé dans l’école la plus florissante du monde et ayant fait la connaissance de personnes avec qui je pouvais me former dans n’importe quelle discipline –, j’avais du reste déjà composé un certain nombre de pièces de ce genre selon que se présentaient diverses occasions propres à libérer l’esprit des études plus sérieuses ; ces poèmes (soit dit sans offenser personne) avaient été appréciés par les hommes les plus doctes de cette académie, hommes que je comptais parmi mes amis les plus chers (il s’agissait alors de Jean Strazeel, Adrien Turnèbe, George Buchanan, Jean Tevius, Antoine de Gouvea, Mellin de Saint-Gelais et Salmon Macrin), au point qu’ils m’avaient attribué à l’unanimité, si mes souvenirs sont bons, alors que je venais de terminer l’Horoscope de François II, le premier rang parmi les auteurs d’épigrammes. Séduit, comme je l’étais alors, par je ne sais quel espoir de parvenir à une vaine petite gloire et souhaitant, en partie également, donner satisfaction, dans la mesure de mes possibilités, au désir de mon précepteur, qui avait toujours fait preuve à mon égard d’un si grand dévouement, je ne pus retenir ce modeste livre, qui reçut de la part de mes compatriotes français et même de la part des Italiens un accueil tel que j’avais honte d’accepter les félicitations des premiers ; pour ce qui est des seconds, celui qui était alors considéré comme le plus brillant d’entre eux, Marc Antoine Flaminio, alla jusqu’à annoncer haut et fort à qui voulait l’entendre que les Muses, il le reconnaissait désormais, avaient enfin franchi les Alpes pour pénétrer en France. Et de fait il s’en serait fallu de bien peu que dans mon imprudence je ne reste collé à ce rocher des Sirènes si le Seigneur ne m’avait forcé, comme sous l’impulsion des vents de son Esprit et bien que cela se fît contre mon gré, à conduire ma barque plus loin. Mais abrégeons : éveillé par Dieu vers la même époque et brûlant du désir de déclarer publiquement mon attachement à une religion plus pure (ce que l’on ne pouvait alors faire en France sans mettre sa vie en grand péril), j’abandonnai tout pour suivre l’appel du Christ ; c’est ainsi qu’en compagnie de celle qui, depuis quelque temps déjà, était ma fiancée, j’abordai dans le havre qu’est Genève, comme si Dieu en personne m’avait conduit par la main. Après y avoir été accueilli de la manière la plus chaleureuse par le grand et illustre Jean Calvin, j’y restai jusqu’à ce que l’on m’appelât à Lausanne, à l’Académie des Bernois, pour y enseigner la langue et la littérature grecques, alors même que je n’avais jamais eu pareille ambition. Convoqué, je m’y présentai et à l’occasion de l’enquête qui fut menée sur moi (conformément à l’usage établi dans nos Eglises par l’Apôtre), je fis spontanément mention des épigrammes que j’avais publiés afin que la présence, parmi eux, de quelques pièces amoureuses et par moments même franchement licencieuses – toujours, il est vrai, à l’imitiation des Anciens –, ne pût porter préjudice à l’Eglise. L’assemblée de nos frères décida que je n’en pouvais pas moins assumer cette charge au sein de l’Eglise : d’une part, parce qu’il leur semblait tout à fait injuste de tenir rigueur de cette faute à un homme qui venait de passer dans le camp du Christ en tournant le dos au papisme un peu à la manière dont on renonce au paganisme et qui, du reste, avait mené une vie honnête et irréprochable ; d’autre part, parce que je m’étais engagé à montrer publiquement combien je regrettais cette étourderie. Dès cette époque-là, en effet, je pressentais ce qui est arrivé depuis, à savoir que ceux-là mêmes qui auparavant avaient fait leurs délices de mes versiculets (aussi longtemps du moins que je fréquentais leurs lieux de débauche) allaient ensuite, par haine de l’Evangile, me reprocher leur publication et qu’ils ne trouveraient évidemment rien à m’imputer si ce n’est des crimes manifestement inventés de toutes pièces. Quant à savoir si, dans les faits, j’ai tenu l’engagemennt que j’avais pris, une double préface en témoignera, l’une en français, placée en tête de la tragédie intitulée Abraham sacrifiant et imprimée voici dix-huit ans par Conrad Badius ; l’autre en latin, ajoutée à ma Confessio et également publiée il y a longtemps. Depuis que j’ai passé, par un bienfait vraiment singulier de Dieu, au vrai christianisme, je ne m’oppose pas le moins du monde à ce que mes adversaires même fassent des enquêtes très scrupuleuses pour savoir comment je me comporte, grâce à Dieu, en public et en privé. En effet, ils prétendent que j’ai été chassé de Lausanne, histoire dénuée de tout fondement, car imaginée de bout en bout par ces gens sans scrupules : en seront témoins non seulement la ville de Lausanne elle-même, avec laquelle je continue d’entretenir des relations très amicales, mais encore le très influent Sénat de Berne, dont j’éprouve tous les jours les bonnes dispositions à mon égard. Etc..." Théodore de Bèze à André Dudith* : lettre préface à la seconde édition des Poemata, Genève, Henri Estienne, 1569 http://www.unige.ch/lettres/framo/calliope_chrestienne/data/beze.poemata.pref.pdf

 

http://le-bibliomane.blogspot.fr/2012/07/theodore-de-beze-les-poemata-une-erreur.html : La page de titre de l’édition originale des Poemata publiée chez Conrad Bade en 1548.

 

 

 

 

Diane et Actéon arts.mythologica.fr © Musée du Louvre

 

 

 

 

 

II. L'épigramme Comparatio amantis  (1548) et  le Diane et Actéon (1597)   des Hoefnagel.

Le lien qui réunit l'épigramme de T. de Bèze et la scène mythologique de Diane et Actéon, inspirée d'Ovide, n'est pas direct. On connaît l'histoire du chasseur Actéon, qui surprend un jour, au cours d’une chasse, la déesse Artémis prenant son bain. Furieuse, elle le transforme en cerf. Impuissant, Actéon meurt déchiré par ses propres chiens qui ne le reconnaissent pas et sont rendus fous de rage par la déesse. 

Citons d'abord  Les Métamorphoses d'Ovide : livre III vers 177 à 181, 189 à 193

Qui simul intravit rorantia fontibus antra,
Sicut erant, viso nudae sub pectora nymphae
Percussere viro subitisque ululatibus omne
Implevere nemus circum fusaeque Dianam
Corporibus texere suis ; tamen altior illis (...)

"A peine (Actéon) est-il entré dans la grotte à la source ruisselante, que les nymphes qui se trouvaient nues, à la vue d'un homme frappèrent leurs poitrines et remplirent toute la forêt environnante de leurs cris subits ; pressées autour de Diane elles la protégèrent de leurs corps ; mais Diane est plus grande qu'elles."

sic hausit aquas vultumque virilem
Perfudit spargensque comas ultricibus undis
Addidit haec cladis praenuntia verba futurae :
"nunc tibi me posito visam velamine narres,
Si poteris narrare, licet. "

 "ainsi, Diane prit de l'eau, la jeta à la face de l'homme et aspergeant sa chevelure avec l'eau vengeresse, elle ajouta ces paroles, annonciatrices du malheur à venir : "maintenant, va raconter que tu m'as vue sans voile, si tu le peux, je te l'accorde."

"Nec plura minata 
Dat sparso capiti vivacis cornua cervi,
(...) velat maculoso vellere corpus 
Additus et pavor est ;

"Et sans proférer davantage de menaces, elle fait apparaître sur la tête ruisselante d'Actéon les cornes du cerf vivace (...) elle couvre son corps d'une peau tachetée ; elle y ajoute même une nature craintive."

Le dessin oppose, à gauche, Actéon encore prit par l'élan de sa chasse, mais la tête déjà affublée des cornes du cerf, et, à droite, parmi six nymphes nues, Diane / Artémis  sortant du bain, faisant face à l'intrus et l'aspergeant d'eau. L'élément le plus frappant, c'est la confrontation soudaine des deux gestes, l'effet de surprise foudroyant, et la victoire de la déesse. 

De même que Hoefnagel est d'une fidélité scrupuleuse aux modèles naturels (insectes ou fleurs) qu'il reproduit, de même respecte-t-il parfaitement le texte d'Ovide, bien que ses nymphes semblent plus préoccupées à leur toilette, à leur miroir  et à leurs jeux qu'à abriter leur maîtresse qui se passe d'ailleurs bien de cette protection ; ses pouvoirs lui suffisent.

Puisque l'épigramme choisi ne commente pas directement la scène mythologique, son choix suppose une réflexion préalable et délibérée proposant une interprétation originale du mythe. A la lecture de de Bèze, nous sommes amenés à comprendre le sort qui frappe le chasseur Actéon comme celui de tout amant, qui se croit vainqueur et qui, par un seul regard, est dominé par celle qu'il croyait posséder et est dévoré par les chiens de sa propre passion. Le thème souvent traité en poésie par Ronsard ou par Maurice de Scève, et qui évoque la métaphore du regard féminin comme un arc dont la flèche empoisonne le cœur de l'amant.

Cette transformation du prédateur en proie est aussi le sujet du poème du protestant Jean de Sponde, qui fut l'élève de Théodore de Bèze à Bäle vers 1581 : 

"Je meurs, et les soucis qui sortent du martyre 

Que me donne l'absence, et les jours et les nuicts

Font tant qu'à tous momens je ne sçay que je suis, 
Si j'empire du tout ou bien si je respire.

Un chagrin survenant mille chagrins m'attire, 
Et me cuidant aider moy-mesme je me nuis ; 
L'infini mouvement de mes roulans ennuis
M'emporte, et je le sens mais je ne le puis dire.

Je suis cet Actéon de ses chiens deschiré ! 
Et l'esclat de mon ame est si bien altéré
Qu'elle, qui devrait me faire vivre, me tüe :

Deux Deesses nous ont tramé tout nostre sort,
Mais pour divers sujets nous trouvons mesme mort, 
Moy de ne la voir point, et luy de l'avoir veüe." (Les Amours, V, 1598)

 

...

Mais si de Bèze avait, devenu calviniste, tout fait pour escamoter son œuvre de jeunesse, comment comprendre que Jacob ou Joris Hoefnagel, calvinistes également, en ait ostensiblement inscrit un passage et ait rendu hommage à l'une de ses Épigrammes reniés et banni ? Alors que Joris Hoefnagel a surtout peint des miniatures consacrées au thème de la fragilité et de la vanité de l'existence rendue dérisoire face au temps qui passe, en utilisant les spécimens d'histoire naturelle comme des exemples d'un destin éphémère, et des citations morales (Psaumes, Adages d'Érasme) ou poétiques (Les Roses d'Ausone) selon un dessein parfaitement compatible avec la morale calviniste, comment expliquer ces nymphes nues et cette citation de de Bèze ?

 

 

III. Éros dans la Prague rodolphinienne .

   Diane et Actéon de Joris et Jacob Hoefnagel doit être considéré au sein de la production des artistes de la cour impériale de Rodolphe II à Prague. Parmi les quelques vingt-cinq artistes de Rodolphe II, et à coté des études de nature de Joris Hoefnagel et de Savery, presque tous exé­cutèrent des œuvres qui correspondaient avant tout au goût pour les tableaux dont les sujets étaient tirés de la littérature classique. Ovide et Apulée constituaient probablement leur source principale. Les œuvres d'artistes de la Renaissance  italienne étaient copiées, et  Heintz et Von Aachen firent des copies d'après Corrège, tandis que Heintz copiait L'Amour taillant son arc, de Parmesan ;  Vénus et Adonis de Van Ravesteyn, reprend l'œuvre de Titien. Par ailleurs, Rodolphe II détenait  dans ses collections une série de poésie mythologiques, compositions contenant des nus qui venaient de l'atelier de Titien et qu'il avait héritées de son père, Maximilien II ;  En 1601, il acquit la Danaé de Titien. Puis il parvint à obtenir les célèbres Amori de Corrège. Des œuvres semblables, de Parmesan, Pordenone, Jules Romain, Palma Vecchio et Paris Bordone se trouvaient dans les collections de Prague. Pour Rodolphe II, Véronèse et Tintoret peignirent plusieurs scènes mythologiques sur des sujets amoureux. Ces pein­tures de Corrège, Titien, et bien d'autres artistes italiens répondent à un goût pour les thèmes de la mythologie classique, dont la vogue n'a cessé de grandir pendant la Renaissance.

Il est donc logique que Jacob Hoefnagel ait produit lui-aussi une scène mythologique, et que celle-ci illustre une des Métamorphoses d'Ovide. C'est le reflet de son statut de peintre de cour plutôt que celui de ses propres choix.

De même, le caractère érotique et dénudé de la scène doit-elle être mise en relation avec les erotica, les images suggestives de Spranger et de Van Ravesteyn : ces scènes érotiques représentent un quart des collections de l'empereur, et,  pour les tableaux de Spranger  cette proportion s'élève approximativement à la moitié. 

Ces nus s'inscrivent dans une longue tradition dans toute l'Europe, chez les Princes comme chez les bourgeois. Certains critiques y ont vus le reflet de goûts particuliers de Rodolphe II, d'autres ont  vu dans ces scènes mythologiques des allégo­ries morales ou philosophiques en relation avec le succès dans les cercles praguois des interprétations ésotériques et mystiques et le penchant de Rodolphe pour le mystique et l'occulte, mais son aversion pour les scènes religieuses. Les héros et les dieux de Spranger, Von Aachen et Heintz ont pu être interprétés comme des images de l'harmonie cosmique.

Afin d'enrichir le regard critique porté sur Diane et Actéon de Hoefnagel, je me propose de citer l'article Éros et poesia : la peinture à la cour de Rodolphe II de Thomas DaCosta Kaufmann. En particulier son analyse des peintures érotiques de Sprangler, présentées comme des poésies. J'ai, je l'avoue et j'en met en garde le lecteur, soumis le texte de Kaufmann à des coupes et raccourcis parfaitement intempestifs, et chacun se devra de consulter la publication originale, disponible en ligne. Je donne ici ce que j'ai "surligné" pour mon usage propre.

 "Aucun document spécifique émanant des milieux praguois ne permet d'éta­blir que les peintures étaient destinées à être interprétées de manière allégorique. Il y avait sans doute à Prague un milieu humaniste érudit ; mais on ne peut supposer que ses membres pouvaient discerner systématiquement des vérités philoso­phiques dans des sujets d'un érotisme flagrant. Il existait certes dans le milieu de la cour une littérature de tournure allégorique, comme l'at­teste le célèbre ouvrage d'alchimie, l'Atalanta fugiens de Michael Maier. Mais il semble diffi­cile d'appliquer cette lecture à toute la poésie spécifiquement erotique, produite en latin et en allemand par des personnalités marquantes associées à la cour telles que Valens Accidalius, Hieronymus Arconatus, Elizabeth Jane Weston et, en particulier, Salomon Frenzelius et Theobald Hôck. Du reste, nous ignorons le contexte original et la fonction de beaucoup de peintures erotiques faites à Prague, qui auraient pu favori­ser une interprétation allégorique cohérente.

"Le recours aux conseils d'érudits ne consti­tue en aucun cas une «règle invariable». On possède peu de renseignements précis sur le rôle des conseillers humanistes dans l'élaboration des peintures à Prague. En fait, certains artistes au service de l'empereur comme Hoefnagel étaient eux-mêmes des humanistes capables d'inventer des emblèmes très savants. D'autres peintres impériaux, tel Arcimboldo, ont pu travailler avec des humanistes, mais ils pouvaient eux aussi inventer des thèmes ou exécuter les propres inventions de l'empereur. Ottavio Strada ne semble pas avoir joué un rôle quelconque dans l'élaboration de programmes de peintures (à distinguer des emblèmes) pour des artistes au service de Rodolphe II. L'interprétation érudite des erotica rodolphiniens risque d'oublier leur contenu manifeste. . De même, la recherche de significations complexes et cachées ne doit pas faire oublier la sensualité évidente des nus de Spranger. Aucun texte ne peut entièrement rendre compte de cet aspect des peintures, pas plus qu'une recherche de source textuelle ne suffit pour Titien. Entre les deux objets traditionnels de la poésie, la délectation semble primer l'instruction.

"Les poésie de Spranger : En interprétant les peintures rodolphiniennes à sujet érotique comme des poésie de la Renaissance, nous pouvons faire porter l'atten­tion sur leur forme et leur style, souvent éludés auparavant par la critique. Les peintures de Spranger du début des années 1580, représentant des couples amoureux, fournissent à notre dis­cussion des exemples appropriés : c'est celui dont l'œuvre comporte le plus grand nombre d'erotica.  Dès le xvne siècle,  des compositions picturales pouvaient être considérées comme des poésie, c'est-à-dire des inventions poétiques. Les descriptions de poètes comme Ovide, dont le style vivace convie à passer facilement du mot à l'image, y invitaient. 

La notion, bien connue de la critique huma­niste, que les peintures, considérées comme comparables aux poèmes, sont régies par des principes similaires — ut pictura poesis —, était très répandue en Europe Centrale

En fait, du temps même de Rodolphe II ou peu après, les peintures de Spranger étaient pré­cisément qualifiées de «poétiques».  Ses scènes mythologiques sont riches d'antithèses, d'anaphores, de chiasmes (ou complexio) et d'ironieL'antithèse, sous des formes variées, est impor­tante dans toutes ses œuvres mythologiques, et se manifeste dans l'emploi répété du contrapposto,  figures qui se tournent sur elles-mêmes pour former une figura serpentinata, créant un effet qui participe d'une forme idéale de beauté, et accentue ainsi leur grâce. Dans ce groupe d'œuvres, beaucoup de figures sont décrites dans des mouvements complémen­taires. Le teint des hommes et des femmes est également contrasté.  Les ornements ne sont pas utilisés uniquement pour eux-mêmes : ici, les diagonales croisées renforcent l'effet des antithèses et des anaphores. L'utilisation d'éléments similaires, en parti­culier d'antithèses picturales, relie entre elles beaucoup d'œuvres de ce groupe, en particulier les compositions en paires qu'on peut dater du début des années 1580.  L'utilisation d'éléments pictu­raux opposés dans beaucoup de scènes mytholo­giques de Spranger met aussi en relief leur contraste thématique.  Grâce à ces contrastes ornementaux et thé­matiques, les thèmes erotiques sont mis en valeur par leur présentation formelle. Cette dépendance apparemment consciente à l'égard du contrapposto, alliée à l'utilisation d'un type de figure élégant, raffiné et idéalisé, ont bien sûr conduit au qualificatif de «manié-riste». Mais nous aimerions mettre l'accent sur un autre aspect de l'utilisation de tels éléments dans l'élaboration des thèmes, à savoir l'esprit considéré ici à l'origine à la fois de l'ironie et de l'humour. Cet élément spirituel est une carac­téristique essentielle qui différencie les poésie de Spranger des années 1580 et d'autres erotica rodolphiniens des œuvres de Titien et des artistes italiens. C'est même une composante remar­quable de leur érotisme. Spranger accentue de la même façon l'hu­mour espiègle à connotations sexuelles et ce recours à l'humour  tend à désamor­cer plutôt qu'à alourdir le caractère erotique de ses compositions des années 1580. L'accent porté par l'ar­tiste sur les aspects humoristiques des con­tes amoureux très élaborés des Métamorphoses sied assurément à Ovide.  Les peintures de Spranger se rattachent à une tradition poétique et picturale dans laquelle des sujets d'un genre élevé ou erotique peuvent être traités à la fois avec humour et élégance. Les amours de personnages nobles sont traités dans l'esprit de î'épigramme qui emploie le dystique élégiaque, combinaison du mètre héroïque et du mètre lyrique utilisé pour les sujets erotiques. Ainsi, alors que des erudits ont trouvé des parallèles aux peintures mythologiques italiennes chez les poètes épiques de la Renaissance, l'Arioste pour Titien, Le Tasse pour Carrache. c'est à l'épigramme de la Renaissance, dont l'expression spirituelle concentrée et piquante s'appuie souvent sur l'antithèse, qu'il convient de comparer le talent de Spranger. L'épigramme était le genre favori de poésie latine en Bohême à cette époque. De fait, lorsque dans les années 1580 Spranger créait ces œuvres pleines d'un esprit acéré, Frenzelius travaillait à ses recueils d'épigrammes.

Cet esprit de badinage sérieux, de serio-ludere dont on peut rapprocher la démarche de Spranger, qui combine éros et humour (parfois aussi thanatos !) était très répandu dans la Prague rodolphinienne. On l'a déjà noté dans des images érotiques plus tardives de Van Aachen et Spran­ger , et on peut caractériser d' « épigrammatique» les illustrations de l'aphorisme «Sine Baccho et Ccrcre friget Venus». L'esprit de gravité ludique correspond à une attitude qui façonna l'art rodolphinien depuis ses débuts. Par exemple, les allégories impériales d'ArcimboIdo, ses «plaisanteries sérieuses» sous la forme spiri­tuelle de têtes composites, si elles avaient été d'abord créées pour Maximilien II, étaient parti­culièrement appréciées par Rodolphe II. Arcimboldo fit d'ailleurs le portrait de celui-ci dans une tête composite de Vertumne ."

Cette analyse incite à apprécier dans Diane et Actéon un érotisme poétique, gai et cultivé, et dans le choix d'un Epigramme de Théodore de Bèze non le reflet d'un prosélytisme protestant et l'indice d'un sens allégorique secret, mais la simple citation d'un poème dont la forme est adaptée à la composition de la peinture. 

 

III. Joris Hoefnagel et le calvinisme.

 

La famille Hoefnagel vers 1571. F. Pourbus, Musées des Beaux-Arts, Bruxelle.

Meilleure image ici :

http://www.blamont.info/zoom.html?images/georgeshoefnagel1.jpg

Je devrais le rappeler sans cesse, mais particulièrement ici : je n'ai aucune compétence pour traiter les deux versants, artistique et religieux, de ce sujet. Je me constitue plutôt une documentation personnelle. Néanmoins, certaines données peuvent être réunies.

 

a) Les parents de Joris Hoefnagel étaient sans doute calviniste eux-mêmes.

b) Les études de Joris Hoefnagel le conduisirent dans des foyers du calvinisme (Bourges). 

c) Les différents postes et les villes où il vécut témoignent d'exils imposés par cette foi.

d) Les responsabilités de son fils Jacob au sein de l'église réformée furent importantes.

e) Sa sœur  et son beau-frère Huyghens sont enterrés derrière le chœur de l'église  Sint-Jacobskerk de La Haye, église de culte protestant depuis l'iconoclasme de 1566.

 


 

a) La famille de Joris Hoefnagel était sans doute calviniste .

Les parents de Joris Hoefnagel, son père Jacob diamantaire ou plutôt  marchand en pierres précieuses et tapisseries à Anvers et sa mère Élisabeth Veselaer  étaient-ils calvinistes ? On peut le penser puisqu' ils furent ruinés après la prise et le saccage d'Anvers par les Espagnols catholiques en 1576 .

Jacob Hoefnagel, qui était un homme très riche, était aumônier et régent de l'Hôpital Van der Biest. Le couple eut douze enfants dont sept se marièrent. Plusieurs s'établirent comme marchands à l'étranger , et cela même avant que la pression religieuse et politique ne forcent les Protestants à quitter Anvers : Gilles et Jacob sont signalés comme marchands à Londres dans les années 1560 , de même que Guillaume en 1561. Daniel résidera en permanence à Vienne à partir de 1585-1587 ; Melchior tenta de s'établir à Francfort (Hendrix et Vignau-Willberg, 1992 p. 23).

http://smaak.home.xs4all.nl/Kwartierstaten-Christiaan-Huygens.htm#ID10

Anvers fut reprise par les calvinistes de la république d'Anvers de 1577 à 1585. Puis, après la chute d'Anvers en août 1585, plus de la moitié des 100 000 habitants quittèrent la ville pour les Provinces-Unies.

D'autre part, le réseau d'amis du jeune Joris, et l'éducation qu'il reçut, suppose aussi que ses parents aient été de confession protestante.

b) Les études de Joris Hoefnagel le conduisirent dans des foyers du calvinisme. 

De 1560 à 1562, Joris Hoefnagel séjourna en France pour étudier dans les universités d'Orléans et de Bourges, étape indispensable de toute peregrinatio academica. Il dessina des vues de ces deux villes, mais aussi de Poitiers, de Tours et d'Angers, et de Blamont.

 Selon J. Hiernard, on doit à A. Montballieu la découverte d'un sauf-conduit daté du 18 août 1562 comportant cinq noms écrits en capitales et accompagnés de la date de 1561 : il devait servir à assurer le retour à Anvers de plusieurs fils de marchand, étudiants à Bourges et demeurant chez « maître Robert Janss van Giffenen ». Parmi eux figurait Joris Hoefnagel (GEORGIVS HOVFNAGLIVS) de Anvers, Robert Van Haeften (ROBERTVS VAN HAEFTEN) de Anvers, Guillaume Mostaert (GVILHELMVS MOSTAERT) de Anvers, et Jan Van Blommendael (IOANNES A BLÖMEDAEL), de Vianen près d'Utrecht, tous fils de riches marchands, calvinistes ou de sympathie calvinistes, et de leur paedagogus Robert Jans Van Giffen (OBERTVS GYFANIVS BVRANVS), originaire ( en 1533 ou 34) de Buren en Gueldre (Gederland), promis à la gloire puisqu'il allait devenir procureur de la nation germanique à Orléans (1566-1567), enseigner l'éthique et la jurisprudence à Strasbourg de 15701 à 1577, puis à Altdorf près de Nuremberg et à Ingolstadt où il avait été appelé en 1590 par la faveur du duc Albert V de Bavière et où il revint au catholicisme, et mériter le nom de « Cujas de la Germanie », avant de terminer sa carrière comme conseiller (Reichsofrat) et asséseur à la Cour Suprême Impériale de Rodolphe II à Prague où il mourrait en 1604. (Hiernhard page 255).

 

L'exposition "Réforme et Contre Réforme à travers les vues de Bourges" précise que " la plupart des "graveurs géographes" étaient originaires d'Europe du Nord, lieu de grande implantation du Protestantisme dès la Renaissance. Mieux : à cette même époque, l'Université de Bourges est à son apogée et les plus importants professeurs (Wolmar, Alciat, Beaudoin, Duaren) sont acquis aux thèses de la Réforme tout comme nombre de leurs étudiants, tel Joris Hoefnagel, artiste de renom et graveur d'une célèbre "vue de Bourges" en 1587 ... Le grand Jean Calvin viendra lui aussi étudier à Bourges  (1530-31), dans cette cité bien connue pour son importante communauté protestante au point que Théodore de Bèze l'appelait "une des trois sources du protestantisme avec Orléans et Toulouse". Il faut en outre souligner  les racines profondes du protestantisme  en Berry et ce, dès le XVe siècle,  notamment avec Marguerite de Navarre, grande protectrice des premiers réformés. L’avènement de l’imprimerie et de la gravure élimina la possibilité de perpétuer le statu quo dont profitait depuis des siècles la Papauté catholique. Avec des milliers d’imprimés et des centaines d’estampes, la pensée et l’esthétique réformées purent conquérir le monde grâce cette diffusion qui rencontra d’innombrables lecteurs à travers l’Europe. De nombreux professeurs, humanistes de grand renom comme André Alciat, Melchior Wolmar, François Hotman, furent des Réformés convaincus, d'autres en secret tel Jacques Cujas. L'université de Bourges a été un foyer de débats et de diffusions orales des idées nouvelles de la Réforme, avec un rayonnement européen. "

"Le jeune Joris Hoefnagel est envoyé en France avec ses compatriotes étudiants (François van Haeften, Guillaume de Kemperer et Mathieu de Lannoy) sous la férule de leur précepteur Robert Jans van Giffenen, appelé aussi par le monde savant « Obertus Gyfanius ». On trouve leurs traces à l’Université de Poitiers (Joris Hoefnagel , dessin de la pierre d’un dolmen couvert de signatures gravées par les étudiants) puis à la Faculté de droit de Bourges. Ces étudiants sont donc à Bourges en 1562, date à partir de laquelle la ville est occupée par une troupe protestante et ce, de la mi-mai jusqu’à la mi-août de cette même année, lorsque la troupe du Duc de Guise, accompagnée de la Régente Catherine de Médicis et du jeune Roi Charles IX son fils, fait le siège de la ville de Bourges qui capitule finalement le 1er septembre 1562. Ces hostilités entre catholiques et protestants décident les familles des étudiants hollandais à envoyer un voiturier à Bourges pour ramener les jeunes gens et leur maître à Anvers, sans doute dès le début du siège (seconde quinzaine d’août 1562). Après son passage dans les Universités de France, on pense qu’il suit les cours du peintre Hans Bol (Malines, 1534 – Amsterdam, 1593). En 1569, il est en Angleterre puis retourne un an plus tard à Anvers où naîtra son fils Jacob en 1575. "

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c) Les différents postes et les villes où il vécut témoignent de cette foi.

A l'automne 1577, après que les troupes catholiques espagnoles eurent envahi Anvers, Hoefnagel voyage dans le sud de l’Europe - passant par Venise - en compagnie du célèbre cartographe Abraham Ortelius.  En 1578, il devient peintre de la Cour d'Albert V de Bavière à Munich pour se retrouver au service de l'archiduc Ferdinand du Tyrol avant de gagner Prague en 1590 où il est définitivement attaché à la Cour impériale de Rodolphe II. La Contre-Réforme catholique va à nouveau le chasser et l’obliger à partir pour Francfort dès 1591 puis pour Vienne, où il  travailla et  vécut jusqu'à sa mort en 1600. 

d) Les responsabilités de son fils Jacob au sein de l'église réformée sont importantes.

e) Sa sœur Suzanna, son beau-frère Christian Huyghens et son neveu Constantin Huyghens.

Après la mort de son père, elle alla avec sa mère protestante en Hollande, puis à Hambourg puis dans une communauté d'émigrés protestant avant de se marier en 1592 à Amsterdam avec épousa Christiaan Huygens  (1551-1624) secrétaire du Conseil d'Etat

http://resources.huygens.knaw.nl/vrouwenlexicon/lemmata/data/Hoefnagel

 

 

 

 

 

 

 

 

III. Joris Hoefnagel et Théodore de Bèze.

 

IV. Hoefnagel, les emblèmes, et Théodore de Bèze.

a) Hoefnagel et les emblèmes.

Bien plus encore que tout lettré de son temps, Joris Hoefnagel, peintre mais aussi poète érudit, se passionnait pour les Emblèmes ; il se décrivit dans le livre de Modèles calligraphiques conservé à Vienne comme "inventor hieroglyphicus et allegoricus". Toute son œuvre peinte est emblématique, tissée de citations de la Bible, de poèmes latins d'Ausone, d'Ovide et d'Adages d'Érasme : chaque miniature comporte les trois éléments (emblema triplex) des recueils d'emblème du XVI et XVIIe siècles : un titre (inscriptio, títulus, motto, lemma) placé au-dessus de l’image, ou dans le cadre de celle-ci, et qui forme son "âme". Une image (pictura, icon, imago, symbolon),  qui forme le « corps » de l’emblème et joue un rôle mnémotechnique. Et un texte explicatif en vers,(subscriptio, epigramma, declaratio) qui élucide le sens caché de l’image et de la devise.  Certes les peintures de Hoefnagel, bien qu'elles répondent à ces régles, sont d'abord des œuvres picturales et non des Emblemata, mais elles relèvent du même esprit.

C'est ainsi le cas, indirectement, pour le Missale romanum, le Mira calligraphiae et le Schriftmüsterbuch de Vienne et, directement, pour les Quatre Éléments (J. Paul Getty Museum), les Allégories (Louvre ; Lille ; British Museum ; Coll. privées). Les Archetypa studiaque edités par son fils Jacob  sont aussi  un parfait exemple d'emblema triplex. 

Il est donc évident que le calviniste Hoefnagel a accueilli avec intérêt les Emblemata de Théodore de Bèze.

 

 

b) Théodore de Béze et ses Emblemata.

 En 1580, Théodore de Bèze avait composé un nouvel ouvrage justement apprécié ; c'est le volume des Icones id est verae imagines...Emblemata,. 1580, Genève, Jean de Laon.

 la version de 1580.

Le livre réunit deux ensembles bien différents et étrangers l'un à l'autre. Le premier, nommé  les icones, présente par des biographies et des portraits sur bois un grand nombre des plus grandes figures de la Réforme, y compris Hus, Erasme, Savonarole, Zwingli, Marot, Michel L'Hôpital, Marguerite de Valois, Budé, Josias Simler, Gessner, Calvin, et d'autres encore. Les réformateurs anglais et écossais sont aussi représentés tels que Cranmer, Latimer, Wyclif, John Knox, alors que les martyres de John Rogers, John Philpot , John Bradford, William Hunter et d'autres sont brièvement discutés. Il y a au total 37 portraits, mais 54 cadres vides sont réservés pour de futurs portraits avec l'indication du nom. Le but est de présenter la Réforme comme un vaste phénomène international dépassant les frontières.  La seconde partie est constituée de 44 emblèmes, qui sont les premiers du genre chez les Protestants. Dans cette édition originale, ils ne comportent  aucun slogan ou titre. Dans la plupart des emblèmes, le contexte de la foi religieuse est implicite, mais il ya aussi un certain nombre d'emblèmes qui expriment une position anti-catholique forte et qui montre l'engagement de l'auteur comme calviniste. Au-dessus des gravures sur bois, qui sont enfermés dans un cadre , figure simplement un numéro d'emblème, et au-dessous suit une strophe versifiée en latin. Comme d'autres humanistes protestants, de Bèze était opposé à la présence d'images dans les églises qui favorisaient à leurs yeux de vaines superstitions et éloignaient les fidèles de Dieu. Mais pour de Bèze, les emblèmes étaient acceptables, et même souhaitables, si ils permettaient de faire passer des idées graves et pieuses dignes de contemplation soutenue. En outre, il a estimé que ces emblèmes, et les leçons qu'ils procuraient, pourraient entrer plus facilement dans l'esprit du lecteur pieux  après avoir été transférés du livre  vers  des supports tels que les murs, les mosaïques ou les réceptacles domestiques. De Bèze se réfère au sens du mot tesselatus, "pièce de marqueterie ou de mosaïque" dans un concept de construction en pierre, sorte de maçonnerie miniature emboitant divers emblèmes. Les emblèmes de la Renaissance associent images, devises, et versets explicatifs pour constituer un "théâtre de la mémoire" personnelle, tout comme ils avaient été des éléments des bâtiments publics et autres espaces architecturaux » ['Mnemonic emblems in the humanist discourses of knowledge', in Aspects of Renaissance and Baroque Symbol Theory, ed. Peter M. Daly and John Manning, New York, 1999.] (Je me suis inspiré d'une notice du libraire ViaLibri). Mais l'une des raisons qui ont conduit De Bèze à composer ce recueil est, peut-être, le désir de renouer avec la poésie latine de sa jeunesse en cherchant à combiner cet intérêt littéraire avec ses convictions religieuses. Notons aussi qu'André Alciat, maître milanais des études juridiques et célèbre auteur des Emblemata (1534), avait séjourné une première fois à Bourges de 1529 à 1533, précédant de dix ans Théodore de Bèze.

 Les 44 emblèmes sont sur ce site de Glasgow :

http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/contents.php?id=FBEa

 Le livre de de Bèze fut traduit  l'année suivante en français par son collègue protestant Simon Goulart, qui lui succèdera  à la charge de modérateur de la Compagnie des pasteurs de 1607 à 1612 : Les vrais pourtraits Des hommes illustres [...] plus, quarante Quatre emblèmes chrestiens (Genève: Jean de Laon, 1581). Tous les emblèmes sont sur le site :

http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/contents.php?id=FBEb

 

 

https://books.google.fr/books?id=07m6BAAAQBAJ&pg=PA114&lpg=PA114&dq=Mnemonic+emblems+in+the+humanist+discourses+of+knowledge&source=bl&ots=P81HTJCGfq&sig=X3tPiN0f7-6YWAhNEe2vlgxOfwU&hl=fr&sa=X&ei=BUrbVJCsDYr1UrzhgfgI&ved=0CC8Q6AEwAg#v=onepage&q=mnemonic&f=false

 

 

Emblemata : Th de Bèze, " Bèze, Th. de xxiv, 516"

 

http://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/books.php?id=FBEa

 

Autre indice : en 1605, la famille Huygens prépara  la représentation de l'Abraham sacrifiant, de Th. de Bèze. 

Joris Hoefnagel a su se livrer à des travaux de Cour comme cet Horoscope de Rodolphe II  Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. Min.31 fol.1r (Kaufmann p. 10)

SOURCES ET LIENS

 

 

ANDROSSOV (Sergey) 1994. "Two Drawings by Hoefnagel," The Burlington Magazine, 136 (1095) : 369-372.

 BÈZE (Théodore de) Poemata Edition 1557 Lyon page 120 :

https://books.google.fr/books?id=Cg5AAAAAcAAJ&pg=PA120&lpg=PA120&dq=b%C3%A8ze+cytheraea+placet&source=bl&ots=zvXw-scXIo&sig=N8UU5YD-B4xsrNqN22LiDJANqgQ&hl=fr&sa=X&ei=v9bZVPrxIcfxUrShg4AO&ved=0CDQQ6AEwAw#v=onepage&q=b%C3%A8ze%20cytheraea%20placet&f=false

— BÈZE  (Théodore de), 1580 Icones, id est, Verae Imagines Virorum Doctrina Simul Et Pietate Illustrium: Quorum Praecipue ministerio partim bonarum literarum studia sunt restituta, partim vera Religio in variis orbis Christiani religionibus, nostra patrumque memoria fuit instarata: additis eorundem vitae & operae descriptionibus, quibus adiectae sunt nonnulae picturae quas Emblemata vocantGenève, Jean de Laon éditeur .

CASANOVA-ROBIN (Helène ) 2006, "Diane de Poitiers et le mythe" in L'Italie et la France dans l'Europe latine au XVIIe siècle, par la Société française des études néo-latines, Publication des universités de Rouen et du Havre page 109-126 page 118.

— CASANOVA-ROBIN (Helène ), 2003 Diane et Actéon. Éclats et reflets d'un mythe à la Renaissance et à l'âge baroque, Paris, Honoré Champion, (Thèse)

— DACOSTA KAUFMANN (Thomas), 1985, traduit de l'anglais par Coignard Jerôme. "Éros et poesia : la peinture à la cour de Rodolphe II". In: Revue de l'Art, 1985, n°69. pp. 29-46. 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1985_num_69_1_347522

 — DACOSTA KAUFMANN (Thomas), 1985,  L'école de Prague, la peinture à la cour de Rodolphe II, Flammarion, Paris.

— DUFOUR (Alain) Théodore de Bèze, poète et théologien 

https://books.google.fr/books?id=Aq565EDD3UoC&pg=PA15&lpg=PA15&dq=poemata+b%C3%A8ze+catulle&source=bl&ots=378QQQ7g1i&sig=qaLJ9qUw78tt-8SB6PY8ylZBXdw&hl=fr&sa=X&ei=4A3aVK3UHoKBUbuMhKgK&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=poemata%20b%C3%A8ze%20catulle&f=false

 FETIS (Edouard) 1857 Les artistes belges à l'étranger: études biographiques : en ligne ici http://www.blamont.info/textes813.html : biographie de Joris Hoefnagel.

— HENDRIX (Marjorie Lee),1984,  "Joris Hoefnagel and the Four Elements Study in Sixteenth- century Nature Painting" thèse de doctorat Princeton 1984

—HIERNARD (Jean), 2006, "Les Germani à l'Université de Poitiers au temps de Rabelais" in Les grands jours de Rabelais en Poitou, actes du colloque international Droz ed.pages 229-257

https://books.google.fr/books?id=uuBG6Xt-HvsC&pg=PA255&lpg=PA255&dq=hoefnagel+bourges&source=bl&ots=M_BR-aUgZ4&sig=ZFxAOCIdREZKebAILrywVLV7SQk&hl=fr&sa=X&ei=ed7ZVPGvIMv9UueChJAK&ved=0CCgQ6AEwAjgK#v=onepage&q=hoefnagel%20bourges&f=false

 

 LUGT ( F.), 1968 'Musée du Louvre, Cabinet des dessins - Inventaire général des dessins des écoles du nord - Maîtres des Anciens Pays-Bas nés avant 1550', Paris, 1968, n°373, repr.

MACHARD Alexandre, Les Juvenilia de Théodore de Bèze, texte latin complet, avec la traduction des Épigrammes et des Épitaphes et des Recherches sur la querelle des Juvenilia,  Isidore Lizeux, Paris 1889

https://archive.org/stream/lesjuveniliadet00machgoog#page/n9/mode/2up

— MONBALLIEU (Adolf) 1980Joris Hoefnagel bij Obertus Gyfanius te Orleans en te Bourges Deurne : Drukkerij Antigoon, 1980 P. 99-112, 24 cm Jaarboek 1980 Kononklijk Museum voor schone kunsten-Antwerpen

VIGNAU-SCHUURMAN [ou VIGNAU-WILBERG] (Théa A.G.), 1969, Elemente im Werke Joris Hoefnagels Leyde 1969

 

 

 

Allégorie de l'Hiver et de l'Été par Jacob Hoefnagel, 1618.

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Sur un poème zodiacal d'Ausone : Allégorie de l'Hiver et de l'Été par Jacob Hoefnagel, 1618.

I. ALLÉGORIE DE L'HIVER.

a) Source : NKD NetherlandsInstitute of Art History.

La photographie noir et blanc provient d'une vente aux enchères de Sotheby Mak van Waay (Amsterdam) le 26-11-1984, lot n° 49 (avec l'Été, lot n° 50). L'œuvre proviendrait d'une collection privée de Percy Carew, Essex, Royaume-Uni, selon une lettre d'Essex publiée dans The Connoisseur mars 1930 [Dacosta Kaufmann, 1985, p. 255].

Selon Kaufmann page 255, "Les dessins préparatoires (avec les dessins des compositions manquantes, le Printemps et l'Automne) se trouvent à Leyde (Prentenkabinet, Rijksuniversiteit, n° inv. AW 1056-59)". Il ajoute : "Ce tableau est peut-être enregistré sous le numéro 146 dans l'inventaire (établi en 1619) des œuvres de la Hofburg de Vienne".

b) Description :

Cette miniature appartient à une série allégorique des Quatre Saisons dont seuls L'Hiver et l'Été sont conservés. Il s'agit d'un dessin à la plume à l'encre noire, peint à la gouache et rehaussé d'or, sur vélin ; ce rectangle horizontal mesure 148 x 152 mm.

L'artifice de mise en scène.

Le motif (Hiver) s'inscrit dans un cercle central bordé d'une marge naturaliste. Ce dispositif s'inspire de celui des Allégories de Lille et du Louvre (respectivement la "Brièveté de la vie" (1591), et les "Quatre saisons" (1589), de Joris Hoefnagel mais l'idée d'un tableau central en trompe-l'œil n'est retrouvé que dans "Diane et Actéon" (1597, Louvre), "Allégorie de la vie et de la Mort" (1598, British Museum), ou encore dans "Lethaevs Amor" (1611, 16,8 x 24,1 cm, coll. privée, Sotheby's Londres juillet 2002) soit des œuvres plus tardives et attribuées à Jacob Hoefnagel, fils de Joris, ou à la collaboration des deux artistes. Ici, dans ces peintures de 1618, ne se trouve que la signature de Jacob Hoefnagel puisque Joris est décédé en 1601.

Comme dans les œuvres précédentes, deux cartouches, supérieur et inférieur, reçoivent des inscriptions. Le cartouche supérieur, suspendu par des anneaux fictifs à un faux cadre, se prolonge par le tableau central qui est ainsi également suspendu. Le cartouche inférieur pourrait servir de console d'appui à ce tableau, mais semble en être séparé. Enfin, quatre anneaux fixés sur le médaillon permettent, toujours en trompe-l'œil, de fixer les tiges des rameaux botaniques. Cet équipement est complété par les deux vases latéraux. Cette composition confirme l'intention de l'artiste de créer l'illusion d'une vitrine de Cabinet de curiosités abritant, soit des spécimens de la collection d'histoire naturelle de l'empereur (si on le considère comme le récipiendaire), soit des exemplaires de sa collection de peintures. Ce dédoublement du regard et du sujet, cet effet de "tableau dans le tableau" est une manière, plus théâtrale encore que les premières miniatures de Joris Hoefnagel, de jouer sur l'illusion de la mise en scène pour susciter une méditation sur les leurres de l'existence. L'être humain, comme toute la nature, est le jouet du Temps et de ces cycles, dont l'éternel recommencement souligne le caractère dérisoire de son existence.

Le motif principal :

Les Allégories des Quatre Saisons du Louvre comportaient chacune trois médaillons représentant les signes zodiacaux correspondant. Ici, les signes du Zodiaque sont représentés au sein de la scène comme des personnages d'une Fable. Cette série pourraient donc être intitulée "Allégorie zodiacale des Saisons", au vu de l'importance donnée, dans l'image comme dans les inscriptions, au thème astronomique.

Adossé à trois arbres dépourvus de leur feuillage, par un temps de neige, l'Hiver est personnifié sous les traits d'un vigoureux vieillard barbu, torse et jambes nus, couronné de rameaux secs, tenant les pointes de sa barbe des deux mains. Autour de lui, trois putti font une ronde. L'un tient un cabri, pour le signe du Capricorne. L'autre se tourne vers le spectateur pour présenter un Poisson, et tient le second poisson dans l'autre main. Le dernier verse le contenu d'un vase, et représente ainsi le Verseau. La caractéristique de ce choix iconographique est d'ôter aux signes zodiacaux leur aspect stéréotypé et emblématique, sévères et savants pour les transformer en joyeux éléments de la nature, inscrits dans ses Cycles comme dans une danse.

La bordure ; inventaire naturaliste.

En partant du coin supérieur gauche, on remarque l'écureuil, deux oiseaux [mésange charbonnière ?], le hibou, la pie, corbeau , le pinson du nord?, le lièvre, le martin-pécheur, la pie-grièche ?, le renard.

Les plantes des vases et les fruits qui composent la guirlande ne sont pas identifiables mais le site RKD y reconnaît la grenade , la pomme de terre , des noisettes , des glands , des châtaignes, les radis , la cerise [?] , la nèfle , l'oignon , le pavot, et le lierre ,

Les inscriptions :

— Inscription supérieure : Hyems : "Hiver"

— En bas au centre ..pvit HYEMS simiusq[ue] Capru Dei [?] aedu. F.../ .....uas fundit, madidos . Febru... inscription endommagé, certaines parties illisibles. On s'attend à y trouver les mots Capricornus, Aquarius et Pisces.

— signé en dessous : dans le cartouche de gauche Ia: Hovfnagl. Forme abrégée de Iacobus Houfnaglius, soit "Jacob Hoefnagel". Dans le cartouche de gauche : FE PRAGAE (AE : lettres conjointes), abréviation de Fecit Pragae, "fait à Prague".

— 1618

Jacob Hoefnagel a été peintre de la cour de Rodolphe II à Prague de 1602 à 1613. A Prague, il appartenait à un cercle de marchands flamands et hollandais, artistes et savants, dont certains ont été Protestants. Il fut diplomate à la cour à un moment où Prague a joué un rôle central dans les affaires européennes. En 1614 il a obtenu la citoyenneté à Prague et a épousé sa quatrième épouse. (Wikipédia)

II. Allégorie de l'Été par Jacob Hoefnagel, 1618.

a) Source :

​-  NKD Netherlands Institute of Art History.  https://rkd.nl/nl/explore/images/63295

-  https://www.vialibri.net/552display_i/year_1618_50_0.html

b) Description.

La photographie noir et blanc provient d'une vente aux enchères de Sotheby Mak van Waay (Amsterdam) le 26-11-1984, lot n° 50 (avec l'Hiver, lot n° 49). L'œuvre proviendrait d'une collection privée de Percy Carew Essex, Royaume-Uni, selon une lettre d'Essex publiée dans The Connoisseur mars 1930 [Dacosta Kaufmann, 1985, p. 255]

b) Description :

Cette miniature appartient à une série allégorique des Quatre saisons dont seuls L'Hiver et l'Été sont conservés. Il s'agit d'un dessin à la plume à l'encre noire, peint à la gouache et rehaussé d'or, sur vélin ; ce rectangle horizontal mesure 148 x 152 mm.

L'artifice de mise en scène.

... est le même que pour l'Hiver, supra.

Le motif principal :

L'Allégorie de l'Été est une femme vêtue d'une grande robe blanche à manches mi-courtes, tenant la faux pour la moisson des foins et la faucille pour la moisson des grains. De la main gauche, elle retient trois melons calés entre ses cuisses. Elle est assise à l'ombre d'un bosquet, à coté d'une gerbe de blé et d'une ruche. L'arrière-plan montre un saule (?) au bord d'un lac, et un ferme devant des champs clos par une barrière.

Comme pour l'hiver, les signes zodiacaux apparaissent menés par des putti, sous la forme très naturelle d'une femme couronnée de verdure et marchant pieds nus, la Vierge Virgo, sous celle d'une "écrevisse" * (autre animal emblématique du Cancer), et enfin celle d'un lion débonnaire, le Lion Leo. 

*Il me semble que ce décapode, cet Astacidae possède les fortes pinces du Homard Homarus vulgaris, et les longues antennes de l'Écrevisse Astacus.

La bordure ; inventaire naturaliste.

 Quatre oiseaux occupent les coins de la peinture : un oiseau (perruche?) dans un arbre à baies , un perroquet, une cigogne et une oie blanche Anser anser. La loupe permet de voir que cette dernière tend le cou vers ses cinq oisons. Le vase de gauche reçoit des lis blancs, sur lesquels une libellule cherche à se poser. Je crois voir une chrysalide noire et blanche en bas à  gauche. Le site NKD y discerne des courges, pommes, prunes, poires, et cerises. Et des groseilles, non ?
 

Inscriptions :

— Inscription supérieure : AESTAS : "Été".

— inscription en bas au centre :  Cum Cancro remeat Phoebo, Leo fervidus [per]urit  F------ a colens in sidere Virginis A-s-f . . "Avec le signe du Cancer Phoebus [le soleil] revient, le Lion brûle de l'ardeur de ses feux, [ ..]sous le signe de la Vierge

en bas au centre : signé par monogramme et date  H. J / 1618

Discussion. L'influence d'Ausone et de Bède ?

L'interrogation d'un moteur de recherche ne permet pas de reconnaître la source de cette inscription, néanmoins, les trois mots Leo fervidus perurit sont reconnus comme appartenant exclusivement à un poème de Ausone. Or, ce poète est très apprécié par Hoefnagel, qui a souvent cité des vers de son Idylle De Rosis Nascentibus : cela accroit la valeur de cet indice.

Ausone est un poète aquitain du IVe siècle qui fut conseiller et professeur du Bas-Empire romain, et précepteur du flis de l'empereur Valentinien Ier. Il fut Presteur du palais impérial de Trèves, Préfet des prétoires des Gaules, Consul puis proconsul d'Asie, il se retira à Bordeaux âgé de 73 ans. Outre ses chefs d'œuvre les Parentales, les Roses, la Moselle et le Crucifiement de l'Amour,  il a composé des œuvres de circonstance, souvent traduits des anthologies grecques.

Le poème en question figure dans ses Églogues et s'intitule  In quo mense quod Signum fit ad cursum solis.

"En quel mois le soleil entre dans chaque Signe" . J'en donne un extrait :

Maius Agenorei miratur cornua tauri

Junius aequatos caelo videt ire Laconas

Solsticoi ardentis cancri fert Julius astrum

Augustum mensem Leo fervidus igne peruit.

Sidere virgo tuo Bacchum September opimat.

 

"Mai admire les cornes du taureau d'Agénor.

Juin voit passer dans le Zodiaque les Gémeaux de Lacédémone.

Juillet supporte pendant le solstice les brûlantes chaleurs du signe de l'Ecrevisse.

Le Lion brûle tout dans le mois d'Août par l'ardeur de ses feux.

Septembre fait grossir la vendange sous le signe de la Vierge."

(Oeuvres d'Ausone, traduites en français, par M. l'abbé Jaubert,..1769).

On en retrouve les vers dans les calendriers de Martyrologes dès le IXe siècle (Martyrologium d'Usuard, moine de Saint-Gremain-des-Prés). Ici, le médaillon de la Vierge (enluminure du Martyrologium de Dijon) est entouré du vers Sidere Virgo tuo Bacchum September opimat :

 

On le retrouve aussi dans une version versifié de De Ratione temporum  par Bède le Vénérable (725) Caput XVI.

Le vers est aussi inscrit autour du signe du Zodiaque de l'église romane de Wormbach

La fin de l'inscription a colens in sidere Virginis ne correspond pas exactement, mais est suffisament proche du texte d'Ausone pour reconnaître celui-ci. 

Les dernières lettres A--s- pourraient correspondre à Ausonius en abrégé, et non à Aestas qui est déjà mentionné dans le titre.

Hoefnagel a déjà fait appel dans son corpus d'inscriptions, non seulement à Ausone, mais aussi à Palingène, l'auteur du Zodiacus vitae : mais je n'y ai pas trouvé cette citation, de même que je n'y ai pas reconnu les inscriptions correspondants à l'Hiver.

 

http://www.loebclassics.com/view/ausonius-eclogues/1919/pb_LCL096.189.xml

SOURCES ET LIENS.

— DACOSTA KAUFMANN (Thomas), 1985, L' Ecole de Prague- la peinture à la cour de Rudolphe II, Paris 1985, p. 255.

Étude du nom Belladona (Atropa belladona L.1753).

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Enquête sur le nom de la plante Belladonna (Atropa belladonna L.1753) et Belle-Dame.

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"Etymonline est un ouvre-boîte, un labyrinthe imaginaire avec de vrais minotaures à l'intérieur, mon roman jamais écrit, fragmenté en mots et disposé selon l'ordre alphabétique." (Douglas Harper)

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D'où vient le nom botanique latin belladonna ? Et notre nom Belladone ?

Jusqu'à présent, j'avais cru les nombreux auteurs qui affirmaient que ce nom venait de l'italien bella donna, "Belle-Dame", nom donné à la Renaissance parce que les Italiennes utilisaient un collyre de Belladone pour élargir leurs pupilles, ou une pommade pour embellir leur visage. J'avais d'autant plus de raison de le croire que le nom vernaculaire du papillon Vanessa cardui, la "Belle-Dame" (1762) provient de l'anglais The Painted-Lady ("La femme maquillée") attribué par Petiver en 1699 par traduction d'un nom latin plus ancien bella donna.

Or je constate aujourd'hui que cette étymologie n'est pas fondée. Le nom fut d'abord mentionné par Pierre André Matthioli en 1566, puis créé comme nom botanique par Charles de l'Escluse (Clusius) en 1583, mais l'explication de ce nom n'apparait qu'un siècle plus tard, rapportée, pour interpréter ce nom, par les botanistes anglais du XVIIe siècle (et J. Parkinson 1640 et J. Ray 1660). Ce sont ces derniers qui ont publié une étymologie orale et populaire plus ancienne, en la justifiant médicalement par un effet supposé de pâleur du visage, critère d'élégance féminine. C'est John Ray qui, le premier, constata l'effet de dilatation pupillaire de la plante, ce qui exclut que les Italiennes se soit servies de cette plante comme mydriatique au XV ou XVIe siècle.

Il est toujours pénible de déconstruire les mythes.

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I. L'ÉTYMOLOGIE TRADITIONNELLE ENCORE VIVANTE.

A. Le Littré 1880.

Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré 1880 :

"— belladone (bèl-la-do-n') s. f. Plante vénéneuse de la famille des solanées, dont le nom spécifique est la belladone commune. ÉTYMOLOGIE Belladonna, de bella, belle, et donna, dame, les Italiens s'en servant pour faire du fard. "

B. Wikipédia 2015.

La plupart des auteurs d'encyclopédies ou d'ouvrages botaniques, homéopathiques (Hanhnemann a créé le remède Belladonna en 1799) ou généraux mentionnent l'étymologie du nom belladonna comme liée à la coquetterie des femmes italiennes, mais aucun ne cite ses sources. Il suffit de consulter (20 février 2015) l'encyclopédie Wikipédia pour trouver :


— Wikipédia (en) : « The name "belladonna" comes from the Italian language, meaning "beautiful lady"; originating either from its usage as cosmetic for the face or, more probably, from its usage to increase the pupil size in women. »

— Wikipédia (Fr.) : « Poison mortel, la belladone fut aussi utilisée pour parfaire la beauté des femmes de la Renaissance. Les Italiennes élégantes appliquaient sur leurs yeux une pommade à base de belladone qui avait pour effet de dilater leurs pupilles et de leur donner de profonds yeux noirs. D'où l'expression belladonne, c'est-à-dire « belle femme » en italien. La dilatation de la pupille est l'une des manifestations de l'excitation sexuelle et de l'admiration désirante [citation nécessaire]. La belladone faisait aussi légèrement loucher, ce qui, à l'époque, était caractéristique de la beauté (cf. l'expression « avoir une coquetterie dans l'œil »). »

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II. L'ÉTYMOLOGIE SELON LES LEXICOGRAPHES.

A. Wiktionary.

http://en.wiktionary.org/wiki/belladonna

"From Italian bella donna (literally “beautiful lady”), altered by folk etymology from Medieval Latin bladona (“nightshade”), from Gaulish *blātōnā, blātunā, from Proto-Celtic *blātus (“flower”), from Proto-Indo-European*bʰḷh₃tus, from *bʰleh₃- (“blossom, flower”). The folk etymology was motivated by the cosmetic use of nightshade for dilating the eyes."

-Traduction : "De l'italien bella donna (littéralement " belle dame " ), modifié par l'étymologie populaire du latin médiéval bladona ( " morelle " ), du gaulois * blātōnā , blātunā , du Proto-celtique * blātus ( " fleur " ), du proto-indo- européenne * bʰḷh₃tus , de * bʰleh₃- ( " fleur, fleur " ). L'étymologie populaire a été motivée par l'utilisation cosmétique de la Belladone pour dilater les yeux."

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B. Online Etymology Dictionary (© 2001-2014 Douglas Harper)

— belladonna (n.) 1590s, "deadly nightshade" (Atropa belladonna), from Italian, literally "fair lady;" the plant so called supposedly because women made cosmetic eye-drops from its juice (an 18c. explanation; atropic acid, found in the plant, has a well-known property of dilating the pupils) or because it was used to poison beautiful women. Perhaps a folk etymology alteration; Gamillscheg suggests ultimately of Gaulish origin.

— Traduction : belladone (n.) 1590, "belladone" ( Atropa belladonna ), de l'italien, littéralement «belle dame»; la plante dite supposément parce que les femmes ont fait collyres cosmétiques de son jus (une explication 18c;. l'acide atropique, a trouvé dans la plante, a la propriété bien connue de dilater les pupilles) ou parce qu'il a été utilisé pour empoisonner les jolies femmes. Peut-être une étymologie populaire altèrée; Gamillscheg suggère finalement une origine gauloise.

— Commentaire : La notice de Douglas Harper (un auteur qu'il faut saluer) est excellente. Ernst Gammilscheg (1887-1971) est un linguiste et romaniste de l'université de Tübingen auteur d'un Dictionnaire étymologique de la langue française , deux volumes, Heidelberg 1926-1929 (2e, édition révisée de 1966 à 1969), ce qui indique que la compréhension approfondie du terme est assez récente.

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C. Dictionnaire Historique de la langue française Robert, 1992.

"BELLADONE n. f. est la francisation de belladonna (1602), emprunt à l’italien belladonna, attesté en botanique chez Mattioli (1500-1577) et peut- être de même origine que le latin médiéval bladonna (VIIIe-XIe s.), adapté en moyen français sous la forme bladone (XVe s) . Belladonna serait peut-être l’adaptation d’un mot gaulois venant des dialectes alpins qui maintiennent le groupe -bl-, et passé dans les dialectes du Nord qui l’évitent et ont créé la forme beladona ; celle-ci a été adaptée en belladonna « belle dame » (de bella, féminin de bello, correspondant à beau, et donna, correspondant à dame) peut-être en raison du fard que les Italiens en tiraient. Le mot désigne une espèce de plante de la famille des solanées, aussi appelée belle dame, dont toutes les parties contiennent un poison violent."

Cet article énonce clairement ce qui va être présenté par le CNRTL avec les abréviations, mais avec toutes les sources et précisions nécessaires.

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D. Trésor de la Langue Française CNRTL.

http://www.cnrtl.fr/definition/belladone

« Prononc. et Orth. : [bεl(l)adɔn]. Passy 1914 et Warn. 1968 transcrivent le mot par [ll] géminées (cf. aussi Land. 1834,Fél. 1851, Littré et DG). Barbeau-Rodhe 1930 et Pt Lar. 1968 transcrivent [l] simple. Pt Rob. donne d'une part la possibilité de prononcer [l] et [e] fermé d'autre part de prononcer [ll] et [ε] ouvert à la 1re syll. Ac. 1798 enregistre bella-dona ou belle-dame; Ac. 1835 bella-dona ou plus ordinairement balladone; Ac. 1878 et 1932 belladone en soulignant : ,,on la nomme aussi belle-dame``. Cf. aussi Besch. 1845 qui donne parallèlement belladone, belladona ou belle-dame; Lar. 20e note s.v. belladone : ,,on l'appelle aussi belle-dame, morelle furieuse``; Rob. note s.v. belladone : ,,appelée vulgairement belle-dame``. Le reste des dict. emploie la vedette belladone (Lar. 19e et Nouv. Lar. ill. signalent : ,,on écrit aussi belladone``) et c'est s.v. belle-dame (terme d'entomol.) que la majorité d'entre eux ajoute : nom vulgaire de la belladone et de l'arroche des jardins. Étymol. et Hist. I. xves. bladone bot. « molène » (Le Grant Herbier, n°475, Camus dans Gdf. Compl. : Tapsus barbatus, tapse barbé ... Aucuns l'appellent queue de leu; l'en l'appelle flosmon et bladone). II. 1602 belladonna « espèce de solanée vénéneuse » (A. Colin, Hist. des drogues, trad. de l'Escluse, 540 [Lyon] dans Quem. : L'autre espèce de Nicotiane à [sic] les feuilles un peu plus petites, ressemblant fort au Solane, qu'on appelle communement Belladonna). I adaptation du lat. médiév. bladon(n)a, bot. « Verbascum Thapsus L.; molène commune » peut-être l'orig. gaul. (Gamillscheg dans Z. rom. Philol., t. 40, p. 136), la forme bladonna est attestée aux VIIIe-XIe s. (Glossae latino theodiscae, III, 105, 1, ibid., 1501, 2). II empr. à l'ital. belladonna (Kohlm, p. 32) attesté comme terme de bot. dep. av. 1577 (P. Mattioli [1500-1577] 2, 1131 dans Batt.), peut-être de même orig. que I, c.-à-d. adaptation du gaul. (Devoto; Migl.-Duro; Devoto-Oli) passé des dial. alpins qui maintiennent le groupe bl-, dans les dial. du Nord qui l'évitent et ont ainsi créé la forme *beladona adaptée par voie pop. en toscan en bella donna, littéralement « belle dame » peut-être en raison de l'espèce de fard que les Ital. en tiraient autrefois [La forme belladone ne se trouve pas dans la 1re éd. du Dict. des drogues simples,1698 (3e éd. 1733) de Nicolas Lemery comme l'indique le Lar. Lang. Fr., cf. Tolmer (ds Fr. mod., t. 14, p. 295) qui relève dans l'ouvrage de Lemery la forme belladona et non belladone; cf. aussi Trév. 1752, s.v. belle-dame, v. ce mot]."

Bibliographie :

− Arveiller (R.). Sur l'orig. de qq. mots fr. R. Ling. rom. 1964, t. 28, pp. 308-313. [Arveiller (Raymond.) Sur l'origine de quelques mots français . in Revue de linguistique romane / 1964

− Colonna (P.). Au jardin des plantes. Vie Lang. 1952, p. 372.

− Hope 1971, p. 356.

− Quem. 2es. t. 1 1970, p. 7 [Cr. Arveiller (R.). R. Ling. rom.1971, t. 35, p. 215].

− Quillet Méd. 1965."

La référence compléte de Gammillscheg est GAMMILSCHEG (Ernst), 1920, "belle-dame", "Französische Etymologien", Zeitschrift für romanische Philologie, t.40 p. 135-136; elle est consultable sur gallica :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15890c/f145.image.langEN

III. RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE ET ICONOGRAPHIQUE DE LA BELLA DONNA DANS LES PREMIÈRES FLORES.

A) Une synthèse universitaire par Daunay et Laterrot 2007-2008

a) DAUNAY (Marie-Christine) LATERROT ( Henri), 2008, "Iconography and History of Solanaceae: Antiquity to the 17th Century" Horticultural Reviews, Volume 34,

http://www.hort.purdue.edu/newcrop/pdfs/c01.pdf

b) DAUNAY (Marie-Christine) LATERROT ( Henri) JANICK (Jules) , 2007,,"Iconography of the Solanaceae from Antiquity to the XVIIth Century: a Rich Source of Information on Genetic Diversity and Uses", VIth International Solanaceae Conference Eds.: D.M. Spooner et al. Acta Hort. 745, ISHS 2007

http://hort.purdue.edu/newcrop/actahort745.pdf

Traduction au péril de mon incompétence (on vérifiera la source) :

"L' espèce très toxique Atropa belladonna est souvent désignés comme '' la belladone ''. C' est une plante vivace, un arbuste herbacée qui est une source riche d'alcaloïdes. Les racines, les feuilles et les graines sont toxiques pour les humains.

1°) Premieres descriptions.

"— Théophraste décrit une plante nommée Morion qui aurait pu être Atropa belladonna, et la question a longtemps été débattue entre les herboristes plus tard. Selon Heiser (1969), la description de l'apparence et le comportement des ménades (les préposés de de nymphes) des orgies dionysiaques suggère que la belladone a été mélangée dans le vin lors des Bacchanales.

— La première image trouvée de Belladone est le folio 237 du précieux manuscrit Horae ad Usum Romanum, également connu comme Grandes Heures d'Anne de Bretagne (MSS Res. 9474 latine), daté de ca. 1503-1508.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f482.item

Bien que la licence artistique produise des calices rougeâtres (et non vert) et seulement de globuleux fruits mûrs verts et plat (au lieu de fruits noirs mûrs caractéristique globulaires), la branche peinte est facilement reconnu comme la belladone (nommé Barsines dans le vieux français de l'époque) avec ses feuilles entières, ses fleurs rougeâtres en forme de cloche, et le grand calice étoilé encadrant le fruit."

 Belladonna in Horae ad Usum Romanum (Grandes Heures d’Anne de Bretagne), folio 237, 1503–1508. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f482.item

Belladonna in Horae ad Usum Romanum (Grandes Heures d’Anne de Bretagne), folio 237, 1503–1508. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f482.item

 

"— Une image plus botaniquement exacte est celle du  Codex Vienne 11 121   de Fuchs,  daté de 1536-1541 dans le  folio 535, qui affiche une plante nommée Mandragora Morion Dollkraut avec une grande feuille à la base avec, presque entre les nœuds, des fleurs en forme de cloche solitaires et rougeâtres, et de nombreux fruits verts ou noirs attachés à de longs pédoncules et encadrés par un grand calice.  La gravure sur bois de Fuchs 1543 (folio 395), nommé Dollkraut, est la même mais en sens inverse et sans grande feuille (Fig. 1.4). Elle a été utilisée par Dodoens (1553), à nouveau inversée.

— Des plantes du même type sont présentes dans l' Herbier (Herbal) de Oellinger (1553, folio 346) avec le nom de Solanum somniferum et léthale et dans Il Teatro della Natura d'Aldrovandi (seconde moitié du 16ème siècle, vol. 5-2, folio 195)  avec plusieurs noms, y compris Mandragora Theo, Solatron léthale, et Solanum manicum.

— Dodoens (1553, 1557) répète l'image 1543 de Fuchs (inversée), Lonicer (1587) affiche un dessin très brut et Matthioli (1579) illustre une plante assez raide portant les caractéristiques de la belladone. Cette gravure sur bois a été utilisé à nouveau par Bauhin (éd. 1707). Lobel (1576b), Clusius (1601), Dodoens (1608), Gérard (1633), et  Parkinson (1640) ont utilisé une autre gravure sur bois [cf. Parkinson infra] affichant les caractéristiques des fleurs et des fruits avec leur grand calice en forme d'étoile."

2°). Les noms.

"Les noms identifiant les dessins de la belladone aux 16ème et 17ème siècles sont extrêmement divers. Ils comprennent Solanum léthale, S. hypnoticon, S. soporiferum, S. furiosum, Solatrum mortale, Solatrum léthale, Mandragoras Theophrasti, Morion (latin); Seukraut, Dollwurtz, Dollkraut, Schlafbeeren (haut allemand); Groote nascaye, Dulcruyd, Dulle Besien, Schlaaffkraut, Dollkraut (bas allemand); Dwale, deadly nightshade , Greate Morelle (anglais); Solanum dormitif, Solanu mortel, Morelle marine  (français); Acarreadora de sueno, Yerva mora maire (espagnol); et Belladona Italorum, Solatro marino (italien). L'origine du mot belladone, maintenant utilisé comme épithète, est controversée. Une explication intéressante était la croyance que le jus, lorsqu'il est utilisé sous forme de gouttes placées dans les yeux des dames, a provoqué l'élargissement de la pupille, leur donnant un regard rêveur et hypnotique pensé pour être très attrayant pour les hommes. Le nom générique moderne, Atropa, se réfère au sort grecque Atropos qui a coupé le fil de la vie. En nommant la plante Atropa belladonna, Linnaeus capturé l'essentiel de la plante."

3°) utilisations.

"Fuchs (1543) met en garde sur la nature toxique de la plante. Selon Dodoens (1557), les feuilles et les fruits de la plante sont froids à la quatrième année et ont été utilisés en applications externes contre toute forme d'inflammation. Mais il contre-indique  l'usage par voie interne, parce qu'il induisait  le sommeil profond, la rage (colère), et même la mort, et  Dodoens met en garde contre le fait de la planter dans n' importe quel jardin étant donné ses fruits attractifs (en particulier aux enfants) et ses effets dangereux. Les utilisations de la belladone dans la sorcellerie ne sont pas évoqués dans les Flores médicales de la Renaissance, mais selon Hansen (1978), cette espèce entrait dans le cadre des préparations des sorcières. L'hyoscyamine, le principal alcaloïde présent dans la plante, avec quelques autres, comme l'hyoscine, l'atropine, et la belladonnine, sont responsables des propriétés pharmaceutique et psychotropes de la plante  (Evans, 1979). "

4°) Conclusion.

"Les images de  Belladonna  se trouvent dans les Flores médicinales beaucoup plus tard que celles de la mandragore et jusquiame, et cela peut éventuellement s'expliquer par la confusion avec d'autres solanacées  induisant le sommeil. Cet effet vraiment malveillant de la Solanacées est particulièrement dangereux pour les enfants en raison de ses fruits noirs et doux brillantes attrayants, qui sont mortels. Belladonna est également fatale à de nombreux animaux domestiques et le bétail, bien que les lapins, les oiseaux et les cerfs ne semblent pas être affectés. L'atropine est encore utilisée par les ophtalmologues pour dilater les yeux et est utilisée comme un antidote dans les intoxications aux organo-phosphorés et aux carbamates."

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B. Ma propre enquête : origine du nom et de l'étymologie populaire de la Belladone.

La plupart des auteurs mentionnent l'étymologie du nom belladona comme liée à la coquetterie des femmes italiennes, mais aucun ne cite ses sources.Je les ai donc recherché. En résumé, Matthioli en 1566 puis Clusius en 1583 citent ce nom en usage en Italie pour désigner leur Solanum maius ou Solanum lethale, mais il faut attendre J. Parkinson en 1640 pour rapporter ce nom à un usage esthétique, non pas comme mydriatique, mais comme vasoconstricteur pour conférer aux dames la paleur de teint qui était alors recherchée.

a) Fausse piste ? : la Blandone du Grant Herbier.

 Le Trésor de la Langue Française me renvoie à la consultation du Grant Herbier (1486-1488), dans lequel je finis par trouver le paragraphe  De Tapso Barbato ou Tapse barbé :

Tapsus barbatus taple barbe cest une herbe commune qui a les feuilles velues et porte une branche longue dont on fait ung brandon ardent quant on l'engrasse. Aulcuns l'appellent queue de louv. On l'appelle flosmon et blandone et argimon. Elle est froide et seiche et en est de deux manières la masle et femelle. La femelle est plus grant et a plus grant feuilles et aussi est la meilleure. Chaudiement fait de vin ou ceste herbe ara cuit vault contre les emorroides. A ce vault aussi a essuyer fondement de ces feuilles quant on lesuve hors. Petit baing fait en l'eaue ou elle a esté cuite valt contre esprainson et flux de ventre.

La pouldre de ces feuilles mise sus chancres il vault moult. Pour chasser les poissons d'ung lieu soient ses feuilles mises dedens l'eaue et pour l'amertume il s'en suiront. Celle qui a petites feuilles il vault aussi. Contre les petis et menus vers du ventre soient fais petis torteaux de farine avec les feuilles du petit tapse barbe et soient donnés a mengier.

Comme on le constate, on ne trouve ici aucune description d'effets mydriatiques et d'aucun usage esthétique ou cosmétique de cette Blandone. Normal, la plante qui est décrite ici est le Bouillon-Blanc ou Molène, et elle n'intervient ici que parce que son nom, passé en Italie et déformé de Bladone en Beladone puis appliqué à une Solanacée, va favoriser le développement de l'étymologie populaire.

En France, cette Solanacée est alors connue sous le nom de Barsin ou Barsines (bien que la seule mention de ce nom soit celle des Grandes Heures d'Anne de Bretagne, à ma connaissance), et/ ?/puis  sous le nom de Morelle (de maurella, de Maure, "noir"), mais en 1602 est mentionnée la belladonna « espèce de solanée vénéneuse » (A. Colin, Hist. des drogues, trad. de l'Escluse, 540 [Lyon].

 L'introduction du nom belladonna a été attribué au botaniste italien Petrus Andreas Matthioli (1500-1570) mais c'est dit-on le botaniste flamand Charles de l'Escluse, Carolus Clusius (1526-1609 qui l'utilisa le premier en nom de genre (?).

b) 1566 et 1572 : Matthiolus, Commentaires : Le Grand Solanum ou Herba Bella donna.

Pierandrea Mattioli, 1566 Commentarius : Ces Commentaires seront traduit en français en 1572 par Antoine du Pinet. Les commentaires sur les six livres des Simples de Pedacius Dioscoride Anazarbeen :

Chap. 69 page 401 : "Solanum quintum, sive Solatrum maius : François, Solatrum dormitif commun ; Italiens, Herba bella Donna.Le grand Solanum (ou Solatrum) pousse dans les montagnes, a les feuilles plus grandes que la morelle, ...de ces fleurs sortent des perles ...lesquelles sont encloses en petits boutons, qui sont détaillés à mode d'étoile. Ces perles deviennent noires à leur maturité,prenant la grosseur d'un grain de raisin & ayant leur peau de dessus luisante. Elles sont remplies d'un jus vineux, ensemble de force petite graine. Sa racine est longue, grosse, blanchâtre, et succulente.[...] Appliquée au dehors, elle est bonne aux érysipèles, et feu Sainct-Antoine. Ses feuilles broyées résolvent les apostumes chaudes de yeux & paupière, et apaisent la douleur."

On voit qu'aucun usage cosmétique n'est connu alors.

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c) Carolus Clusius 1583 et 1601 : Solanum lethale ou (vulgus) Bella donna. 

—Caroli Clusii ... Rariorum aliquot stirpium, per Pannoniam, Austriam page 503

 

— Carolus Clusius Plantarum Historia 1601 page 85-86

 

"Solani porro genu illud quod lethale vocant, & Theophrasti Mandragoras esse, a quibusdam non inepté forté censetur, apud vulgus Italorum Bella donna nomen obtinuit apud Germanos Dollwurtz & Dollkraut, apud Belgas grootenascape & Dulce besien : multis Pannoniae & Austriae silvolsis montibus sponte provenit : nusqueam vero frequentius unquam videre memini, quam in silva illa Zollonok III. Dn de Batthyan urbi vicina, rumulo quodam, qui ab urbe circiter germanicum miliare abest. "

Nota bene : Charles de l'Escluse avait traduit en 1557 en français sous le titre Histoire des plantes le Cruydeboeck en flamand de son ami et collègue Robert Dodoens paru en 1554. Dans cet ouvrage, paru avant celui de Matthioli, la notice sur Solanum lethale cite les noms en haut et bas allemand, le nom français Solanum mortel, mais ne comporte pas le nom italien Bella donna. Voir L'Histoire des plantes, Rembert Dodoens traduit par Charles de l'Escluse, de l'Imprimerie de Iean Loë, 1557 - 584 pages, Chap. XC Lib. 3 page 303 .

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Figue. 1.5. Belladonna, Aldrovandi, Il Teatro della Natura, vol. 5-2, folio 195, 16ème siècle (de moitié 2d). Source: www.filosofia.unibo.it/aldrovandi. Copyright: Bologne, Bibliothèque de l'Université
 
Bella donna, Clusius page LXXXij https://archive.org/stream/mobot31753000810538#page/lxxxvi/mode/2up

Bella donna, Clusius page LXXXij https://archive.org/stream/mobot31753000810538#page/lxxxvi/mode/2up

d) Caspar Bauhin, 1623, Pinax Theatri botanici.

page 166

IV Solanum μελανοκερασυς  [melanoceratus]

-Solanum hortense nigrum, Trag.

-Mandragora Theoph. Dod. Gal. Ang. Guiland. Morion. Fuch. Ico. Lon. Tertia species, Cord. In Dioscor.

-Solanum majus, Marth. Cast. Caef . Cam.

-Solanum somniferum Fuch. Tur. Ad. Lob. Lugd.

-Solanum lethale, Dod. Clus.hist.

-Solanum sylvatica Ges.hor.syl.sive lethale, Thal.

-Belladona Clus.pan.

Duum est generum : I. foliis amplioribus & flore majore. II. Foliis & floribus minoribus.

 


 

e) 1640 : John Parkinson, Theatrum : Solanum lethale : Dwale or Deadly Nightshade. "Italiens called Bella Donna"

Theatrum Botanicum: The Theater of Plants : Or, An Herball of Large Extent .Chap. 6 Tribe 3 page 348.

"Dames use the juice or distilled water thereof for a fucus, peradventure by the excessive cold quality, to take away their high colour, and make them loke paler." Cet auteur cite ces prédecesseurs : Matthiolus : Solanum majus ; Ceasalpinus : id ; Camerarius : Tragus Solanum hortense nigrum ; Fuchsius, Lobel ; Lugdunensis, Solanum somniferum ; Dodoens ; Clusius : Solanum lethale /Thalius ; Gessner Solanum sylvaticum

 

Source image :

http://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=ucm.5325114272;view=1up;seq=396

 
Parkinson, Teatrum Botanicum 6;3 page 346 http://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=ucm.5325114272;view=1up;seq=396

Parkinson, Teatrum Botanicum 6;3 page 346 http://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=ucm.5325114272;view=1up;seq=396

 

Il me resterait à consulter The Herball 1597 de John Gerard ; Gaspard Bauhin (1622) ; Le catalogus Plantarum de John Ray (1622) et son Historia Plantarium (1686-1704)

f) John Ray 1660 Catalogus plantarum circa Cantabrigiam nascentium

— page 157 Solanum lethale, Deadly Nightshade, Bella donna.

Solanum lethale Park. Ger. Dod. Clus. hist. Bacciferum IV, sive melanocerasos C.B. Bella Donna Clus. Pan italorum. Solanum manicum multis, sive Bella Donna J. B. Solan. Maniacum primum Dioscoridis & mandragora Theophrasti Ifo Bodae. In Theophr. Hist. Deadly Nighshade or Dwale. In the lanes about Fulborn plentifully. N. Né Haec quidem lethalis planta cochlearum terrestrium & limacum dentes fugit ; sed vere novo hujus etiam folia ab eisdem rotuntut. De animalcullis hisce obiter monere liceat, quod eorum singula de utroque sexu aeque participan & sunt androgyna : Vicissim enim agunt & ptiuntur, immittunt simul & recipiunt, ut cuilibet satis constabit qui vere coeuntes separaverit ; esti nec Aristoteles nec alii, quod scimus, rei naturalis Scriptores ejus rei meminerint. Hujus baccae esu mortiferae sunt. Vide Lob. In Adv. Bod. In Theophr. Hist. Lib. 6 cap.2 p. 586. Gerardum & alios.

— Page 43 : Italis & Venetis dicitur vel per Antiphrasin, quoniam baccae ejus minimé pulchrae sunt : vel potius quia ex ejus succo sive aquâ destillatâ sucum conficiunt foeminae quo faciem oblinunt, ex rubicunda pallidam efficiunt frigoris vehementiâ.

Traduction ou trahison ?  :" Il est dit par les Vénitiens et des Italiens , que ses baies minimales sont belles, ou plutôt à cause de son jus ou de l'eau pour faire le jus distillée dont les femmes font (usage) pour faire pâlir leur visage taché de rouge sous l'effet de vent froid. "

 

 

g) John Ray 1686 Historia plantarum 

Chap. XXIII page 679  : Venetis aliisque Italis dicitur, quia ex ejus succo vel aqua destillata fucum,   conficiunt mulieres quo faciem oblinunt,&  ex rubicunda pallidam efficiunt frigoris vehementiâ.

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Page 680, Ray rapporte une observation où, appliquant la feuille de la plante près de l'œil pour soigner un ulcère chancreux, il observa une remarquable relaxation de la pupille. Nobilis Domina mihi nota ulcusculo cuidam paulo infra oculum, dextrumne an sinistrum oblitus sura, nec multum refert, quod cancrosum esse suspicabatur, folii recentis particulam imposuit ; quae noctis unius spatio uveam oculi tunicam adeo relaxavit, ut omnem explicandi sese & pupillam contrahendi facultatem ei adimeret : siquidem pupilla clarissimo lumini onbversa vehementer dilatat perstitit, socio & pari suo plus quadruplo amplior ; donec amoto folio uvea musculosam vim suam & tonum paulatim recuperaret.

Ce n'est qu'après que Ray ait signalé cet effet de dilatation de la pupille provioqué par la plante que Reimarus, Grasmeyer, Himly et d'autres l'utilisèrent en préparation de l'opération de la cataracte. (Chaumeton, Flore médicale p. 12)

 

h) Nicolas Lémery, [1698] et 1716, Dictionnaire ou Traité des drogues simples.

Page 75 :" Les Italiens ont donné le nom de belladonna à cette plante, à cause que les Dames s'en servent, ou s'en servaient autrefaois pour l'embellisement de la peau : car belladonna signifie belle Dame."

 

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i) Carl Linné, 1753  Species Plantarum

Page 181  Création du genre Atropa et de l'espèce Atropa Bella donna (sic, une seule majuscule et deux mots). Linné donne en référence a) ses propres Hort. cliff et Hort. ups. b) John Ray, lugd. c) Caspar Bauhin Pinax, pour le nom Solanum melanocerasus d) Clusius pour le nom Solanum lethale

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j) A. Richard in Bory de Saint-Vincent 1822  Dictionnaire classique d'histoire naturelle, Volume 2

 page 275  "Le nom de Belladone, Bella dona , que porte cette plante, lui vient de l'usage où l'on était autrefois, en Italie, de préparer avec ses fruits une sorte de fard dont les  femmes se servaient pour rehausser l'éclat de leur teint".

Les propos de Parkinson et de Ray se déforment ici, et on passe de l'idée de provoquer par le remède la pâleur des Dames à celle de "rehausser l'éclat du teint". Mais nul mention n'est fait encore des yeux dilatés des Vénitiennes. 

Par contre, l'auteur décrit désormais parfaitement l'effet atropinique (le terme n'existe pas) de la belladone :  sur la pupille :

 

 

"L'un des effets les plus constants produits par cette substance , c'est la dilatation considérable de la pupille, dont l'ouverture reste fixe et immobile. Cette singulière propriété n'a pas manqué d'attirer l'attention des médecins qui ont eu la mettre à profit pour faciliter l'exécution de certaines opérations qui se pratiquent sur le globe de l'œil, en particulier la cataracte. Un cataplasme est arrosé avec la solution d'extrait de belladone, ou des compresses imbibées de cette solution, placées sur l'œil, peu de temps avant l'opération, déterminent la dilatation de la pupille et facilitent ainsi l'introduction des instruments destinés à abaisser ou à extraire le cristallin cataracté."

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C. Apparition du nom "Belle-dame" en botanique.

a) Cotgrave's dictionary : 1611

"belle-dame : Great Nightshade ; or ; a kind or Dwale, or sleeping Nightshade"

b) Antoine Oudin 1655 Recherches Italiennes Et Françoises Ou Dictionnaire Volume 2

 page 59 :  "Belle dame, plante, bella donna."

 

D. Un papillon nommé Bella donna, puis Painted-Lady, puis Belle-Dame.

Cette espèce est illustrée depuis la fin du XVIe siècle par Joris Hoefnagel, sans mention de nom, mais dans le cadre de Vanités ou d'Allégories de la fraglité de la beauté, la beauté du papillon aile étalées étant mis en parallèle avec celles de fleurs (roses, tulipes) placées dans un vaes.

— Première mention :James Petiver 1699; Musei petiveriani. n° 326 "The Painted-Lady Bella donna dicta" Cette précision "dite Bella donna" indique que Petiver a repris un nom pré-éxisatnt qu'il a adapté en anglais. Mais il n'a pas été possible de trouver trace de cet usage d'une appelation latine antérieure de cette espèce. Elle porte le nom scientifique de Vanessa cardui.

 — John Ray et John Lister, 1710, Historia insectorum  page 422

— Etienne-Louis Geoffroy, 1762, Histoire des insectes : création du nom français La Belle-Dame".

 

Vanitas et Vanessa. A propos de "Nature morte avec des insectes" (1594) d'Oxford par Joris Hoefnagel.

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Vanitas et Vanessa . A propos de "Nature morte avec insectes" (1594) d'Oxford par Joris Hoefnagel, et du nom de genre Vanessa Fabricius, 1807.

I. Description.

Titre : "Nature morte avec insectes". Miniature en rectangle vertical de161 x 120 mm peinte à l'aquarelle sur vélin par Joris Hoefnagel en 1594 et conservée à l'Ashmolean Museum of Art and Archeology d'Oxford (Angleterre).

Inscription :

L'artiste a placée en guise de signature au centre sur le vase un monogramme IG dans lequel le "I" est en réalité un clou placé verticalement au centre de la lettre G. Il s'agit d'un rébus analogue aux "armes parlantes" utilisées en héraldique et par lesquelles le titulaire donne à entendre son nom. Le clou se disant "nagel" en néerlandais, Hoefnagel, dont le nom provient sans-doute du surnom donné à un maréchal-ferrand Huf-nagel, "sabot-clou", a fait de l'image du clou son emblème. Le monogramme se lit donc G[eorgius] [Hof]nagel. De chaque coté, les chiffres 15 et 94 indiquent la date, 1594.

Chose exceptionnelle chez Hoefnagel, la scène peinte ne s'accompagne ici d'aucun titre, d'aucune citation biblique ou poétique : en un mot, elle échappe aux règles des Emblèmes. Elle se suffit à elle-même au lieu d'être l'illustration d'un argument littéraire. Serait-ce la première Nature morte ?

Considérée rapidement, on y voit un vase, des fleurs et des insectes. Mais en regardant plus attentivement, on constate que ce "vase" est bien étrange. D'une part, il est dépourvu de pied, et se tient en équilibre sur une grosse perle. A moins qu'il ne soit fixé au faux cadre en trompe-l'œil, qui se résume ici à quatre baguettes de bois ou de cuivre ? Et puis, nous ne comprenons pas comment se dispose son col, car celui-ci est masqué par un papillon aux ailes largement étalées. Or, les anses, volutes contournées de manière extravagante et guère fonctionnelle, ne viennent pas poser leur extrémité supérieure sur une partie du vase, mais sur les ailes du papillon. D'ailleurs, la pose de cet insecte n'est pas celle qu'il adopte dans la nature, lorsqu'il capte le soleil sur une fleur ; mais elle évoque plutôt un spécimen de collection, épinglé à cet endroit insolite en dessous des tiges des fleurs.

La comparaison avec une autre œuvre assez similaire au musée de Sibiu en Roumanie permet de découvrir le vase non masqué et de comprendre que ces anses sont, d'avantage, des poignées dont l'extrémité est libre. De même, le pied est maintenu par un support servant de cartouche avec inscription. Cette autre miniature est datée de 1597.

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg

L'une des façons de résoudre les étrangetés de construction de la miniature d'Oxford est de supposer qu'elle a été découpée, puis qu'un cadre a été dessiné secondairement. J'ignore si cela a été envisagé par les experts.

Étrange aussi est cet hanneton, à l'évidence mort, sur le dos, comme une momie égyptienne.

Curieux encore est l'attrait d'une Demoiselle et d'un Lycène pour les anses du vase, alors que les fleurs les indifférent.

Alertés par le monogramme parlant de l'artiste, par ces bizarreries, par les formes calligraphiques des 3 décors de lapis lazuli du vase et des 2 anses, nous pouvons, surtout en connaissant l'artiste qui se définit comme inventor hieroglyphicus, chercher à déchiffrer quelque sens secret.

Dressons d'abord l'inventaire botanique.

Au centre, une tulipe jaune. A droite et à gauche, deux roses en bouton (Rosa gallica), de couleur rose. Au dessus d'elles, deux ancolies, blanches ou décolorées par le temps. Et puis, sur le sol supposé, dont les ombres indiquent l'existence, une fleur coupée, sèche, celle d'un œillet.

Poursuivons avec l'inventaire entomologique des cinq insectes. Bien qu'à cette époque aucun n'ait reçu de nom, nous pouvons aujourd'hui les identifier. Le papillon du centre est la Vanesse du Chardon ou Belle-Dame Vanessa cardui. Le second papillon est sans-doute un Papilionidé, le Semi-Apollon, Parnassius mnemosyne. (Ou à défaut Aporia crataegi, le Gazé). La chenille qui ressemble le plus à celle qui trace une diagonale le long d'une tige est celle de la Cucullie du Bouillon-Blanc, Shargacucullia verbasci. Le hanneton doit être du type commun, Melolontha melolontha. Enfin la libellule posée à droite est vraisemblablement un Calopteryx femelle (C. virgo ou C. splendens).

 

 

On comparera avec intérêt cette miniature avec cette aquarelle plus tardive de Jacob Hoefnagel, qui appartient actuellement à la Fondation P & N de Boer à Amsterdam, mais qui fut exposée en 2104 à Paris  dans l'exposition Entre Goltzius et Van Gogh, à la Fondation Custodia.

Jacob Hoefnagel, Vase de fleurs entouré de fruits et d’insectes, 1629. Aquarelle sur vélin, 145 x 191 mm © Fondation P. et N. de Boer, Amsterdam

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+de+boer&start=0

 https://alaintruong2014.files.wordpress.com/2014/12/2149.jpg.

On y distingue 15 insectes, dont Vanessa atalanta, le "Vulcain", une chenille épineuse, une coccinelle à deux points, une libellule — corps de Libellulidae, mais yeux et pterostigmas rouges —, une sauterelle femelle, un Grand Bombyle Bombylis major, un Térébrant Gasteruption assectator, une Mouche à damiers Sarcophaga carnaria, deux fourmis transportant le couvain.

Parmi les fleurs, la Rose Rosa gallica, la Nigelle Nigella damascena, le Crocus, le Narcisse , l'oeillet , l'Ancolie , le Romarin, la Fritillaire, la Violette , une Giroflée (rose) , une pomme coupée, une fraise des bois, deux cerises, une demi noix.

La console qui donne appui au vase ne sert pas, comme dans toutes les miniatures de Joris, de cartouche pour une inscription sentencieuse ou poétique. Comme dans la miniature précédente, cette absence d'inscription en fait une Nature morte. Morte car silencieuse.

 

 

 

 

 

Jacob Hoefnagel, Vase de fleurs entouré de fruits et d’insectes, 1629. Aquarelle, 145 x 191 mm © Fondation P. et N. de Boer, Amsterdam

Jacob Hoefnagel, Vase de fleurs entouré de fruits et d’insectes, 1629. Aquarelle, 145 x 191 mm © Fondation P. et N. de Boer, Amsterdam

Vanitas et Vanessa.

Ces Natures mortes sont, au même titre que celles qui les suivront, et comme aussi une grande partie des peintures emblématiques précédentes de Hoefnagel, des illustrations de la vanité foncière de l'existence, dont témoignent la fanaison rapide des fleurs, le déperissement des fruits, la taille insignifiante des insectes et la briéveté de toutes les formes de vie, contrastant vivement avec la fraîcheur et la beauté de l'expression vitale en sa plénitude.

Or, il est singulier de constater qu'au centre de l'une des premières Natures mortes se trouve, ailes étendues, comme épinglée par la mort, un papillon qui porte en France depuis 1762 le nom de "Belle-Dame" et en Angleterre depuis 1699 celui de "Painted-Lady" ("femme fardée"). 

En effet, ces noms traduisent un nom latin, Bella dona, "Belle dame", par allusion à la beauté presque surfaite des ailes mêlant au noir et au blanc des dégradés d'orange, de chamois et de beige. Petiver, qui le mentionne en 1699, signale qu'il est connu sous ce nom ("bella donna dicta" mais ne dit pas depuis quand. En outre, ce nom évoque la plante Atropa belladonna L. 1753, dont le nom belladona a été pour la première fois attesté, sous la forme Herba bella donna ou Herbe des belles dames, dans les publications des botanistes Matthioli (1566) et Clusius (1602). Carolus Clusius, ou Charles de l'Escluse qui avait appartenu à la cour impériale à Vienne avant de s'installer en 1587 à Leyde et y fonder le Jardin botanique, est un ami de Hoefnagel. Il est possible que Hoefnagel ait connu le nom botanique bella donna. Il est par contre peu vraisemblable (ou non attesté)  que le papillon soit déjà désigné par ce nom à son époque.

Ce n'est donc qu'a posteriori, pour la jouissance intellectuelle du spectateur actuel, que ce nom vernaculaire de ce papillon vient entrer en profonde résonnance avec le sens tacite de la peinture de Joris Hoefnagel. 

Mais il y a plus. Le nom scientifique de la "Belle-Dame" est Vanessa cardui, ou Vanesse des chardons. Le Vulcain qui est figuré dans le Vase de fleurs entouré d'insectes de la collection de Boer se nomme Vanessa atalanta, Ces deux papillons appartiennent donc au genre Vanesse, un genre aux ailes fortement colorées de teintes noir, orange ou rouge, et qui, pendant la période médiévale, a servi de support d'un symbolisme négatif évoquant le Mal, les puissances diaboliques et l'Enfer notamment dans le Jugement Dernier  de Hans Memling et dans le jardin des délices de Jérome Bosch.

http://www.lavieb-aile.com/article-les-papillons-dans-un-tableau-de-hans-memling-125258718.html

Dans l'oeuvre de Hoefnagel, ce symbolisme péjoratif disparaît. Les ailes puissament colorées des Vanesses entrent en écho avec les pétales des fleurs, cette exubérance de la Nature incitant le spectateur à réfléchir au caractère périssable, vulnérable et éphémère de ces fastes, comme un miroir tendu à sa propre existence et à son attrait pour les richesses ou la beauté.

En un mot, ces Vanesses sont, à elles-seules, des Vanités au même titre qu'une Rose.

Or, le genre Vanessa, créé en 1807 par Fabricius, appartient à une série qui sont tous des noms féminins se rapportant  Vénus, déesse de la Beauté. Le nom Vanessa est emprunté à Swift, qui, dans son poème Vanessa and Cadenus (1713) avait fusionné le début et la fin du nom de son élève (et maîtresse) Esther Vanhomright. Ce poème oppose la vanité des relations courtoises des femmes et hommes de son temps (Vénus) et la passion pour les jeux intellectuels (Pallas) qui réunissait Swift et Esther. Dans le nom Vanessa est dissimulé à la fois Venus et Vanish, selon des techniques de manipulation et distorsion du langage qui sont au cœur de la création littéraire swiftienne.

Donc, là encore, comme pour le nom Belle-Dame, le nom Vanessa est en relation étroite avec Vanitas, mais cette relation ne devient évidente qu'après-coup, dans une lecture contemporaine. 

Rien n'interdit au zoonymiste de penser que ce sont précisément les miniatures emblématiques, puis les Allégories et enfin les Natures mortes de Joris Hoefnagel qui ont favorisé la dénomination de certaines espèces de lépidoptères sous l'égide de  la Vanité et de la Beauté périssable. 

Et rien n'interdit non plus au rêveur borgésien d'imaginer que Hoefnagel avait inscrit déjà ces noms dans son œuvre, comme dans ces images où le visage du chasseur est caché dans le feuillage d'un arbre.

J'ajouterais que Linné, créateur du nom papilio cardui et papilio atalanta, tout autant que Geoffroy, créateur du nom "Belle-Dame", connaissaient les représentations par Hoefnagel des papillons en question, et qu'il les citent en référence de leurs descriptions originales.

 

 

Le grant herbier Paris 1504

John Gerard The herball 1597

Pietro Andrea Mattioli  Pietro Andrea Mattioli 


Zoonymie du papillon l'Azuré du Serpolet Maculinea arion.

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Zoonymie du papillon l'Azuré du Serpolet Maculinea arion (Linnaeus, 1758).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

Résumé.

— Maculinea Van Eecke, 1915, couplage de deux noms latins, macula et linea, pour décrire les points noirs "en forme de longs trémas" selon l'auteur, qui caractérisent les ailes antérieures des espèces du genre.

[— Synonyme du genre Maculinea : Phengalis Doherty, 1891 : du grec fengali, "la lune", peut-être en raison d'une tache noire ronde sur fond blanc de l'espèce-type.]

— arion (Linnaeus, 1758) : cette espèce appartenant à la phalange des Plébéiens ruraux de Linné, elle devrait recevoir le nom d'un homme ordinaire, mais ceux-ci n'ayant pas laissé leur nom dans l'Histoire, Linné choisit parmi les artistes grecs antiques, comme Arion de Méthymne, poète et joueur de cythare qui, condamné à être jeté à la mer par des marins, fut sauvé par un dauphin attiré par ses chants. A la Renaissance, il devint pour les humanistes et imprimeurs la figure de l'éloquence poétique, et Linné a vu, sous forme de marque de typographe, la vignette d'Arion au dauphin sur la page de titre du Pinax theatri botanici (1623) de C. Bauhin, livre princeps en Botanique.

— En France, l'espèce fut d'abord décrite par Engramelle en 1779 sous le nom d'"Argus Bleu à bandes brunes", puis par Godart en 1821 sous celui de "Polyommate Arion" avant d'être nommée par Gérard Luquet en 1986 "L'Azuré du Serpolet", du nom de l'une des plantes-hôtes des pelouses sèches, Thymum serpyllium ou plus généralement des Serpolets (Thymus praecox, T. pulegioides). La chenille se nourrit de leurs bourgeons floraux avant de tomber et d'être prise en charge par des fourmis (Myrmica sabuteli).

 

 

 

               I. NOM SCIENTIFIQUE.

 

1. Famille et sous-famille.

a) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycènes. 

       Leach, William Elford, 1790-1836  "Insecta" pp. 329-336, "Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172  : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library]  page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]

  

La famille des Lycaenidae Leach, [1815] tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807). il comprend les Blues ou Azurés, les Coppers ou Cuivrés et les Hairstreaks ou Thécla, et nos Argus, soit les sous-familles des  Polyommatinae Swainson, 1827, Lycaeninae [Leach, 1815] et Theclinae Butler 1869.

 Ses 6000 espèces mondiales représentent un tiers des Papilionoidea. La majorité a développé des stratégies d'associations facultative ou obligatoire avec les fourmis, qui vont du parasitisme au mutualisme. Les chenilles et les chrysalides utilisent des signaux chimiques et acoustiques pour manipuler les fourmis dans le sens de la myrmécophylie. La présence d'une glande dorsale, située en général sur le 10ème segment exsudant un liquide sucré comparable au miellat des pucerons est un caractère largement partagé par les chenilles de lycénidés myrmécophiles et connu depuis 1894 . On parle alors de chenilles trophobiontes. Toutefois, certaines espèces ont mis au point des stratégies plus complexes pour inciter les fourmis à les adopter et à les transporter au sein de leurs fourmilières.

 

b) Sous-famille des  Polyommatinae Swainson, 1827.

Elle tient son nom du genre Polyommatus créé par  Latreille en 1804; "Tableau méthodique des Insectes" in Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle appliqué aux arts, principalement à l'Agriculture et à l'Économie rurale et domestique, par une Société de naturalistes et d'agriculteurs ; avec des figures des trois Règnes de la Nature, Paris : Deterville, an XII [1804] 24 (6) p. 185 et page 200, espèce-type: Papilio icarus Rottemburg.

Polyommatus vient du grec polus "beaucoup", et omma, ommatos, "œil" : c'est un qualificatif du géant Argos qui disposait de cent yeux, dont cinquante étaient toujours ouverts. C'est lui que la jalouse Héra envoya surveiller Io, transformée en génisse après ses amours avec Zeus. Ce nom est en rapport avec les nombreux ocelles des ailes des papillons bleus. On le trouve déjà chez Aldrovandi sous la forme équivalente de  Papiliones polyophtalmi.

Cette sous-famille contient, en France, 18 genres :

 Tribu des Polyommatini Swainson, 1827 :

Genre Maculinea Eecke, 1915 

 


    

2. NOM DE GENRE : Maculinea van Eecke, 1915 .

 

a) Description originale : 

"Bijdrage tot de kennis der Nederlandsche lycaena-soorten, Door R. van Eecke (met Plaat I en II)",     Zoologische Mededeelinge s'Rijks Museum van naturlijke historie te Leiden E.J. Brill : Leiden 1(3):28,  

— Type spécifique: M. alcon

Description :

Nov. genus Maculinea.

De ogen over het algemeen niet behaard (arcas heeft nl. Zeer fijn behaarde ogen) ; de witgeringde antennen tamelijk kort en fijn, met duidelijke kolf ; de palpen met een lang eindlid. De voorpooten bij de sexen verschillend ; tibiae zonder sporen. Ader 6 ontspringt naast ader 7, die gevorkt is en waarvan de distale tak recht in de apex der voorvleugels eindigt. De discocellularis gebogen ; ader 2 der achtervleugels weinig verlengd. De uncus zwak gespleten met in waartsche buiging met enen tweeledig scaphium, dat nog met den uncus sterk verbonden is ; de valvae rechthoekig met een zeer sterken, vooruitstekenden, processus superior en een sterken, grooten rechthoekigen processus inferior. De penis basaal sterkt verdikt, met zeer ontwikkelden cuneus en afgestompte carina. Bij de wijfjes duidelijke sinusontwikkeling en lamina dentata in de bursa copulatrix.

 Het genus Maculinea omvat 4 inlandsche soorten, die alle onmiddellijk te onderkennen zijn aan hunne eigenaardige, lange trema-vormige  vlekken en aan de donsachtige blauwe kleur. Tot die genus behooren ook de uitlandsche soorten M. cyllarus Rott. En M. melanops B. De scheiding tusschen de genera Lycaena en Maculinea is zuiver te trekken. Inlandsch zijn : 

1. M. alcon F.

2. M. euphemus Hübn.

3. M. arion L. 

4. M. arcas Rott.

"Le genre Maculinea comprend quatre espèces indigènes, qui se reconnaissent toutes immédiatement à leurs taches particulières en forme de longs tréma à et leur couleur bleu-duveteux. À ce genre appartiennent également le genre Uitlandsche espèce M. cyllarus Rott. et M. melanops B. La séparation entre les genres Lycaena et Maculinea ........ Les espèces indigènes sont: (etc.)"

 

 

— Ce genre renferme quatre espèces en France :

  • Maculinea alcon ([Denis & Schiffermüller], 1775) . Azuré de la Pulmonaire (sous-espèce alcon), Azuré de la Croisette (sous-espèce rebeli).

  • Maculinea nausithous (Bergsträsser, 1779). Azuré des paluds.

  • Maculinea teleius (Bergsträsser, 1779) (157). Azuré de la Sanguisorbe.

  • Maculinea arion (Linnaeus, 1758). Azuré du Serpolet.

 Les larves sont soignées par des fourmis des genres Myrmica et Aphaenogaster.  

 — Auteur : Qui est l'auteur du genre Maculinea ?

 Rudolph van Eecke est un entomologiste néerlandais, (1886 -1975) qui devient en 1920 conservateur au Rijksmuseum van Natuurlijke Historie de Leyde. Il travailla alors sur les lépidoptères. Quelques-unes de ses publications :

  •  1914. Studien über Indo-Australische Lepidopteren, Fauna Simalurensis, Lepidoptera Rhopalocera, Fam. Lycaenidae. Notes Leyden Mus. 36(3): 193-258

  • 1915. Studies on Indo-Australian Lepidoptera II. The Lepidoptera collected by the third New Guinea axpedition. Nova Guinea Zool. 3, 13: 55-79, 3 pls

  • 1918. Studies on Indo-Australian Lepidoptera III. Some Rhopalocera and Netrocera from Simalur, Pulu Lasia, Pulu Babi and Sumatra. Zoöl. Meded. 4(2): 70-101, 2 pls., 3 text figs.

  • 1924. List of Lepidoptera collected by Mr. W. C. van Heurn during an exploration-expedition in Dutch North New Guinea. Nova Guinea 15: 33-56, 1 pl. r 

 

 

Genre Phengaris ou Maculinea ?

 Le genre Phengaris a été décrit par Doherty en 1891 :  J. Asiat. Soc. Bengal 60 Pt.II (1) : 36

1) Selon Dupont et al. 2013 : 

En 2007, les travaux de Fric & al., fondés sur le séquençage des gènes mitochondriaux CO1 et CO1I et du gène nucléaire EF-1α, montrent que les espèces des genres Phengaris Doherty, 1891, et Maculinea Eecke, 1915, appartiennent à une même lignée monophylétique. En 2011, les travaux d’Ugelvig & al., fondés sur le séquençage des gènes mitochondriaux CO1 et CO2 et de quatre gènes nucléaires (EF-1α, wigless, Histone-3 et la sous-unité ribosomale 28S), montrent que les deux genres sont très proches, mais que le genre Maculinea est monophylétique. Balleto & al. (2010) ont proposé de maintenir le nom générique Maculinea et ont requis à ce sujet l’avis de la Commission Internationale de Nomenclature Zoologique. Dans l’attente de cette décision, nous optons pour le maintien du nom générique Maculinea Eecke, 1915 comme cela est recommandé par le code de nomenclature.  

2) Selon Wikipédia (consulté le 8 01 2014) qui mentionne cette espèce comme Phengaris alcon:

 Les travaux de Zdenek et al. (2007) sur la phylogénie du clade (Phengaris+Maculinea) ont permis d'identifier l'ancien genre Maculinea comme un groupe à l'intérieur de Phengaris. Toutefois, ces études ne permettent toujours pas de placer Phengaris au sein d'une sous-famille particulière et se retrouve donc Incertae sedis. La liste des espèces comprend donc l'ensemble des espèces des deux genres.

3) cas 3508 : Paclt, J, Bulletin of Zoological Nomenclature mars 2013 70(1) : 52

This comment is in support of Case 3508 to conserve the junior synonym Maculinea Eecke, 1915 for the Large Blue butterfly. The historical use of the two synonyms, Maculinea Eecke, 1915 and Phengaris Doherty, 1891 is summarized by Paclt (2012), with Maculinea shown to be very widely used and Phengaris very little used, almost solely by, or following, the authors of the comment opposing the case. Article 23.2 of the Code (the Principle of Priority) is to be used to promote stability, and not to upset a long-accepted name in its accustomed usage by introducing a little-used senior synonym as was done by Fric et al. (2007). The genus Phengaris was introduced in 1891, and since then has been the subject of very few publications, while Maculinea was used in all catalogues, field guides and educational posters and has been the subject of numerous behavioural, ecological and conservation studies. The Commission is formally asked for a ruling in support of Case 3508 and for conservation of the junior synonym Maculinea, which is a classical case of common usage vs priority, as described in Article 23.9.3 of the Code.  

 

 

Le genre Phengaris, Doherty, 1891.

 

Selon Wikipédia : William Doherty est un naturaliste américain, né le 15 mai 1857 à Cincinnati et mort le 25 mai 1901 à Nairobi. Il voyagea en 1877 en Europe, en Turquie, en Palestine et en Égypte, en 1881 en Iran. Il commença à constituer une importante collection de papillon. De 1882 à 1883, il voyagea en Inde, en Birmanie et dans l’archipel malais et en 1887 il partit en Indonésie.

Doherty alla étudier les collections de papillons rassemblées par les frères Lionel Walter Rothschild (1868-1937) et Charles Rothschild (1877-1923) au Muséum de Tring. Lord Lionel Rothschild l’emploie alors comme récolteur d’oiseau, le meilleur qu’il n’a jamais employé d’après lui. Il meurt dans l’est de l’Afrique de dysenterie.

Ses collections entomologistes sont dispersées dans plusieurs institutions : le Natural History Museum de Londres, le Muséum Carnegie de Pittsburgh (en), le muséum de Brooklyn et le National Museum of Natural History de Washington.

Il est l'auteur de trois genres,  Araotes Doherty, 1889 ( Theclinae), Phengaris Doherty, 1891; Yoma Doherty, 1886 (Nymphalidae).

 Sa description originale est celle-ci : 

 W. Doherty 1891.III. "New and Rare Indian Lycaenidae", in Journal  of the Asiatic Society of Bengal. Vol. 60. Part II. 1892, pp 32-38 : page 36.

 Cette référence est d'accès difficile : La BHL Library conserve la seconde partie du numéro 60 du Journal , mais non la première partie. Néanmoins, cette seconde partie contient  l'Index signalant le nom de genre  J. Asiat. Soc. Bengal 60 Pt.II (2) 430 , mais aussi  la planche II présentant l'espèce-type, planche qui accompagne un second article de Doherty The Butterflies of Sumba and Sambaica, with some account of the Island of Sumba, by William Doherty, Cincinnati, U.S.A. Communicated by the Natural History Secretary (With Plate II).

  Je donne donc la copie de l'extrait concernant le nouveau genre Phengaris page 36 de la référence citée : 

"p.36 Subfamily Lycaeninae, genus Phengaris.

Subfamily Lycaeninae.

Genus Phengaris, novum. The splendid Chinese butterfly Lycaena atroguttata, Oberthür, deserves to be placed in a separate genus or subgenus, distinguished from Lycaena by the upper discocellular vein of the hindwing being short and angled outwardly, the lower discocellular meeting the median vein opposite its second forking.

 I was not able to detect any odour about it, but it has all the air of a protected species. I often saw in the meadows of the Kutxcha Naga country, Naga Hills, from 6000 to 8000 feets elevation, flying very slowly and visible from a great distance, so that I caught a good number, in spite of its rarity. The character of its marking, round black spots on a pure white ground, is very remarkable. It is hard to avoid thingingTajuria maculata, Hew. A mimic of this species, though it seems to live a lower elevation, and further to the westward. Taraka hamada is somewhat similary marked, and is obviously protected.

I have taken the name Phengaris, which means a daughter of  the moon, from the modern Greek."

 

 Étymologie de Phengaris.

L'étymologie du genre créé par Doherty est indiquée par son auteur dans l'extrait cité ; "J'ai pris le nom Phengaris, qui signifie "fille de la Lune", du grec moderne.". Peut-être ce nom est-il en lien avec la phrase "The character of its marking, round back spots on a pure white ground, is very remarkable.", " la caractéristique de sa marque, un rond noir sur un fond blanc très pur, est très remarquable". En grec, phengari ou fengári, φεγγάρι, ,signifie "la lune", et non "la fille de la lune".

 

Le Mont Phengari (mont de la Lune) est situé sur l'île de Samothrace, l'une des Sporades, et sa cîme enneigée est le point culminant de la mer Égée avec ses  1611 mètres. 

 

 

 

 

c) Étymologie de Maculinea.

L'étymologie de ce nom de genre est signalée par l'auteur lorsqu'il écrit "Le genre Maculinea comprend quatre espèces indigènes, qui se reconnaissent toutes immédiatement à leurs taches particulières en forme de longs tréma ...". En effet, ce nom est l'association de deux noms latins, macula, "tache" et linea, "ligne" : "taches en forme de ligne, de tiret".

— A.M. Emmet (1991)

macula, a spot ; linea : from the postdiscal series of somewhat elongate black spots on the forewing upperside, characteristic of the species in the genus."

 

— Hans A. Hürter (1998):

"Macula, -ae, "tache" [...] linum, -i, "ligne" [...] Eine Gattung, deren Arten "reich an linienförmigen Flecken oder Makeln" sind, die mit linien- oder strichförmigen Flecken oder Makeln versehen sind, die solche Zeichnungen auf den Flügeln tragen."

Un genre dont les espèces  "riches en taches ou des marques en forme de ligne" sont pourvus d'une ligne de taches ou de marques en forme de ligne, dessinée sur les ailes.

 

—Luquet in Doux et Gibeaux (2007) :

      du latin macula,"tache", et linea, "ligne", par allusion à la série post-discale de points noirs quelque peu allongés de l'avers de l'aile antérieure, caractéristique des espèces du genre.

— Perrein et al. (2012)

   du latin macula "tache" et linea, "ligne", allusion à la maculation des ailes antérieures de nombreuses espèces du genre.

 

 

  3.  NOM D'ESPÈCE : Maculinea arion (Linnaeus, 1758).

 

a) Description originale

Papilio arion Linnaeus, 1758 :  Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Editio decima, reformata. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 1-824, : 483. [http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277]

 

 

— Description :  "151  P[apilio] P[lebejus] Alis ecaudatis : supra fuscis disco caeruleo maculis atris : subtus canis punctis ocellaribus.

Statura sequentis, sed duplo major. Alae posticae subtus ocellis 10, praeter puncta marginalia."

— Habitat  in Europa.

— référence données par Linné :

  • Roes. ins. 3 Suppl. t.45  f.3,4.

​— Recherche de la référence : 

Roesel von Rosenhof (August Johann) , 1746,  Der monathlich herausgegebenen Insecten-Belustigung. Theil 3  Worinnen außer verschiedenen, zu den in den beyden ersten Theilen enthaltenen Classen, gehörigen Insecten, auch mancherley Arten von acht neuen Classen ... vorgestellet werden 4020 Mit vielen neuen Beobachtungen / Herrn August Johann Rosel von Rosenhof, Nürnberg [Nuremberg], 

numérisé par Göttingen  page 349 : 

http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN369101308&DMDID=DMDLOG_0079

http://gdz.sub.uni-goettingen.de/content/PPN369101308/800/0/00000349.jpg

 

 

b) Description et localité-type 

 — Localité-type : Suède, désignée par Honey & Scoble (2001) (Honey, M. R. & Scoble, M. J. 2001. Linnaeus's butterflies (Lepidoptera: Papilionoidea and Hesperioidea). Zoological Journal of the Linnean Society, 132(3): 277-399 : 300.). Ou, (Perrein & al.) : " "in Europa" ; Nuremberg, Bavière, Allemagne, d'après Fruhstorfer qui prend en considération la citation linnéenne des figures de Rösel von Rosenhof en 1746 dans son Insecten-Belustigung."

— Selon Dupont & al. (2013) cette espèce a une répartition eurasiatique. Elle est présente de la péninsule Ibérique jusqu’au nord-est de la Chine. Elle est signalée de presque toute la France. Les chenilles se nourrissent principalement sur des Thyms du groupe serpyllum L. et Origanum vulgare L.

Description Wikipédia :

"La chenille, petite et trapue, possède une tête rétractile noire et un corps rose puis blanc rosé. Il vole en une génération, de fin mai à fin juillet. Il hiverne à l'état de chenille.

La chenille se nourrit des corolles du Serpolet puis tombe au sol et est transportée par les fourmis dans leur fourmilière, elle se nourrit, jusqu'à sa métamorphose, de larves de fourmis*. Les chenilles sont soignées par des fourmis, Myrmica sabuleti et Myrmica scabrinodis. La nymphose a lieu dans la fourmilière.

Ses plantes hôtes sont des thyms Thymus serpyllum, Thymus praecox, Thymus marschalliana, et origans Origanum vulgare.

Il est présent en Europe du nord de l'Espagne au sud de la Scandinavie, en Turquie, dans l'ouest de la Sibérie, le nord-ouest du Kazakhstan et dans l'Altaï. Il est éteint en Grande-Bretagne depuis 1979.

En France métropolitaine il est présent dans presque tous les départements, mais est absent ou n'a pas été trouvé depuis 1980 en Bretagne, en Basse-Normandie, dans le Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-France.

Il réside dans les clairières, les lieux herbus secs."

*"en échange de leur sécrétions sucrées, consommées par les fourmis adultes" (Chinery)

 

 

c) Synonymes  et sous-espèces.  INPN (Muséum) :

  • Glaucopsyche arion (Linnaeus, 1758)
  • Lycaena arion aglaophon Fruhstorfer, 1915 :Fruhstorfer, H. (von) 1915. Neue palaearktische Lycaeniden. Societas Entomologica, 30(12): 67-68 : 68. [http://www.biodiversitylibrary.org/page/33429311]
  • Lycaena arion ligurica Wagner, 1904
  • Lycaena arion (Linnaeus, 1758)
  • Lycaena arthurus Melvill, 1873 : Melvill, J. C. 1873. Description of Lycaena arthurus, a new european butterfly. The Entomologist's Monthly Magazine, 9: 263: 263. . [http://www.biodiversitylibrary.org/page/9271271]
  • Lycaena ligurica Wagner, 1904
  • Lycaena obscura Christ, 1877
  • Maculinea arion aglaophon (Fruhstorfer, 1915)
  • Maculinea arion arion (Linnaeus, 1758)
  • Maculinea arion arthurus (Melvill, 1873)
  • Maculinea arion ligurica (Wagner, 1904) : Wagner, F. 1904. Lycaena arion L. nov. var. Societas Entomologica, 19(1): 1. [http://www.biodiversitylibrary.org/page/9264504]
  • Maculinea arion obscura (Christ, 1877)
  • Maculinea arion pyrenaeafuscans Verity, 1948 :  Verity, R. 1947-1957. Les Variations Géographiques des Saisonnières des Papillons Diurnes en France. Editions Sciences Nat, Paris. Vol. 1: 199 pp. : 106.
  • Papilio arion Linnaeus, 1758
  • Phengaris arion (Linnaeus, 1758)

 

Sous-espèces : 

Leraut retient la présence de cinq sous-espèces en France :

-arion Linnaeus, 1758

- alconoides Keferstein, 1851. Localité-type : environs de Lyon, Rhône.

- arthurus Melvill, 1873. Localité-type : Chamonix, Haute-Savoie.

-aglaophon Fruhstorfer, 1905. Localité-type : Vernet-les-Bains, Pyrénées-Orientales, désigné par Verity (1951).

-ligurica Wagner, 1904. Localité-type : entre Bordighera et San Remo, Ligurie, Italie.

-pyrenaeafuscans Verity, 1948. Localité-type : Gèdre, Hautes-Pyrénées.

Selon Dupont & al. (2013) "Keferferstein attribue le nom d’alconoides aux figures 3 et 4 de la planche 26 dans Godart (1822). Dans cet ouvrage, les figures 3 et 4, respectivement en première et deuxième position dans la planche, représente Papilio optilete. Les figures 1 et 2, respectivement en troisième et quatrième position, représentent Papilio alconKerferstein considère ce taxon comme une variété de M. alcon. Leraut en 1997, à la différence de l’édition précédente en 1980, considère alconoides comme une sous-espèce d’arion visiblement à cause de la suffusion bleue très développée sur la figure 2 de Godart, montrant le dessous des ailes. Nous ne le suivons pas, certains individus d’alcon pouvant avoir une suffusion bleue importante. Godart indique comme localité les environs de Lyon. Les deux écotypes alcon et rebeli sont présents dans la région Rhône-Alpes et jusqu’à présent seul l’écotype alcon a été signalé du département du Rhône. Kerferstein et Godart ne donnant pas de description d’habitat, il n’est pas possible de mettre en relation alconoides avec l’un des deux écotypes de façon certaine. Wagner en 1904, travaillant sur des populations du sud des Alpes, met en avant les différences morphologiques des populations côtières situées entre Bordighera et San Remo qu’il nomme ligurica. Ce taxon caractérise les populations corses selon Leraut. Par ailleurs, les populations de plaine dans le sud de l’Europe ont une période de vol plus tardive que les populations du nord de l’Europe et celles d’altitude (Thomas & al., 1998). Le taxon ligurica Wagner, 1904 a souvent été gardé pour décrire ces populations (Varga, 2003). Les travaux de Bereczki & al. (2011), fondés sur l’électrophorèse enzymatique, montrent que les populations d’altitude et de plaine (ligurica selon les auteurs) des Carpates, ne sont pas différentes. De plus, chez les Maculinea, la période de vol des adultes semble varier non seulement en fonction de l’altitude et de la latitude, mais aussi localement en fonction de la période de floraison de la plante-hôte (Dupont, 2010). Par ailleurs, les travaux de phylogénie moléculaire réalisés par Ugelvig & al. (2011) (cf. la note sur le genre Maculinea) ne montrent pas de différences entre différents échantillons prélevés en Europe. Les populations de la localité type, de France et d’Italie, n’ont pas été intégrées. "

 

c)  Étude du nom arion (Zoonymie) :

 

— Arnold Spuler (1908)  page 69 :

"gr. Zitherspieler"

August Janssen (1980) p. 44 :

"Griekse lierdichter"

—  Gustav Ramann (1870-1876), page 46 :

"Der name Arion tritt uns in der Mythologie in zweierlei Gestalt entgegen. Immer ein Sohn des Neptun, einmal als Kind der in dein Pferd verwandelten Ceres, als wunderbares Pferd und dann als Sohn der Nymphe Oncäa als berühmter Lautenspieler, und dieser war es, von dem Schiller sagt : Arion war der Töne Meister, die Cither lebt in seiner Hand".

Ludwig Glaser (1887)  page 120 :

"Citherspieler von d. Insel Lesbos". 

Anton Spannert (1888) , page 31 :

"ein berühmter Dichter und Citherspieler aus methymna auf der Insel Lesbos.". 

 — Esper, page 267-268 :

In vorigen Zeiten ist der Arion ein Virtuos auf der Zitter gewesen. Er hat die Dithyramben erfunden ; er scheint als Schmetterling in der That noch, etwas von den Zeichen dieses Sylbenmaaßes, in der Einfassung seiner Unterflügel zu führen.

— A. Maitland Emmet, (1991)  page 151 :

"A Greek poet and Musicien of the 7th century B.C. When he has sailing home to Corinth after winning a music competition in Sicily, the sailors decided to murder him and steal his prize money, but he obtained their permission to play for the last time. His music attracted a school of dolphins and, when he jumped overboard, one of them transported him to safety on its back."

— Hans-A. Hürter (1998) :

"Deutung : Welchen Träger des Namens Arion v. Linné 1758 bei der Namensgebung -oder genauer  : bei der Veröffentlichung - im Sinn hatte, läßt sich nicht mehr ermitteln. Von dem Roß des Adrastos ist nur wenig überliefert, wahrend durch Herodot von dem Dithyrambendichter und Sänger doch einiges bekannt ist. So darf man sicher annehmen, daß Arion aus Methymna gemeint ist".

Doux et Gibeaux (2000) page 208 :

"Arion, musicien grec, (cithariste) du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Alors qu'il naviguait vers Corinthe, retournant chez lui après un concours de musique en Sicile, les marins décidèrent de l'assassiner pour lui dérober l'argent de son prix. Toutefois, il obtint la permission de jouer une dernière fois. Sa musique attira une bande de dauphins, et, lorsqu'il sauta par dessus bord, l'un d'entre eux le rapatria sain et sauf en le transportant sur son dos."

Perrein et al. (2012) page 238 :

"Étymologie : Arion est un  poète et musicien, né dans l'île de Lesbos au VIIe siècle avant J.C., inventeur du dithyrambe et protégé d'Apollon dans la mythologie grecque".

William Bouguereau, Arion montant un hippocampe, 1855, Cleveland Museum of Art 

Discussion.

Sachant qu'à notre époque, chacun peut chercher sur son encyclopédie les renseignement les plus complets sur Arion de Méthymne ou cliquer sur ce lien, il est bien inutile de reprendre ici ce que chaque auteur a déjà dit. Mais la zoonymie ne consiste pas à produire des renseignements sur le nom cité, mais d'en comprendre les motivations de choix. Linné a, on le sait, répartit ses papillons diurnes en six phalanges reproduisant la société grecque et troyenne lors de la guerre de Troie. Les espèces les plus petites forment la phalange du Peuple, Plebeii, les Plébéiens. Elle est divisée en Plébéiens des villes (urbicoles)  et Plébéiens des champs (rurales). Papilio arion, un petit papillon bleu, en fait partie, et il a été affecté avec 16 autres camarades à la campagne. Linné doit encore leur trouver un uniforme, ou, plutôt, un nom matricule, mais hélas, les paysans grecs n'ont guère gravé leur noms dans le marbre et il ne dispose pas, à la différence des Chevaliers, des Muses, des Nymphes et des Danaïdes, d'une liste des centaines de  noms créés par Hésiode, Homère ou Apollodore. A défaut, il va faire une entorse à son principe de l'arbitraire des noms et il va nommer plusieurs de ses papillons ruraux, puisqu'ils aiment l'agriculture, du nom de leur plante nourricière. Sur les seize, en voilà six de nommés ! Soudain, Linné a une Idée : les artistes ! Les peintres, les poètes, les sculpteurs ! Il trouve ainsi les noms de Philoclès, Timantes, Lysippus, Athémon. Et puis trois musiciens, un joueur de flûte, Marsyas, et des joueurs de cythare , Thamyras et Arion. Sauvé ! 

 En fait, Linné a un secret : Pline et Hygin.   Il a gagné un temps fou en se contentant de lire le sommaire des 277 Fables de Caius Julius Hyginus : Chapitre 194 : Arion. C'est bon, même pas besoin de lire la fable. Chapitre 165 : Marsyas. Au suivant. Pour Thamyras, Lysippus et Philoclès il a ouvert l'Histoire Naturelle de Pline (35.14 / 34.61 / 35.15). Et moi, j'ai fait comment pour savoir cela ? J'ai consulté mon Heller, c'est tout.

Linné a peut-être simplement regretté de ne pas pouvoir placer le nom des artistes qui selon Pline brillèrent lors des 90e olympiades (35 :36) : Aglaophon, Céphisodorus, Herillus et Evénor. Ils auraient faits de beaux Papilio, mais il n'avait plus de spécimens dans ses boites !

— Comment dites-vous ? "Aglaophon" ? Mais c'est justement le nom que Fruhstorfer a donné à la sous-espèce d'Arion ! 

Voir :

http://www.lavieb-aile.com/article-noms-des-lepidopteres-crees-par-linne-dans-le-systema-naturae-de-1758-121691934.html

Linné a peut-être choisi Arion parmi d'autres noms cités par ses auteurs favoris car ce personnage était représenté sur la page de titre du Pinax theatri botanici de Caspar Bauhin, un ouvrage qui l'avait accompagné tout le long de la rédaction du Species plantarum de 1753. C'est l'objet du paragraphe suivant.

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ARION, marque typographique.

Le poète Arion jouant de la cithare assis ou debout sur un dauphin est la marque typographique de l'imprimeur Jean Oporin ou Ioannes Oporinus [Automne]  (Bâle 1501-Bâle 1568)  imprimeur, latiniste et humaniste suisse à qui on doit l'édition de nombreux travaux importants d'humanistes, de théologiens réformés et de scientifiques de son temps ainsi que celle de textes anciens. Il est notamment l'imprimeur de la première version latine du Coran (1542), de la première anatomie scientifique d'André Vésale (1543) et  des Centuries de Magdebourg qui proposent une version luthérienne de l'Histoire de l'Église. Son imprimerie  continuera  ses activités avec la même marque sous le nom d'« Officina Oporiniana ».  La devise de cet imprimeur était Invice virtuti nulla est via . "A la vertu, il n'est pas d'obstacle.". Son épitaphe faisait référence à Arion :

Frugifer Autumnus periit, Dis notus & orbi

Othion clapsus Nautis mediatur Arion.

Quantula sinit hominum corpuscula, disce Viator.

Magnus Oporinus conditur hoc Tumulo.

Exemple 1 :

BaTyR n° 2887

Exemple 2 : De humani corporis fabrica, Vesale, 1555

 http://www2.biusante.parisdescartes.fr/img/?refphot=00822

 

 

 

Exemple 3 : Marque de Jean Oporin, tirée d'un exemplaire des Centuries de Magdebourg, 1556 

 

Exemple 4 :

Caspar Bauhin fit d'abord imprimper son Phytopinax de 1596 chez Sébastien Henricpetri : 

  • Phytopinax seu enumeratio plantarum. Basel 1596.Basileae : per Sebastianum Henricpetri 1596 Marque typographique à l'enclume http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/ref/collection/coll13/id/45827 

Puis il fit imprimer à Bâle son édition de 1623 du Pinax theatri  botanici : c'est cette édition qui comporte la marque d'Arion au dauphin de l'Officina oporiana.

  • Pinax Theatri Botanici Caspari Bauhini Basileens. Archiatri & Professoris Ordin. sive Index in Theophrasti, Dioscoridis[,] Plinii et Botanicorum qui a Seculo scripserunt : Opera: Plantarum circiter sex millium ab ipsis exhibitarum nomina cum earundem Synonymiis & differentiis : Methodice secundum earum & genera & species proponens : Opus XL. annorum Hactenus non editum summopere expetitum & ad auctores intelligendos plurimum faciens.

 

 

Honey, M. R. & Scoble, M. J. 2001. Linnaeus's butterflies (Lepidoptera: Papilionoidea and Hesperioidea). Zoological Journal of the Linnean Society, 132(3): 277-399 : 300..
Pinax, C. Bauhin, 1623 Marque typographique Officina oporiana Basilae helvet, http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/150152/rec/19.

Pinax, C. Bauhin, 1623 Marque typographique Officina oporiana Basilae helvet, http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/150152/rec/19.

Pendant la Renaissance, Arion sur son dauphin (Arion delphinum insidens) tenant une harpe  symbolisait l’éternité de l’art et la puissance de l'éloquence poétique, comme Orphée ou comme Hermés, dieu de l'éloquence. D'autres imprimeurs ont adopté à Genève Arion comme marque d'imprimerie : Pierre Chouët et Jean Arnaud. On constate le lien avec les milieux calvinistes, ou, plus généralement, avec l'humanisme plaçant l'éloquence poétique et l'expression artistique comme le complément de l'intelligence (Hermathena).

a) Pierre et Jacques Chouët :

français exilés à Genève. La devise qui accompagnait Arion au dauphin était Ars non sinit perire, "l'art ne périra point".

Geneva, 1635. https://bibliomab.wordpress.com/2013/08/26/diversite-des-marques-typographiques-dans-les-livres-anciens/

 

b) Jean Arnaud :exemple :Marque à l’Arion sur un dauphin avec la devise « Ars non sinit perire » et les initiales « I.A », 1586

c) Divers, cités mais non vus : 

  •  Hieronymus Gemusaeus, Bâle, 1596
  • Georgius Rhau, Wittemberg, 1533
  • Pernet, de Bâle
  • Louis Leroy, Bâle
  • Brylinger, Bâle

d) La marque typographique de Guillaume Vandive (1680-1706), imprimeur et libraire ordinaire de Monseigneur le Dauphin, faite en hommage au Grand Dauphin, consistait en trois dauphins nageant surmontés d’une couronne fermée fleurdelisée et de deux cornes d’abondance, avec au-dessus un listel contenant la devise inspirée de la légende du poète Arion : « hoc duce tuta salus » : "avec ce dauphin comme guide ton salut est assuré."

 

 

               II. NOMS VERNACULAIRES

 

 

I. Les Noms français. 

 

 

1.  Suite de "l'Argus bleu à bandes brunes",   Engramelle, 1779.

Jacques Louis Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 178 planche 41 fig. 86 d-f peinte   par  J.J Ernst gravée par  1779.  

 

 2. Le Polyommate arion, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 698.

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses. ainsi :

 

  • Hesperia Arion. Fabricius Ent. Syst. 3. 293. 118.
  • Schaeff. Icon. tab. 98. fig. 5. 6.
  • Esper pap. 1. tab. 20. fig. 2.

 

 

3. Le Polyommate arion , Godart 1821,

      Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821, page 219  planche 11 Quart  peinte par Vauthier et gravée par  Lanvin

"Le dessus des deux sexes est d'un bleu-violet pâle avec une bordure brune et de très légères taches de cette couleur sur la frange. Il y a en outre sur le dessus des ailes supérieures un groupe de sept à neuf points noirs inégaux. Le dessous est d'un cendré un peu luisant avec une lunule discoïdale, derrière laquelle sont trois rangées de points, dont les antérieurs plus prononcés et mieux arrondis. Ces points et cette lunule sont noirs, avec le contour blanchâtre. La base des secondes ailes est d'un bleu-verdâtre et chargée de quatre points semblables à ceux que nous venons de citer. Il y en a aussi un,  mais ordinairement plus petit, en avant de la lunule des premières ailes".

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Planche XI Quart fig. 1 : Arion mâle, vu en dessous: 

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38004#page/323/mode/1up

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4. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986, et le nom vernaculaire actuel.

 

  Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet créait comme nom principal pour Maculinea arion "l'Azuré du Serpolet", mais acceptait  aussi "L'Azuré d'Arion" (qu'il avait utilisé dans sa traduction de l'Atlas des Papillons du Monde de H.L. Lewis, 1974 ; "l'Arion" (Papillons... Guggisberg et Hunzinger, 1948 et 1957)  ; et  "l'Argus Arion"  ( Papillons du Valais R. Rappaz 1979). mais il réprouve "L'Argus bleu à bandes brunes" (cf. Engramelle) et " l'Argus à bandes brunes".

L'Azuré du Serpolet s'inscrit dans une série de 62 noms créés par Luquet sur la structure "Azuré + Plante-hôte" ou "Azuré + nom ou qualificatif de lieu".

Le serpolet (Thymus serpyllum) ou thym serpolet, plante aromatique basse aux petites fleurs bleues mellifères pousse dans les zones ensoleillées, comme les broussailles, prés secs, rochers et dunes.

Il est également hôte des chenilles de  la Zyggène pourpre (Zygaena purpuralis) et de l'Eupithécie du Thym (Eupithecia distinctaria).

Son nom (serpoulet en 1500, puis serpolet) vient du moyen français serpol  « thym sauvage », du lat. serpullum « serpolet » (emprunté au grec ε ́ ρ π υ λ λ ο ν « id. », de ε ́ ρ π ε ι ν « se traîner péniblement », avec s- comme dans serpere « ramper » (gr. ε ́ ρ π ε ι ν)). (CNRTL).

Les Maculinea (Phengaris) ciblés par ce Plan National d’Actions occupent des habitats qu’il est difficile de décrire de manière exhaustive, car ils ont un cycle biologique complexe.

Selon le Plan National d'action en faveur des Maculinea, les milieux favorables à cette espèce sont les milieux herbacés mésoxérophiles à xérophiles. Les plantes hôtes sont  Thymus polytrichus polytrichus Borbas, Thymus polytrichus britannicus (Ronninger), Thymus praecox Opiz, Thymus pulegioides L.,Thymus serpyllum L., Origanum vulgare L. Pour leur alimentation, les adultes sont floricoles, près de 90% des visites concernent Onobrychis viciifolia Scop. et la plante hôte Thymus pulegioides L. Les fourmis hôtes sont principalement  Myrmica sabuleti Meinert, 1861.

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_Maculinea_arion_faune_11.pdf

 

 

Directive Habitat http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_Maculinea_arion_faune_11.pdf

Directive Habitat http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_Maculinea_arion_faune_11.pdf

 

 

 

 

5. Noms vernaculaires contemporains :

 

  Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de   Lycaena arion  pour présenter ce papillon et n'utilisent aucun nom vernaculaire.

 

Bellmann / Luquet 2008 : non représenté .

— Chinery / Leraut  1998  : "Azuré du Serpolet".

— Doux & Gibeaux 2007 : " l'Azuré du Serpolet".

— Lafranchis, 2000 : " L'Azuré du Serpolet " .

— Perrein et al. 2012 : "Azuré du Serpolet ".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Azuré du Serpolet".

— Wikipédia : "L'Azuré du serpolet".

 

 

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

 

 

Langues celtiques  : 

1. langues gaéliques :  irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg :île de Man).

  •  en irlandais

  •  en mannois.

  • "" en gaélique écossais*

2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welsh, cymraeg).

  •  nom en breton  : chercher Azuré du Serpolet ici :

http://www.brezhoneg21.com/resources/geriadur/skiantGB.pdf 

  • Glesyn mawr" en gallois.

 *Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources.  http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html

 Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

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IV. Les noms vernaculaires en anglais d'après M. Salmon (2000) . 

1. Selon Ukbutterflies, http://www.ukbutterflies.co.uk/species.php?species=arion

"Ce papillon a été enregistrée comme une espèce britanniques en 1795 mais était déjà considéré comme un insecte rare. En raison de la perte d'un habitat convenable, les sous-espèces endémiques du Large Blue se sont éteintes dans les îles britanniques en 1979, le dernier site étant à Dartmoor dans le Devon.

Ce magnifique insecte a depuis été «ramené d'entre les morts" grâce au dévouement de plusieurs organisations de conservation et de nombreux particuliers. Après sa disparition dans les îles britanniques en 1979, le Large Blue est devenu l'objet d'un programme de réintroduction hautement organisée, utilisant les stocks de Suède. Le nombre estimé d'adultes volants en 2006 était de 10 000 sur 11 sites, ce qui est le nombre le plus élevé observé dans les îles britanniques depuis plus de 60 ans. C'est un magnifique exemple de la conservation en action.

La réintroduction réussie du Large Blue est d'autant plus remarquable si l'on considère son cycle de vie complexe. La larve est parasitaire en ce qu'elle se nourrit des larves d'une fourmi rouge, Myrmica sabuleti, dont son existence dépend. Bien que la dépendance sur les fourmis était connue depuis de nombreuses années, la dépendance sur une seule espèce de fourmi, afin de maintenir une population viable, était inconnue de défenseurs de l'environnement pendant de nombreuses années jusqu'à ce que Jeremy Thomas ait découvert l'association à la fin des années 1970. Malheureusement, la découverte est venu trop tard pour sauver la population indigène. Les efforts de réintroduction d'aujourd'hui se concentrent autant sur la population de fourmis présentes, comme ils le font sur le Large Blue lui-même.

Toute personne désireuse de voir cette espèce dans les îles britanniques devrait visiter le site ouvert au public de Collard Hill à Somerset. Une "Hotline Large Blue " est généralement mise en place chaque année,  fournissant un statut actuel de l'émergence de ce site. Les détails sont disponibles sur le site Web Butterfly Conservation. En outre, les membres de Butterfly Conservation et de Somerset Wildlife Trust ont l'occasion de visiter un site privé, chaque année, bien que les places sont limitées. La majorité des sites de réintroduction sont dans le sud-ouest de l'Angleterre, les colonies étant notables dans le Polden Hills dans le Somerset, Dartmoor et Gloucestershire."

 

2. Extrait de The Aurelian legacy, M. Salmon, 2000 :

 Première observation britannique [H. Seymer c.1775] ; Lewin, 1795.

  • "The Large Blue" : Lewin, 1795 ; Haworth, 1803 ; et la plupart des auteurs suivants.
  • " The Mazarine blue" : Donovan 1797 ; Brown, 1832 :
  • "The Arion" : Rennie, 1832

Concernant le zoonyme Mazarine Blue, cf. C. semiargus 

http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-du-papillon-le-demi-argus-ou-azure-des-anthyllides-cyaniris-semiargus-124702268.html  : 

— "The Mazarine Blue" : dans la langue anglaise, Mazarine Blue  désigne un bleu foncé : il entre en 1675 dans le dictionnaire de Bailey, témoignant d'un usage déjà établi, avant même que la Duchesse de Mazarine ne s'établisse en Angleterre, et l'origine de ce nom de couleur ne peut pas être précisé. Il qualifie d'abord des vêtements (1761) puis est employé dans les Sciences Naturelles depuis 1773, notamment par Drury pour décrire les ailes des papillons. Utilisé par Haworth en 1803 comme nom du Papilio Plebejus cimon/cymon préalablement nommé "The Dark Blue" par Lewin en 1175, il fut repris par les auteurs anglo-saxons et est devenu le nom vernaculaire consensuel du Cyaniris semiargus. Les Gallois l'ont repris sous la forme "Glesyn masarin". " 

 

 

 LIENS ET SOURCES

— Funet :   Maculinea et Phengaris   

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) :  Maculinea arion  

— UK Butterflies :  Maculinea arion

— lepiforum : Maculinea arion

— jardinsauvage : Maculinea arion

— J.A. Thomas, 1998 : http://mike.hochberg.free.fr/MEHJic98Thomas.pdf

— THOMAS (J.A)  1995 The ecology and conservation of Maculinea arion and other European species of large blue butterfly Ecology and Conservation of Butterflies , pp 180-197

— European Journal of Entomology 2008 : http://www.eje.cz/artkey/eje-200804-0014_myrmica_sabuleti_hymenoptera_formicidae_not_necessary_for_the_survival_of_the_population_of_phengaris_macul.php#.VO9LIvmG-Cc

— LECOMPTE (Jacques), 2007, "La protection du genre Maculinea", Insectes 9 n°144, ORPI

http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i144lecomte.pdf

— Plan National d'action en faveur des Maculinea

 http://maculinea.pnaopie.fr/conservation/ecologie/

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Bibliographie commune à toutes ces zoonymies :

http://www.lavieb-aile.com/article-zoonymie-des-rhopaloceres-bibliographie-124969048.html

 

Hoefnagel et les entomologistes du XVIIIe siècle.

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Hoefnagel et les entomologistes du XVIIIe siècle.

Voir aussi les autres articles consacrés à Hoefnagel:

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Le but de ce "travail" (et c'en fut un) est de savoir si les entomologistes du XVIIIe siècle reconnurent la valeur des peintures de Joris Hoefnagel pour leur science. Disons d'emblée que la réponse est largement positive, et que cela doit nous inciter, à notre tour, à reconnaître Hoefnagel comme l'un des premiers entomologistes européens, et même le premier de l'ère chrétienne. Parmi les espèces rassemblées dans l'ouvrage publié par son fils en 1592 (Archetypa) et en 1630 (Diversae insectarum), James Petiver en cite 13 dès 1699, Swammerdam en a donné un dénombrement par ordres (300 au total), Linné en cite 46 espèces en 1761, Geoffroy 23 en 1762. Engramelle et Fabricius ont mentionné aussi cet auteur. En 1840, Hagen y reconnaît 8 Libellules.

Un autre moyen d'étudier la réception d'Hoefnagel est de rechercher quels étaient, parmi les collectionneurs naturalistes, les propriétaires de ses gravures. C'est par exemple le cas du Président du Parlement de ​Bretagne Christophe-Paul De Robien (1698-1756), dont l'exemplaire de l'Archetypa studiaque, ainsi qu'un maigre reste des milliers de pièces de ses collections, sont encore conservés à Rennes.

Or, Hoefnagel, ce miniaturiste flamand (Anvers 1542-Vienne, 1601) n'est réellement étudié de manière approfondie que sur le plan artistique. Néanmoins, le critique d'art spécialiste de la cour impériale de Rodolphe II Thomas DaCosta Kaufmann a attiré l'attention sur le qualificatif de "naturalisme scientifique" créé pour qualifier l'art d'Hoefnagel par Ernst Kris.

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1. Ernst Kris, le naturalisme scientifique de Hoefnagel.

En effet, en 1927, un article d'Ernst Krist (un élève de Gombrich), “Georg Hoefnagel und der wissenschaftliche Naturalismus,” Festchrift für Julius Schlosser, Wien 1927,— traduit en 2005 en français par Christophe Jouanlanne sous le titre " Georg Hoefnagel et le naturalisme scientifique "( Paris, Macula, 2005) — a insisté sur le passage du naturalisme à la naturalistique : de la nature comme modèle à imiter, à une conception où cette même nature prend directement part à la création humaine, une évolution qui provoque aussi l'essor des sciences naturelles. Hoefnagel ne se contente pas d'orner les marges de missel de figures animales ou botanique, mais se livre à un inventaire de la faune et la flore connues, montrant la variété de la nature avec un double souci de précision et d'exhaustivité. Hoefnagel sera suivi par le hollandais Roelant Savery, ou bien par Jacopo Ligozzi, loué par Aldrovandi, dans ce triomphe de l'« illustration naturaliste », au sein d'un ensemble de phénomènes convergents vers la naissance de nouvelles disciplines. Pour Kris, la conjonction d'un procédé artistique et d'une méthode scientifique apparaît comme une preuve éclatante de l'interpénétration des courants de pensée, à l'image de sa propre démarche intellectuelle. Tout en accompagnant les écritures de livres de calligraphie ou d'Emblèmes, les êtres vivants, artificiellement isolés sur la feuille, semblent constituer un répertoire infini de formes et de motifs, déconnectés de toute symbolique, comme autant de signes autonomes rivalisant avec la multiplication de l'écriture. (divers emprunts sont faits au compte-rendu de Benjamin Couilleaux 2007).

Mais E. Kris était un critique d'art. Il fallu attendre d'avantage (1987) pour qu'un entomologiste s'interroge.

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2. Le questionnement de Jean Leclercq (1987) :

Dans un premier article, cet entomologiste spécialiste des Hyménoptères s'interrogeait : "Qui fut le premier entomologiste belge ? Je propose Joris Hoefnagel (1542-1600)". Le mode interrogatif, la formule prudente "je propose", la restriction à la Belgique du titre de "premier entomologiste " montre bien que l'auteur antre sur la pointe des pieds sur un terrain parfaitement vierge pour un scientifique. Découvrant au hasard d'une exposition présentée à Bruxelles une page du Schriftmusterbuch prêté par la Bibliothèque Nationale de Vienne, et y identifiant "un Géométride Abraxas grossulariata très bien peint", il s'est livré à une enquête sur ce peintre, avant d'affirmer (avec la même prudence) que les entomologistes belges ne doivent pas laisser indéfiniment aux historiens de l'art, la charge d'analyser, de situer les œuvres de ces pionniers. Ils devraient pour le moins s'occuper de l'identification aussi précise que possible des insectes figurés par les artistes de ces premiers siècles d'une nouvelle curiosité scientifique". En 1989, Jean Leclercq et Camille Thirion procédèrent à un premier inventaire des deux Allégories du Musée de Lille, y trouvant 21 insectes de 5 ordres différents et de 18 espèces différentes.

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3. Les inventaires du Mira calligraphiae et de l'Archetypa studiaque.

Les entomologistes n'ont pas suivi ce premier élan, et c'est à l'initiative de deux historiennes de l'art spécialistes de Hoefnagel, que des équipes de naturalistes tentèrent d'identifier les espèces botaniques et animales peintes (Mira calligraphiae) ou gravées (Archetypa studiaque) : La première œuvre, de Joris Hoefnagel a été analysée par Lee Hendrix et Théa Vignau-Wilberg, et la seconde, gravée par Jacob Hoefnagel sous la direction de son père, par Théa Vignau-Willberg en 1994.

4. Mais cette indifférence des entomologistes actuels était-elle aussi celle de leurs pairs lors de la création de leur discipline ?

Hoefnagel a été reconnu comme un entomologiste à part entière par Linné, et, avant lui, par James Petiver. Mais les naturalistes n'ont connu qu'un seul artiste, Jacob Hoefnagel, et n'ont eu accès à aucune miniature peinte, car ces œuvres très précieuses étaient conservées dans des cabinets privés. Ils avaient à leur disposition les livres imprimés, c'est-à-dire soit les 48 planches, éventuellement réunies en volume, de l'Archetypa studiaque, soit les 16 planches du Diversae insectorum, et leurs 302 insectes. Ce sont donc des illustrations en noir et blanc (bien que certaines planches de l'Archetypa aient été colorées) qui n'ont pas la diabolique précision des miniatures. D'autre part, ces 302 insectes ne couvrent (a priori) pas l'ensemble des espèces que l'on peut découvrir sur les dessins à l'aquarelle, dispersés dans les collections et les musées.

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I. LINNÉ ET HOEFNAGEL .

Fauna suecica 1761 : http://biodiversitylibrary.org/item/100333#page/191/mode/1up

Si il est possible d'affirmer que Linné a reconnu toute la valeur d' Hoefnagel comme précurseur, c'est qu'il a donné les références bibliographiques des espèces qu'il décrivait, soit dans les éditions du Systema naturae à partir de 1758, soit dans ses Fauna suecica de 1746 et 1761. Les deux ouvrages d'Hoefnagel sont cités sous la forme abrégée "Hoffn. ins.". ou (Animalbase) "Hoffn. pict.".

Or, mis à part au moins une citation de Pline (c. 77 ap. J.C), c'est l'auteur le plus ancien de tous les illustrateurs (Goedart, Merian, Roesel) et descripteurs naturalistes (Aldrovandi, Moffer, Johnston, Swammerdam, Petiver, Ray, Albin, Wilkes, Clerck, Scopoli ...) qu'il cite. Son rôle de précurseur est indirectement reconnu.

En dénombrant les citations de Hoefnagel dans les deux éditions du Fauna suecica, je totalise quarante-six mentions.

Sources des images :

  • Hoefnagel Jacob, 1592, Archetypa studiaque Patris :
  • Hoefnagel, D. I. 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam]. (N. I. Vißcher). 32 pages, 16 planches.

Au début des Fauna suecica, Linné cite ses Auctores en les énumérant selon les six divisions du Règne animal, certains zoologistes étant ainsi cités plusieurs fois. Hoefnagel est cité uniquement pour les insectes :

"HOEFNAGEL Johann Pictor.

- Icones Insectorum volatilium.... 1630 Quart. obl. t.16.

- Francf. 1692 Quart. obl. vol. 4 singulo t.12. "

"Johann" (Jacob) Hoefnagel est donc cité a) d'abord pour Diversiae insect. de 1630, en format oblong in quarto de 16 planches et b) pour l'Archetypa paru à Francfort en 1692, quatre volumes de 12 planches. Or, Archetypa est paru en 1592 et non en 1692, mais avant de soupçonner Linné d'une erreur, il faut remarquer que d'autres entomologistes ont aussi cité cette date d'édition (comme Geoffroy, 1762 ou Hagen, 1840). Linné cite aussi Hoefnagel dans une autre édition, "edit. alt.

Les 46 espèces identifiées et citées par Linné.

Fn1 = Fauna suecica 1746. Fn2 = Fauna suecica 1761. Sn2 = Systema naturae 1767

http://biodiversitylibrary.org/item/129804#page/203/mode/1up

http://biodiversitylibrary.org/item/100333#page/330/mode/1up

COLEOPTÈRES. N=14

  • Lucanus cervus, Fn1 337 ; Fn2 405 : ins t.6 et 2.t1.
  • Scarabeus nasicornis, Fn1 340 et Fn2 378 : 13 fig. penult. et Edit. alt. 3 t.1.
  • Scarabeus Actéon Sn2 : I t1 in medio
  • Scarabeus fullo, Fn1 343 : pict. t.7 et 2 t.7.
  • Scarabeus viridis, Fn1 344 3t.6 fig. prior.
  • Scarabeus testaceus, Fn1 345 : t.1 fig.11
  • Attelabus formicarius, Fn1 477 et Fn 2 641 : ins. t.16 fig.13
  • Carabus ater, Fn1 511 : 2 t.3
  • Dytiscus cinereus, Fn1 566 : 2t.12
  • Meloe procarabeus, Fn1 : 2t.9
  • Gryllus talpa, Fn1 619 t.4 fig. ult. et Ed. alt. 3 t.6
  • Gryllus domesticus, Fn1 620 et Fn2 867: p.11 fig.4
  • Gryllus locusta, Fn1 621 t.5 fig. 16-17.
  • Notonecta grisea, Fn1 688 : t. 12 fig. 19

HEMIPTÈRES. N=3.

  • Nepa cinerea, Fn 691 pict. t.11 fig.2
  • Panorpa, Fn1 729 ; Fn2 1516 : t.2 fig.14
  • Phryganea nigra, : 2t.12 Ed. alt. 2 fig.13

NEUROPTÈRES. N=2

  • Hemerobius lutarius : Fn2 1513 : ins.2 t.12 juxta phalangia / edit. alt. t.2 fig. 13
  • Libellula virgo Fn1 759 et Fn2 1470 : ins. t.11 fig. ult.

LÉPIDOPTÈRES. N= 19.

  • Papilio machaon, Fn2 : 1031 Archetypa I. t12
  • Papilio crataegi, Fn2 1034 : Diversae t.10 fig.14
  • Papilio cardamines, Fn1 801, Fn2 1039 : 2t.9 fig.1 Archetypa
  • Papilio rhamni,Fn2 1042 : I t. aut 12 fig.8 t.2
  • Papilio io, Fn2 1048 : t12 fig.9 Diversae
  • Papilio semele, Fn1 784 et Fn2 1051 : 2 t8
  • Papilio jurtina, Fn2 1052 : I t1 fig.1 et Ed. alt. 4 t.10.
  • Papilio cardui Fn1 778 et Fn 2 1054 : t4 fig.3.
  • Papilio antiopa Fn1 772 et Fn2 1056 : t3 fig.2 et t6 fig.3 Diversae
  • Papilio urticae Fn1 774 et Fn2 1058 : I t4 Archetypa.
  • Papilio c album Fn1 775 et Fn2 1059 : 2 t7 Archetypa
  • Papilio atalanta Fn1 777 et Fn2 1060 : I t2 Archetypa
  • Papilio lathonia Fn1 781 et Fn2 1068 pict. t12 fig. 11 Diversae
  • Papilio betulae Fn21 792 et Fn2 1070 : T12 fig. 1 Diversae
  • Papilio argus, Fn1 803 et Fn2 1074 : I t4 Archetypa
  • Papilio malvae, Fn1 794 et Fn2 1081 : ins. 4 t2 fig. ult Archetypa
  • Phalaena caja, Fn1 820 et Fn2 1131 : T14 fig.11 Diversae
  • Phalaena glyphica, Fn1 847 et Fn2 1161 : 4 t11 fig.3 Archetypa.
  • Phalaena pronuba, Fn 870 et Fn2 1167 : 15 fig.18 Diversae.

DIPTÈRES. N=4.

  • Musca fusca, Fn1 1083 : 3t7
  • Culex lanigerus, Fn1 511 : t8 fig.5
  • Asilus cabroniformis Fn1 1031 et Fn2 1908 : t.16 fig. 10
  • Bombylius major Fn2 1918 : ins. t.8 fig.5

VERMES TESTACEA N=1

  • Lepas anatisera Fn1 1350 ; Fn2 2120 : 3t6 Concha anatisera vulgo Branta & Bernicula

APTÈRES. N=3

  • Acarus Fn1 1186 : 2t9
  • Phalangium opilio, Fn2 1992 : 2 t9 Archetypa
  • Aranea Fn1 1214 Fn2 1993 : t4 fig.6 + t8 fig. 16-17 + edit. alt. 4 t3 fig. penult;

TOTAL : 46 espèces.

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II. SWAMMERDAM ET HOEFNAGEL : Swammerdam 1685. 212 à 300 insectes.

Jan Swammerdam Historia insectorum generalis, trad. du néerlandais par Heinrich Christian von Hennin13, Leyde, 1685.

Cet auteur n'a pas rédigé un catalogue ou une faune mais un traité sur les métamorphoses. Il ne cite donc pas les noms des espèces qu'il a reconnu chez Hoefnagel mais il en a fait un examen approfondi, puisqu'il est le premier (et pour longtemps, le seul) à donner un décompte global, puis ordre par ordre des insectes représentés.

a) référence : pas d'ouvrage cité mais la pagination dans l'édition latine :

Index auctorum : Hoefnagel pages 63 ; 79 ; 82 ; 84;94 ; 95 ; 103 ; 104 ; 106 ; 112 ; 120.

b) décompte globale de 200 à 300 insectes.

Edition française : je transcris les fragments concernés :

Page 65 : Nous sommes encore fort obligés au sieur Jacob Hoefnagel, durant sa vie peintre célèbre de l'empereur Rodolphe, qui nous a peint au vif 35 sortes d'Araignées, avec encore plus de 300 espèces d'insectes dont les figures, qui ont été imprimées par privilège de l'empereur même, ne cèdent en rien à celles de Goedart.

p. 82 nous a dépeint 10 sortes de Demoiselles ...p. 85 :15 sortes de sauterelles...page 88 : 9 sortes de punaises...page 99 : 24 guêpes...page 100 : 5 sortes de bourdons...page 111 : 25 sortes de mouches ordinaires et 30 autres rares ….page 112 : 20 (latin : 35) sortes d'escarbots ordinaires et 7 plus rares ...page 122 50 sortes de papillons...page 130 16 sortes de tipules... latin 105 :Cervus volans

Soit le total de 212 à 227 insectes, indépendamment du chiffre de 300 donné dans la première citation.

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III. PETIVER ET HOEFNAGEL : James Petiver, 1699. 13 mentions.

Musei petiveriani Londres, 1699

https://books.google.fr/books?id=vp05AAAAcAAJ&printsec=frontcover&dq=James+petiver+musei&hl=fr&sa=X&ei=fr_tVKrBGYbkaLKmgng&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=hoefnagel&f=false

a) Références données :

"-Hoef. Insectarum volatil. Icon à D. J. Hoefnagel, 1630, fol.". Toutes les références se rapportent donc à Diversae ins.

b) Treize mentions.

  • 301. The White Butterfly with black veins [Aporia crataegi] : Hoefnagel, Tab.10 fig.14.
  • 305. The White marbled female Butterfly [Anthocaris cardamines]: Hoefnagel Tab. 6 fig.2.
  • 312. The Golden marbled Butterfly with blacks eyes [Lasiommata megera] : Hoef. Tab. 16 fig. 8 ?
  • 314. The Peacocks eye [Aglais io] : Hoef. Tab. 12 fig. opt. 9.
  • 316 . The Lesser Tortoise-shell Butterfly [Nymphalis urticae] : Hoef. Tab. 2 fig. opt. 16.
  • 317 . The small golden black spotted Meadow Butterfly [Lycaena phlaeas] : Hoeff. Tab. 13 fig. 15
  • 326 The Painted Lady [ Vanessa cardui] : Hoef. tab.7 fig.3.
  • 327. The Admiral. [Vanessa atalanta] : Hoef. Tab. 12 fig. 15.
  • 328 The Royal William [Papilio machaon ] Hoef. tab. 9 fig. 10.
  • 714 Libella anglica media Hoef. Tab. 9 fig. 8 ?
  • 715 Libella anglica media viridis Hof. tab. 11 fig. 18
  • 724 Papilio Lusitanicus [Hipparchia hermione ?] : Hoef. tab.8 fig. 13.
  • 818 Libella major : Hoef. tab. 11. fig. 8.

Total : 13

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IV. GEOFFROY ET HOEFNAGEL : Geoffroy 1762. 23 mentions.

Cet auteur n'a pas donné de nouvelles identifications mais a repris quelques unes de celles de Linné.

https://archive.org/stream/histoireabr02geof#page/n7/mode/2up

Etienne-Louis Geoffroy, Histoire abrégée des insectes, Paris 1762, 2 vol..

a) référence :

Geoffroy indique en référence : "Joannes Hoefnagel; icones insectorum volatilium. Francofurti, 1692."

b) Inventaire (partiel) des mentions de Hoefnagel.

— Tome 1 :

  • Le grillon Gryllus domesticus, Hoefnagel p.11 fig.4
  • Notonecta grisea : t.12 fig.19
  • Hepa = Nepa : t.11 fig. 2 ed. alt. 3 t.10

— Tome 2

  • Morio HI t3 f.2 et t.6 f.3
  • Paon-du-jour HI t.12 f.9
  • Petite tortue HII t.4
  • Vulcain HI I,t.2 et ed alt t.2 f.15
  • Belle-dame HI t.7 f.3, edit alt 4 t.5
  • Petit Nacré Lathonia HI t.12 f.11
  • (Jurtina) Corydon T.1,f.1 edit alt 4, t.10
  • Machaon HI I t.12 et edit alt t.9 f.10
  • Porte-queue fauve à deux bandes blanches Betula H.I t.12, f.1 Thécla du Bouleau
  • Gamma ou Robert-le-diable c-album H.I 2, t.7 Archetypae
  • Argus bleu = Linn p.152 argus = H.I I,t.4 Archetypae
  • Le Plein-chant = Pap. Malvae Linn = H.I 4, t.2, ult. Archetypae
  • Gazé HI t.10 f.14
  • L'Aurore HI, 2, t.9 f.1
  • Le Citron Rhamni HI , I, t.1 ou 12, f.8, t.2
  • L'Ecaille Marte ou Herissone Caja Hit.14 f.11 edit alt 3,4,9
  • Le Faucheur phalangium
  • La Louise Libellula virgo
  • L'Asile brun à ventre à deux couleurs Asilus ferr. : t.16 fig.10
  • La Mouche-scorpion Panorpa : t.2 fig.14.

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IV. Fabricius, Entomol. Syst. emed. 1793, 1 mention.

  • Papilio semele, Hoffn. ins. 2. tab. 3.

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VI La collection du Président de Robien, Rennes (1698-1756).

a) la collection de Robien 1740-1756.

A partir de 1740, Paul-Christophe de Robien (1698-1756), président du Parlement de Bretagne, a rassemblé une collection d' objets artistiques et scientifiques. Cette collection était exposée au Cabinet des curiosités, rue aux Foulons à Rennes (actuellement rue Le Bastard). A la Révolution en 1791 , elle fut saisie et par la suite, recueillie à l’ancien évêché situé à Saint-Melaine avec les confiscations révolutionnaires réalisées chez quelques nobles émigrés et dans les communautés religieuses. Après avoir été triées, classées et partiellement inventoriées dans le Palais abbatial de Saint-Melaine, Pierre Quéru-La-Coste ouvrit au public quelques jours (les 3e, 6e et 9e jours de chaque décade) le Muséum d'histoire naturelle et des arts. A la mort de P. Quéru-La-Coste, c’est la Ville de Rennes qui devint propriétaire de l’ensemble de la collection et la transfèra à l’Hôtel de Ville en 1815 où elle ne fut plus exposée, le muséum d'histoire naturelle restant pratiquement inaccessible de 1815 à 1874.

Le 16 mai 1831, Hyacinthe Pontallié établit un état sommaire des objets composant le muséum : sur les 12 585 objets recensés, il mentionne 3 460 minéraux et roches, 1 500 plantes en herbier, 2 560 coquilles vivantes et fossiles. En 1840, il choisit ce qui pouvait convenir à l'enseignement de la nouvelle faculté, soit 7 857 pièces dont la plus grande partie provient de la collection de Robien. Entre déménagements et explosions en 1944, les collections du musée d'histoire naturelle de Rennes resteront éparpillées.

b) De Robien propriétaire de l'Archetypa studiaque.

Le Musée des Beaux-Arts de Rennes conserve dans ses collections les 48 planches de l'Archetypa studiaque de Jacob Hoefnagel. Ces gravures proviennent de la Bibliothèque du Président de Robien.

Cela témoigne de l'importance de ce corpus pour un collectionneur naturaliste.

Sur les images mises en ligne sur le site www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr, n°1749 à 1763 on constate que les planches ont été parfois découpées autour de quelques papillons. Pourquoi ?

:http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0698/m021102_0005025_p.jpg

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0698/m021102_0004991_p.jpg

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VII Autres auteurs :

— Johann Andreas Benignus Bergsträsser 1779 Nomenclatur und Beschreibung der Insecten in der Graffschaft Hanau ..., Volume 2

 

— Conrad Christoph Jung 1791 Alphabetisches Verzeichnis Der Bisher Bekannten Schmetterlinge Aus ..., Volume 1

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VIII Les espèces de libellules identifiées par H.A. Hagen en c.1840.

Hagen, Hermann August, [1840] Synonymia libellularum europaearum Regimontii Prussorum :impressit E.J. Dalkowski, http://www.biodiversitylibrary.org/item/108085#page/29/mode/1up

a) Référence :

-J. Hoefnagel " Archetypa Insectorum. Frank. 1692. vol.4. fol.

- Idem " Icones insector. 1630. 4to.

b) Mentions.

  • Libellula depressa, Archetypa Pars III tab.5
  • Libellula cancellata, Archetypa Pars I tab. 10
  • Libellula Paedemontana allioni, Archetypa Pars IV tab.4 ?
  • Libellula flaveola, Archetypa Pars III tab.4?
  • Libellula vulgata, Archetypa Pars III tab.6 sinistr. ?
  • Aeschna mixtaArchetypa Pars III tab.2 mas.
  • Libellula juncea, Archetypa Pars II tab.3 mas.
  • Calopteryx virgoArchetypa Pars I tab. 2 et Archetypa Pars II tab.9

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REMARQUES.

1. Petiver, Linné, Geoffroy ou Fabricius, qui se fondent sur les publications de Jacob Hoefnagel qu'ils datent de 1630 ou 1692 ne pouvaient être conscients de l'antériorité des illustrations de Joris Hoefnagel (Ignis dès 1575-1582, Mira 1591-1596, les diverses Allégories et autres miniatures) et à leurs yeux Aldrovandi (1602) précédait Hoefnagel. Voir Fabricius, Philosophia entomologica page 2.

2. De même, ils ne pouvaient être sensible à la fabuleuse précision et reproduction du vivant dont Joris Hoefnagel s'est montré capable.

3. J'ignore comment ils ont procédé à l'examen des planches d'Hoefnagel, et s'ils ont recopiés un compilateur ; mais l'absence d'identification d'espèces bien caractéristiques (Abraxas grossulariata ) est étonnante ; d'autre part, certains insectes (rhopalocères) ont été mieux explorés que d'autres. Geoffroy ne signale même pas Cervus volans et Scarabeus nasicornis.

4. L'absence de couleur a été certainement préjudiciable. Les planches d'Archetypa ont été éditées par Fürst en couleur, en 1695, avec le monogramme F.M signalant peut-être Magdalena Fürst (1652-1717), fille de l'éditeur. 

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ARCHETYPA EN COULEUR.

Ainsi, le National History Museum détient trois exemplaires de l'Archetypae, dont l'un est colorié. On jugera sur la photographie plaçant cote à cote les deux versions que la libellule dont le corps est coloré en vert est plus explicite... à condition que les couleurs aient été placées sous la direction de l'auteur, ou en s'appuyant sur des modèles peints par Hoefnagel. (article de Sharon Touzel, 2013)

http://www.nhm.ac.uk/natureplus/community/library/blog/authors/shart2?fromGateway=true

 

 

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Autre exemple : Pars II, planche 3 Aeternum Florida Virtus.

http://www.georgeglazer.com/archives/prints/botanical/hoefnagel.html

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Autre exemple : Vente Christie's 2006, provenance Anselm de Boodt

Archetypa, Pars I Titre et Pars IV, 2 

Note de Christie's : Exemplaire ayant appartenu au gemmologue hollandais Anselm de Boodt, auteur de l'ouvrage Gemmarum et Lapidum historia (Hanau 1609). La traduction de l'inscription en flamand est la suivante: "Moi, Anselmus de Boodt, fils d'Anselm de Boodt, de passage à Frankfurt sur Main en 1594, j'ai payé 14 Ryksdahler pour cet ouvrage enluminé, qui est fort utile pour les peintres, brodeurs et pour ceux qui apprennent le dessin". Il est fort probable, qu'Anselm de Boodt ait lui-même enlevé les planches manquantes pour les utiliser comme modèle. LES EXEMPLAIRES EN COULEURS SONT DE TOUTE RARETÉ. Nissen BBI 1954; Brunet III, 244; Graesse III, 313 (donne 15 planches pour chaque partie tandis que Brunet n'en cite que 12). "

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Sur E-Bay (origine Leipzig) avec toute réserve :

 

 

Liens et sources.

— HOEFNAGEL (Jacob) Archetypa studiaque Patris :

— HOEFNAGEL (Jacob) 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam]. (N. I. Vißcher). 32 pages, 16 planches.

— HAGEN (Hermann August,) [1840] Synonymia libellularum europaearum Regimontii Prussorum :impressit E.J. Dalkowski, http://www.biodiversitylibrary.org/item/108085#page/29/mode/1up

— HAGEN (Hermann August,) Bibliotheca entomologica. Die Literatur über das ganze Gebiet der Entomologie bis zum Jahr 1862. Leipzig 1862-63 (2 volumes)

—Archetypa en ligne :

  • http://docnum.u-strasbg.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/73052/rec/4
  • https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken?v=&s=&q=Hoefnagel&ii=0&p=1

— Diversae ins. en ligne :

  • http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/86576#page/11/mode/1up
  • http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN371059488&IDDOC=255062
  • http://www.mfa.org/collections/search?search_api_views_fulltext=&page=1&f[0]=field_artists%253Afield_artist%3A17973
  • https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+diversae&start=1
  • http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details.aspx?assetId=997777&objectId=3255858&partId=1

 

VII Autres auteurs :

— Johann Andreas Benignus Bergsträsser 1779 Nomenclatur und Beschreibung der Insecten in der Graffschaft Hanau ..., Volume 2

 

— Conrad Christoph Jung 1791 Alphabetisches Verzeichnis Der Bisher Bekannten Schmetterlinge Aus ..., Volume 1

 

VIII Les espèces de libellules identifiées par H.A. Hagen en c.1840.

Hagen, Hermann August, [1840] Synonymia libellularum europaearum Regimontii Prussorum :impressit E.J. Dalkowski, http://www.biodiversitylibrary.org/item/108085#page/29/mode/1up

a) Référence :

-J. Hoefnagel " Archetypa Insectorum. Frank. 1692. vol.4. fol.

- Idem " Icones insector. 1630. 4to.

b) Mentions.

  • Libellula depressa, Archetypa Pars III tab.5
  • Libellula cancellata, Archetypa Pars I tab. 10
  • Libellula Paedemontana allioni, Archetypa Pars IV tab.4 ?
  • Libellula flaveola, Archetypa Pars III tab.4?
  • Libellula vulgata, Archetypa Pars III tab.6 sinistr. ?
  • Aeschna mixtaArchetypa Pars III tab.2 mas.
  • Libellula juncea, Archetypa Pars II tab.3 mas.
  • Calopteryx virgoArchetypa Pars I tab. 2 et Archetypa Pars II tab.9

 

 

Liens et sources.

— HOEFNAGEL (Jacob) Archetypa studiaque Patris :

— HOEFNAGEL (Jacob) 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam]. (N. I. Vißcher). 32 pages, 16 planches.

— HAGEN (Hermann August,) [1840] Synonymia libellularum europaearum Regimontii Prussorum :impressit E.J. Dalkowski, http://www.biodiversitylibrary.org/item/108085#page/29/mode/1up

— HAGEN (Hermann August,) Bibliotheca entomologica. Die Literatur über das ganze Gebiet der Entomologie bis zum Jahr 1862. Leipzig 1862-63 (2 volu

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/86576#page/11/mode/1up

http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN371059488&IDDOC=255062

http://www.mfa.org/collections/search?search_api_views_fulltext=&page=1&f[0]=field_artists%253Afield_artist%3A17973

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+diversae&start=1

http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details.aspx?assetId=997777&objectId=3255858&partId=1

 

Zoonymie des Rhopalocères : bibliographie II.

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Outils de lexicographie :

— ESTIENNE (Charles), 1553, Dictionarum historicum ac poeticum, Lutetiae [Paris] : http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/index.asp?numfiche=619

— ESTIENNE (Charles), 1544 et 1550, Dictionarum propriorum nominum

http://books.google.fr/books?id=bcSfJzY7n-gC

CALEPINO (Ambrosio) 1550 Dictionarium

http://books.google.fr/books?id=vhyNplFGW9kC&pg=RA1-PA45&lpg=RA1-PA45&dq=calepino+argus&source=bl&ots=euuHuWosMX&sig=

yfrWFmMbc7lnd6YXDBVi3dgdBms&hl=fr&sa=X&ei=mlZ0VJCYE8WYPK-qgIAE&ved=0CCcQ6AEwAQ#v=onepage&q=calepino%20argus&f=false

— GESSNER (Conrad) 1550 Onomasticon propriorum nominum, books.google

I. Zoonymie des lépidoptères :

ARRIZABALAGA (Antoni ) & al. 2012 "Proposta de noms comuns per a les papallones diürnes (ropalòcers) catalanes", Butll. Soc. Cat. Lep., 103: 5-28. En ligne

http://www.museugranollersciencies.org/uploads/arrizabalaga-et-al-butlleti-103.pdf

EMMET (Arthur Maitland) 1991. The Scientific Names of the British Lepidoptera: Their History and Meaning, Colchester, Essex, England : Harley Books, 1991, 288 p. : ill. ; 25 cm.

GLASER L, 1887 Catalogus etymologicus Coleoperum et Lepidopterum. Erklärendes und verdeutschendes namensverzeichnis der Käfer und Schmetterlinge fûr Liebhaber und wissenschaftliche Sammler, R. Friehändler : Berlin 1887, 396 pages. BHL Openlibrary.

— GLASER, L, 1882 "Zur Nomenklatur des deutschen Tagfalter, in Entomologischen Nachrichten, Stettin 1882 pages 303-317,

https://archive.org/stream/entomologischena81882berl#page/310/mode/2up/search/lycaena)

— Gozmány, László: Vocabularium nominum animalium Europae septem linguis redactum. 2 vols. Budapest: Akadémiai Kiadó, 1979.

JERMYN L.: The Butterfly Collector's Vade Mecum: or a Synoptical Table of English Butterflies. 1824. http://archive.org/stream/butterflycollect00jerm#page/n6/mode/1up

HELLER (John Lewis) - 1983 -"Studies in Linnaean method and nomenclature", Marburger Schriften zur Medizingeschichte, Bd.1983;7:1-326.Frankfurt am Main ; New York : P. Lang,

—HÜRTER Hans-Arnold 1988 Die wissenschaftlichen Schmetterlingsnamen, Herleitung und Deutung, Bottrop ; Essen : Pomp, 492 pages.

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les quatre tomes :

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Rottemburg :

http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/home/speciestaxon?id=8326

Schneider 1787 http://books.google.fr/books?id=VnY-AAAAcAAJ&pg=PA241&lpg=PA241&dq=schwarzgestrichelter+schmetterling&source=bl&ots=c5RGnFNYx4&sig=-HkttVMLK2SZP6KRw5MXfvJCYxI&hl=fr&sa=X&ei=

AHwGU7m9LoLm7Abd7oGICg&ved=0CC8Q6AEwAA#v=onepage&q=schwarzgestrichelter%20schmetterling&f=false

Scopoli Entomologia carniolica 1763

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/34434#/summary

Soddoffsky :http://www.archive.org/stream/bulletindelas10183768mosk#page/n82/mode/1up

Scudder http://biodiversitylibrary.org/page/3076769#page/269/mode/1up

Spuler : http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/9477#/summary

Tutt vol.1 1906 : http://archive.org/stream/naturalhistoryof08tutt#page/n8/mode/1up

Tutt vol.2 1908 : http://archive.org/stream/naturalhistoryof09tutt#page/n4/mode/1up

Tutt v3 1909 :http://archive.org/stream/naturalhistoryof10tutt#page/n4/mode/1up

Tutt v4 1914 : http://archive.org/stream/naturalhistoryof04tut#page/n4/mode/1up

De Villers 1789 : https://archive.org/stream/carolilinnaeient02linn#page/n11/mode/2up

Walckenaer : http://www.biodiversitylibrary.org/item/79375#page/289/mode/1up

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Wilkes, english moths and butterflies http://books.google.fr/books?id=x1xnr4VCDe0C&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

Goettingen animalbase : base de donnée : http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/search

Butterflies of America : http://butterfliesofamerica.com/polyommatus_icarus.htm

Références Bibliographiques en taxonomie : http://butterfliesofamerica.com/US-Can-Cat.htm

Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten :http://www.lepiforum.de/

Deux miniatures de Joris Hoefnagel au Musée Bruckenthal de Sibiu (Roumanie).

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Deux miniatures (1597) de Joris Hoefnagel au Musée Bruckenthal de Sibiu (Roumanie). Le Jardin d'Eusèbe, ou comment l'imitatio du peintre dépasse la Nature qu'il prend en modèle.

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Source des images :

http://www.codart.nl/120/

https://rkd.nl/nl/explore/images/121332

https://rkd.nl/nl/explore/images/121988

Il s'agit de deux miniatures à l'aquarelle et la gouache sur vélin, formant une paire, de forme rectangulaire de 22 cm x 33 cm, inscrites au Musée Bruckensthal sous le n° d'inventaire cat. 1579 et 1510. Leurs titres peuvent se traduire par

  • Miniature avec Ancolie et insectes
  • Miniature avec Souci, tulipe rouge et insectes.

Bonne occasion de tenter d'en dresser l'inventaire.

I. VASE AU SOUCI (ou VASE AU PAON-DU-JOUR ET AU BOMBYX ZIG-ZAG).

https://rkd.nl/nl/explore/images/121332

— Inscriptions :

  • inscription en or sur un fond noir; dans un cartouche en bas au centre : Bis delectamur cum pictum florem cum/ vivo decertantem videmus, in altero miramur/ artificium naturae, in altero pictoris ingenium

  • 15 97 (1597) 

- Commentaire : cf. infra Vase à l'Ancolie et à l'Écaille Chinée.

-  Traduction: " nous éprouvons un double plaisir en voyant une fleur peinte rivaliser avec une fleur naturelle: nous admirons dans l'une l'habileté de la nature, dans l'autre le talent du peintre," 

— Description.

a) Le cadre et le vase :

Comme dans les Allégories du Louvre et de Lille, l'artiste a présenté ses éléments botaniques et zoologiques dans une petite scène théatrâle en composant un faux cadre de laiton appareillé de quatre faux anneaux de fixation. Deux de ces anneaux, sur le coté, servent à recevoir les tiges de fleurs, ici deux tulipes, et, dans la peinture jumelle, deux roses. Les anneaux inférieurs fixent un support en bois ou métal aux formes en courbes et contre-courbes, allégé de trois oculi, et dont les fines branches s'adossent au montants latéraux du cadre. Cette console est centré par le cartouche à fond noir.

Les ombres projetées par les spécimens, dans la moitié inférieure, créent l'illusion d'une armoire naturaliste sur le plancher duquel ces objets seraient posés, alors que, dans la partie supérieure, les objets semblent s'élever dans l'espace vertical de cette vitrine. La vraisemblance est respectée, puisque les fruits, les fleurs sans support et les insectes rampants sont posés, alors que les fleurs en vase ou en anneaux, les papillons butinant sont "en l'air", et qu'un escargot grimpe le long d'un montant.

Le vase bleu en forme de poire inversée est peu vraisemblable, tant il ne tient en équilibre que par une perle qui le fixe sur la console au bord étroit, et tant les deux poignées, guère fonctionnelles, viennent menacer par leur poids cet équilibre. Le papillon de nuit est posé au centre du ventre du vase comme un emblème sous son sens étymologique (CNRTL) :"Emprunté au lat. classique  emblēma, -atis « ornement en placage sur des vases » du grec ε ́ μ ϐ λ η μ α « ce qui est appliqué sur » de ε ̓ μ ϐ α ́ λ λ ω « jeter sur » .

Cette mise en scène place ces deux peintures au sein d'une série, correspondant chronologiquement à peine avant la période où Hoefnagel travaillait à la cour de Rodolphe II (depuis 1590) tout en résidant à Francfort (1590-1594), puis à Regensburg (1594-1596). Je placerais dans cette série :

  • 1589 Nature morte avec Escargot, Fleurs et Insectes, ou Amoris monumentum, Metropolitan Museum of Art, 

  • 1589 "Nature morte avec Fleurs, Insectes et Escargot", attribué à l'entourage de Joris Hoefnagel, en vente sur Arnet.com

ou à une oeuvre plus tardive de son fils Jacob :

Collection P et N. de Boer, 145 x 191 mm

 

 

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— inventaire.

a) Inventaire botanique .1°) les fleurs : au centre, le Souci  Calendula ; deux tulipes dans les fixations latérales ; tagète , oeillet, 2°) les fruits : Physalis alkekengi "Amour-en-cage", trochets de noisettes Corylus avellana et Corylus maxima , groseilles ,pomme , abricot entier, demi- abricot et son  noyau , 

Remarque : cas rare de syncarpie (?) ou de "pommes jumelles", déjà représenté de façon identique dans Archetypa studiaque (1592) pars III planche 10, et sur le folio 107 du Mira calligraphiae (1591-1596). http://www.dailymail.co.uk/news/article-2433619/Siamese-apples-Conjoined-fruit-discovered-lying-ground-mans-garden.html

b) Inventaire entomologique : 11 animaux ; 10 insectes.

  • Registre supérieur à gauche : Lepidoptera Nymphalidae
  • Registre supérieur à droite : Lepidoptera Nymphalidae [Lasiommata megera ?]
  • Registre moyen à gauche : Cerambycidae [Leptura sp.] : Lepture à suture noire (Leptura melanura alias Stenurella melanura) ?? Lepture cordigère ???
  • Registre moyen au centre : Lepidoptera Nymphalidae Inachis io "Paon-du-Jour".
  • Registre moyen à droite : Diptera Musca domesticus "Mouche commune" ??
  • Registre moyen à droite ; Mollusca
  • Registre moyen à droite : Orthoptera Gryllotalpa gryllotalpa "Courtilière".
  • Registre moyen à droite : chenille Lepidoptera 
  • Registre inférieur centre (sur le vase) Lepidoptera Lymantriidae Lymantria dispar "Bombyx disparate", "Zig-Zag", 
  • Registre inférieur à droite sur le cartouche ; Lepidoptera.
  • Registre inférieur droite : Coleoptera Scarabaeidae Oryctes nasicornis ♂ "Scarabée rhinoceros".

 

Si on tient compte du fait que Hoefnagel s'était présenté lui-même comme inventor hieroglyphicus et allegoricus, les associations de plantes et d'animaux peuvent être des hiéroglyphes, par allusion au bestiaire symbolique des Hieroglyphica d'Horus Apollon (Ve siècle), publiées d'abord par Manuce en 1505 et illustrées par Dürer. Ainsi, l'association d'un escargot et de papillons pourrait se référer à la devise Festina lente "Hâte-toi lentement (celle d'Alduce), par l'opposition de la lenteur de l'un et de la vivacité de l'autre. Le scarabée pourrait être un image du Christ. Chaque plante possède son symbolisme médiéval, puis de la Renaissance, puis de la période baroque. La tulipe, qui deviendra avec la tulipomania du XVIIe siècle symbole de richesses équivalentes aux bijoux les plus onéreux, n'est encore parfois qu'une illustration d'un calice tourné vers le ciel comme l'esprit de l'homme conforme aux idéaux moraux et religieux de l'époque.

Parallélement à ces sens cachés religieux mystiques ou allégoriques, la composition pourrait dissimuler des jeux de mots pour le simple plaisir du décryptage érudit.

De même, des correspondances pourraient être découvertes entre le texte d'Érasme cité dans l'inscription (la description d'un jardin)  et les plantes peintes ici.

 

 

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg

 

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II. VASE A L'ANCOLIE (ou VASE A L'ÉCAILLE CHINÉE ou CALLIMORPHE).

Première miniature : Joris Hoefnagel  : Vase avec ancolie, d'autres fleurs et des papillons, entouré par la flore et la faune. (1597)

aquarelle et gouache sur vélin  : rectangle horizontal de 22 x 32 cm 

— Inscriptions :

a) inscription en bas au centre : "In utroque benignitatem Dei, qui in usum/ nostrum largitur haec omnia, nulla in re non/ admirabilis pariter et amabilis."

en or sur un fond noir; dans un cartouche; Traduction: Dans les deux cas, nous admirons la miséricorde de Dieu qui nous donne richement tout cela à notre usage, susceptibles d'être miraculeuse propre que la présence aimante

b) Signé et daté en bas au centre :" ludeb G. Houf: 97".

Commentaire.

L'inscription trouve sa source dans les Colloques d'Érasme, dans  le colloque n° 16 intitulé Le Repas religieux (Convivium Religiosum).

"[16,67] (Eusebius) Non capiebat omnes herbarum species unus hortus. Praeterea bis delectamur, quum pictum florem cum uiuo decertantem uidemus; et in altero miramur artificium naturae, in altero pictoris ingenium: in utroque benignitatem Dei, qui in usum nostrum largitur haec omnia, nulla in re non mirabilis pariter et amabilis. Postremo non semper uiret hortus, non semper uiuunt flosculi. Hic hortus etiam media bruma uiret et adblanditur."

"[16,67] (Eusèbe) Un seul jardin ne pouvait pas contenir toutes les espèces de plantes. D'ailleurs, nous éprouvons un double plaisir en voyant une fleur peinte rivaliser avec une fleur naturelle: nous admirons dans l'une l'habileté de la nature, dans l'autre le talent du peintre, dans toutes deux la bonté de Dieu, qui nous accorde tout cela pour notre usage, et se montre dans les moindres choses aussi admirable qu'aimable. Enfin, les jardins ne sont pas toujours verts, les fleurs ne vivent pas toujours: ce jardin-là, même au coeur de l'hiver, est fleuri et riant. "

Itinera electronica http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/Erasme_colloque16/ligne05.cfm?numligne=68&mot=benignitatem

 

inscription en bas au centre : Dans benignitatem utroque Dei, qui in usum / nostrum largitur haec omnia, nulla in re non / admiration sensibilisation pariter et gracieux.

en or sur un fond noir; dans un cartouche;Traduction: Dans les deux cas, nous admirons la miséricorde de Dieu qui nous richement tout cela donne à notre usage, susceptibles d'être miraculeuse propre que la présence aimante

  • Signé et daté en bas au centre : ludeb G. Houf: 97

Vase avec ancolie, d'autres fleurs et les papillons, entouré par la flore et la faune

Mots clés 

nature morte , vase , ancolie , rose , oeillet , la pêche , le châtaignier (fruits) , de légumineuses , de haricots , de noisette , pomme , fleur de pommier , chenille , papillon

Inscription en or sur fond noir  en bas au centre dans le cartouche  In utroque benignitatem Dei, qui in usum/ nostrum largitur haec omnia, nulla in re non/ admirabilis pariter et amabilis.

in goud op een zwarte ondergrond; in een cartouche; vertaling: In beide gevallen bewonderen wij de weldadigheid van God die ons dit alles rijkelijk schenkt tot ons gebruik, die overal even wonderbaarlijk schoon als liefderijk aanwezig is

  • gesigneerd en gedateerd middenonder: ludeb: G. Houf: 97

 

Vaas met akelei, andere bloemen en vlinders, omringd door flora en fauna

Onderwerpstrefwoorden 

bloemstilleven, vaas, akelei, roos, anjer, perzik, kastanje (vrucht), peulvrucht, boon, hazelnoot, appel,appelbloesem, rups, vlinder

Herkomst

 

— Description :

Le cadre est  identique au précédent.

Le vase bleu qui, dans la première œuvre, avait une position ambiguë en équilibre sur la pointe de la console, est ici clairement posé sur le fond inférieur où son ombre s'inscrit. Sa couleur bleue aux teintes opalines est la même que celle du Vase de fleurs plus tardif (1629) de la collection de Boer par Jacob Hoefnagel.

— Inventaire

a) Inventaire botanique . 1°) Fleurs : Ancolie ; Rose ; Oeillet ; fleur de Pommier ; 2°) Fruits Chataîgnes dans leur bogue ; Physalis alkekengi   (Amour-en-cage) ;  gousse de haricot ; Fèves  ; trochet de deux Noisettes  Corylus maxima ;  Marron ; Pomme ; Abricot.

b) Inventaire entomologique : 

Un mollusque fixé en haut à gauche. 6 papillons et une chenille : 

successivement de gauche à droite dans les registres superieur ; moyen et inférieur

  • En haut à gauche Lepidoptera Nymphalidae
  • En haut à droite Lepidoptera Nymphalidae
  • Registre moyen à gauche Lepidoptera Nymphalidae Satyrini Melanargia galathea "Demi-Deuil"
  • Registre moyen au centre : Lepidoptera Arctiidae  Euplagia quadripunctaria (Poda, 1761)
  • Registre moyen à droite : Lepidoptera Nymphalidae Nymphalinae Vanessa cardui  "Belle-Dame". (?)
  • Registre inférieur, au centre : Lepidoptera Nymphalidae Vanessa atalanta "Vulcain".
  • Chenille : Lepidoptera Papilionidae Papilio machaon "Le Machaon".

 

Miniature avec insectes Sibiu, Romania

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0565JorisHoefnagel.jpg

 

 


.http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/Erasme_colloque16/lecture/1.htm
.
 

DISCUSSION.

L'inscription réunit les deux peintures dans une même méditation illustrée autour du texte des Colloques d'Érasme. Cette citation a une importance considérable dans la réflexion des artistes et humanistes de la cour impériale de Rodolphe II, comme l'a souligné Thomas DaCosta Kaufmann. L'artiste ne tente pas seulement d'imiter la nature, de donner l'illusion de vrais fleurs et de vrais insectes après les avoir observés sur le vif. Il revendique l'artifice du trompe-l'œil comme une re-création du monde, rivalisant avec le monde naturel en triomphant, car ce monde naturel éphémère, périssable et temporel (dont les beautés disparaissent en hiver) accède grâce à l'artiste à la gloire éternelle. 

C'est tout le sens de la revanche du poète sur la belle dédaigneuse, tout le sens du poème de Ronsard :

"Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,

Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle ! » "

Dans les deux corpus emblématiques de Joris et de Jacob Hoefnagel , le Mira calligraphiae et l'Archetypa studiaque, Érasme est l'auteur le plus cité, mais ce sont ses Adages (1536) qui procurent les sentences et proverbes dont le spectateur doit déchiffrer le lien avec l'image. Le thème le plus courant est celui de la vie éphémère, incitant à une admiration des Oeuvres du Créateur, au mépris des richesses illusoires, et à la conscience de la Mort, thème des Vanités futures.

Il en va tout autrement avec ce passage du Repas Religieux. Mais avant de considérer ce seizième colloque, il faut — ce fut du moins mon cas — découvrir les Colloques d'Érasme eux-mêmes.

Les Colloques d'Érasme.

Le titre du recueil, et son idée initiale, vient des "colloques scolaires" ou lexiques dialogués, sorte de "Méthode Assimil à l'usage des apprentis latinistes", selon Franz Berliaire. Dans le cadre du souci pédagogique de la fin du XVe siècle, les professeurs mirent en dialogues vivants et imagés les scènes de la vie familière de leurs élèves afin que ces discussions (latin colloquium = conférence, entretien, discussion) permettent aux élèves d'apprendre le latin de manière plaisante voire ludique. En 1518, Pierre Mosellanus publia Paedologia, et Erasme son Familiarum colloquiorum formulae . Mathurin Cordier, enseignant au Collège de la Marche puis au Collège de Navarre, avant d'enseigner à Lausanne, publia ses Colloquia (Colloquiorum Scholasticorum). Ces auteurs mettaient en scène ainsi leurs propres élèves avec beaucoup de naturel, mais dans un latin correct. Le recueil d'Érasme, conçu à Paris vers 1498 à l'intention du précepteur Augustin Caminade, fut imprimé à Bâle en 1526 d à l'insu de son auteur qui réprouva un livre rempli de faute. Il le ré-écrivit entièrement et publia en mars 1526 Familiarum colloquiorm formulae, mélangeant des formules toutes faites avec des saynètes où Érasme fait discuter ses personnages. L'ouvrage s'amplifia de nouveaux colloques à onze reprises, et ce livre-feuilleton connut sa dernière édition revue et augmentée en mars 1543. "En devenant Opus, le libellus s'est métamorphosé et a fait son entrée dans la grande littérature pour adultes" (F. Berliaire)

"Héritier des lexiques dialogués gréco-romains, de leurs succédanés médiévaux et des florilèges d’auteurs anciens constitués par les humanistes eux-mêmes, le colloque scolaire ne sert d’abord qu’à enseigner le latin de la manière la plus naturelle possible. Il faut attendre en effet l’année 1518 et la publication de la Paedologia de Pierre Mosellanus pour voir des préoccupations morales et religieuses se glisser dans cette littérature dont les héros et les utilisateurs sont des écolier

"Si les échanges de répliques toutes faites des Familiarium colloquiorum formulae font penser aux collections de phrases types chères aux prédécesseurs de Mosellanus, les saynètes qui font leur apparition en mars 1522, dans la première édition formellement reconnue de l’ouvrage, ressemblent davantage aux dialogues de la Paedologia. Contrairement aux personnages du formulaire proprement dit, les héros des Lusus pueriles, de Venatio, de Saltus et des deux scènes de la vie scolaire intitulées Euntes in ludum sont des enfants, qui parlent de leurs jeux, de leur professeur, des leçons à apprendre et des devoirs à faire. D’autres dialogues nous font toutefois quitter le monde de l’enfance. Ces scènes de la vie quotidienne mettent aux prises des hommes mûrs, souvent mariés et pères de famille, discutant de leurs problèmes, qui sont des problèmes d’adultes : les vœux imprudents et leurs conséquences, les pèlerinages, la guerre... Ces « autres modèles d’entretiens familiers », utiles pour l’amélioration du langage parlé et écrit, mais surtout pour la conduite de la vie, comme l’indique le titre du recueil, sont de la même veine que les colloquia familiaria qui seront publiés par la suite : ne sont-ils pas mentionnés dans le De utilitate Colloquiorum, où Érasme précise à quoi sert son livre, à quelle fin il a écrit tel ou tel colloque?

Comme toutes les œuvres d’Érasme, en effet, et peut-être même davantage, les Colloques sont un livre dont l’intention utilitaire est sans équivoque : « En publiant tous mes ouvrages, écrit l’humaniste, mon unique but a toujours été de faire par mon travail œuvre utile ; et, si je ne pouvais y parvenir, de ne pas faire du moins œuvre nuisible » Démontré longuement dans le De utilitate Colloquiorum, le caractère pratique desColloques est souligné dans le titre de toutes les éditions : les premières éditions reconnues sont plus utiles que les précédentes (accessit uberior utilitas), puisqu’elles peuvent même servir ad vitam instituendam ; celles qui suivront seront « très utiles à de nombreux titres » (multis nominibus utilissimum).

 

"Érasme n’a jamais perdu de vue l’objectif didactique de son livre, qui est de fournir à ses lecteurs le moyen d’améliorer leur connaissance de la langue latine et de devenir des hommes accomplis (et latiniores et meliores)

"Il n’est pas facile de déterminer avec précision le nombre de pièces qui composent le Familiarium colloquiorum opus. Aux quarante-huit colloques publiés entre mars 1522 et mars 1533, il faut en effet ajouter le Convivium profanum et sa suite, la Brevis de copia praeceptio, tous les entretiens groupés sous le titre d’Alia in congressu et même certaines brèves séquences qui précèdent ou qui suivent ces saynètes." (F. Berliaire)

Quelques titres de Colloques : Les Voeux imprudents. La Chasse aux bénéfices. La Confession du soldat. Avis d'un maître. Le Repas profane. Le Repas religieux (Colloque 16). L'Apothéose de Capnion. L'Amant et la Meftresse. La Fille ennemie du mariage. La Fille repentante. La Femme qui se plaint de son mari, ou le Mariage. Le Soldat et le Chartreux. Le Menteur et le Véridique. Le Naufrage.Les Hôtelleries. Le Jeune Homme et la Fille de joie. Les Franciscains (colloque n° 30) L'abbé et la femme érudite (colloque n° 31) L'Accouchée (Colloque n° 38) Le Pélérinage (colloque n° 39) L'Ichthyophagie (Colloque n° 40)L'Enterrement (colloque n° 41) La chose et le mot (colloque n° 44) Charon (colloque n° 45) L'Hymen funeste (colloque n° 47)Le Chevalier sans cheval (colloque n° 51) Le petit sénat ou l'assemblée des femmes (colloque n° 53) L'Opulence sordide (colloque n° 59) Les Obsèques séraphiques (colloque n° 60)L'Amitié (colloque n° 61) L'Épicurien (colloque n° 63)

Deux thèmes isolés de l'ouvrage Les Colloques d'Érasme de Franz Berliaire.

F. Berliaire : http://books.openedition.org/pulg/303

I. Les Colloques comme Théâtre.

J'ai montré comment Hoefnagel disposait ses spécimens naturels de façon théâtrale par un cadre fictif et par les ombres comme s'ils étaient présentés sur la scène d'une vitrine d'un Cabinet de curiosités. Je confronterai cette idée à ce que Berliaire écrit sur les Colloques, en créant un puzzle des motifs que j'y découperai : 

​"Ces dialogues sont en effet analogues par leur structure à un texte de théâtre, où toutes les répliques sont juxtaposées et constituent la trame de l’œuvre. Connus dès l’Antiquité, ces deux procédés de présentation d’un texte dialogué — le dialogue en récit et le dialogue juxtaposé ou scénique — sont mis en œuvre par Érasme avec un égal bonheur. La notion de dialogue peut être abordée de différentes manières. Nous laisserons de côté les classifications et les analyses visant les caractères intellectuels du dialogue, pour nous intéresser à des aspects plus concrets, et notamment à la manière dont Érasme plante le décor, bâtit le scénario, choisit et manipule les personnages de sa « Comédie humaine ». Car les Colloques sont une sorte de « Comédie humaine », avec des scènes de la vie privée, de la vie militaire, de la vie de campagne, de la vie urbaine, de la vie religieuse. Érasme met en scène des personnages des deux sexes, de tous les âges et de toutes les classes sociales : des hommes et des femmes ; des jeunes, des moins jeunes et des vieillards ; des nobliaux, des bourgeois et des gens du peuple ; des laïcs et des ecclésiastiques. C’est toute la société du xvie siècle qui défile devant nos yeux, vivante et bigarrée." "La plupart de ces conversations sont imaginaires, quelques-unes ont un fond de vérité, mais toutes portent l’empreinte de la vie et, par leur substance comme par leur mouvement, elles donnent l’impression de la réalité saisie sur le vif."  "Bien qu’il n’ait sans doute pas prévu que ses Colloques seraient joués un jour sur des tréteaux scolaires, Érasme a incontestablement donné une allure dramatique à ces petites scènes de la vie quotidienne. Outre les procédés scéniques dont nous venons de parler, il utilise en effet, comme les dramaturges, un système continu et méthodique d’initiales de personnages destiné à articuler le dialogue. D’autre part, il mentionne en tête de chaque colloque le nom des principaux protagonistes, donnant en quelque sorte la distribution de la pièce qui va être jouée."

Un théâtre comique ou ludique.

Érasme veut instruire ses lecteurs en les amusant et sans qu’ils s’en rendent compte : « Je ne sais, dit-il, s’il est des leçons plus fructueuses que celles qui sont prises en jouant. » Pour « s’insinuer en quelque sorte dans les âmes délicates », il utilise le procédé qu’il a déjà mis en œuvre dans l’Éloge de la Folie et qui consiste à dire la vérité en riant : « La vérité un peu austère par elle-même parée de l’attrait du plaisir pénètre plus facilement dans l’esprit des mortels. Le plaisir allèche le lecteur, et, après l’avoir alléché le retient. " "L’écrivain qui, à ses yeux, « recueille tous les suffrages », n’est autre, en effet, que Lucien : « Il possède une telle grâce d’expression, un tel bonheur d’invention, un tel charme dans la plaisanterie, dans l’attaque un tel mordant, ses badinages sont si agréables, il tempère le sérieux par les plaisanteries, les plaisanteries par le sérieux ; il dit des vérités en riant, il rit en disant des vérités ; il peint comme au pinceau les mœurs, les sentiments, les intérêts des hommes et les met sous les yeux, non comme une lecture mais comme un spectacle, si bien que nulle comédie, nulle satire, ne peut se comparer avec ses dialogues, ni si tu considères l’agrément, ni si tu considères l’utilité. »

"Les œuvres des poètes comiques constituent elles aussi une mine inépuisable d’exemples, puisque la comédie n’est rien d’autre que l’image de la vie : cum tota Comoedia nihil aliud sit quam humanae vitae simulacrum. Humanae vitae simulacrum, voilà une définition qui conviendrait parfaitement aux Colloques, miroir grossissant des ridicules et des tares d’une société malade, théâtre dont les spectateurs sont aussi les acteurs."

« Théâtre de la vie ou miroir du monde, c’était là le titre de tout langage, sa manière de s’annoncer et de formuler son droit à parler ». Cette réflexion de Michel Foucault s’applique particulièrement bien aux Colloques, spectacle en soixante tableaux illustrant « les folles passions du monde et ses opinions absurdes », spectacle édifiant de la « comédie de la vie », destiné à préparer à la vie : ad vitam instituendam. Le livre est le substitut de la vie, la lecture remplace l’expérience, qui est « la maîtresse des sots ». Peinture vivante des gens et du monde, les Colloques sont pour les adolescents et pour les adultes ce que les images étaient pour les petits enfants : une représentation de la réalité."

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Colloques d'Érasme et Emblemata.

Ces Colloques ont pu inspirer Hoefnagel également par leurs rapports avec les Livres d'Emblèmes assoçiant citation littéraire et peinture : Érasme cherche à dépeindre le vivant tout en tissant des liens constants avec les textes qu'il a lu  ; et, presque à l'inverse, Hoefnagel s'évertue à faire de ses peintures des textes plaisants à mémoriser :

 "Riches d’enseignements, ces colloques sont également riches en figures de style, en tournures, en proverbes, en fables, en exempla, en apophthegmes destinés à tous ceux qui veulent que leur discours « resplendisse d’idées et de mots comme un fleuve charriant des paillettes d’or ». Cette copia verborum ac rerum dont il fait profiter ses lecteurs, Érasme l’a acquise en étudiant, la plume à la main, tous les auteurs grecs et latins : « Celui qui veut être considéré comme un érudit doit tout lire, une fois au moins dans sa vie », dit-il dans ses Commentarii duo de duplici copia verborum ac rerumCe pollen butiné dans les jardins fleuris de la littérature ancienne est injecté à forte dose dans les Colloques, « produit fini », où Érasme a sans doute mis ce qu’il a récolté de plus remarquable au cours de ses lectures. Les Colloques fourmillent en effet d’emprunts aux auteurs anciens, emprunts souvent déguisés de vers ou de phrases qu’Érasme s’approprie, coupe, transforme au gré de sa fantaisie, mais surtout d’adages et de tours proverbiaux puisés aux mêmes sources. La moindre citation faite dans les Colloques se retrouve d’ailleurs dans les Adages, soit comme adage proprement dit, soit comme variante ou illustration d’un adage. Ceux qui ne verraient dans cette profusion de proverbes qu’une coquetterie d’humaniste se tromperaient lourdement : « Pour ajouter à un écrit la grâce d’un charme délicat, ou pour l’égayer par des jeux érudits, ou pour le relever du sel de l’urbanité, ou pour l’orner par quelques bijoux empruntés, ou pour l’éclairer de pensées lumineuses, ou pour lui apporter de la variété grâce aux fleurs des allégories et des allusions, ou pour répandre sur lui les enchantements de l’antiquité, qu’y a-t-il de mieux, demande Érasme, que d’avoir une riche et nombreuse provision de proverbes, et une sorte de réserve entassée, serrée chez soi ? Tu pourras y prendre à toutes fins de quoi charmer par une métaphore fine et bien placée, de quoi mordre par une railleuse plaisanterie, de quoi plaire par une pénétrante concision, de quoi charmer par une pointe rapide, de quoi attirer par la variété ou chatouiller par une allusion amusante celui qui la reconnaît au passage, de quoi enfin réveiller par une obscurité voulue le lecteur qui commence à s’endormir. Qui ne sait que les principales ressources, les principaux agréments des discours résident dans les sentences, les métaphores, les paraboles, les comparaisons, les exemples, les rapprochements, les images et autres figures de ce genre ? Non seulement elles relèvent grandement la diction, mais elles lui ajoutent plus d’ornements et de charme qu’on ne saurait le dire, chaque fois que, reçues par l’accord de tous, elles ont passé dans la langue communément parlée. En effet chacun écoute volontiers ce qu’il reconnaît, surtout s’il s’y ajoute la recommandation de l’antiquité, étant donné que les adages comme les vins doivent leur prix à leur âge. Ils n’apportent pas seulement une parure au style ; ils lui donnent aussi de la vigueur, c’est pourquoi Quintilien les range parmi les figures et estime d’autre part que, parmi des arguments, un proverbe peut avoir une grande force, soit que tu veuilles persuader, soit que tu réfutes l’adversaire par un dicton sarcastique, soit que tu défendes tes positions. Qu’y a-t-il en effet de plus probable que ce que tout le monde est d’accord pour répéter ? Qui ne serait frappé par le jugement identique d’époques et de pays si nombreux ? »

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II. L'écriture  et la peinture : l'ekphrasis et l'enargeia.

Dans la rencontre du peintre Hoefnagel et de l'écrivain Érasme, une attention particulière doit être apportée aux rapports entre le style littéraire, et la vision, le "donné à voir".

 

Rappelons d'abord que si la critique littéraire utilise le terme « ekphrasis » pour désigner  la description, au sein d’un texte, d’une œuvre d’art réelle ou imaginaire, cette définition est tardive. Le verbe « ekphrazô » signifie « exposer en détail », et l’ekphrasis consiste  à donner à voir avec « évidence » l’objet par le langage. Aélius Théon en donne cette définition : « la description (« ekphrasis ») est un discours qui présente en détail et met sous les yeux de façon évidente ce qu’il donne à connaître.". Dans l'Antiquité, l’ekphrasis ne se limite donc pas à l'évocation d'œuvres d'art, mais désigne toute évocation vivace propre à faire surgir des images dans l'esprit de l'auditeur ou du lecteur 

Selon Aristote (384 –322 av. J.-C.), et par suite pour les théoriciens antiques du discours, la fonction première de tout discours est l’« enargeia », que l’on peut traduire par « évidence » ou « visibilité », c’est-à-dire que le discours doit d’abord montrer. Avec les successeurs d’Aristote, le concept d’« enargeia » repose essentiellement sur le sens de la vue : pour Denys d’Halicarnasse, Cicéron (Ier siècle av. J.-C.) ou Quintilien (Ier siècle ap. J.-C.), l’« enargeia » ou l’« evidentia » doit transformer l’auditeur-lecteur en spectateur, lui donner à voir les faits.

Voir Ekphrasis ici et hypotypose dans Wikipédia.

Pour les peintres et les écrivains, deux citations  de l'Ars poetica d'Horace devenus des adages sont naturellement dans les esprits : Ut pictura poesis, et Pictoribus atque poetis (vers 10) : Rabelais traduit ainsi le dernier : Pictoribus atque poetis, « les peintres et poètes ont la liberté de peindre à leur plaisir ce qu'ils veulent".

C'est au XVIe siècle que la poésie ecphrastique prend son essor, et qu'on assiste à la naissance de la poésie emblématique qui, illustre à merveille l'adage horatien , en s'inspirant des concetti italiens, du Livre des hiéroglyphes d'Horapollon et du Songe de Poliphile de Francesco Colonna.

 

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Reprenons maintenant la lecture du texte de F. Berliaire :

 " Parmi les nombreuses rationes locupletandi sermonis passées en revue dans la partie du De copia consacrée aux « figures de pensée qui s’éloignent de la manière directe de présenter les idées », il en est une qui occupe une place de choix dans les Colloques : c’est celle que les Grecs appellent ένάργεια et les Latins evidentia. Connue également sous le nom d’hypotypose, cette figure, qui « expose les choses d’une manière telle que l’affaire semble se dérouler et la chose se passer sous nos yeux », transforme le lecteur ou l’auditeur en spectateur : id quod fit aut factum est, non summatim aut tenuiter exponemus, sed omnibus fucatum coloribus ob oculos ponemus, ut auditorem sive lectorem, iam extra se positum, velut in theatrum, avocet. dum ea referunt quae representari in theatro aut non possunt aut non convenitDe copia, LB I, col. 77 F-78 A.

[Erasme, Enargeia : Nous l'utilisons toutes les fois que, dans le but d'amplifier ou d'orner notre texte, ou de plaire au lecteur, nous n'exposons pas simplement la chose [rem], mais la donnons à voir comme si elle était exprimée en couleurs tans un tableau, de sorte que nous semblons l'avoir peinte plutôt que décrite et que le lecteur semble l'avoir vue plutôt que lue" : Erasme, «  De duplici copia verborum ac rerum. »]

" La description la plus riche est toutefois celle qui sert de prologue et même d’épilogue au Convivium religiosum. Cette visite guidée se transforme en leçon de choses, une leçon modèle qui semble illustrer cette page du De pueris où Érasme conseille au pédagogue d’utiliser des vignettes pour apprendre à son élève le nom et les caractéristiques essentielles des arbres, des plantes et des animaux. Cette connaissance, qui fait appel aux qualités d’observation de l’enfant, n’a rien d’expérimental : les murs de la maison d’Eusèbe sont comme les planches anatomiques d’un manuel d’histoire naturelle et tous les renseignements fournis par Érasme sont tirés de Pline, un de ces auteurs qui, « s’ils ne contribuent pas grandement à la beauté du style, offrent en abondance la réalité » (rerum copiam suppeditant). L’auteur des Colloques puise à pleine main dans les ouvrages de ces naturalistes anciens. Dans Problema et dans ’Aστραγαλισμό, sive talorum lusus, c’est Aristote qui est mis à contribution ; dans Amicitia, c’est encore Pline qui est exploité comme un « trésor », Pline qui « enseigne le monde » : Mundum docet Plinius. Si Érasme tient tant à faire connaître le monde physique, c’est bien sûr parce que « l’on ne peut voir de spectacle plus magnifique que celui de la nature », mais aussi parce que cette connaissance du monde animal, végétal ou même minéral permettra au candidat à l’abondance d’orner son discours au moyen d’allégories, d’images, d’apologues, d’exempla .  Ses Colloques sont nourris à la fois de suc antique et de moelle évangélique, mais aussi de sel attique. 

 

 

 

Le Convivium religiosum : Le jardin d’Eusebius.

Ce colloque du Repas religieux date d’août 1522. Portant le n°16, il suit le colloque 15 Le Repas Profane.

Pour le présenter et le commenter, je ferais mon miel d'un article de Simone de Reyff paru en  2009 et mis en ligne sur Persée. : 

 

 "Dans le Convivium religiosum, Érasme met en scène un petit groupe d’amis réunis autour de la table d’Eusebius pour partager un repas dont le menu, aussi sobre que savoureux, est enrichi de commentaires spontanés sur quelques passages de l’Écriture sainte. Le décor ne se limite pas à la demeure dans laquelle se retrouvent les amis d’Eusebius mais  inclut le jardin dont la visite abondamment circonstanciée constitue un prologue à la fête. Le maître de maison promène longuement ses hôtes avant de les inviter à passer à table: le jardin sera le lieu où la nature, dûment régentée par l’esprit humain, favorisera à la fois la méditation et la sociabilité. On traverse successivement un premier jardin dominé par la statue de saint Pierre et la chapelle dédiée au Christ médiateur, puis un jardin intérieur dont les richesses botaniques et artistiques comblent d’admiration les visiteurs enthousiastes, pour longer enfin trois promenoirs qui, avec le bâtiment principal, constituent un rappel implicite de la structure du cloître. Avant d’emmener ses compagnons à l’intérieur du logis, Eusebius leur signale encore les prolongements de son domaine qu’ils pourront admirer à l’issue du repas: derrière la maison trouvent place un jardin potager et un jardin des simples, que flanquent d’un côté un pré et de l’autre un verger, au fond duquel il élève des abeilles. À la ruche répond, dans la galerie supérieure du promenoir oriental, une volière.  Le jardin d’Eusebius se donne au premier chef comme une célébration de cette multiplicité dont procède l’allégresse du coeur et de l’esprit. Célébration multiple à son tour, puisqu’elle inclut des réalités très diverses: les inscriptions en latin, en grec et en hébreu qui dotent la statue de saint Pierre et l’image du Christ d’un discours polyglotte, et où se croisent les citations les plus hétérogènes de l’un et l’autre Testament; les connotations superposées du cours d’eau qui renvoie simultanément aux aspirations du cerf altéré (Ps 142 / 143) et à l’eau gratuitement octroyée à ceux qui ont soif (Isaïe 55, 1) ; enfin, la variété des plantes cultivées dans le jardin intérieur, et celle des oiseaux élevés dans la volière, dont les moeurs sont aussi contrastées que les ramages.

 Cependant, s’il demeure bien conscient des limites de toute collection, Eusebius ne tente pas moins de les repousser aussi loin que possible. Lorsque l’espace fait défaut à sa passion «curieuse», il le prolonge à travers les fresques qui ornent ses promenoirs, où il pourra contempler, en se délassant, tous les visages du monde que ne saurait contenir son petit domaine. Le décor en trompe-l’oeil qui sert à marquer les limites du jardin tout en l’ouvrant vers l’ailleurs pourrait être envisagé comme une disparate, sinon comme une concurrence déloyale par rapport aux efforts consentis pour aménager un site naturel. La diversité s’y déploie tout en harmonie, sans aucun obstacle, au bénéfice d’une stabilité assurée: les arbres peints, suggère malicieusement Eusebius, ont l’avantage d’être toujours verts. Le regard qu’il invite à poser sur ces produits de l’artifice humain demeure toutefois libre de toute suspicion. Ce n’est pas seulement parce qu’elles présentent l’avantage d’une certaine permanence sur la fragilité du monde réel que ces représentations sont louées. La peinture est source d’un plaisir plus grand que celui qui procéderait de la seule présence d’un objet naturel. En cet endroit, Érasme pourrait se souvenir d’Aristote qui, dans sa Poétique, établit l’imitation comme une valeur propre à l’homme en considérant qu’elle est dans son essence source de délectation. Loin d’être un pis-aller auquel on aurait recours pour pallier les insuffisances d’un domaine aux proportions modestes, l’imitation apparaît au contraire comme le signe d’une plus-value. C’est ce qu’ont immédiatement compris les visiteurs qui s’émerveillent en constatant que les arcades des promenoirs, tout comme le revêtement aux tons subtils du cours d’eau, sont en réalité du faux marbre. «Quod opibus deest arte sarcimus», remarque Eusebius: les carences du jardin sont amplement compensées par l’intervention humaine, dans la mesure précisément où la réponse de l’art à la nature porte la marque d’un génie supérieur. Le monde répertorié sur les parois des galeries ne se borne pas à compléter les expériences restreintes qu’offre l’espace ainsi délimité. Ce n’est pas seulement parce qu’elle rend présentes des variétés animales et végétales excédant les possibilités d’un petit jardin que la peinture des promenoirs suscite la jubilation des promeneurs. À travers la rivalité des figures peintes, «singulis ad nativam imaginem non pessime expressis», on est amené à prendre conscience de la nature essentiellement mimétique du jardin, qui n’est autre qu’une représentation du monde. À la différence notable, cependant, qu’au lieu d’assumer la variété des êtres dans une image inconsistante, le jardin demeure solidaire de la nature qu’il reproduit. La concurrence de l’art n’y équivaut pas à une négation de la nature, mais à une simple inflexion, qui la rend signifiante, ou mieux, qui en exprime la signification latente.

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À travers la double dimension de la varietas et de la mimèsis, on atteint ainsi ce qui constitue probablement la clef majeure du jardin d’Eusebius: la récapitulation du monde esquissée dans les parterres fleuris et les promenoirs historiés vise un projet pédagogique. Chaque détail du jardin correspond à la composante d’un vaste discours dont les implications morales se superposent aisément aux observations du savoir concret. Le maître du jardin se plaît du reste à traduire pour l’édification de ses amis le langage des plantes et des animaux: ainsi la marjolaine, dont le parfum, si l’on en croit les Anciens, est insupportable au porc, est une invite à la chasteté. De même, le double effet des poisons sur le scorpion qui succombe à la vue de l’aconit, mais qui trouve dans l’ellébore un antidote susceptible de le ramener à la vie, s’avère porteur d’un sens précieux: s’il ne donne pas lieu à un commentaire explicite, c’est qu’un tel prodige traduit avec éloquence les ressources insoupçonnées de la Providence. Sur le basilic au regard mortifère, sur le poulpe victime du coquillage dont il voulait faire sa proie, sur le chameau qui esquisse un pas de danse ou le singe jouant de la flûte, se greffent spontanément les reliques de la sagesse commune dont Érasme tient par ailleurs le registre dans ses Adages. Enfin, le petit drame figé dans l’image peinte du lièvre dévoré par un aigle sous l’oeil impuissant d’un scarabée et d’un roitelet, reproches vivants, et cependant impuissants face à la voracité du prédateur, en dit long sur les injustices cruelles du monde. On conçoit que, pour l’expérience avisée du sage, le domaine solitaire est en réalité un lieu «bruissant de paroles» «Domus loquacissima». Cependant la valeur symbolique des objets n’aboutit jamais à la négation de leur utilité fonctionnelle. La source qui traverse le jardin renvoie, comme nous l’avons vu, au Psalmiste et à Isaïe, mais elle sert tout aussi bien à évacuer les égouts. Et quand ses amis se récrient devant ce qu’ils considèrent comme un scandale, Eusebius n’a pas trop de peine à leur rappeler que la Providence a également destiné l’eau aux ablutions. En vérité, le jardin pédagogique d’Érasme ne fonctionne nullement comme une encyclopédie scientifique et morale dont il suffirait d’assimiler les rubriques. Il est le témoignage d’une expérience pénétrante et parfois paradoxale de la vie. C’est pourquoi, indépendamment de la chapelle et de la statue qui ornent son entrée, il présente une dimension profondément religieuse, dans la mesure où les agréments qu’il réunit parlent tous en faveur de l’homme."

 

 

SOURCES ET LIENS 

Simone de Reyff   2009  De la retraite à la présence au monde : jardins de la Renaissance  Seizième Siècle     Volume   5   pp. 169-192

 

 

Le Hibou au caducée chez Joris Hoefnagel.

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Le Hibou au caducée chez Joris Hoefnagel : Hermathena, ou l'Art et le Savoir dans leur lutte contre l'Ignorance.

.Sur Hoefnagel, voir aussi :

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Le peintre miniaturiste flamand Joris Hoefnagel (Anvers,1542-Vienne, 1601) fut un grand amateur et créateur d'Emblemata, ces livres associant, sous l'inspiration des Hieroglyphica d'Horapollon traduits en 1505, un Titre (sentence, vers de la littérature antique ou de la Bible), une image à rôle mnémotechnique, et un bref épigramme versifié qui décrit l'image et en donne l'interprétation morale. S'il est connu aujourd'hui comme peintre, il brilla aussi par ses poèmes latins. Enfin, fils d'un riche marchand Néerlandais, exilé par les troubles politiques et religieux, il élabora une sagesse imprégnée du néo-stoïcisme propre au réseau de ses compatriotes rassemblés en Angleterre ou en Allemagne.

En 1593, il peignit une "Allégorie de l'amitié avec Abraham Ortelius" dans laquelle on voit, au centre, sur un globe terrestre, un hibou tenant un caducée. Dans un cartouche se lit le mot Hermathena. Avant d'étudier cette peinture, et afin de déchiffrer le sens de cette Allégorie, j'ai voulu rechercher dans l'œuvre du peintre l'occurrence de ce Hibou, de ce caducée, et de cette mention d'Hermathena. J'ai utilisé bien-sûr le livre de Théa Vignau-Willberg qui expose son travail de thèse, Die emblematische Elemente im Werke Joris Hoefnagels (Leiden, 1969). Cette étude concerne surtout le Missale romanum orné pour l'archiduc Ferdinand du Tyrol entre 1581 et 1590, et conservé à la Bibliothèque Nationale de Vienne ; et le Schriftmusterbuch ou livre de modèles de G. Bocksay, décoré entre 1591 et 1594, et conservé au Musée de l'Histoire de l'Art de Vienne. Ces œuvres sont peintes sur vélin. Dix miniatures en aquarelle sur papier composant une série de dix grotesques datant de 1594-1595 sont aussi conservées à Vienne, à l'Albertina. Ces œuvres n'étant pas accessibles en ligne, la plupart des illustrations seront tirés de cette publication de Théa Willberg-Vignau et seront en noir et blanc.

J'ai ainsi réalisé que Joris Hoefnagel avait adopté ces éléments dans des compositions qui sont de sortes d'autoportraits, et qu'en étudiant ce hibou au caducée, j'accédais à quelques confidences sur son état d'esprit.

Mon petit plan sera celui-ci :

I. Le caducée dans les Emblèmes d'Alciat : cela me permettra de savoir quelles valeurs étaient représentées par cet emblème au XVIe siècle.

II. Le hibou attaqué de Dürer. Car Hoefnagel s'en inspira.

III. L'Hermathena : sens de ce terme et valeur au XVIe siècle.

IV. Cinq peintures de Hoefnagel au Hibou et/ou au caducée:

  • Missale romanum folio 332, Deuxième Dimanche après Pâques, 39 x 28,5 cm. 1582-1590.
  • Missale romanum folio 637, Messe des Défunts, 1590
  • Schriftmusterbuch folio 20, 18 x 13,2 cm, "Hibou attaqué", 1594-1598
  • Grotesque inventaire n°1519, 17 x 13,2cm, sans date
  • Allégorie pour l'amitié d' Abraham Ortélius, 11,7 x 16,5 cm, 1593

V. Discussion.

VI. Annexe : description du Missale Romanum par Bradley en 1891.

Bibliographie

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I. LE CADUCÉE COMME EMBLÈME A LA RENAISSANCE.

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Le caducée, bâton où s'enroulent deux serpents, symbolise l'équilibre obtenu entre deux forces opposées. Le bâton d'Esculape maîtrise ainsi les deux puissances médicales, celle de donner la vie ou de causer la mort. Le nom, tiré du latin caduceus, « verge, attribut des envoyés, des hérauts » (Cicéron, De Oratore, apparait  au XVIe siècle.

 Comme emblème d'Hermès, il  devint au Moyen-Âge la marque des hérauts.  Hermés (Mercure) est le dieu du commerce, des voyages et  des messagers mais à la Renaissance, on reconnut surtout son lien avec le Logos et il devint le dieu de l'éloquence, comme en témoigne cette figuration de François Ier en déité multiple et la formule "A bien parler Mercure copieux "qui la commente :

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Bnf. Attribué au Maître des Heures d'Henri II vers 1545

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On sait que André Alciat est l'auteur du premier livre d'emblème, paru en 1531, Emblemata publié par Heinrich Steyner à Augsbourg. Parmi le nombre considérable des livres d'emblèmes du XVIe siècle, c'est à travers cet auteur que je vais découvrir le sens donné à cette époque à ce caducée : 

a) La première édition en français de 1536, le Livret des emblèmes donne le Titre  Virtuti fortuna comes Fortune est compaigne a vertus.  Ce Titre s'accompagne de l'épigramme :

"Le baston du dieu de eloquence
Avec ses serpentz & plumettes,
Entre les cornes de abundance
Monstre quelz (vous gens de plume) estes
Cest que voz dictiers & rimettes,
Dignes sont que bien on vous livre,
Ainsi que ouvriers par leurs limettes,
Font le gaing dont ilz peuvent vivre." (1536)

L'image représente un bâton planté en terre, coiffé du pétase ailé, et dôté de deux ailes à sa base. Deux serpents aux gueules de dragon se croisent. De chaque coté sont figurées deux cornes d'abondance, les "cornes d'Amalthée", du nom de la chèvre qui allaita Jupiter . Ces Cornucopia (voir Erasme, Adagia 502, copiae cornu) témoignent du succès financier assuré aux émules du dieu, les hommes de grande intelligence, et doués d'éloquence. Au sens où l'entendront les lettrés, ces protégés d'Hermes seront tous les artistes.

 

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b) l'édition de 1549 introduit le terme de "Fortune" : A VERTU, FORTUNE COMPAIGNE 

L'épigramme est celui-ci :

"Mercure est Dieu des ars, & d’eloquence.Le

serpent est Sapience, le Caducée est eloquente

parolle. La corne est abondance. qui ne de-

fault en nul lieu, au sage bien parlant." (1549)

La formulation est ici plus claire : les bienfaits assurés par Mercure sont destinés aux Arts et à l'éloquence. Il ne faut pas entendre par "éloquence" des effets de manche et des talents d'esbroufe oratoire, mais la capacité de médiatiser le savoir, avec toutes les techniques du "faire savoir" et leurs liens avec l'éducation, et les vertus de conviction et de "commerce" ou de publicité. L'usage de l'imprimerie en fait partie, comme la pratique de l'illustration didactique, et, last but not least, celle des arts de la mémoire. L'auteur d'emblème réunit ces qualités, en joignant une formule lapidaire apte à s'inscrire dans la mémoire et à devenir proverbiale à une image — les techniques mnemotechniques sont fondées sur la mémoire visuelle— et une visée morale diffusant la sagesse antique et les vertus évangéliques.

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c) En 1551, dans l'édition lyonnaise de Bonhomme, on voit dans l'Emblème 118 Mercure et Fortune avec la devise Ars Naturam adivuans, "l'Art aide la Nature". L'épigramme est :

Ut sphæræ, Fortuna, cubo sic insidet Hermes :
Artibus hic, variis casibus illa præest.
Adversus vim Fortunæ est ars facta : sed artis
Cum fortuna mala est, sæpe requirit opem.
Disce bonas artes igitur studiosa iuuentus,
Quæ certæ secum commoda sortis habent 

Dans cette allégorie de l'art, de la vertu et de la sagesse capable de contrecarrer les assauts de la Fortune capricieuse, ces vers comparent Fortune, posée sur une sphère instable et pris par les vents du moment, et Hermès, bien stable sur son socle carré. C'est sur lui que les jeunes artistes devront compter.

 

 

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d) André Alciat ,édition de 1584: Virtutí fortuna comesFortune accompagne vertu .

Fortune accompagne vertu.

LE Caducee entre deux ailes droit,
Et deux serpens entortillez se voit,
Avec aussi le cornet d’abondance:
Monstrant icy que tous hommes bien nez,
Sçavans, diserts, sont tousjours fortunez,
Et faute n’ont de biens, ny de chevance.

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e) Alciato, Andrea, 1615: Fortune est compagne à vertus. 

"C’est que vos proses & rimettes, 

Dignes sont que bien on vous livre, 
Ainsi qu’ouvriers, par leurs limettes, 
Font le gain dont ils peuvent vivre."

Commentaires:

"Mercure, fils de Jupiter & de Maia, Dieu des harangues & d’eloquence, est tenu pour le messager & trucheman des Dieux. Cestuy-cy receut d’Apollon en don une verge ou gaule, de laquelle il se servoit  pour appaiser les noises & differents. Allant en Arcadie, & tenant en main ceste verge, il vid deux dragons que se combattoyent: il jecta sa verge entre eux deux, & les separa avec icelle: si qu’ils quitterent incontinent leur combat, & furent amis. Aussi les Egyptiens figurerent ceste verge environnée de deux 

dragons, masle & femelle, & l’appellerent Caducee,  y adjoustans les aisles & chapeau dudit Mercure. 
est dressé ce caducee entre les cornes d’Amaltee, la fable de laquelle Amaltee est ainsi recitee par les poëtes: Quand Rhea eut enfanté Jupiter, à fin que son pere Saturne, ne s’en apperceust, elle cacha le petit enfant en l’Isle de Crete, où il fut nourri par deux Nymphes du laict d’une chevre qui s’appelloit Amaltee.  Jupiter estant venu en aage, pour reconnoistre le bienfaict receu, mit la chevre entre les estoiles, laquelle s’appelle encor, La chevre celeste: une des cornes de laquelle il bailla aux nymphes ses nourricieres, l’ayant douëe de telle faculté, que tout ce qu’elles desireroyent, & qui leur viendroit en fantasie, viendroit incontinent à sortir abondamment d’icelle corne. Ceste peincture donc nous enseigne, que les hommes diserts & ingenieux, (qui sont designés par le sceptre ou caducee de Mercure) jouïssent de ceste corne d’abondance: c’est à dire, qu’ils ne peuvent faillir d’avoir tousjours bonne & prospere fortune, & abondance de toutes choses."

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II. LE HIBOU PERSÉCUTÉ DE DÜRER.

Un dessin d' Albert Dürer daté vers 1515 et intitulé  Eule, von Vögeln angegriffen   conservé au Kunstsammlungen der Veste Coburg montre un hibou posé sur un rameau et attaqué par quatre oiseaux. L'inscription en lettres gothiques  Der Eülen seyndt alle Vögel neydig und gram  peut se traduire par "Le Hibou . tous les oiseaux envieux et tourmentés."

Cette gravure est suivi d'un poème :

"O neyd und hass in aller welt

O falsche trew –böses gelt

Zanck und haber dir nymmer faelt

Ob dich schon niemant scend noch schelt

/.../

Bedruckt durch Hans Blaser Briesmaler Nürnberg auff der Schmelczhüten."

Je n'ai pas trouvé d'analyse de ce dessin, où le Hibou pourrait être un symbole christique, ou bien la représentation du Sage confronté à l'intolérance agressive des méchants. Mais voyons la suite ; nous verrons que Hoefnagel va reprendre ce motif.  

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Le site RKDLabor  propose une étude exhaustive de la place du Hibou dans l'art, et fait une place au Hibou comme Image du Christ (chap. X) et comme oiseau injustement persécuté (Chap. XI) : il cite ainsi cet emblème de Gabriel Rollenhagen  Nucleus Emblematum selectissimorum  Cologne, 1611 Livre I, 51  avec la devise Nequeo Compescere Multos et l'épigramme Perfero; quid faciam? Nequeo compescere multos; / Si vis cedendo vincere, disce pati. "Je ne peux triompher d'ennemis supérieurs en nombre ; J'endure cela, que faire de plus ? Si vous voulez gagner en cédant, apprenez à subir. 

Selon une tradition ou une croyance ancienne, le hibou est représenté aveugle.

 

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Il existe un indice fort pour considérer que dans la gravure de Dürer le hibou confronté aux attaques des oiseaux  est une figure du Christ confronté à l'hostilité des Pharisiens, et qu'il illustre la vertu de la Patience. Cet indice se trouve dans le tableau de 1493/94 intitulé le Christ de douleur, conservé au  Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe. 

Toute l'attitude du Christ, qui fixe le spectateur, témoigne de sa souffrance et de son épuisement, mais aussi de la profonde sagesse de son acceptation dépourvue de haine à l'égard de ses bourreaux.

 

 

 

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Or, au dessus du Christ qui se tient dans une sorte de grotte, Dürer a gravé la partie dorée pour y représenter des chardons, emblème de sa Passion, mais aussi un hibou ailes déployées.

Voir : Johann Eckart von Borries, 1972  Albrecht Dürer : Christus als Schmerzensmann Karlsruhe, 1972, 40 p. : ill.  ; 21 cm. Bildhefte der Staatlichen Kunsthalle Karlsruhe Nr. 9.

Néanmoins, dans le Hibou persécuté de Dürer, il n'existe pas de référence directe au Christ, et l'animal est une figure emblématique de la Patience face à l'adversité. Bien que Justius Lipse ne publia son ouvrage De Constancia qu'en 1584, créant ainsi la synthèse philosophique et chrétienne du Néo-stoïcisme, on peut y placer cet Hibou dans le mouvement précurseur de cette pensée, nourrie des textes de Cicéron et de Sénèque : "Les sources stoïciennes de Lipse, sur le thème de la constance, sont les Tusculanes de Cicéron (particulièrement le livre IV), le De Constantia sapientis et le De tranquillitate animi de Sénèque. Cicéron opère le premier transfert des concepts grecs stoïciens dans le vocabulaire latin. Il traduit la karteria (la patience, la maîtrise de soi) par le verbe stare (se tenir debout, être ferme) et par conséquent, l’eupathéïaï (les bonnes affections) par la constantia (la fermeté des principes). Sénèque voit dans la constance la vertu qui exprime l’impassibilité du sage. Il s’agit d’une vertu qui s’exerce dans l’épreuve, celle de la fortune et des maux privés. Lipse, quant à lui, envisage la constance comme une consolation du particulier face aux maux publics. Les maux étant une épreuve nécessaire pour l’homme, il faut accepter les événements qui nous dépassent. A sa suite, Du Vair opère le glissement de la constance à la consolation dans le titre même de son ouvrage et considère la constance comme le fait de rester courageux et de prendre conscience de la consolation divine. L’homme vit alors avec l’espoir et la perspective du salut. D’autre part, les consolations cicéroniennes et sénéquiennes des Epistulae familiares ou des traités adressés à Marcia, Helvia et Polybe concernent une personne particulière à qui les auteurs demandent d’être stoïque et de supporter l’absence ou la mort d’un proche." (M. Bolloré)

Les textes que nous allons découvrir dans les inscriptions tracées par Hoefnagel 

 

 

Emblèmes d’Alciat, Lyon, Mathieu Bonhomme, 1551.

Dans l’édition de 1555 des Emblèmes d’Alciat, Emblème 118 Mercure apparaît en allégorie de l'art, de la vertu et de la sagesse capable de contrecarrer les assauts de la Fortune capricieuse14. Une gravure de Jacob Matham, d’après Goltzius (1597) le représente dans sa dimension planétaire, associé aux signes zodiacaux des gémeaux et de la vierge et au caractère féminin froid et humide, ainsi qu’en protecteur des arts et des lettres.

Ut sphæræ, Fortuna, cubo sic insidet Hermes :
Artibus hic, variis casibus illa præest.
Adversus vim Fortunæ est ars facta : sed artis
Cum fortuna mala est, sæpe requirit opem.
Disce bonas artes igitur studiosa iuuentus,
Quæ certæ secum commoda sortis habent.

Alciato, Andrea: Emblemata / Les emblemes (1584)  

Dürer,  Christus als Schmerzensmann (détail) Staatliche Kunsthalle Karlsruhe 1493/94.

Dürer, Christus als Schmerzensmann (détail) Staatliche Kunsthalle Karlsruhe 1493/94.

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III. L'HERMATHENA.

 

Le Caducée, et, à travers lui, Hermés, pouvait être l'emblème des artistes et des maîtres de l'éloquence. Mais une figure plus complexe est apparue parmi les lettrés du XVIe siècle, unissant Hermés à Athéna.

a) Les Hermathena antiques (d'après Wikipédia)

Les Hermathenae (Hermathene (en ancien grec: Ἑρμαθήνηde l'Antiquité étaient tantôt des piliers carrés (appelés hermès*) avec un buste d'Athéna, tantôt des piliers surmontés du buste d'Hermès et d'Athéna dos à dos.

*Un hermès (en grec ancien ἑρμῆς, au pluriel ἑρμαῖ) est un buste surmontant un bloc quadrangulaire, parfois sculpté de manière grossière, représentant souvent le dieu Hermès, et généralement orné d'un phallus. Ils avaient en Grèce antique la fonction de sanctifier et de marquer les limites : seuils, carrefours, etc.  Ils sont l'équivalent des Termes de la Rome antique.

Il était naturel de voir ces deux divinités unifiées ou fusionnées comme une seule divinité associant l'éloquence et le commerce (Hermès) avec la sagesse, l'artisanat et les sciences ( Athéna). Ainsi le revers de la médaille de l' empereur romain Hadrien , qui se piquait de sagesse et d'éloquence, représente Hermathena. Chaque dieu incarne le type d'intelligence pratique ou métis qui se manifeste dans la ruse habile et la stratégie gagnante. Pour Hermes cette qualité  penche vers le royaume nocturne de la furtivité et du vol, de la tromperie et dela ruse, tandis que pour Athena, elle  penche vers le royaume diurne d'un bon jugement, de la pensée rapide, et l'orientation du succès sur le champ de bataille.  Hermès et Athéna ont également été décrits comme des demi-frères et sœurs parce que Zeus était le père de deux dieux.

 Double buste d'Hermès et d'Athéna, provenant de Pompéi, IIe siècle ap. J.C, Musée du Capitole, inv. S.328  

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 b) Hermathena et Cicéron.

Les seules sources littéraires concernant Hermathéna se trouvent dans les lettres de Cicéron à Atticus où il remercie son ami de lui avoir envoyé une statue de l'Hermathéna pour son académie de Tusculum (Lettres à Atticus 1, 1, 5; 1, 4, 3)Cicéron possédait en Italie de nombreuses villas. Pour les décorer, il chargeait son ami Atticus, qui faisait de longs séjours en Grèce, de lui ramener des objets d'art. Atticus avait obtenu à Athènes un hermès rare d'Athéna en 67-65 av. J.C.  Cette lettre date du début de l'année 66 : Quod ad me de Hermathena scribis, per mihi gratum est. Est ornamentum Academiae proprium meae, quod et Hermes commune omnium et Minerva singulare est insigne eius gymnasii.  "Je suis ravi de ce que tu me dis de ma statue de l' Hermathena. Il n'y a d'ornement plus approprié pour mon académie car Mercure est l'ornement obligé de tous les gymnases, et Minerve doit figurer particulièrement dans le mien."  Un peu plus d'un an plus tard (le 17 juillet 65), Cicéron a écrit  Hermathena tua valde me delectat et posita ita belle est, ut totum gymnasium eius anathema esse videatur. Multum te amamus.  "Je suis très heureux de votre Hermathena, qui a trouvé son emplacement idéal dans l'endroit choisi, si bien que le gymnase entier semble un nouveau temenos (sanctuaire) à ses pieds. Merci beaucoup pour elle." Tous les jardins, et en particulier ceux des gymnasium étaient dédiés à des divinités. Les gymnasia étaient des porches de déambulation utilisés pour des discussions philosophiques :   Cicéron en avait aménagé deux dans sa villa de Tusculane, l'un au rez-de-chaussée nommé son Academia, et l'autre au premier étage nommé le Lyceum, pour honorer les deux principales écoles de philosophie, celle de Platon et celle d'Aristote. (Lazeretti, Cicero's collecting pratices). Dans une lettre préalable à Atticus, il nomme ces statues des Gymnasiodes.

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c) Hermathena à la Renaissance : les Académies.

 Pendant la Renaissance , un certain nombre d'artistes, par exemple Rubens et Vincenzo Cartari , peignirent Hermathena dans l'art soit comme deux dieux agissant conjointement, soit comme une seule divinité avec les attributs de l'autre, par exemple Athena tenant le caducée, symbole de Hermes. Sur le plafond du palais Farnèse à Rome  une fresque de la fin du 16ème siècle (>1566) de Hermathena, appelée le Gabinetto dell'Ermatena, a été peinte par Federico Zuccari sur le conseil vraisemblable d'Hannibale Caro ; La fresque représente une fusion androgyne des divinités. Les pieds (de qui ?) sont posés sur une tortue.

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Copyright : http://labottegadeisogni-elisabettarossi.blogspot.fr/2012/01/la-prossima-sala-meglio-saletta.html

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Le motif emblématique de l'Hermathena doit son succès dans le milieu lettré et artistique du XVe siècle à l'un des Symboles paru dans le livre d'emblème d'Achille Bocchi. Celui-ci étant lié à Alexandre Farnèse, le rapport s'établit avec Ortélius et Hoefnagel qui fréquentèrent le cardinal Farnèse en 1578.

 

 

 

d) L'Académie d'Achille Bocchi à Bologne : Accademia Bocchiana ou "Ermatena".

Achille Bocchi ( Achille Bocchius ) (1488- 1562), était un écrivain humaniste, administrateur et professeur de droit à l' Université de Bologne. Il est surtout connu pour son livre d'emblèmes Symbolicarum quaestionum de universo genere , Bologne,1555, avec des illustrations de Giulio Bonasoni.

 Bocchi était le chef de l' Accademia Bocchiana, sous la protection du cardinal Alexandre Farnese , neveu du pape Paul III. Constituée probablement dès 1526, elle n'acquit ses statuts officiels qu'en 1546, date à laquelle Giacomo Barozzi da Vignola, récemment revenu de Fontainebleau , a conçu à Bologne vers 1545 le Palazzo Bocchi, siège de l'Académie de Bocchi. Il plaça son Académie sous le signe de l'Hermathena avec la devise Sic monstra domantur et l'illustra par un "hermès" ou buste de Mercure et un autre de Minerve réunis (mariés) par un Cupidon qui, par le pouvoir réuni des dieux, maîtrise un lion dont la gueule est dotée d'un mors en forme de bague et de rênes. Une illustration de son Symbolaricum quaestionum (page 230 de l'édition de 1555, Livre IV emblème 102 ) présente l'Hermathena Bocchia comme si le groupe avait été sculpté à l'un des angles du Palais, mais celui-ci ne comporte en réalité que des têtes de lion tenant un anneau (ou un mors).

Sur la gravure, la devise Sic Monstra Domantur (C'est ainsi que l'on domine les monstres" ) est accompagnée des mentions  Sapientiam modesta, progressio eloquentiam, felicitatem haec perficit, et en dessous du lion, de Me duce perficies Tu modo progredere :

"La Sagesse est menée à son terme par la modération, l'Eloquence, par le progrès, la Félicité par l'ensemble" et "Sous ma conduite tu atteindras la perfection. Toi, contente-toi d'avancer" (la traduction de ces dytiques élégiaques vient d' Anne Rolet, p. 302).

 http://en.wikipedia.org/wiki/Achille_Bocchi

L'emblème Hermathena du Symbolicarum quaestionum d'Achille Bocchi (1574).

 

e) Postérité de l'Hermathena.

 

- Vers 1585, Bartholomée Sprangler a peint sur le plafond de la Tour Blanche du château des Hradčany à Prague un audacieux "Hermès et Athéna"

 

 

- En 1602, Erycius Putaneus (Hendrick van den Putte ou Eric Dupuy) choisit l'Hermathena comme emblème pour son académie, et l'avait fait graver sur une médaille offerte à l'archiduc Albert ( A. Rolet). Le Frontispice de son Palaestra bonae mentis  (Louvain, 1611) montre Hermès et Athéna utilisant l'un son caducée et l'autre sa lance pour combattre des personnages allégoriques de l'ignorance.

 

- A la mort de Philippe II d'Espagne, sa fille Isabelle et son gendre l'archiduc Albert héritèrent du gouvernement des Pays-Bas espagnols et se préoccupèrent d'y rétablir l'économie dans des régions dévastées par la guerre, notamment par une politique monétaire à l'atelier d'Anvers. Lors de leur entrée solennelle à Anvers en 1599, un arc fut dressé, surmonté de l'Hermathena comme symbole du commerce anversois. L'artiste, Pierre Van der Borcht  a pris modèle sur l'Hermathena Bocchia. 

 

Voir l'illustration du Schema fornicis Hermathenae tirée de Joannes Bochius, Historica narratio profectionis et inaugurationis Serenissimorum Belgii Principum Alberti et Isabellae, Austriae archiducum, Antwerp, 1602, p. 248:

http://warburg.sas.ac.uk/vpc/VPC_search/pdf_frame.php?image=00035357

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IV. CINQ OEUVRES DE HOEFNAGEL AU HIBOU ET AU CADUCÉE.

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1. Missale romanum folio 332 Dominica secunda  post Pascha. 1582-1590. Passion du Christ.

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— Description :

Dans la partie supérieure se voit au centre un temple dans lequel s'inscrit la Croix et le Christ crucifié. Au pied de la croix des agneaux paissent, et/puis s'écartent vers les deux collines figurées aux deux extrémités du dessin. Celle de gauche (le Sinaï) porte les Tables de la Loi, celle de droite (Jérusalem) un livre (Nouveau Testament). De ces monts partent deux clous ailés (emblème d'Hoefnagel, cf. infra) et deux lampes portant des oriflammes avec des inscriptions non déchiffrées. De crevasses de ces collines sortent deux Cornes d'abondance où est inscrit SINAÏ à gauche et SION à droite. Elles sont alimentées par le sang du Christ et sont reliées par une ligne courbe se transformant en deux mains réunies sur la ligne médiane, ces deux mains étant entourées par un anneau large portant le mot FIDI--

De ces cornes tombent, le long des bordures de la page, une pluie de rameaux fleuris. En bas, cette pluie tombe sur deux collines escarpées où paissent des moutons semblables à ceux du dessin supérieur. Ces montagnes délimitent une plaine centrale vers laquelle descendent divers animaux : on distingue un sanglier cerné par des chiens ; un bouquetin ; peut-être un singe et un ours. Des arbres morts, où des oiseaux sont perchés, et de hautes perches sont visibles dans cette plaine, mais, au premier plan, et sur la ligne médiane, l'une de ces perches a la forme d'un mât (d'un clou ?) terminé par un pommeau. Un hibou y est posé. De chaque coté, deux serpents aux queues entrelacées et aux gueules affrontées transforme ce clou en motif "caducéen".

— Inscription :

Vocabo non plebem meam, plebem meam, et non dilectam, dilectam.

Source : Osée 2,24 cité par Paul, Epître aux Romains : J'appellerai mon peuple, ceux qui n'était point mon peuple [Les Païens] ; ma bien-aimée, celle que je n'avais point aimée ; [et l'objet de ma miséricorde, celle à qui je n'avais point fait miséricorde ]»

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Missale Romanum, folio 332,  Vienne, Österreichische Nationalbibliothek,  image  in Vignau-Wilberg (1969).

Missale Romanum, folio 332, Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, image in Vignau-Wilberg (1969).

Missale Romanum, folio 332 (détail) Vienne, Österreichische Nationalbibliothek,  image  in Vignau-Wilberg (1969).

Missale Romanum, folio 332 (détail) Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, image in Vignau-Wilberg (1969).

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2. Missale Romanum folio 637 In Missis quotidianis defunctorum. (1582-1590)

C'est l'une des illustrations les plus étonnantes, les plus amusantes et les plus signifiantes de toutes celles que Hoefnagel composa. Alors qu'il était au service du duc de Bavière à Munich, l'archiduc Ferdinand du Tyrol, second fils de l'Empereur Ferdinand ler lui avait demandé d'enrichir  de ses enluminures un Missel Romain. Ce missel est, selon E. Schmelarz une copie à la main du  Missel conforme aux décrets du Concile de Trente que Christophe Plantin, d' Anvers imprima en 1570 (Il en avait le privilège royal de Philippe II) : Hoefnagel fut chargé de compléter par ses ornements le texte liturgique. Le codex contient 650 feuillets de vélin avec environ 500 miniatures exécutées entre 1582 et 1590. Il a été conservé au château d'Ambras (Innsbruck) où il collectionnait les armures et possédait un cabinet de curiosités, puis le château, d'abord vendu à  l'empereur Rodolphe II, fut laissé à l'abandon, et les œuvres et curiosités principales furent transférées par l'empereur Léopold Ier au Kunsthistorisches Museum  et à l' Österreichische Nationalbibliothek de Vienne. L'archiduc versa un salaire de 200 florins — 800 selon Bradley—  pendant toute la durée des huit années de travail, avec un premier versement le 25 mars 1582.  Quand le travail fut presque achevé, outre le salaire annuel de huit cents florins, l'archiduc lui donna deux mille écus d'or, et lui  remis une chaîne d'or qui  valait une centaine d'autres écus.

Il est désigné comme  le manuscrit n° 1784 Missale Romanum, ex decreto sacrosancti concilii Tridentini restitutum, Pii V. pontificis maximiiussu editum cum privilegüs Oenoponti. Il mesure 390 mm de haut et  285 mm de large, et comporte quatre parties. Voir en exemple un Missel  édité à Lyon en 1578.

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Description.

Arrivé presque à la fin de son travail, en fin 1590, Hoefnagel s'approprie en guise de signature la page dédiée à la messe des défunts (celle du Requiem et du Dies Irae) pour y mettre en scène son propre enterrement, et donner cours à ses méditations sur la mort en s'inspirant de poètes latins. 

La page "Aux Messes quotidiennes des défunts" peut être décrite selon deux registres.

Dans le registre supérieur, les prières  liturgiques organisées en deux colonnes sont encadrées et envahies par un décor aux courbes dont la fantaisie bouleverse et contredit  la stricte typographie et la sévérité funèbre de l'office. Le texte lui-même est celui de l'Antienne et de la Collecte de la Messe des défunts  : et lux perpétua lúceat eis.  Cum sanctis. Post communio. Praesta, quaesumus. Domine : ut animae famulorum famularumque tuarum, quorum anniversarium depositionis diem commemoramus : his purgatae sacrificiis, indulgentiam pariter & requiem capiant sempiternam. Per Dominum nostrum.

"Et que la lumière sans fin brille sur eux. Collecte : Nous te demandons, Seigneur, , accordes aux âmes de tes serviteurs et de tes servantes dont nous commémorons le jour anniversaire ... Par notre Seigneur".

Hoefnagel surmonte ce texte d'un cartouche, qui sert lui-même de support à deux lampes à huile d'où s'élèvent des fumées. A un anneau est attaché par un ruban cinq petites têtes de mort enfilées sur un lien terminé par un sablier dont l'ampoule haute est encore pleine. L'effet obtenu, loin d'être morbide, est comique. Sur le coté du cartouche, des anses latérales croisent cavalièrement un premier arc avant de descendre, s'évasant en une corne qui va bientôt servir d'attache d'une part à une banderole centrale, d'autre part à deux nouveaux cartouches noirs. Un sablier est suspendu à chacun d'eux, le niveau du sable déclinant progressivement.

Le tracé rapide et ample multiplie les courbes et contre-courbes quasi végétales, les volutes en coquille ponctuées de perles, dans un style qui est manifestement inspiré de l'art grotesque, expurgé de ses mascarons et de ses animaux fantastiques. La liberté fantasque et dansante voire capricante des envolées du trait est si franche qu'elle en est presque indécente et, du moins, irrévérencieuse à l'égard des prières dévotes. Hoefnagel s'amuse incontestablement avec son support, comme s'il venait jouer en plein office des Morts. Loin d'être le décor d'une Danse Macabre, ses guirlandes, ses rubans de fanfreluche et ses glands à pompons sont celui d'une chorégraphie vivace.
Je ne suis pas assez compétent pour préciser ce qui annonce le style au rouleau, le style "cartilage" et "oreille", (Rollwerks et Beschlagwerks, Knorpelwerk et Ohrmuschelstil), les influences d'un Arcimboldo ou d'un Cornelis Floris, mais  j'ai pris plaisir à imaginer que Hoefnagel s'était imprégné, lors de ses voyages en France et en Italie, des créations de Jacques Androuet Du Cerceau  (Livre des grotesques, 1550, rééd. 1562 et 1566) et de celles de Perino del Vaga. J'ai découvert ensuite le texte de Barcley (Annexe) qui insiste sur le rôle de Giulio Clovio, très proche de Perino del Vaga.

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Attribué à Perino del Vaga, Un panneau de décor grotesque , c.1545, plume et encre brune avec aquarelle et gouache, avec rehauts de blanc, 18,9 x 22,9cm. © Les fiduciaires du British Museum, Londres

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Livre de Grotesques  de Jacques Androuet du Cerceau, Paris 1566

 

Voir aussi Hans Mielich  Livre des bijours de la duchesse de Bavière.

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"Autoportrait de l'artiste en clou".

Dans le registre inférieur de la page, Hoefnagel passe de l'allusion comique à la mascarade. Au centre des deux colonnes de texte, entre les mots Requiem et Deus, il plante son clou : un clou de maréchal-ferrant, très long et à la tête large, qui est sa signature puisqu'elle renvoie à son nom Hof-nagel, Sabot-clou. C'est un leitmotiv retrouvé dans nombre de ses miniatures. Mais avec humour, il place les ailes d'Hermès sur la tête de ce clou, qu'il transforme ainsi en caducée, tandis que deux serpents entrecroisent leurs queues pour compléter le déguisement. Et, du sommet de sa tête, deux rameaux d'olivier, aux fruits noirs, achèvent de faire d'en faire un programme : la puissance de l'éloquence artistique au service de la pacification des mœurs.

La pointe est plantée au centre d'un blog rectangulaire qui ne peut être, vu le contexte, qu'une pierre tombale. Des armoiries y figurent, dans un cercle de lauriers. Le champ supérieur contient un aigle éployé, et le champ inférieur un chevron (une équerre ?) et trois fleurons (ou deux bourses?).

L'inscription sera déchiffrée ci-dessous. Mais deux chaque coté de la tombe, deux pelles sont plantées en terre. Celle de gauche sert de perchoir à un Hibou, et celle de droite à un perroquet. Si Hoefnagel fait appel à ces deux oiseaux lors de ses funérailles, c'est qu'il en revendique le parrainage. Le Hibou est, si on l'apparente à la Chouette d'Athéna, l'oiseau de la déesse de la sagesse, des artisans et des artistes. Le Hibou et le Caducée convoquent ici Hermathena. 

A droite, le Perroquet ne relève pas d'un psittacisme stérile, mais élève l'imitation comme une valeur essentielle. Le perroquet est le substitut de l'Artiste car le talent confirmé de ce dernier est d'imiter le réel jusqu'à l'illusion. Mieux qu'un autre, mais après avoir copié Dürer, Hoefnagel a poussé jusqu'à l'obsession l'imitation de la Nature. En outre, à la Renaissance, et notamment pour Érasme, l'imitation de l'exemple donné est une valeur essentielle, à la base du système éducatif. Pour les philosophes antiques, et sous le nom de Mimesis , l'imitation est à la base de l'art. 

Dans le folio 42 du Schriftmusterbuch de Georg Bocksay, Hoefnagel a encadré le modèle calligraphique de deux lances de tournois aux armes des Habsbourg ; de la base de ces deux manifestations guerrières et rectilignes partent des entrelacs et volutes d'où s'élancent de fins rinceaux ovales. Un perroquet s'y balance nonchalamment. De la pointe de la lance de droite flotte un oriflamme où s'inscrivent les deux vers d'une épigramme de Martial (Epigrammes Liber XIV: 73)

 Psittacus a vobis aliorum nomina discam:

Hoc didici per me dicere Caesar have.

"J'apprendrai de vous d'autres mots ; je n'ai appris que de moi-même à dire : César, salut !" .

Je peux y voir une image ironique de l'artiste en courtisan. (Voir aussi  l'article de Lubomír Konečný cité en bibliographie)

 

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Inscriptions de Hoefnagel.

1°) REGISTRE SUPÉRIEUR

— Inscription  en haut au centre : 

"Nos postquam passi sumus mala plurima, tandem

Angustam et miseram, et mortalem linguere – vitam

Cogimur, et putri deponere membra sepulchro 

Mox carne absumpta fieri sine nomine puluis

Certius est quam mors, quam mors incertius est nil."

Il s'agit d'une citation de Zodiaque de la vie ou Zodiacus Vitae du poète italien du XVe siècle Pier Angelo Manzolli dit Palingène, extrait du paragraphe correspondant au signe du Lion.

«Après avoir subi tant de mauvaises choses, nous sommes, enfin, obligés d'abandonner une vie courte et misérable et de confier nos membres à un sépulcre pourri, où nous sommes  changés en une vile poussière sans nom et sans mémoire. Il n'est rien de plus certain que la mort, mais rien n'est plus incertain que la mort." Voir la traduction de M. de la Monnerie, Le Zodiaque de la Vie La Haye 1581 page 157 , et le texte latin page 87. 

Hoefnagel a cité Palingène également dans les Quatre éléments, Ignis dans les paragraphes du Cancer et de la Vierge.

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— Suspendue en banderole sous un sablier et cinq têtes de mort :

VIVE HOMO VIVENS MORIENS VT VIVERE POSSIS.

Commentaire : Vive homo vivens moriens ut vivere possis.

A rapprocher du texte de St Augustin : Nam neque ullus moriens erit, si moriens et vivens simul esse nullus potest. Des formules proches sont mentionnées, comme celle de David Christoph Seybold:  Disce mori vivens, moriens ut vivere possis. (Seybold, 29 u. 129.

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— Inscription du cartouche de gauche (en or ou blanc sur fond noir):

Brachia non retrahunt fortes, neque purpura Reges,

Nam quicumque venit pulvere puluis erit.

Nascimur aequales, morimurque, aequaliter omnes,

Una ex Adam est mors, Christus et una salus.

 La source de cette inscription est un poème de Venance Fortunat, poète du VIe siècle : Livre IX, II. "A Chilpéric et à la reine Frédégonde ", transcription et traduction sur le site de Philippe Remacle.

Brachia non retrahunt fortes neque purpura reges: 
Vir quicumque venit pulvere, pulvis erit. 
Nascimur æquales, morimurque æqualiter omnes: 
Una ex Adam est mors, Christus et una salus. 
Diversa est merces, funus tamen omnibus unum, 
Infantes, juvenes, sic moriere senes. 
Ergo quid hinc facimus nunc te rogo, celsa potestas, 
Cum nihil auxilii possumus esse rei? 
Ploramus, gemimus, sed nec prodesse valemus: 
Luctus adest oculis, est neque fructus opis. 
Viscera torquentur, lacerantur corda tumultu, 
Sunt cari exstincti, flendo cadunt oculi.
 

Traduction : « Ni les bras des vaillants, ni la pourpre des rois ne sauraient les soustraire à cette fatalité. Qui vient de la poussière retournera en poussière. Nous naissons tous et mourons également. Une seule mort est d'Adam, du Christ un seul salut. La récompense diffère, mais la mort est une pour tous. Enfants, jeunes et vieux, tous y passent. Qu'avons-nous donc à faire, je vous le demande, grand roi, puisque nous ne pouvons absolument rien contre la loi commune? Nous pleurons, nous gémissons, et puis c'est tout. Nos larmes ne nous sont d'aucun fruit; nous n'avons à en attendre aucun secours.  Nos cœurs sont troublés, tourmentés, déchirés; nous perdons les êtres qui nous sont chers ; il ne nous reste qu'à les pleurer. »

Venance Fortunat, poète mérovingien qui ne fut évêque de Poitiers qu'à la fin de sa vie, fit les éloges de la reine Brunehaut et célébra son mariage avec Childebert Ier, roi de Metz, avant de louer les vertus de sa rivale, Frédégonde, concubine puis épouse de Chilpéric Ier. Ce dernier est mort assassiné en septembre 584, et Frédégonde est décédée en 597.  Le poème de Fortunat qui leur est dédié, composé de leur vivant, les exhorte à penser que l'homme n'est que poussière et fumée et leur adresse de pieuses recommandations. 

Hoefnagel a trouvé cette citation dans le florilège de poètes chrétiens publié par Fabricius chez Oporin en 1567, Venantius Fortunatus, De Vita Hominum,  De Communi omnium mortalite, ex Libro IX, col. 703-704, ce qui confirme la thèse de Joachim Jacoby 2010 exposée infra. Dans la version de Fabricius se trouve la leçon Nam quicumque différente de Vir quicumque du site de P. Remacle.

— Inscription du cartouche de droite (en or ou blanc sur fond noir) :

Je la déchiffre maladroitement ainsi :

Debemur terrae, sed corpora  Nostera ---

Nequaquam aeterna morte prememtur buno,

Vive memor mortis, sed cum spe divite vitae

Perpetis, illa pios post sua fata mane(n)t

La source de cette inscription est le volume intitulé Poematum sacrorum libri XV de Georg Fabricius, , Ioannes Oporinum, Basilae 1560. On y trouve deux livres des Militiae sacrae, et, dans le Livre I, qui se consacre à Adam, à Noé et à Abraham, un poème intitulé Sarae obitus. Ager emptus ab Hethitis in sepulchram page 395 Celui-ci renferme les vers suivants :

Debemur terrae ; sed corpora conditia terra,

Nequaquam aeterna nocte prementur humo

...dans lequels je reconnais le texte d'Hoefnagel. Mais les vers suivants du poème de Fabricius (Nam cadit in viridis flos sicut ianthinus aruo) ne correspondent plus, et je ne trouve pas la source de la suite de la citation d'Hoefnagel. (Vive memor mortis, ut sis memor et salutis se trouve dans Ausonius Ethica Chilonis Lacedaemonii. : "Vivez dans la pensée de la mort, si vous voulez penser à votre salut" ;  sua fata manent se trouve dans Virgile.

Cette citation est une nouvelle confirmation de l'importance de Fabricius comme source des inscriptions d' Hoefnagel.

 

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2°) REGISTRE INFÉRIEUR.

[Le texte lui-même est celui de la Messe des défunts 

Introitus. Requiem aeternam donaeis Domine : & lux perpetua luceat eis. Psalm. Te decet hymnus Deus in Sion, & tibi reddetur votum in Hierusalem : exaudi orationem meam, ad te omnis caro veniet. Requiem. M.N.R. Pro defunctis Episcopis seu Sacerdotibus. Oratio. Deus, qui inter apostolicos sacerdotes famulos tuos pontificali, seu sacerdotali fecisti dignitare vigere ; praesta, quaesumus : ut eorum quoque perpetuo aggregentur consortio. Per . Pro defunctis fratribus propinquis et benefactoribus. Oratio.]

 

— Sur les deux pelles entourant la tombe :

a)  Protinus ut moriar. 

b) Non ero terra, tuus.

Source : Ovide, Les Tristes, Livre IV Élégies 10 .

[4,10,130] protinus ut moriar, non ero, terra, tuus. 
siue fauore tuli, siue hanc ego carmine famam, 
iure tibi grates, candide lector, ago

[4,10,130]  « je dirai que, quand je mourrais à l'instant, je ne serais pas, ô terre, non, je ne serais pas ta proie. Que je doive ma réputation à la faveur ou au talent, reçois ici, lecteur bienveillant, le légitime hommage de ma reconnaissance. »

Il n'est pas inintéressant de comparer la situation de Hoefnagel, exilé par les événements religieux et politiques des pays-bas et d'Anvers, avec celle d'Ovide : les Tristes ont été écrits en 8 après J.-C., pendant son exil à Tomis, sur les bords du Pont-Euxin (aujourd'hui la mer Noire), dans l'actuelle Roumanie, après que le poète y ait été exilé par Auguste. Certes, Hoefnagel appartient au grand groupe des Néerlandais exilés, mais il est difficile de distinguer ce qui relève, dans cette famille de marchands, de la facilité à voyager et à utiliser un réseau de relations pour réussir, et de la réelle situation de son pays. Néanmoins, éloigné de sa ville natale, il devait entendre avec une singulière résonances les vers qui précèdent ceux qui figurent sur l'inscription et qui en expliquent le sens : 

"Si donc je vis encore, si je résiste à mes tortures, si je ne prends point en dégoût cette existence inquiète, c'est grâce à toi, ô ma muse, car c'est toi qui me consoles, qui calmes mon désespoir et qui soulages mes douleurs. Tu es mon guide, ma compagne fidèle ; tu m'arraches aux rives de l'Ister [4,10,120] pour m'élever jusqu'aux sommets heureux de l'Hélicon. C'est toi qui, par un rare privilège, m'as donné, pendant ma vie, cette célébrité que la renommée ne dispense qu'après la mort. L'envie, qui d'ordinaire se déchaîne contre les ouvrages contemporains, n'a encore déchiré de sa dent venimeuse aucun des miens ; car, dans ce siècle si fécond en grands poètes, la malignité publique ne m'a point encore dégradé du rang que je tiens parmi eux ; et quoique j'en reconnaisse plusieurs au-dessus de moi, on me dit pourtant leur égal, et je suis lu dans tout l'univers. Si les pressentiments des poètes ont quelque fondement, [4,10,130]  je dirai que, quand je mourrais à l'instant, je ne serais pas, ô terre, non, je ne serais pas ta proie."

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Inscription sur la "dalle tombale" :

GEORGIVS HOEFNAGLIVS ANTVERPIEN :
LIBRI HVIVS EXORNAT : / HIEROGLYPHICVS / INVENTOR ET FACTOR / GENIO MAGISTRO 

/ PRINCIPIO SINE PRINCIPIO / FAVENTE  OPVS INCEPTVM /  ANN  XXCII.

 FINE SINE FINE / IVVANT : FELIC : ABSOLVIT.

ANN : XC. 

 

Lecture de E. Chmelarz :

Georgius Hoefnaglius Antverpiensis, libri huius exornator hieroglyphicus, inventor et factor genio magistro, principio sine principio favente  opus inceptum anno XXCII  fine sine fine iuvante feliciter absolvit anno XC 

 

Traduction : "Joris Hoefnagel, décorateur de hiéroglyphe de ce livre, inventeur et créateur [genio magistro (1)] travail commencé sans début en [15]82 et terminé sans fin (2) en l'année [15]90" (3).

1) je ne sais comment traduire cela. La formule se retrouve dans l'Allégorie de l'amitié d'Abraham Ortelius et dans le titre de l'Archetypa studiaque : genius désigne en latin le génie propre à chaque homme, dieu particulier qui veillait sur lui (Gaffiot).

2) principio sine principio ...fine sine fine est une formule littéraire qui vaut moins par son sens que par le jeu de sonorités allitératives et d'allusions érudites qu'elle crée. Elle se retrouve ainsi sous la plume d'Orderic Vital  (XIe siècle), ou dans l'incipit de l'Apex Physicae , une encyclopédie latine du XIIe (Bnf lat. 15015) et alors intégrée dans une louange au Créateur : Gratio Deo primo sine principio, ultimo sine fine, qui fuit ante omnia et erit post omnia, eternus. Une version de la même œuvre (Londres, B.M. Harvey 4348 donne Gloria Deo principio sine principio, fine sine fine, qui fuit etc.. La formule finale était déjà utilisée par saint Augustin dans le dernier chapitre du livre XII de la Cité de Dieu, avec le même jeu de langage : "Ibi vacabimus et videbimus ; videbimus et amabimus ; amabimus et laudabimus ; ecce quod erit in fine sine fine"  (Là haut nous nous reposerons et nous verrons ; nous verrons et nous aimerons ; nous aimerons et nous louerons : et ainsi dans une fin sans fin ».

3) Sur le folio f.3 du Missale Romanum Hoefnagel a signé son travail par un monogramme où la lettre G est croisée par deux clous d'or sur les mots 1581 depingebatS. Killermann Die Miniaturen im Gebetbuche Albrechts V. von Bayern page 76 . Il signait et datait ainsi le début de son travail. Ici, avec la date 1590, il en signe la fin.

 

 

 

Inscription sur le bord de la dalle :

EX NOSTRIS ALIQUID SPIRET VOCALE SEPVLCHRIS / PRAESTITA PERPETVO QVOD SENEFACTA CANAT

Pour Bradley page 120 , ces vers seraient composés par Hoefnagel, mais le moteur de recherche semble les localiser dans les Poemata sacra, pars altera de Georg Fabricius publié à Bâle chez Oporin en 1567. Ils pourraient appartenir à cette séquence Te discant per nos etiam novisse nepotes, Et capiant studii praemia vistapii. E nostris aliquid spiret vocale sepulchris, Praestita perpetuo quod benefacta canat. Omnium in hoc uno versatur summa librorum, Caelestem toto corde timere patrem.

 Voir la discussion infra.

 

 

 

Missale Romanum, folio 637  Vienne, Österreichische Nationalbibliothek,  image  in Vignau-Wilberg (1969).

Missale Romanum, folio 637 Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, image in Vignau-Wilberg (1969).

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3. Schriftmusterbuch de G. Bocksay folio 20. (1594-1598) Autoportrait de l'artiste en Hibou christique.

Description.

C'est dans cette miniature, composée par Hoefnagel autour d'un modèle de calligraphie tracé par Georg Bocksay, que nous retrouvons le Hibou confronté à la jalousie vindicative  de quatre autres oiseaux gravé par Dürer en 1506. Mais ici, le Hibou est clairement identifié à l'artiste, car il tient un caducée dont la verge est  un pinceau. C'est ce motif qui sera repris dans l'Allégorie de l'amitié entre Abraham Ortelius et Hoefnagel  avec la légende Ars neminem habet osorem nisi ignorantem, 

 

Ici, le hibou  est entouré directement par ce que j'identifie un peu rapidement comme une faisane et une perdrix, une huppe fasciée et une grue, ces quatre volatiles houspillant directement l'oiseau de nuit de leurs becs. Le hibou est posé sur le manche en T d'un perchoir (une pelle enfoncée dans la terre ?) au centre d'un arbre dont les branches servent d'appui aux autres oiseaux. Une couronne de lauriers est accroché au manche par un ruban, dont les longs brins terminés par des glands atteignent les branches environnantes ; il porte peut-être une inscription. Au pied de l'arbre, deux serpents gueule menaçante participent à la huée haineuse. A la périphérie, quatre autres oiseaux ont des attitudes plus neutres. Le Hibou semble ainsi un exemple de la victime innocente soumise en bouc émissaire au lynchage par un phénomène contagieux de consensus ou d'unanimité sacrificielle , comme dirait René Girard. 

https://archive.org/stream/secondrecensiono01cath#page/n7/mode/2up

https://archive.org/stream/secondrecensiono01cath#page/220/mode/2up

Le registre supérieur semble indépendant de la scène principale ; elle se résumerait à une ornementation dont l'évidemment central souligne une inscription, et dont les volutes latérales supportent deux compas enrubannés. Mais les bras de motif en joug passe en trompe-l'œil par de fausses fentes à travers la page, selon un procédé qu'affectionne Hoefnagel pour présenter, notamment, les tiges de ses spécimens botaniques. En outre, l'examen détaillé montre quatre joyaux, un fabuleux diamant serti en pointe, et trois pendentifs en goutte d'eau. Par les compas, instruments du dessinateur (et cartographe), Hoefnagel continue à signaler sa présence dans cette page.

Inscription.

Invidia virtute parta Gloria non invidia est.

- Traduction : « «La haine née de la vertu est la gloire, pas la haine »

-Source : Cicéron,  Premier Discours contre Catilina, XII.28. Cicéron, alors consul de Rome, a joué un rôle déterminant, lors de la Conjuration de Catilina, dans la condamnation à mort des conjurés. Il a exposé ses conceptions dans ses quatre Catilinaires. Ici, il se justifie de sa décision :   "A ces paroles sacrées de la patrie, et à ceux dont le sentiment les approuve, je réponds en peu de mots : Oui, si j'avais jugé, pères conscrits, que mettre à mort Catilina fût le meilleur parti prendre, je n'aurais pas laissé ce vil gladiateur vivre une heure de plus. Car si autrefois de grands hommes, d'illustres citoyens, bien loin de ternir leur gloire, se sont honorés par le meurtre de Saturninus, des Gracques, de Flaccus et de plusieurs autres, certes je ne devais pas craindre que le supplice de l'assassin impie de ses concitoyens attirât sur ma tête le ressentiment de la postérité. Et quand je serais certain de ne pas l'éviter, j'ai toujours pensé qu'une disgrâce méritée par le courage est moins une flétrissure qu'une gloire." http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/catilina/ciceron/catilinaire1.html

Il est peu probable que Hoefnagel ait placé cette citation célèbre en raison de sa signification dans le contexte de la conjuration de Catilina. Il l'a plus volontiers choisie pour le sens qu'elle prend comme sentence isolée, conférant à la détermination face à l'adversité le statut d'une vertu.

Texte calligraphié par Bocksay.

 Le volume dit  "Schriftmusterbuch" ou "Livre de modèle de calligraphie" de 166 x 124 mm rassemble 127 folios sur vélin (dont 119 avec du texte),  qui ont d'abord reçu des textes calligraphiés par Georg Bocksay entre 1571 et 1573 pour l'empereur Maximilien II, puis qui ont été ornés à la gouache et aquarelle, or et argent par Joris Hoefnagel entre 1594 et 1598 pour l'empereur Rodolphe II. Chaque feuille est numérotée en haut à droite. Plusieurs  portentla signature et la datation par Bocskay et d'autres le monogramme et des datations par Hoefnagel , comme le folio 118 signé.opaque principalement avec l'argent et goudhogingen, parfois avec des traces d'un dessin à la plume d'argent comme pour le dessin. Hoefnagel également ajouté huit lames à qui toute sa main.

(Un autre Livre de modèle de même taille, le Mira calligraphiae, avait été  composé par Bocskay de 1561 à 1562 et décoré par Hoefnagel entre 1591 et 1596.)

Sur ce folio 20 se trouve le texte suivant :

Interrogavit Jesum unus ex Phariseis legis Doctor tentans eum. Magister quod est mandatum magnum in lege ? Magistrum vocat euius non vult esse discipulus Simplicissimus interrogator : et malignissimus insidiator : de magno mandato interrogat qui nec minimum observat. Ille enim debet et cet.

  Une recherche sur le net reconnaît partiellement le verset 22:35-36 de l'évangile selon Matthieu, mais la version de la Vulgate donne : et interrogavit eum unus ex eis legis doctor temptans eum 36 magister quod est mandatum magnum in lege La lecture Jesum unus ex Phariseis ne se trouve pas couramment et indique une source particulière.

La suite du texte est reconnue comme une citation de l'Homélie 42 de Jean Chrysostome . Jan Hus, théologien de Prague partisan de la Réforme, fait appel à cette citation dans l'un de ses sermons. Mais la version copiée par Bocksay ne permet pas d'étayer cette piste séduisante.

Pour trouver le texte exact, il faut ouvrir un Breviarum Romanum particulier : le Bréviaire du cardinal Quignon. La citation existe peut-être dans la première recension, mais le texte disponible en ligne, et qui la cite, est "The Second Recension of the Quignon's Breviary " édité par J.W. Legg en 1908 à Londres. Pour le 17ème Dimanche après la Pentecôte, le Bréviaire fait appel à l'Homélie selon saint Jean Chrysostome, Homelia Sancti Ioannis oris auri, et cite le texte que Bocksay a recopié (hormis Magistrum /Migistrum). L'édition que suit J.W. Legg est celle de Antoine Goin parue à Anvers en 1537, alors que cette seconde recension est parue en 1536. Mais la lecture Magistrum et non Migistrum indique que Bocksay a suivi une édition de 1538 (ou ult.), comme l'indique la note 7 de la page 221.

Jusqu'au  concile de Trente chaque diocèse avait ou pouvait avoir son propre Bréviaire. Dans un soucie de réforme et à la demande du pape Clément , l'espagnol franciscain Francisco Quiñones [ou Quignonez,  ou Quignon.], cardinal de Santa Croce in Gerusalemme a proposé une première recension du Bréviaire en 1535, suivi de la seconde en 1536 : approuvé par Clément VII et Paul III, et   principalement destiné à un usage privé, il a commencé à être utilisé dans de nombreuses maisons religieuses et plus de 100 éditions ont été imprimés entre 1536 et 1566 avant d'être aboli en 1568 par une Bulle de Pie V  et remplacé par le Breviarium Pianum. Néanmoins, il servit de forme le modèle pour la réforme encore plus approfondie faite en 1549 par l' Eglise d'Angleterre.

Dans ce Bréviaire,Quignon avait retranché le petit office de la Ste Vierge, les versets, répons et autres pièces de chant tardivement introduites, ainsi que les détails fabuleux ou hasardés des Vies de saints : ce bréviaire fut longtemps récité par les ecclésiastiques de France comme un véritable Bréviaire romain, malgré la critique qui en fut faite, en 1535, par la Faculté de théologie de Paris. Je note aussi dans mes lectures que Quiñones a toujours occupé une place de choix dans le Sacré Collège et a suivi de près le mouvement de la Réforme en Allemagne . Lorsque le pape Paul III a envisagé la réunion d'un Concile à Mantoue , il a envoyé (1536) le cardinal de la Sainte-Croix à l'empereur Ferdinand Ier , roi des Romains et de la Hongrie, pour promouvoir cette cause. 
On en déduit que Bocksay a suivi, en 1571-73, le Bréviaire Quignon dans une édition de 1538 ou postérieure, mais"interdit" depuis 1568.
Plus intéressant peut-être est le sens de ce texte : en effet, il montre le Christ confronté à l'hostilité des Pharisiens qui cherche à l'entraîner à la faute afin de le condamner. Les versets évangéliques sont ceux dits "du plus grand commandement" : "35 L'un d'entre eux, un enseignant de la Loi, voulut lui tendre un piège. Il lui demanda: 36 ---Maître, quel est, dans la Loi, le commandement le plus grand?"


On voit ainsi que Hoefnagel illustre le texte calligraphié en reprenant la gravure du Hibou de Dürer dans le sens d'une figure christique confronté à l'hostilité des Pharisiens. Mais, en se représentant lui-même en  Hibou Hermathena, il rend la lecture de l'image polysémique et énigmatique à la fois. On commence à bien s'amuser. Mais continuons la promenade.

 

 

 

 

 

 

 

Livre de Modèle, Vienne, folio 20, image copiée dans Emblematische Werke de T. Vignau-Willberg 1969

Livre de Modèle, Vienne, folio 20, image copiée dans Emblematische Werke de T. Vignau-Willberg 1969

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4. Grotesque inventaire n°1519.

 Le Département d'art graphique de l'Albertina de Vienne conserve une série de dix aquarelles sur papier brun préparé avec rehauts d'or de 17 x 13 cm environ (T. DaCosta Kaufmann 1985).

Cette peinture dépourvue d'inscription nous occupera moins, mais on y remarque non seulement le Hibou, mais aussi, malgré l'absence de  caducée, deux serpents affrontés enroulés autour de lances de tournois.

 

 

 

Hoefnagel, Grotesque, s.d. Albertina Vienne. Image copiée de l'Emblematische Werke de T. Vignau-Willberg.

Hoefnagel, Grotesque, s.d. Albertina Vienne. Image copiée de l'Emblematische Werke de T. Vignau-Willberg.

5. Allégorie de l'amitié envers Abraham Ortelius (1593).

Je consacre un article à cette Allégorie, qui date de 1593, mais elle reprend les motifs que nous venons d'étudier : Le Hibou ; le "caducée" autour d'un pinceau ; les branches d'olivier ; l'inscription Hermathena (dans le petit cartouche bleu central du bord inférieur) ; la formule G. Hoefnaglius D. genio duce ; les compas. Tout ce matériel est rassemblé pour ce qui s'avère, une nouvelle fois, être un autoportrait de l'artiste alors que son ami le cartographe Ortelius est présent par son livre (Theatrum orbis terrarum) et par le globe terrestre. 

 

https://rkd.nl/nl/explore/images/121325

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DISCUSSION.

Les cinq œuvres de Joris Hoefnagel comportant un Hibou et un caducée (ou équivalent) multiplient par leurs inscriptions, par leurs significations allégoriques, et par leurs références iconographiques, les possibilités d'interprétations, et les angles d'approches. Je dégagerai trois lignes de réflexion.

a) Hoefnagel, artiste jovial.

 . . La première réaction (et donc la bonne) face à ce hibou tenant son pinceau-caducée est l'amusement. Le détournement des sentencieux emblèmes et des attributs divins d'Hermès et d'Athéna en autoportrait d'un artiste-peintre relève autant de l'auto-dérision que du regard ironique porté sur la moraline des Emblemata. Le clou à tête large, doté des ailes d'Hermès comme un petit tutu et adopté en signature parlante du nom Hoef-Nagel relève aussi de l'esprit potache. La mise en scène de son propre enterrement en bordure du texte pieux de la Messe des défunts et de son Requiem  suppose une audace libertaire lorsque le Missel appartient à un Archiduc. De même, la formule genio duce retrouvé à deux reprises ici relève sans-doute de l'humour et se traduit par "sous la conduite de mon petit Génie". L'Amicitiae monumentum pour Ortelius associe son ami cartographe à ces jeux où se mêlent le rébus, l'énigme et l'allusion fine, mais autour du Hibou caducéophore, deux papillons prosternés ont remplacé les oiseaux hostiles et jaloux de Dürer.

  A cet humour des motifs répond la légèreté pétillante des formes, qui, inspirée par les Grotesques de la Maison Dorée, de Pompéi ou de ses collègues comme Clovio, dansent comme les pampres d'une vigne, tracent de larges sinuosités, multiplient les spirales d'un colimaçon  sans crainte du ridicule. L'artiste fait la fête, installe des guirlandes, des sabliers aux allures de lampions, accroche des pendeloques ou des perlouzes, de gros glands de passementerie. Comme quelqu'un l'a dit à propos de la musette, c'est "du champagne en intraveineuse", c'est viennois, c'est virtuose et rapide comme un violon tzigane, ou ample et délié comme la plume d'un calligraphe arabe. Hoefnagel a du engendrer Offenbach. Hoefnagel a du souffler à Niki de Saint Phalle les vers qu'on lui prête : "J’aime le rond. J’aime le rond, les courbes, l’ondulation, le monde est rond, le monde est un sein." 

 

b) Hoefnagel et la Patience stoïque face à l'adversité. 

L'une des premières œuvres d'Hoefnagel, faite à 27 ans, est un livre d'emblèmes de 24 dessins à la sanguine intitulées Traité de la Patience, Par Emblêmes Inventées et desinées par George Hoefnagel à Londres, L’an 1569. Il est conservé à la Bibliothèque Municipale de Rouen. Sur la page de titre est inscrit, en guise de devise, la formule NE SVTOR VLTRA CREPIDAM 1569. Selon Wikipédia, "D'après l'écrivain romain Pline l'Ancien (Histoire naturelle, 35-36), Apelle aurait dit : Sutor, ne supra crepidam (« Cordonnier, pas plus haut que la chaussure  ») ou Ne sutor ultra crepidam (« que le cordonnier ne juge pas au-delà de la chaussure ») à un cordonnier qui, après avoir critiqué dans un de ses tableaux une sandale, voulut juger du reste. Ce proverbe est à l'adresse de ceux qui veulent parler en connaisseurs de choses qui ne relèvent pas de leur compétence." On sait que le tableau (non conservé) le plus connu du peintre grec Apelle porte le titre de La Calomnie, et que Botticelli a peint La Calomnie d'Apelle en 1495 et Dürer en fit un dessin en 1521. 

En 1569, Hoefnagel était en Angleterre afin de s'éloigner d'Anvers, dont la situation politique et religieuse dans le cadre de la révolte contre la domination espagnole connaissait un regain de violence, notamment après la campagne iconoclaste des Protestants radicaux. Le jeune Hoefnagel, que ses parents destinaient au commerce, avait rejoint la communauté d'émigrés néerlandais, formée de marchands, d'artistes et de savants ; parmi ceux-ci, le négociant Johannes Radermacher, dont les sympathies avec la réforme étaient connues. Hoefnagel écrivit dans son Livre de l'Amitié un sonnet dont j'extrais ces deux vers : " Considérant le cours actuel de ces temps étonnants, la persévérance et la patience sont nécessaires de tous les côtés. Etant moi-même dans la même misère, j' ai pris cela aussi pour moi." Le titre du volume, Patientia, la devise d'Apelle, l'allusion indirecte à la Calomnie, et ces deux vers incitant à la Patience et la persévérance témoigne du fait que, dès sa jeunesse, face à une adversité qui le conduisit à l'exil, Hoefnagel adopta la philosophie néostoïcienne qui caractérisait les éléments modérés des éxilés néerlandais et prit le parti de subir les revers du sort patiemment, sans  désespérer des valeurs humanistes.

C'est dire que la figure du Christ confronté aux questions pièges des Pharisiens et, néanmoins, tendant la main au Docteur de la loi pour énoncer le plus grand Commandement, celui de l'Amour, et lui disant Fais ceci et tu vivras (Hoc fac et vives) pouvait le concerner. Ou qu'il pouvait s'émouvoir devant le Christ de douleur de Dürer, et devant le Hibou persécuté par les oiseaux, qui en était l'Allégorie. C'est dire aussi qu'il pouvait adhérer à l'espoir que la Sagesse, unie à l'Eloquence artistique, soit un instrument de pacification des esprits embrasés par les Guerres de Religion. C'est dire enfin que le vaste réseau de citations antiques ou de poètes latins chrétiens, d'emblèmes, de devises, d'épigrammes, que l'examen des cinq peintures au Hibou laisse deviner, derrière l'expression artistique claire et joyeuse d'Hoefnagel, une sagesse grave, armée de prudence, éprise de tolérance, et soucieuse de brassage des styles et des idées pour lutter contre le sectarisme de tout poil. Un état d'esprit qui l'amena à quitter la cour du duc de bavière Guillaume V et à se reconnaître dans "l'École de Prague" des artistes rudolfiniens de la trempe d'un Arcimboldo.

 

 

 

 

 

Joris Hoefnagel, page de titre de Patientia (1569), encre et aquarelle sur papier, copyright B.M. Rouen  , image scannée in Marissa Bass.

Joris Hoefnagel, page de titre de Patientia (1569), encre et aquarelle sur papier, copyright B.M. Rouen , image scannée in Marissa Bass.

c) Hoefnagel, amateur de poésie néolatine : humaniste ou religieux ?

Notre gai-luron se pique de poésie latine et place les vers de ses auteurs préférés comme une maîtresse de maison place des assiettes de petits fours dans son salon. On y déguste sur un cartouche Ovide, ou Venance Fortunat, ou Palingène, ou Fabricius qui pourtant ne lui ressemble guère. Ce dernier s'était donné comme règle d'expurger sa poésie sacrée de tout élément antique pré-chrétien. C'est bien le contraire pour Hoefnagel, qui, loin d'avoir ces scrupules, mêle en bon humaniste les deux cultures. Mais cette apparence est en partie trompeuse car J. Jacoby (2010) a montré que Hoefnagel a trouvé les citations de Fortunat dans un recueil de Fabricius. Je vais tenter de résumer son travail de détective :

d) Georg Fabricius, source scripturaire de Hoefnagel.

Georg Fabricius (ou Goldschmidt ; 1516-1571) était un poète, historien, et épigraphiste allemand protestant, surtout connu actuellement par son édition d'Horace (1555, 1571), ou par celle de  Terence (1548) et de Virgile (1551), ou encore pour son étude des inscriptions antiques romaines en 1549.  G. Fabricius fit ses études à Leipzig, il devint précepteur des frères Werthern et accompagna le plus âgé d'entre eux, Wolfgang, en Italie à partir de 1539 : ils séjournèrent d'abord à Padoue, puis à Ferrare, Bologne, Florence, Rome et Naples avant de revenir en Allemagne en 1543. Il publia en 1547 les différentes étapes de son voyage en Italie sous forme de lettres en vers, lettres datées de 1543-1544. Il publie aussi le résultat de son étude des antiquités de Rome en 1549, notamment une sélection d'inscriptions qui ont trait aux textes de loi ce qui constitue un moment important de l'histoire de l'épigraphie, mais aussi de la philologie juridique. Il devient en 1546 recteur du collège de St Afra à Meissen (Saxe), fonction qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1571. Protestant, Fabricius connut Sturm et Melanchton. Sa confession protestante lui valut de voir son édition d'Horace mise à l'index à Rome en 1557, puis l'ensemble de son œuvre en 1559. Ses deux livres d'Hymnes parus en 1553, et réédités en 1560 et 1567 sous le titre Poematum sacrorum libri XV ou libri XXV, et son anthologie de la poésie latine chrétienne, Poëtarum veterum ecclesiasticorum opera Christiana , achevée à Bâle en 1562, ne sont plus cités que dans ses biographies. Il était né à Chemnitz en Saxe, d'où la mention chemniensis qui accompagne son nom. Selon son biographe, "il blâmait furieusement les poètes chrétiens qui avaient recours aux divinités du Parnasse" (Grand Dictionnaire Historique, 1740), et on imagine ce qu'il devait penser de l'Hermathena.

Dans son anthologie des poètes latins chrétiens, Fabricius propose 29 auteurs dont il donne la liste page 2, et dont il précise les dates pour 21 d'entre eux. Il s'agit d' Alcimus, Ambroisus, Amoenus, Arator, Columbanus, Cyprianus, Damasus, Dracontius, Drepanius, Venantius Fortunatus, Hilarius, Hymnographorum, Juvencius, Lactancius, Mamertus [erreur , Merobaudis, Paulinus consularis, Paulinus episcopi, Nolanus,  Prosperus, Prudentius, Rusticus, Sedulius, Tertullianus, Victorinus Afrus, Victorinus Pictaviensis, Victoris Massiliensis,

Fortunat y est désigné comme Venantii Honorii clementiani Fortunat, episcopi Pictaviensis, "Venance Honoré Clément Fortunat, évêque de Poitiers," avec la date de 570. Les poèmes qui lui sont attribués sont De partu virginis, De Christi Iesu beneficiia, De vita hominum, et De certaminibus et miraculis piorum.

 

Or, J.Jacoby a montré que, dans deux gravures de Sadeler dont le corpus des inscriptions a été conçu par Hoefnagel, celle de l'Adoration des Mages d'après Hans von Aachen et celle du Repos lors de la Fuite en Egypte d'après Bartholomaeus Sprangler (toutes les deux au Musée des Arts de Veste Coburg), les auteurs des inscriptions sont signalés : respectivement Aurelius Prudentius et Damasus. Commment Hoefnagel a-t-il eu accès à ces auteurs ? Par leurs manuscrits ? C'est peu probable. Les vers de Damasus choisi par Hoefnagel (In rebus tantis trina) ne figuraient, selon Maximilien Ihm qui a donné l'édition de Damasus en 1895,  que sur un seul manuscrit aujourd'hui perdu. Mais, selon Ihm,  l'édition princeps des poèmes de cet auteur a été donnée par Fabricius, dans son Poetarum veterum ecclesiasticorum de 1564 page 771-774. Effectivement, nous trouvons le poème De nomine Iesu page 774 : c'est un acrostiche et un téléstiche sur les lettres IESUS. En fait, Fabricius avait copié ce poème sur une copie de manuscrit que son imprimeur, Jean Oporin de Bâle, lui avait fourni. Ayant ainsi démontré que Hoefnagel avait pu avoir accès facilement à ce poème de Damasus, il restait à vérifier que celui de Aurelius Prudentius (O Nomen, praedulce mihi)  s'y trouvait également : c'était bien-sûr le cas, page (ou colonne) 173 sous le titre Apotheosis ; contra iudaeos, Christi in carnem adventum non concedentes.

Nota bene : le poème De nomine Iesu est attribué par M. Ihm au Pseudo-Damasus : Voir Carmina pseudodamasiana.

J. Jacoby a ensuite montré que les inscriptions de 12 gravures de Sadeler intitulées Salus Generis Humanis et dont les bordures ont été conçues par Hoefnagel, proviennent de citations des poèmes écrits soit par Fabricius en 1560 et 1567, soit par les auteurs que ce dernier a publié dans ses Poetarum veterum de 1564 : Prudentius, Tertullianus (Pseudo-Tertullien), Paulinus Nolanus (Paul de Nole)

J. Jacoby a retrouvé d'autres utilisations antérieures des publications de Fabricius par Hoefnagel, et en signale quelques exemples :

  •  La gravure Adoration des Bergers par Hans von Aachen (1558), citation Discite pauperiem...peregrina locum =  Fabricius 1560,p. 351.
  • Missale Romanum I, folio 310v, Crucifixion, citation Aspice caelorum dominum ...ad astram viam = Fabricius 1560 p. 537
  • Missale Romanum II, folio 318v : Evasit heros...benigno munere = Fabricius,1567,p.228 et De nostra victor...cecidit de Paulus de Nola, Fabricius 1564 col.821 

 

 

ANNEXE :

 

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Selon Bradley, en 1578*, Hoefnagel rendit visite à Rome à l'enlumineur Giulio Clovio  (1478-1578), membre de la Maison du cardinal Alexandre Farnèse depuis 1530 et alors âgé de 80 ans. Il fut si séduit par le "Michel-Ange de l'enluminure" qu'il décida d'adopter son style. *Mais Clovio est décédé en janvier 1578.

Traduction libre du passage que Bradley consacre en 1891 au Missale Romanum :

https://archive.org/stream/cu31924008727020#page/n155/mode/2up

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"Il est, cependant, un contemporain de Giulio Clovio dont on peut dire qu'il a possédé toute la patience et la minutie ou  l'élaboration soignée du détail nécessaires pour faire de l'ombre à Clovio lui-même. Mais malheureusement, l'artiste en question est trop savant, trop plein de vanités pédantes d'être un peintre qui le dépasse. Il s'agit d'Hoefnagel. À la fois son nom et son  travail principal ont déjà été mentionnés plus tôt dans ce chapitre, et peut-être suffisamment  pour montrer son caractère en tant qu'artiste. L'histoire de sa vie est pleine d'intérêt et montre qu'il a été un homme tout à fait digne de l'amitié de ceux qui l'employait, qu'ils soient archiducs ou empereurs.

 " Son Missel, aussi, vaut un examen attentif et admiratif. Il s'agit d'un volume de taille extraordinaire. Son échelle peut être imaginée par le fait que le texte est copié pour une grande part de celui publié par Christophe Plantin à Anvers en 1570. Cette adoption du texte de Plantin était sans aucun doute un compliment à la fois à l'artiste et à l'imprimeur; car jusqu'à 1568 seul l'imprimeur du pape, Paolo Aldo Manuce, de Rome, avait le droit exclusif de publier le bréviaire et le missel autorisés par le Concile de Trente. Cette année là, Plantin avait passé un contrat avec lui par laquelle il s'engageait à lui céder le dixième des exemplaires de tous les bréviaires, etc., qu'il imprimait  afin de profiter aux Pays-Bas du privilège dont jouissent les Manuzio en Italie. Mais en 1570, Philippe II chargea Plantin de l'impression des livres liturgiques pour l'Espagne, et donc le libéra de l'obligation de verser la taxe  due à Manuzio. Philippe II avait déjà dépensé 21 200 florins pour les énormes dépenses de la grande Bible Polyglotte édité par Arias Montanus, et sur lequel ce savant travaillait de 1568 à 1572. Et ainsi  la commande pour ce Missel de 1570 jeta les bases de la prospérité future de la famille  Plantin-Moretus. Après 1572, des missels, des bréviaires, des calendriers, des psautiers, des Antiphonaires et des Offices de la Vierge, sous toutes leurs formes, sortirent par centaines de la célèbre imprimerie d'Anvers. Le texte de ce manuscrit de Vienne est par comparaison relativement pauvre. Il est composé de caractères latins gras, qui n'ont jamais moins d'un quart de pouce de hauteur, et chaque page est plus ou moins richement embellie avec des dessins de figures humaines, des animaux, des scènes de l'Écriture, et de volutes déroulées en ornementations complexes, le tout complété par la plus  microscopique précision.

   " Le lourd volume mesure 16 pouces par 11 [40 cm x 28 cm] , et est épais d'au moins 7 pouces [18 cm]. Le premier mot du titre est écrit en grosses lettres rouges rehaussées dor; la ligne suivante, un peu plus petite, est bleue. Vienne ensuite trois lignes en minuscules romaines d'environ un quart de pouce [0,6 cm] de couleur d'or et rouge. Les couleurs alternent à la fin, le dernier mot étant en capitales rouges. Il est écrit ceci: "Missale Romanum ex decreto sacrosancti Concilii Tridentini resti tutum Pii V. Pont. Max. Iussu editimi. Cum privilegio Oenoponti " . Les ornements se composent de volutes d'un genre mixte, avec quelques suggestions d'ordre architectural. Dans un cadre d'or en haut sont les mots "Patris Potentia." Le début de la Préface est entouré par des bordures très fantaisistes mais peu artistiques, exécutées un peu à la manière d'un amateur. L'ensemble de la conception, en effet, est dépourvue de toute idée d'unité.

 " Le motif est principalement pompéien, librement mêlé de Vanités modernes et tout son attirail, comme des filets de pêche et des lignes auxquelles des  poissons sont suspendus, poissons peints évidemment d'après le vivant; des agneaux gambadent sur de périlleuses corniches pompéiennes, et des bourses d'argent, ou des besaces de chasses, ornent les trophées merveilleuses dont les bordures sont composées. En haut est la tiare papale  dans une couronne de laurier, très finement dessinée et soigneusement finie. La tiare est admirablement exécutée, mais la coloration de la conception est, dans l'ensemble, timide et insatisfaisante. Des clefs et autres insignes traînent au milieu de feuilles de vigne, de branches de palmiers, des flûtes de Pan  et autres emblèmes de la Rome papale et païenne, avec un sublime mépris de toute congruence et avec un sens très libéral de la fonction de l'ornement symbolique. En avançant dans le liivre page après page, nous voyons que Hoefnagel améliore considérablement, tant en goût et habileté, mais nous sommes obligés de dire que son sens du dessin ornemental ou sa puissance en tant que coloriste n' atteint jamais ceux de Clovio.

   "Les décors sont souvent très jolis et de finition extrêmement délicate, mais ils sont si complètement incongrus que toute sympathie est souvent rendue impossible. Dans l'ensemble, peut-être, les ornements peuvent être décrits au mieux sur la base du style Pompéien, mais composés de toutes sortes d'objets appartenant à la vie moderne, des tasses, plats de service, livres, lampes, encensoirs, instruments de musique, bannières, de fumée ou de l'encens, des armes, des branches de laurier, des bijoux, des bouquets de légumes et plats de viandes, ou des groupes d'oiseaux et du gibier, des fusils, des pièges, bref tous les instruments ou objets concevables que la vie dans un château alpin au XVIe siècle pourraient présenter à l'acceptation infatigable et sans esprit critique de l'artiste complaisant. Le  goût enfantin d'Hoefnagel  pour peindre des objets familiers est pleinement encouragé. Ainsi le travail se développe et s'améliore à chaque étape. Les fruits sont délicieusement finis, et chaque objet délicat est finement et parfaitement exécuté. Les Ovales sont faits précisément dans la ligne et le contour, et sont lisses et soigné dans chaque touche. Les Lettrines et les encres sont bonnes, claires et magistrales. Avec les Rubriques apparaissent  des groupes d'insectes et d'animaux, qui sont de vrais études d'histoire naturelle. Avec  le calendrier, on trouve des pendentifs et des festons de diverses légumes de saison, mélangés avec des outils culinaires. Dans un endroit est une volaille prête à être rôtie, et un tas d'oignons  vraiment beaux attachés avec un nœud de soie violette. Le rose et le vert des oignons, pâle et tendre, sont suivis par la coloration plus brillante d'un bijou étincelant. Puis vient un douillet chat domestique  nous présentant son dos, mais en regardant au dessus de son épaule; puis des jouets , et, d'une exécution étonnamment polie, un gril en acier brillant avec sa  poignée dorée. La  bordure suivante a un plateau de backgammon, un collier de perles, un violon, et un singe dansant dans le costume de Polichinelle.

 "La qualité maîtresse de Hoefnagel est la propreté (neatness), mais son plus grand don est dans le symbolisme. De temps en temps ses connaissances classiques apparaissent dans les couplets latins ou dans la tournure d'une allégorie. Parmi d'autres objets décorant le calendrier de Mars se trouve un paon splendide, détaillé avec une adresse merveilleuse. En effet, dans ce travail  Hoefnagel forme un contraste parfait avec Mielich  - ce dernier étant aussi rapide et sommaire que le premier est scrupuleux et minutieux. Il est vrai que sa qualité primaire est l'aspect soigné. Mais au fur à mesure de l'avancement des travaux, la palette des couleurs devient plus douce et plus riche. Autour du titre du Proprium de Tempore sont peints de gros insectes et divers fruits. La première miniature orne le Dimanche de l'Avent, dans un ovale dans un cadre allongé noir.  Ici, les draperies sont faibles, mais la coloration assez bonne et les conseils acquis lors de la visite chez Clovio, sont sensiblement mis en pratique dans l'usage du pointillé pour le rendu des profondeurs et des  ombres.

"Le fol. 213 est celui du "Lion de la tribu de Juda," où deux figures - un homme et une femme - sont très doucement peints. Sur le  Fol. 329 se présente une des plus belles pages du volume. l'artiste a formé un pendentif formé d'une croix et camées pierreries, gris violet dans des cadres noirs et or. De chaque côté est un paon, dont l'un debout sur un château, des fenêtres duquel sort de la fumée. Une bannière qui flotte au-dessus porte le mot «vanitas». L'autre, où est une belle femme avec un carquois contenant des fruits, porte l'inscription «vanitas». Elle émerge à mi-taille, d'une coquille peinte pour représenter le monde. Les ailes de paon sont curieusement ocellées à l'extrémité. Toutes sortes de symboles de la vanité, - des masques, des bijoux, des colliers, des bulles, perles, - se déversent hors des deux mondes.

"Le Folio 538 v est occupé par une grande miniature de la Crucifixion, en dessous de laquelle est cette inscription:.. "Aspice coelorum Dominum et crucis aspice formam Et die jam meus est hic homo et ille deus. Crimina persolvit patiens mea fecit et alta. Verus homo atque Deus, rursus ad astra viam " Des textes de l'Écriture sur des tables ovales avec motifs noirs et des cadres dorés, sont placés de chaque côté de la miniature, comme «Foderunt manus meas, et pedes meos " (Ps. XXI.). Au dessus de l'image un cartouche bleu porte les mots "Sic Deus dilexit mundum." L'image elle-même semble avoir été inspirée par Clovio. Elle n' est pas seulement conçue dans son style, mais est exécutée dans sa manière. Dans son expression, elle lui est même supérieure. Un ange recueille le sang du flanc du Sauveur dans une coupe d'or ;  un autre prie. Un ange flottant dans l'air, de chaque côté, réconforte la victime. Saint Jean soutient la Vierge en pâmoison, tandis que Marie-Madeleine derrière, avec la main droite sur sa poitrine, enserre la croix avec la gauche. Des draperies sont finement pointillées, et, ici,  le drapé est satisfaisant.

  " Pour la «Missa contre paganos," fol. 136 v., se trouvent à gauche une fine statuette de marbre d'Apollon avec sa lyre , et à droite une autre de Diane avec son arc,  parfaite, impeccable et gracieuse. Dans l'élaboration intellectuelle (in the mental gifts)  Hoefnagel est supérieur à Clovio; dans l'utilisation de bon goût de l'architecture, il lui est inférieur, et inférieur à Mielich dans la conception, mais comme je l'ai dit, il le dépasse dans l'exécution minutieuse. Parfois, un grotesque, ou la sensualité de la conception fait objet d'une réaction de répulsion, comme dans le symbole de Sainte-Agathe, où l'exécution soignée et le réalisme horrible de les seins et le couteau trahissent le Néerlandais. Donc, dans la sainte Agnès - la pureté raffinée de la  jeune fille à la sainteté idéale est injuriée aux yeux du spectateur par le réalisme brute et délibéré  de la représentation.

  "Le fol. 27 de la quatrième partie représente un agneau immolé. Au pied, en assez petites lettres capitales ornementales : "Georgius Hoefnaglius Antwerpien. Libri huius exomat principio sine principio Hieroglyphicus, favet opus inceptii. Inventor et facteur. Ann. XXCII fine sine fine . Genio magistro iuvant. Felic. De absolvit. Ann. XC." Comme la plupart des inscriptions de Hoefnagel, il contient une certaine quantité de énigme. Sur le front de la dalle est un couplet, apparemment de sa propre composition: "Ex nostris aliquid spirat vocale sepulchris, Praestita perpetuo quod benefacta canat."

"La date de 1590 se trouve un  plus loin dans le volume, montrant que le travail, qui est progressivement daté à plusieurs autres endroits, a vraiment occupé les huit années de 1582 à 1590. Il constitue maintenant l'un des nombreux trésors précieux de la Bibliothèque impériale à Vienne. Alors qu'il l'achevait, outre le salaire annuel de huit cents florins, l'archiduc lui donna deux mille écus d'or, et lui a remis une chaîne d'or qui en vaut une centaine d'autres. Jamais sans-doute Clovio n'a reçu ces marques essentielles de satisfaction de quelque Farnèse que ce soit.

   "Hoefnagel a ensuite été employé par l'Empereur Rodolphe II, qui, comme lui, était un passionné d'histoire naturelle, et peu d' occupations pourraient être imaginées plus satisfaisantes que celle là pour un artiste chez qui l'observation quasi technique du réel était devenue une seconde nature. a mission était de rassembler systématiquement un ensemble de dessins de toutes sortes d'animaux, d' oiseaux, d'insectes, etc, dans chaque catégorie d'histoire naturelle. Cela a été accompli en quatre gros volumes, qui sont maintenant conservés dans la bibliothèque publique au Prague. La rémunération très libérale reçue par Hoefnagel pour ce travail lui a permis d'acheter une propriété dans ou près de Vienne, dans laquelle il prit sa retraite, et où il apparaît avoir passé le reste de sa vie à se consacrer à l'étude de la poésie latine. Il est mort en 1600. Comme rival de Clovio on ne peut guère lui attribuer plus qu'une position momentanée. Il est trop fantaisiste, trop plein de vanités allégoriques, trop soucieux de la signification spirituelle de ses créations. Sa connaissance imparfaite de l'architecture classique est gâchée par des importations dans le pire mauvais goût de la Renaissance. Ses volutes sont souvent moins supportables que les structures impossibles de grotesque pompéien, et les dessins de troisième ordre de modélisateurs du Cinquecento. Mais, autant que cela puisse être possible, tout est racheté par le trait patient, fidèle, et parfait du crayon, et par la délicatesse tendre et la pureté scrupuleuse de sa coloris. Il ne est pas toujours doux, mais il ne est jamais négligé. Hoefnagel peut très bien être considéré pour ses propres mérites sans avoir à le placer été en rivalité inutile et infructueuse avec tout autre miniaturiste."

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SOURCE ET LIENS.

-Site RKD : 

  • https://rkd.nl/nl/explore/images/121627
  • https://rkd.nl/nl/explore/images/121344
  • http://www.rdklabor.de/wiki/Eule

- article sur Mira calligraphiae http://www.strangescience.net/bockhoef.htm

— ANDRATSCHKE (Claudia) 2011  Vom Lukasbild zur Pictura-Allegorie Bd. II. (Anhang): Die Ikonografie und Theorie der Malerei in der niederländischen Kunst der frühen Neuzeit . From St. Luke to allegories of Pictura. The iconography and theory of painting in the Netherlandish art of the early modern period.  Sudwestdeutscher Verlag Fur Hochschulschriften AG (23 mars 2011) Voir Abstract.

 file:///C:/Users/Utilisateur/Downloads/andratschke%20Vom%20Lukasbild%20zur%20PicturaAllegorie%202011.pdf

— BOLLORÉ Marie , 2011, Le néo-stoïcisme : lecture du De Constantia de Juste Lipse et du Traité de la constance et consolation ès calamitez publiques de Guillaume Du Vair. Master de Littérature française « de la Renaissance aux Lumières »

http://www.lurens.ens.fr/IMG/pdf/Le_neo-stoicisme_-_lecture_du_De_Constantia_de_Juste_Lipse--.pdf 

 BRADLEY ( John William), 1891 The Life and Works of Giorgio Giulio Miniaturist. 1891. page 120-121. https://archive.org/stream/lifeandworksgio00bradgoog#page/n166/mode/2up

CHMELARZ (Eduard) 1896  Georg und Jakob Hoefnagel Adolf Holzhausen, 16 pages Éditeur :Wien : Tempsky, 1896.Collection :Jahrbuch der kunsthistorischen Sammlungen des allerhöchsten Kaiserhauses, Vol. 17, (4)

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